• « 300 prêtres pédophiles auraient fait près de 1000 victimes aux Etats-Unis | « Singulier masculin
    https://singuliermasculin.wordpress.com/2018/08/15/300-pretres-pedophiles-auraient-fait-pres-de-1000-victi

    C’est un titre de ce 14 aout 2018. Il faut lire l’article pour comprendre que cette information concerne la seule Pennsylvanie.

    Mais réfléchissons deux minutes, avec Wikipédia. La Pennsylvanie est un état très peuplé pour les USA, mais qui ne réunit que 12.700.000 habitants en 2013. C’est un état très industrialisé et frappé par la crise : sa population a dû s’accroître encore mais pas de beaucoup, on va tabler sur 14.000.000.

    Et cet État comprend 25 % de Catholiques, soit 3.500.000 habitants. Soit le territoire d’une région française ou belge. 300 prêtres, c’est sans doute à peu près un prêtre par canton français, un prêtre par commune wallonne (en Belgique). Bien sûr, c’est un calcul « à la grosse cuiller ».

    Si on voulait extrapoler ces chiffres d’un État à la totalité des USA, s, la proportion de catholiques étant comparable dans les USA, il faudrait multiplier les nombres par 20 ou 25 et titrer : 6.000 prêtres pédophiles et 20.000 enfants victimes.

    (Il faut souligner que les faits de ce genre ne sont apparus qu’au compte-goutte en France ; et qu’ils ont été plus étudiés en Belgique (commission parlementaire d’enquête ou d’un statut proche de cela), mais n’ont débouché que sur des mesures limitées d’écoute et de dédommagement… collectif).

    On nous dit que la quasi totalité des crimes pédophiles commis est prescrite (seuls deux prêtres sont poursuivis pour des faits commis en 2010). Ils ont profité d’une large protection de leur hiérarchie. Mais le rapport d’enquête conclut seulement à des renforcements de la loi, pour réduire la prescription et les arrangements visant à acheter le silence.

    Au fond, on se trouve devant une culture du silence, de l’Omerta et de l’impunité sur des violences masculines, qui est comparable à la culture du viol. Ce viol des enfants par des éducateurs devrait spécialement nous révulser. Mais la protection de la sacro-sainte institution religieuse a été assurée par les institutions et par les médias aux mains des hommes. Si j’écoute ce qui se raconte ici aux villages, ce sont les familles qui ont pris des mesures de protection individuelle, en avertissant les enfants, en les retirant d’un organisme scolaire ou de « catéchisme ».

    Et le titre généraliste de l’article (dépêche reprise par touts les journaux) fait partie de cette banalisation. Ainsi que l’absence d’interrogation journalistique. A la limite, c’est parce que l’Église Catholique est minoritaire aux USA que les procédures d’enquête y reçoivent plus de retentissement.

    Il est frappant qu’aucun État n’ait envisagé une mesure de répression collective. Si cette organisation était considérée une secte, tous ses dirigeants seraient en prison et lourdement condamnés. On n’accepterait pas leurs protestations d’ignorance des faits. Ici, c’est le contraire. On a fait confiance à des enquêtes « internes » des tribunaux ecclésiastiques et les hiérarchies et les institutions ont évidemment été protégées. La collusion entre tribunaux du Roy et tribunaux ecclésiastiques étaient l’habitude au Moyen-Age (la femme déviante était convaincue de sorcellerie par les ecclésiastiques puis condamnée et exécutée par les forces publiques). Le respect de l’Église passe encore avant celui des femmes et des enfants.

    #viol #catholicisme #culture_du_viol #pédoviol #fraternité

  • Il y a même (presque) deux guides du féminisme pour les hommes… | Singulier masculin
    https://singuliermasculin.wordpress.com/2018/06/18/il-y-a-meme-presque-deux-guides-du-feminisme-pour-les-h

    Le premier est retiré de la vente

    Il y a quelques semaines, j’annonçais qu’il y a un « Petit Guide du #féminisme pour les hommes« , de Jérémy Patinier. Patatras, il est retiré de la vente. Pour #plagiat. Que s’est-il passé ? Je me doutais bien qu’il y avait quelques « récupérations » de textes trouvés ailleurs, dans le texte de Patinier, et qu’il manquait de certaines références. Je ne m’en étais pas formalisé car l’ensemble me paraissait un joli bouquet.

    Une blogueuse, Noémie Renard, qui tient le blog Antisexisme.net, a reconnu des phrases qu’elle avait écrite jadis (c’était en 2011). Et elle considère qu’il aurait surtout été correct de mettre en référence une étude sur laquelle elle s’était appuyée pour ce bref texte, étude de l’Université de Liège. Intriguée, elle a un peu fouillé et reconnu une autre idée provenant du blog d’Anne-Catherine Husson, Ça fait genre, et trouvé à nouveau que plusieurs phrases avaient été collées. De là, décortiquant le texte, elle en a trouvé d’autres, dont une de Wikipedia…

    La nouvelle, que Noémie Renard lance sur Twitter, est reprise par Pauline Grand d’Esnon, sur le site Néonmag.fr. avec quelques commentaires. Et de là, on la trouve dans les medias mainstream et peu féministes, dont Le Figaro, BibioObs, Libération, et des médias du web.

    Jérémy Patinier se défend et s’excuse. Il dit qu’il a fait un travail de journaliste et que malheureusement, des sources de ses lectures de deux années n’étaient plus précises… Oui mais voilà, il a publié un livre, qui se vend (même si les profits vont à une association de lutte contre les violences faites aux femmes dit-il), et on peut parler juridiquement de plagiat pour ces divers extraits de quelques paragraphes, faute de guillements et de références pour ces citation cachées. L’auteur se dit prêt à comparaître en justice, d’ailleurs.

    Et là dessus, l’éditeur Textuel a pris la décision de retirer le livre de la vente, en déclarant que son honneur était atteint et qu’il allait donner suite judiciaire aussi…

    En dehors de ce fait, ce qui est cocasse, c’est de constater qu’effectivement les journalistes n’ont pas peur de récupérer les infos de leurs collègues et de reprendre des mots et des phrases lues ailleurs, en n’utilisant que partiellement les guillements quand ils y sont obligés. Et en étant vagues sur les références. Et parfois en rajoutant une info de leur cru. Là aussi il faudrait faire un pistage. Ainsi le démenti de l’auteur est souvent évoqué comme « L’auteur nous déclare… » alors qu’il parait ailleurs s’être exprimé lui aussi sur Tweeter d’abord …

    Et que l’idée selon laquelle cet homme favorable au féminisme a ainsi exploité « à son profit » le travail de féministes, cette idée a été reprise rapidement en boucle. C’est dommage pour un travail où il y avait aussi beaucoup d’idées originales. Mais le mal est fait. L’auteur, surtout en tant que favorable au féminisme, n’aurait pas dû faire cela. Et certains en profitent…
    Mais un second est apparu il y a peu !

    En effet, on annonce la parution de « Le Guide du Féminisme pour les hommes et par les hommes », de Mickael Kaufman et Michael Kimmel, chez l’éditeur Massot. Les deux auteurs sont connus comme politologue et sociologue et tous deux militants de l’égalité femmes-hommes. Leur livre est paru aux Etats-Unis en 2011 déjà, mais la parution française a été adaptée à 2018 par les auteurs. L’un d’eux s’en explique dans Le Point (ici).

    Je n’ai pas lu le livre, j’en parlerai dans quelques semaines.

    Et déjà certains journalistes se plaignent qu’il y a pléthore sur le sujet du féminisme ! en ce printemps de Metoo !

    Merci à un lecteur, Simon, qui m’a mis sur la piste de ces infos.

    #allié

  • Singulier masculin | Déconstruire le masculin en pratique
    https://singuliermasculin.wordpress.com/2018/05/31/les-violences-sexistes-commencent-a-la-premiere-adolesc

    C’est un constat qui s’affirme avec force. Aujourd’hui, le journal Le Monde révèle que, selon un rapport publié ce jeudi par l’ex-délégué ministériel à la prévention du harcèlement en milieu scolaire (sous deux gouvernements), il y a une violence quasi ordinaire parmi nos jeunes : plus de 1 sur 2 en fait l’expérience à l’école (primaire), 1 sur 3 au collège, 1 sur 4 ou plus au lycée. Ce rapport est publié dans le cadre de l’Observatoire européen de la violence à l’école. Il en ressort :

    « une « énigme » que M. Debarbieux et son équipe (les sociologues Arnaud Alessandrin et Johanna Dagorn et l’auteure Olivia Gaillard, elle-même ancienne victime) entendent résoudre : « Comment passe-t-on d’une surexposition des jeunes garçons à la violence scolaire à une surexposition des femmes devenues adultes ? Est-ce au moins en partie à cette violence contre les garçons (et, présumons-le, entre garçons) que nous devons relier la violence ultérieure contre les femmes ? »

    Cette problématique a commencé à être étudiée en l’an 2000, dit le journal. Le rapport a inclus un échantillon du niveau élémentaire, à deux études précédentes sur les lycées puis les collèges, pour toucher au total 47604 élèves agés de 8 à 19 ans. Malheureusement, le rapport n’est pas encore disponible sur le site de l’institution.

    *

    Deux études, menées par des femmes, avaient levé un coin du voile.

    Sylvie Ayral a publié La Fabrique des garçons, Sanction et genre au collège (PUF, 2011). Selon l’éditeur,

    La grande majorité (80 %) des élèves punis au collège sont des garçons. Comment expliquer ce chiffre en contradiction avec le discours égalitaire officiel ? Pourquoi n’attire-t-il pas l’attention des équipes éducatives ? Ce livre propose d’interroger la sanction à la lumière du genre. Il montre l’effet pervers des punitions qui consacrent les garçons dans une identité masculine stéréotypée et renforcent les comportements qu’elles prétendent corriger : le défi, la transgression, les conduites sexistes, homophobes et violentes. (…) Aux antipodes de la tolérance zéro et du tout répressif, l’auteur plaide pour une éducation non sexiste, une mixité non ségrégative et la formation des enseignants au genre. Ces propositions apparaissent comme une urgence si l’on veut enrayer la violence scolaire.

    Sylvie Ayral a été institutrice en milieu rural pendant quinze ans et enseignante d’espagnol au collège. Professeur agrégée, docteur en sciences de l’éducation (Université de Bordeaux), elle est membre de l’Observatoire international de la violence à l’école. Elle enseigne actuellement dans un lycée classé dispositif expérimental de réussite scolaire. Ses recherches portent sur la sociologie de l’adolescence, la construction de l’identité masculine et les violences de genre à l’école ainsi que sur les sanctions scolaires. Sa thèse La fabrique des garçons : sanctions et genre à l’école avait obtenu en 2010 le prix Le Monde de la recherche universitaire.

    Anne-Marie Sohn a publié « La Fabrique des garçons, l’éducation des garçons de 1820 à aujourd’hui » (Textuel 2015). Eh oui, le même titre ! Pour deux regards différents, celui d’une sociologue de l’éducation et celui d’une historienne. Selon l’éditeur :

    De l’instauration à la déstabilisation du modèle masculin.
    Accéder aux privilèges, aux devoirs et attributs masculins s’apprend. La façon d’habiller le garçonnet, la barbe de l’adolescent, les jeux et les héros, l’initiation à la sexualité, au travail et à la citoyenneté, tout dans la formation des garçons les différencie des filles. C’est ce dont rend compte ici Anne-Marie Sohn en s appuyant sur un fascinant recueil d images.

    Anne-Marie Sohn est professeur d’histoire contemporaine à l’ENS Lettres et Sciences humaines, à Lyon. Elle est spécialiste de l’histoire du féminisme, de la jeunesse et des rapports hommes/femmes et elle a publié de nombreux ouvrages sur la question. Elle a publié, entre autres, Sois un homme (Seuil, 2009), consacré à la formation de la virilité dans le premier puis le second XIXe siècle. Elle a publié également Chrysalides. Femmes dans la vie privée (xixe-xxe siècles) (Publications de la Sorbonne, 1996) et Âge tendre et tête de bois. Histoire des jeunes des années 1960 (Hachette, 2001).

    #education #masculinité #virilité #domination_masculine #sexisme

  • Ce que les hommes disent de l’IVG | Singulier masculin
    https://singuliermasculin.wordpress.com/2018/05/23/ce-que-les-hommes-disent-de-livg

    Et voilà ce que devient l’avortement dans la bouche des hommes : « aller au terme » de toute #grossesse est la règle, et « ne pas y aller » est une exception reconnue, mais encadrée et conditionnée par divers critères. C’est ici seulement que les #femmes entrent en scène, mais sans liberté aucune et dans une passivité totale : un droit va leur être reconnu généreusement par la société des hommes.es. (Admirez la trace inclusive correcte…).

    Voilà, le discours masculin neutre est planté. il n’est pas nécessaire d’en entendre davantage. C’est un discours de déni et de manipulation. L’#avortement est une constante de l’histoire humaine, malgré toutes les interdictions. La pratique ne s’est pas accrue avec la #légalisation partielle. Par contre, des vies de femmes ont été sauvées et des circonstances d’angoisse et de précarité et de risque sanitaire leur ont été épargnées. Ces simples faits sont disqualifiés d’entrée par le discours masculin neutre.

    Les hommes ne peuvent aucunement sentir ce qu’il en est de porter la conception et la première vie, ils ignorent ce que signifie « d’aller à son terme » durant de long mois et, s’ils savent un peu ce que c’est un accouchement pour y avoir assisté de loin, ils avouent le plus souvent qu’ils ne voudraient pas vivre cette épreuve. Face à l’événement d’une grossesse, ils ne peuvent aucunement sentir ce qu’il en est de ne pas la souhaiter et ensuite d’en décider de manière responsable et éthique, en son for intérieur, d’une interruption ou non, ils ne peuvent aucunement savoir ce qu’il en est de partager ce type de dilemme avec diverses personnes au sein d’une institution. Et pourtant, ils se piquent de vous expliquer ce qu’il faut en penser.

  • Sur les masculinités, il y a de quoi être perplexe… | Singulier masculin
    https://singuliermasculin.wordpress.com/2018/03/13/sur-les-masculinites-il-y-a-de-quoi-etre-perplexe

    Je suis en train de potasser plusieurs livres sur la masculinités. J’avais lu de Mélanie Gourarier, Alpha Mâle, Séduire les femmes pour s’apprécier entre hommes (Seuil 2017). Le livre et son autrice ont connu un bon accueil médiatique (ce qui ne signifie pas un succès de librairie et de vente). Bien que le livre se ressente de son aspect « synthèse grand public d’une étude de terrain », il apporte en filigrane un portrait de ce qui nourrit les (jeunes) masculinistes d’aujourd’hui et notamment les fameux 16-24 ans qui font la pluie et le beau temps sur les réseaux sociaux. Au fond, la virilité est nourrie de clichés qui induisent des comportements et surtout des interrogations assez ridicules et vécues par les mecs « entre soi », sans aucune considération pour les partenaires féminines. Et donc des comportements unilatéraux et méprisants envers les femmes.

    J’ai lu de Daniel Weltzer-Lang le Nous les Mecs, Essai sur le trouble actuel des hommes, (Payot 2013) qui m’a paru superficiel et inintéressant. Sur base de son travail d’enquête, il décrit des problématiques d’hommes d’une manière détachée et anodine, avec l’air de celui qui est « au balcon » (il se dit vaguement polysexuel) et qui veut banaliser les questions et perpétuer lui aussi un « entre soi » inacceptable (la domination masculine est excusée) et peu questionné. Son point de départ est la souffrance des hommes (ce qui m’interpelle aussi pour d’autres raisons et m’amènera à revenir sur ce sujet)… mais c’est aussi son point d’arrivée.

    Pour le moment, je lis de André Rauch Le Premier Sexe, Mutations et crise de l’identité masculine, Hachette 2000. C’est un livre d’historien, qui a travaillé auparavant sur le sport et le corps notamment. Je constate notamment qu’il place l’idéal du soldat de la Nation républicaine, porté par Napoléon dans sa Grande Armée, comme fondateur de la masculinité moderne. Une sorte de modèle démocratique du « brave » (volontaire ou plus tard soumis à la conscription forcée) se mettant à l’école du Grognard qui a déjà connu l’épreuve du feu et volant de victoire en victoire contre les armées seigneuriales (non-démocratiques) faites de bandes de miséreux et de mercenaires sans conviction nationaliste et sans « valeurs ». Ce modèle va valoir jusqu’à la fin de 1918 et son constat de la tuerie ignoble que constitue la guerre, et son cortège de « gueules cassées » par surcroît.

    Mais je lis aussi de Olivia Gazalé Le Mythe de la virilité, Un piège pour les deux sexes, Laffont 2017. Livre fort érudit, mais facile à lire d’une professeuse qui est aussi responsable des Mardis de la philosophie et rédactrice à Philosophie magazine. Elle balaie un vaste panorama des modèles sociaux masculins ( ceux des anthropologues, grec, romain, catholique, moyen-ageux, etc.), parfois un peu confus, mais qui offre une diversité des questions interpellante. Elle évoque notamment bien des contributions parus dans l’Histoire de la Virilité (3 tomes) sous la direction d’Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello (Seuil, 2011).

    Et je lis enfin (avec ma compagne, qui m’y invite) divers travaux de Franz de Waal sur les primates. De la réconciliation chez les primates (Flammarion 2002), Le Bonobo, Dieu et nous : à la recherche de l’humanisme chez les primates (Les liens qui libèrent, 2013), Sommes-nous trop « bêtes » pour comprendre l’intelligence des animaux ? (idem 2016) lesquels livres amènent à avoir un autre regard sur notre espèce et notre modèle social humain.

    De toutes ces lectures (en cours), je sors avec une perplexité redoublée. Des idées que j’ai prises pour fructueuses (dans ce contexte favorable au féminisme qui est le mien) sont à reconsidérer. Ainsi j’ai écrit, sur base d’une étude sur l’anatomie des insectes, que le sperme cherche la quantité (de vagins), l’ovule travaille à la sélection qualitative (de spermes reçus). Or, De Waal montre que, alors qu’on ne l’avait jamais étudié jusque là, on peut observer (scientifiquement) la jouissance sexuelle chez les femelles macaques (qui, toutes comme nous, n’ont pas de période annuelle de rut). Donc l’accouplement peut avoir pour but le plaisir partagé, et pas seulement la reproduction forcenée et mécanique (comme on l’avait toujours affirmé de manière réductrice). De plus, la sexualité chez les primates a une fonction de réconciliation (aussi entre mâles) indispensable dans un contexte de forte compétition agressive entre mâles (entre eux ils se blessent seulement, mais ils sont capables de tuer et de manger un intrus, même un primatologue imprudent !).

    Ainsi on découvre par exemple une sexualité « pédagogique » entre mâles adultes et jeunes hommes imberbes chez les grecs, donc une homosexualité selon nos critères mais pas selon les leurs. On constate au contraire une sorte de pédophilie orientée vers les jeunes esclaves uniquement (mais sont-ils des hommes ?) dans la civilisation romaine. Toutes choses qui sont à mille lieues de nos pratiques modernes.

    Par ailleurs, il faudrait décrire l’idéal viril des seigneurs aristocrates au moyen age, qui est aussi basé sur la force physique du combattant qui risque sa vie pour son chef (son suzerain dont il est le vassal) et qui utilise de nombreux « va-nu-pieds » (paysans sans ressources et sans motivations) pour l’assister dans ses combats. Il reçoit cette éducation dès son jeune age en étant « placé » , ainsi que les filles, dans le château de son Seigneur suzerain, et soumis avec ses pairs à rude école. Cet idéal viril aristocratique n’est pas le même que celui du XIXe siècle napoléonien et républicain (Rauch) mais il lui correspond néanmoins.

    Bref, on peut dire qu’il y a sans doute un fond commun ancestral, originaire, de domination masculine Hommes/Femmes (à lire comme une fraction Dessus/dessous) qui tient à notre espèce et sans doute aux races de singes qui nous ont précédé, mais que cela a donné des variations très étranges selon les sociétés et les modèles que nous avons connues et encore avec celles d’aujourd’hui.

    Il faut d’ailleurs dire qu’on a connu des « re-surgissements masculinistes » au temps du fascisme militariste, qui prétendaient combattre un « amollissement » de la « Nation », attribué aux juifs et aux socialistes au tournant du siècle 1900 (songez à l’Affaire Dreyfus, par exemple) et à la suite du Front populaire de 1936-37. Si un tel ré-investissement (toujours présent en filigrane, et bien plus étendu que le seul mouvement des « pères martyrisés ») devait se lever dans un contexte futur (de remilitarisation, par exemple), nous sommes encore sans armes pour le combattre avec force, une force qui lui soit opposable.

    Il est donc difficile de dire ce que signifie notre consensus pour revendiquer une égalité hommes/femmes aujourd’hui. Il est difficile de lire la Masculinité à partir de ce contexte féministe. En fait, les masculinités sont encore très mal connues. D’autant que la masculinité n’est ni un état physique acquis, ni un corpus de valeurs stable et définitif au niveau collectif, ni un itinéraire bien balisé pour les individus mâles. Il est difficile de dire ce qui est important et mérite réformation en priorité par les hommes eux-mêmes, mais aussi par les femmes. Et, pour le dire concrètement, il n’est pas simple de définir les « messages à éviter », les modèles « à ne pas perpétuer » qui définissent une éducation des garçons aujourd’hui. Ne dites pas « Contrôle toi, souffre en silence, sois un homme, mon fils », mais dites quoi ?

    Bien évidemment, les écrits féministes radicaux ont abordé ces questions de la masculinité de front et elles ont ébranlé bien des certitudes. MAis elles sont restées au dehors de la forteresse. Sur base des travaux de John Stoltenberg et de Léo Thiers-Vidal, je reste convaincu qu’il faut mettre en cause l’érotisme masculin, que ce soit dans ses fantasmes de violence (et ses pratiques violentes), dans cette fixation sur le pénis au détriment du reste du corps, et sur la pénétration comme pratique exclusive (ne pas être pénétré, et s’en tenir strictement à l’hétérosexualité) et dans son exploitation méprisante des femmes (prostitution, pornographie… et taches ménagères dont nous « jouissons »). Et que cette mise en cause critique doit pouvoir parcourir les divers modèles masculins à travers l’histoire pour en rendre compte et les déconstruire. Il n’y a pas encore à ce sujet d’acquis consensuel qui puisse être transmis et enseigné, loin s’en faut ! Il y a bien des « gender studies » dont nous avons les échos. Mais il y a évidemment du boulot.