Assurance-chômage : une nouvelle échelle de sanctions annoncée
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L’équipe de la ministre du travail a présenté aux syndicats les changements des procédures d’accompagnement des personnes sans emploi.
Lors d’une réunion avec les huit organisations syndicales et patronales représentatives, le directeur de cabinet de la ministre du travail a présenté, lundi 19 mars, les principaux points de la réforme de l’assurance-chômage.
Une nouvelle échelle de sanctions. Selon plusieurs sources syndicales, une nouvelle échelle de sanctions contre les demandeurs d’emploi qui ne respectent pas leurs obligations, allant jusqu’à quatre mois de suppression d’allocations, est prévue. Certaines ont disparu – comme celles pour refus d’une formation –, d’autres ont été allégées – quinze jours au lieu de deux mois en cas d’absence à un entretien.
Pour les autres manquements, comme le fait de ne pas chercher activement un emploi ou de refuser une « offre raisonnable d’emploi », les sanctions seront plus échelonnées : allocations suspendues pendant un mois au premier manquement, pendant deux mois au deuxième manquement et pendant quatre mois au troisième manquement. Par ailleurs, au deuxième et troisième manquement, l’allocataire se verra aussi définitivement amputé d’une partie de ses droits.
Il s’agit d’un « renforcement » de l’échelle des sanctions, ont réagi Michel Beaugas (FO) et Yvan Ricordeau (CFDT). Quant à Denis Gravouil (CGT), il a déploré un « blanc-seing donné à Pôle emploi pour accélérer les radiations ». Au contraire, Eric Courpotin (CFTC) et Jean-François Foucard (CFE-CGC) ont, eux, mis l’accent sur le fait que certaines sanctions étaient allégées ou supprimées.
Le transfert des pouvoirs de répression du préfet. Confirmant les informations du Monde, il ressort de la réunion avec les services de Mme Pénicaud que Pôle emploi pourra décider lui-même une suppression de droits, alors que c’était jusque-là de la compétence du préfet.
L’« offre raisonnable d’emploi » revue. Concernant l’« offre raisonnable d’emploi », qui est aujourd’hui très précisément définie dans le code du travail, elle sera plus souple à l’avenir, selon les sources syndicales. Plus aucune règle ne serait définie dans le code du travail et l’offre « raisonnable » serait déterminée en concertation entre le demandeur d’emploi et son conseiller, ont-elles déclaré.
Objectif fixé par Muriel Pénicaud : rendre « pleinement applicable » une loi, adoptée en 2008, mais qui n’avait quasiment pas été suivie d’effets (77 chômeurs radiés en 2013 pour ce motif, soit 0,01 % des 544 000 radiations totales).
La CGT a dénoncé une « logique de coercition », qui contraindra les chômeurs à « accepter des boulots dégradés ». La CFDT a estimé « qu’entre accompagnement et contrôle l’accent est quand même mis sur le contrôle ».
Un carnet de bord expérimenté. Le ministère du travail prévoit qu’à partir de mi-2019 Pôle emploi expérimentera pendant un an dans deux régions, déterminées dans un deuxième temps, un « carnet de bord » numérique, où les demandeurs d’emploi devront renseigner tous les mois leurs actes de recherche d’emploi.
Aujourd’hui, les inscrits à Pôle emploi doivent actualiser leur situation tous les mois, en déclarant qu’ils cherchent toujours un travail mais n’ont pas d’obligation de détailler leur recherche d’emploi.
Cadrage financier de l’Unédic en amont. Enfin, concernant la gouvernance de l’assurance-chômage, les partenaires sociaux continueront d’en définir les règles mais dans un cadre plus contraint, selon les sources syndicales. Le gouvernement leur enverra en amont des négociations une « lettre de cadrage », notamment financier.
Assurance-chômage : les modalités du contrôle se précisent
A l’avenir, les manquements à une première convocation à Pôle emploi seront moins sanctionnés que la recherche peu active d’un travail. LE MONDE | 16.03.2018, Sarah Belouezzane et Bertrand Bissuel
Muriel Pénicaud n’a pas tout dit sur la réforme de l’assurance-chômage. Lorsqu’elle s’est exprimée à ce sujet, le 2 mars, la ministre du travail n’a dévoilé ses intentions que dans trois domaines : l’indemnisation des travailleurs indépendants, celle des salariés démissionnaires et la lutte contre la précarité. Avec des arbitrages qui reprennent l’accord national interprofessionnel (ANI), finalisé le 22 février par les partenaires sociaux. Mais l’inconnue restait entière sur deux autres chapitres, que les organisations patronales et syndicales n’avaient pas véritablement traités dans leur ANI : le contrôle des demandeurs d’emploi et la gouvernance de l’Unédic – l’association paritaire qui gère le régime. On y voit désormais un tout petit peu plus clair sur ces deux volets.
S’agissant des procédures qui visent à accompagner le chômeur et à vérifier qu’il cherche bien un poste, le projet de l’exécutif est clair : « Nous voulons rendre plus rationnel et plus cohérent le tableau des sanctions applicables, explique-t-on à Matignon. A l’heure actuelle, une personne qui ne donne pas suite à une convocation de son conseiller emploi est plus sévèrement sanctionnée que si elle fait peu ou aucun effort pour trouver du travail. Cette logique-là sera inversée. »
En clair, la « punition » sera moins lourde pour un premier rendez-vous manqué : la personne concernée serait, selon nos informations, radiée des listes durant deux semaines (contre deux mois aujourd’hui). A l’inverse, celui qui traîne des pieds, sans raison valable, pour reprendre une activité verrait son nom disparaître des listings de Pôle emploi pendant plus longtemps (deux mois alors que c’est généralement deux semaines, à l’heure actuelle, quand il s’agit du premier manquement). En cas de récidive, les « coups de bâton » seraient de plus en plus vigoureux.
Règles inutiles
Autre changement de taille : le transfert des pouvoirs de répression du préfet. Aujourd’hui, celui-ci peut supprimer ou réduire l’allocation-chômage dans plusieurs cas de figure : par exemple si le chômeur n’accomplit aucun « acte positif et répété en vue de retrouver » un travail ou s’il repousse à deux reprises, « sans motif légitime (…), une offre raisonnable d’emploi » (ORE). Mais l’expérience montre que ce dispositif est resté quasiment lettre morte. Les prérogatives des services de l’Etat devraient être confiées à Pôle emploi.
Une innovation supplémentaire est à l’ordre du jour : demander aux chômeurs de remplir une sorte de carnet de bord qui recenserait leurs démarches afin de décrocher un contrat. L’objectif affiché est d’améliorer l’accompagnement et d’éviter que les intéressés ne se découragent.
Au passage, l’exécutif envisage de nettoyer les textes en supprimant des règles jugées inutiles, car inappliquées ou inapplicables. Plusieurs motifs de radiation, actuellement prévus dans le code du travail, devraient ainsi disparaître : par exemple quand le chômeur refuse de suivre une formation ou une proposition de contrat aidé. De même, la définition de l’ORE pourrait être modifiée : celle-ci repose sur plusieurs « éléments constitutifs » (tels que le niveau de rémunération ou la distance à parcourir entre le domicile et le lieu de travail), qui sont susceptibles d’être révisés au bout de trois, six ou douze mois ; à l’avenir, ces paramètres seront conservés, mais ils ne devraient plus s’appliquer de façon aussi mécanique.
Une confirmation : les agents de Pôle emploi, qui s’assurent que le chômeur recherche bien un poste, seront plus nombreux, comme l’avait annoncé Emmanuel Macron dans son programme. De deux cents, leurs effectifs devraient passer à six cents, puis atteindre le millier, à terme.
Au niveau du pilotage de l’Unédic, le gouvernement a aussi une vision claire de ce qu’il conviendrait de faire. En début de campagne électorale, M. Macron avait émis de gros doutes sur la capacité des partenaires sociaux à prendre les mesures qui s’imposent pour résorber la dette de l’Unédic (estimée à 33,6 milliards d’euros fin 2017). Il avait alors menacé de nationaliser le régime, évinçant au passage le patronat et les syndicats – ou les reléguant au statut de pot de fleurs dans le conseil d’administration. C’est finalement une option bien plus « douce » qui devrait être retenue. « L’une des pistes à l’étude consisterait à instaurer un système assez proche de celui qui prévaut pour le régime des intermittents du spectacle, avec un cadrage financier en amont : si les partenaires sociaux s’en écartent, alors l’Etat reprend la main », précise-t-on à Matignon.
« Pis-aller »
Dans ce schéma, les organisations d’employeurs et de salariés ne se borneraient pas à apposer leur paraphe sur un document prérédigé : ils auraient « tout de même de la marge [de manœuvre] », affirme une source au sein de l’exécutif. Et pourraient continuer à peser sur le cours des choses – à condition que leurs décisions soient en phase avec les objectifs financiers tracés par le gouvernement.
« C’est un pis-aller, estime un haut gradé d’une centrale syndicale. Je préfère ça à une présence accrue de l’Etat. » Véronique Descacq, numéro deux de la CFDT, s’interroge, de son côté : « Si on est de bonne humeur, on peut y voir de la latitude laissée aux partenaires sociaux. Si on est de mauvaise humeur, on peut considérer que le cadrage ne va sûrement pas nous laisser faire grand-chose. » Selon elle, « tout dépendra du détail du cadrage, et ensuite de la pratique » : « Si on nous baisse, par exemple, drastiquement le budget et qu’on nous dit de négocier dans ce cadre, et donc de baisser les prestations, on sera prêts à rendre les clés du camion nous-mêmes. »
Pour réduire le recours aux contrats courts, le projet de Mme Pénicaud reste inchangé par rapport à ce qu’elle a précisé, le 2 mars : les branches devront négocier et, si elles n’adoptent aucune disposition satisfaisante, un bonus-malus entrera en vigueur pour majorer les cotisations des employeurs qui abusent des CDD et diminuer celles qui pèsent sur les patrons vertueux. Se pose toutefois une difficulté : qu’adviendra-t-il si certaines branches jouent le jeu et d’autres non ? Il n’y a pas de solution de moyen terme : au nom du principe d’égalité, « le bonus-malus concerne tout le monde ou personne », admet un conseiller.
Pour aborder tous ces points délicats, la ministre du travail organise, lundi 19 mars, une rencontre multilatérale avec les huit organisations syndicales et patronales représentatives. Les débats promettent d’être animés.
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