Nantes. « À la fin de la manif, embarqué dans une voiture et tabassé »

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  • Nantes. « À la fin de la manif, embarqué dans une voiture et tabassé »
    recueilli par Yasmine Tigoé et Vanessa Ripoche
    modifié le 3 avril 2018
    https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/nantes-la-fin-de-la-manif-embarque-dans-une-voiture-et-tabasse-5661528
    https://media.ouest-france.fr/v1/pictures/742133aa13dc174df196b7be5b19cbbb-nantes-la-fin-de-la-manif-embarq

    L’histoire circule sur les réseaux sociaux. Et fait froid dans le dos. Samedi 31 mars, en fin de manifestation contre les expulsions, à Nantes, un jeune migrant a été embarqué dans une voiture et tabassé. Nous l’avons rencontré. Il raconte.

    Appelons-le Jo. Ce jeune migrant de 17 ans, arrivé à Nantes il y a un an, est actuellement hébergé dans l’ex-Ehpad Bréa, mis à disposition des exilés par la mairie de Nantes. Samedi 31 mars, il a participé à la manifestation contre les expulsions. En fin de manif, il s’apprête à rejoindre l’ex-Ehpad où les manifestants ont prévu de se retrouver, quand il est attrapé par deux personnes, frappé et embarqué dans une voiture. Témoignage.

    « C’était la fin de la manifestation, je n’étais pas loin du CHU, là où il y a le skate-park. Un gars, costaud, m’a attrapé par le col. J’ai réagi. On s’est frappé.

    Une autre personne est arrivée derrière moi et m’a dit que je frappais la police. Et m’a mis sur le visage un morceau de tissu. Je pense qu’il devait être imbibé de chloroforme car ça m’a mis un peu dans les vapes.

    Ils m’ont embarqué dans une voiture, m’ont allongé sur le sol, attaché les mains dans le dos. Ils étaient quatre. Le trajet n’a pas duré très longtemps. Je me suis retrouvé dans une grande cour, avec des arbres. Il y avait aussi une autre voiture. Deux autres hommes en sont sortis. Une autre personne est restée à l’intérieur. Ils m’ont fait mettre à genoux.

    Au total, ils étaient sept, tous habillés en noir, cagoulés. Et ils ont commencé à me poser des questions. J’ai l’impression que la personne restée dans la voiture commandait. Je ne l’ai pas vue mais ils ont parlé d’elle en disant « la patronne ». Quand ils m’ont demandé mon nom, j’en ai donné un faux. La personne dans la voiture leur a dit que je mentais  ; elle connaissait mon nom.

    Ils m’ont aussi montré des photos d’autres migrants. Des photos prises dans l’ex-Ehpad. Et des vidéos de manifestations quand on était hébergés sur le campus, mais aussi des images de la manif de samedi. Ils voulaient que je donne leur nom et des informations sur leur situation. À chaque fois, j’ai donné de fausses informations. À chaque fois, j’ai reçu des coups de matraques au ventre, aux genoux…

    Qui sont ces gens ? Je ne sais pas. Quand je leur ai demandé, ils m’ont répondu  : « Ça n’a pas d’importance. » Quand ils ont vu, sur une des vidéos de la manifestation, que je m’interposais entre manifestants et forces de l’ordre pour éviter des affrontements, ils ont arrêté. M’ont remis dans la voiture, caché le visage pour que je ne vois pas où on était, et lâché près de la fête foraine.

    Je suis allé voir un médecin à l’hôpital (le certificat établi fait état de coups au niveau du ventre, du genou droit, de trace d’hématome, de rotule douloureuse, de douleurs abdominales, NDLR). J’ai porté plainte contre X, dimanche. Je suis choqué par ce qui est arrivé. J’ai déjà été insulté, menacé. Je suis habitué à beaucoup de choses. Mais là, attaché, à genoux, je ne pouvais pas me défendre. »

    La police confirme le dépôt de plainte pour violences avec usage ou menace d’une arme. Elle indique que l’enquête va suivre son cours.
    Nantes. « À la fin de la manif, embarqué dans une voiture et tabassé »

    #Violences_policières

    • Nantes. Migrant frappé en fin de manif : la police judiciaire saisie
      Thomas Heng | mardi 3 avril 2018

      « Jo », 17 ans, migrant, a témoigné dans les colonnes de Ouest-France ce mardi 3 avril. Il a raconté que samedi, en fin de manifestation contre les expulsions, à Nantes, il avait été embarqué par plusieurs hommes vêtus de noir, les visages masqués.

      Selon lui, ils étaient armés de matraque et évoquaient la présence d’une « patronne » restée à l’écart dans une voiture. Les hommes auraient cherché à lui soutirer des noms de manifestants. Il a finalement été libéré près de la fête foraine.

      Une plainte prise au sérieux

      Un certificat médical établit des violences au niveau du ventre et du genou droit. Ce mardi 3 avril, sur les réseaux sociaux, des militants n’hésitent pas à mettre en cause la police, sans apporter néanmoins de nouveaux témoignages ou de preuves.

      Cela étant, la plainte déposée par le jeune homme n’est pas restée lettre morte. Le procureur prend l’affaire au sérieux. Il n’a pas saisi la Police des polices (IGPN) ce qui aurait laissé pensé que la police était effectivement responsable. Mais n’a pas non plus confié le dossier aux habituels services d’enquête de la police nantaise, pour éviter tout soupçon de partialité. C’est la police judiciaire (PJ) qui a été désignée.