• Le big data face à ses premiers accidents industriels
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    Passante tuée par une voiture autonome Uber, fuite massive de données d’utilisateurs de Facebook… Deux accidents industriels qui arrivent à point nommé pour infléchir le destin d’une technologie, explique Philippe Escande, éditorialiste au « Monde ». Le numérique compte ses victimes. Cette semaine, une voiture autonome Uber a causé la mort d’une passante aux Etats-Unis, tandis que l’on apprend qu’une entreprise britannique a siphonné à des fins politiques les données personnelles d’une cinquantaine de (...)

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    • Le numérique compte ses victimes. Cette semaine, une voiture autonome Uber a causé la mort d’une passante aux Etats-Unis, tandis que l’on apprend qu’une entreprise britannique a siphonné à des fins politiques les données personnelles d’une cinquantaine de millions de citoyens américains.

      Bien sûr, la marche du progrès, comme celle de l’histoire, s’accompagne toujours de martyrs. Et repose à chaque fois la question de son utilité. Le 8 mai 1842, le tout jeune train Paris-Versailles déraille à Meudon. On dénombre plus d’une centaine de victimes, dont l’explorateur Dumont d’Urville. La presse s’enflamme contre le train et Alfred de Vigny évoque « le sacrifice horrible fait à l’industrie ». La sécurité a été renforcée et le train a repris sa route à toute vapeur.

      Un modèle remis en cause

      Parfois pourtant, les accidents industriels arrivent à point nommé pour infléchir le destin d’une technologie. La catastrophe de Fukushima a provoqué un reflux mondial du nucléaire civil dans le monde entier, tandis que le scandale du dieselgate a sonné le glas, à terme, de la propulsion diesel dans les automobiles. Dans ces deux exemples, la défiance s’était installée, que ce soit pour des raisons économiques ou d’acceptation sociétale.

      Le cas d’Uber relève plus de l’exemple ferroviaire. L’essor de la voiture autonome semble suivre les rails du progrès, comme le train au XIXe siècle, quelles qu’en soient les conséquences à brève échéance.

      L’histoire de Facebook est différente car elle interroge à la fois une pratique et un modèle économique dont les fondements pourraient bien être remis en cause. Tout d’abord parce qu’elle concerne une industrie de réseau, ce qui potentiellement lui donne un pouvoir dévastateur.

      Un chercheur britannique obtient le consentement de 270 000 utilisateurs Facebook pour passer un test psychologique. Ce faisant, il aspire en même temps les données sur les « amis » de ces cobayes volontaires. Comme chaque usager possède en moyenne environ 200 amis sur Facebook, il se retrouve à la tête des données concernant près de 50 millions d’Américains. Informations qu’il a ensuite cédées à une entreprise « amie », qui les a utilisées à des fins politiques.

      Question de confiance

      Aucun piratage dans l’affaire : jusqu’en 2014 les conditions d’utilisation du réseau social stipulaient que l’accord d’un usager permettait d’accéder également aux données de ses amis sans avoir l’accord de ces derniers.

      Facebook a modifié ses règles et a demandé la destruction des données, ce qui n’a pas été fait. Le problème est que le modèle même d’un réseau social gratuit repose sur l’exploitation commerciale des données personnelles de ses membres. Il ne peut prendre de mesures draconiennes sans altérer la source de ses revenus.

      De plus, son existence repose sur la confiance. Lorsque celle-ci est brisée, le consommateur se fait vite volage et méfiant, comme on l’a vu dans le cas du diesel. L’étau se resserre, notamment en Europe, autour des usages débridés du « big data » et Facebook est en première ligne.