• Pauvreté : 10 % de la population doit être aidée pour manger, du jamais-vu
    https://www.mediapart.fr/journal/france/181121/selon-le-secours-catholique-10-de-la-population-recu-des-aides-alimentaire

    Dans un rapport publié jeudi, le Secours catholique revient sur la précarité des personnes qu’il accompagne. Avec la crise sanitaire, entre 5 et 7 millions de personnes ont eu besoin en 2020 de recourir à l’aide alimentaire.

    #paywall si qq trouve l’article…

    #pauvreté #alimentation #Secours_catholique

    • le rapport du Secours Catholique

      Notre « État de la pauvreté en France 2021 » | Secours Catholique
      https://www.secours-catholique.org/actualites/etat-de-la-pauvrete-en-france-2021

      Le Secours Catholique-Caritas France publie jeudi 18 novembre son rapport statistique annuel État de la pauvreté en France 2021. Constats et analyses sur la précarité issus de l’observation sur l’ensemble du territoire national de plus de 38 800 situations (sur les 777 000 personnes accueillies en 2020).

      Pour son rapport 2021 qui alerte sur la dégradation du niveau de vie des plus pauvres, l’association a complété son étude d’une enquête approfondie sur la question spécifique de l’aide alimentaire et de l’accès à l’alimentation, à travers une enquête menée auprès de 1 088 ménages qui ont eu recours à l’aide alimentaire d’urgence allouée par le Secours Catholique durant le premier confinement, de mars à mai 2020.

      La crise sanitaire a agi comme comme un puissant révélateur d’une insécurité alimentaire déjà bien ancrée pour des millions de Français. La pandémie de Covid-19 a déstabilisé des situations budgétaires déjà très serrées. Quand les maigres ressources baissent alors que les dépenses augmentent (du fait de la fermeture des cantines scolaires ou de l’augmentation des dépenses d’électricité), les privations deviennent dès lors quotidiennes.

      Le Secours Catholique rappelle que la précarité alimentaire est liée à une unique constante : l’insuffisance et l’instabilité des ressources.

      lien vers le rapport (pdf)
      https://www.secours-catholique.org/sites/scinternet/files/publications/rs21.pdf

    • Pauvreté : 10 % de la population doit être aidée pour manger, du jamais-vu
      18 novembre 2021 Par Faïza Zerouala

      Dans un rapport publié jeudi, le Secours catholique revient sur la précarité des personnes qu’il accompagne. Avec la crise sanitaire, entre 5 et 7 millions de personnes ont eu besoin en 2020 de recourir à l’aide alimentaire.

      Favori
      Recommander
      Imprimer
      Article en PDF

      Partager
      Tweet

      Offrir

      94 commentaires

      Les files d’attente interminables devant les points de distribution alimentaire resteront comme l’image forte de la crise sanitaire de 2020. C’est pourquoi le Secours catholique a choisi, dans son rapport annuel 2020, baptisé « Faim de dignité » et publié ce jeudi 18 novembre (à lire ici), de mettre en lumière la précarité alimentaire.

      En 2020, le Secours catholique a accompagné 777 000 personnes, ce qui permet de dresser un tableau fin de la pauvreté. Si les différents dispositifs d’aide mis en place par le gouvernement ont limité son explosion, la crise liée au Covid-19 a dégradé les conditions de vie des ménages les plus fragiles. Le niveau de vie médian des personnes aidées par le Secours catholique s’établit ainsi à 537 euros, un chiffre en deçà du seuil de pauvreté fixé en 2018 à 1 063 euros.

      En s’appuyant sur les données de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), le Secours catholique rappelle ainsi qu’entre 5 et 7 millions de personnes ont eu besoin de recourir à l’aide alimentaire, soit près de 10 % de la population française. Du jamais-vu en période de paix.
      Lire aussi

      La crise du Covid a agi comme un accélérateur de la pauvreté Par Faïza Zerouala
      Les barrières d’accès à une alimentation saine quand on est pauvre Par Faïza Zerouala

      28 % des foyers interrogés expliquent avoir perdu des revenus pendant le confinement du printemps. Par exemple, 61 % des foyers affirment que la fermeture des écoles et des cantines scolaires a eu des répercussions sur leur budget. « Voilà le baromètre d’une précarité plus sourde, dont les difficultés alimentaires ne sont que la face la plus visible », peut-on lire dans ce rapport.

      Une distribution alimentaire à Paris, le 31 mai 2021. © Fiora Garenzi / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP Une distribution alimentaire à Paris, le 31 mai 2021. © Fiora Garenzi / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
      Le Secours catholique relève aussi que 9 ménages attributaires sur 10 souffrent d’insécurité alimentaire. 27 % de ces ménages rapportent qu’il leur arrive de ne pas s’alimenter pendant une journée entière ou davantage. La population touchée est variée : des familles monoparentales en passant par des retraités, des travailleurs ou des étudiants. Une grande partie d’entre eux indiquent être préoccupés par les conséquences de cette insécurité alimentaire sur leur santé.

      Jean Merckaert, directeur du plaidoyer France au Secours catholique, explique que ce rapport est centré sur la précarité alimentaire parce que l’association a été frappée par la masse de personnes en demande d’aide, beaucoup pour la première fois. « Tout le monde, dans un pays comme le nôtre, s’est habitué à ce que les plus précaires soient nourris comme ça. »

      L’association se félicite d’aider les personnes qui ont pu connaître un basculement ponctuel dans la pauvreté, comme en 2020, mais envisage surtout des solutions structurelles pour lutter contre ces situations délicates. « Pour des personnes en situation de précarité chronique, ce n’est pas notre aide matérielle qui leur permettra de sortir de la pauvreté. Le gouvernement ne fait pas ce distinguo, il a institutionnalisé sous forme de sous-traitance aux associations la protection sociale de l’alimentation », regrette Jean Merckaert.
      Lire aussi

      En Paca, « depuis la pandémie, on est tous pauvres » Par Faïza Zerouala
      À Évreux, « la réalité du ticket de caisse » Par à l’air libre

      Pour permettre l’accès à une alimentation saine et de qualité, le Secours catholique appelle à des réformes structurelles comme la hausse des minima sociaux, la revalorisation du RSA, la mise en place d’un revenu minimum garanti pour tous les habitants en situation régulière et dès 18 ans, qui serait équivalent à 50 % du niveau de vie médian et accessible de façon le plus automatique possible.

      L’association relève aussi que, parmi son public, un tiers des personnes éligibles au RSA n’en bénéficie pas et un quart de ceux ayant droit à des allocations familiales n’y a pas recours.

      Simone*, 25 ans, étudiante en droit à Lille, est ainsi boursière échelon 7, soit un maximum perçu de 573 euros. Il lui arrive de travailler en parallèle de ses études pour avoir davantage d’argent puisque sa famille ne peut pas l’aider. En ce moment, elle aide une personne dans des démarches administratives.

      La jeune femme « essaie de vivre normalement » mais elle est préoccupée par sa situation financière, « une source d’inquiétude ». En début de mois, elle s’autorise des courses plus onéreuses que d’ordinaire, pour se faire plaisir, mais très vite la réalité se rappelle à elle. « On achète des soupes et des conserves. » Elle s’autorise peu de plaisirs – en dehors d’un abonnement à la salle de sport. Aller boire des verres dans les bars est « hors de prix ». Elle se le permet de temps en temps en début de mois lorsque son compte affiche un solde positif.

      Pour éviter de déprimer, elle explique compter sur l’entraide avec ses amis, eux aussi en difficulté, avec lesquels elle partage des repas, histoire d’égayer le quotidien.

      Avant, j’avais 400 euros de découvert mais là, depuis le 7, je suis à − 1 000 euros. Le mois prochain c’est Noël, je voudrais que mes enfants aient au moins un cadeau chacun.

      Aurore, mère de quatre enfants, bénéficiaire du Secours catholique

      Simone reconnaît qu’elle est précaire mais rechigne à bénéficier de l’aide alimentaire pour la laisser « à ceux qui en ont vraiment besoin », même si elle sait que si elle « n’arrive pas à remonter la pente », elle ira taper à la porte du Secours catholique. L’étudiante se débrouille en faisant ses courses au jour le jour, pour gérer ses dépenses et bénéficier des promotions, notamment pour acheter les produits à la date limite de consommation proche.

      En 2020, alors qu’elle a cumulé quelques dettes de loyer et connu des difficultés pour régler sa facture d’électricité, le Secours catholique l’a aidée à la résorber. Le Crous (œuvres universitaires et scolaires) l’a également aidée avec ses bons alimentaires de 50 euros. Mais elle regrette que cette aide ne soit que « ponctuelle ».

      De son côté, Aurore, 39 ans, mère célibataire de quatre enfants de 6 à 19 ans, a l’habitude de slalomer dans le découvert. Installée en Ariège, elle perçoit le RSA et quelques allocations familiales pour un montant de 1 200 euros par mois. Elle paye, après les aides au logement, 220 euros de loyer.

      Accompagnée par le Secours catholique, pour lequel elle fait quelques heures de bénévolat, elle a quand même des difficultés pour s’en sortir. « Je vis dans le découvert. Avant, j’avais 400 euros de découvert, mais là, depuis le 7, je suis à − 1 000 euros, je ne sais pas comment je vais m’en sortir. Le mois prochain, c’est Noël, je voudrais que mes enfants aient au moins un cadeau chacun », dit la mère de famille.

      N’importe quel imprévu percute son équilibre financier précaire. Les lunettes pour son fils à 400 euros, remboursées à hauteur de 4 euros par la Sécurité sociale, sont payées en quatre fois. Comme les soins vétérinaires pour le chat en deux fois. Aurore échelonne tous les paiements lorsque c’est possible.

      Durant un an, la mère de famille a économisé pour racheter à une amie une voiture à 1 700 euros, indispensable dans la région, réglée en trois fois. L’essence, qui a fortement augmenté, la ruine. Alors elle va s’approvisionner en début de mois, avant d’être dans le rouge, à la frontière espagnole. « Avant tout ça, je fais les courses pour le frais et l’essence. C’est la première fois que je suis autant en galère. Tout a augmenté, et le Covid a tout compliqué. »

      Pour la nourriture et les vêtements pour elle et sa cadette, elle se rend deux fois par mois au Secours catholique, couplé aux Restos du cœur, pour récupérer de la viande, même si les quantités distribuées sont loin d’être suffisantes pour nourrir ses deux adolescents à l’appétit vorace (cinq blancs de poulet, cinq steaks, cinq poissons panés pour quinze jours). Elle a habitué ses enfants à manger de tout pour ne rien gaspiller. Mais elle aimerait pouvoir consommer mieux et des produits de meilleure qualité avec sa famille.

      Simone, l’étudiante en droit, fait tout pour ne pas se laisser gagner par l’angoisse. « J’essaie de ne pas trop penser au côté financier et de m’apitoyer, je me dis que je vais m’en sortir plus tard. » Elle aimerait une augmentation des bourses, car il est difficile de travailler en parallèle de l’université. « Étudier prend du temps et les étudiants seraient plus productifs s’ils n’avaient pas de souci financier. »

      Des bénéficiaires ont le sentiment d’être humiliés en récupérant les rebuts de la grande distribution. Certains ont honte et préfèrent se priver de manger.

      Jean Merckaert, directeur du plaidoyer France au Secours catholique

      Elle-même se prive de tout. Alors que le froid venait d’arriver, Aurore portait encore des claquettes dans l’attente de son argent pour pouvoir s’offrir des chaussures. Voyant cela, sa mère lui a donné des baskets. Elle ne chauffe pas son logement avant que cela soit insupportable et prie les enfants de mettre des doudounes.

      Elle n’achète pas de boissons, jamais de marques et fabrique elle-même sa pâte à tartiner pour que ce soit moins cher. Aurore adore le jambon de pays mais c’est hors de prix, donc elle n’en mange jamais. « Je me débrouille comme je peux pour ne pas les priver, moi je m’en fous de moi. »

      C’est pourquoi Jean Merckaert, directeur du plaidoyer France au Secours catholique, explique qu’il faudrait, pour des raisons de santé et de dignité des bénéficiaires, soutenir l’accès à une alimentation saine et de qualité notamment grâce aux épiceries sociales, les jardins partagés ou des paniers solidaires. « Des bénéficiaires ont le sentiment d’être humiliés en récupérant les rebuts de la grande distribution. Certains ont honte et préfèrent se priver de manger. » L’association entend bien interpeller, sur cette question de l’insécurité alimentaire, les candidats à l’élection présidentielle

  • Minima sociaux : « Au RSA, tu ne peux rien faire » | Secours Catholique
    https://www.secours-catholique.org/actualites/minima-sociaux-au-rsa-tu-ne-peux-rien-faire

    « Du fait de leur éducation ou de leur parcours de vie, la plupart des personnes que nous aidons ont tout à fait conscience de la valeur de l’argent et savent le gérer, observe Meriem Bouali, travailleuse sociale au Centre communal d’action sociale de Grande-Synthe, dans le Nord. Certains ménages ont besoin d’un accompagnement pour apprendre à tenir un budget, mais c’est une minorité. »

    La ville de Grande-Synthe a lancé, en avril 2019, le minimum social garanti (MSG) : une aide versée par la ville, cumulable avec les autres revenus, afin que chaque foyer atteigne le seuil de pauvreté à 50 % du revenu médian. 550 ménages en ont bénéficié jusqu’à présent.

    « Pour certaines familles, cela leur a permis de sortir de la pauvreté extrême, d’avoir accès à l’éducation, aux activités sportives et culturelles, à une meilleure alimentation. D’autres ont pu solder des crédits », constate Meriem Bouali. Les nouvelles dépenses concernent pour beaucoup la nourriture – « l’achat de produits frais, de viande et de poisson » - et le logement – « l’équipement en mobilier, notamment ».

    Mais l’objectif du MSG va au-delà de l’amélioration des conditions de vie des ménages. En augmentant le revenu des personnes, « notre idée était de les libérer des soucis budgétaires du quotidien, afin qu’elles aient assez de temps et d’énergie pour se consacrer à régler leur situation, avec le soutien des travailleurs sociaux », explique Clément Cayol, doctorant en sociologie qui a participé à la mise en place du dispositif et suit le déroulement de l’expérimentation. Le but ultime : faciliter le retour à l’emploi et permettre ainsi aux personnes de sortir de la pauvreté.

  • Dublin : l’urgence de mettre fin à un règlement kafkaïen

    Dans un rapport publié le mardi 24 septembre, élaboré en collaboration avec des demandeurs d’asile, le Secours Catholique explique le règlement de Dublin et les conséquences de son application en France. L’association demande au gouvernement de cesser de se dégager de sa #responsabilité et de prendre en compte le choix exprimé par des milliers de personnes exilées de vivre en sécurité sur son territoire.

    https://www.secours-catholique.org/actualites/dublin-lurgence-de-mettre-fin-a-un-reglement-kafkaien
    #rapport #Dublin #France #règlement_dublin #secours_catholique #asile #migrations #réfugiés #échec #dysfonctionnement #migrerrance #ADA

    Et autour de la question du #logement #hébergement :

    Pour télécharger le rapport en pdf :
    https://www.secours-catholique.org/sites/scinternet/files/publications/rapport_dublin.pdf

    ping @karine4

  • À #Grenoble, le quotidien de Moussa, mineur non accompagné

    Ils s’appellent Aliou, Mohammed, Moussa, Ahmed, Fodé… À Grenoble, ils sont plus de 2 000 jeunes, d’origine africaine, à se déclarer mineurs et isolés, mais tous ne sont pas reconnus comme tels par le Département.

    Ces “MNA” (“mineurs non accompagnés”) affrontent le #quotidien sans promesse d’avenir, accompagnés par le tissu associatif grenoblois.

    Sans celui-ci, ils seraient encore plus nombreux à la rue, privés de soins et de nourriture. Nous avons suivi le quotidien d’un de ces jeunes, désemparé par tant de difficultés, mais guidé par son désir d’être scolarisé.

    15 février 2019 - La rencontre

    14h10 : Moussa est assis, les bras enlacés, la tête reposant contre le mur. Emmitouflé dans son anorak rouge des jours de pluie, le jeune homme a le regard perdu. Parfois il s’échappe complètement. Mais il répond, avec un grand sourire, à tous les “bonjour” lancés par les bénévoles, au premier étage des locaux du Secours Catholique à Grenoble.

    Son regard croise le mien – assise sur la table d’en face –, sans sourire. Repart et puis revient. Un sourire. J’engage le dialogue : « Ça va, aujourd’hui ? – Ça va. Mais j’ai la migraine. » Moussa semble connaître tout le monde. Il serre des mains, échange des salutations dans une autre langue avec de jeunes hommes originaires d’Afrique. Il reste assis pendant que d’autres s’agitent, se servent du thé et du café ; c’est le rituel de la permanence de l’association le vendredi après-midi.

    « Tu viens souvent ici ? – Depuis environ deux mois. » Depuis le 26 décembre 2018, très exactement. J’apprends qu’il est guinéen. Contrairement à beaucoup d’autres jeunes venus chercher un logement pour le soir même avec l’aide des bénévoles, Moussa aspire surtout à prendre un moment de calme, dans ce lieu où il a des repères.

    Il fait partie des “chanceux” à disposer d’un point de chute pour plusieurs semaines : un gymnase a été ouvert pour la trêve hivernale quelques jours plus tôt, à Échirolles, grande agglomération de la banlieue grenobloise. La rencontre est brève, Moussa n’est décidément pas bien aujourd’hui. Je souhaite le revoir. « On s’appelle, je te donne mon numéro », conclut-il, mettant fin à la conversation.

    Quelques jours plus tard, nous nous retrouvons dans la rue Sergent-Bobillot, où est situé le Secours Catholique. Je rencontre Moussa tel que je le verrai souvent par la suite : souriant, l’air malicieux, les mains dans les poches, l’allure vigoureuse du haut de son 1m90.

    Il explique qu’il marche beaucoup dans la ville. « Je suis même allé là, tu vois ? » Le bras tendu, il désigne la Bastille, lieu touristique par excellence de la capitale des Alpes, qui domine la ville. « J’y suis allé à pied, pas dans les bulles, ça fait trop peur !

    À Grenoble, ils sont nombreux, comme lui, à tuer le temps. L’expression "MNA", mineur non accompagné, a remplacé en mars 2016 celle de “mineur isolé étranger”, sous l’impulsion du garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, afin d’être en adéquation avec la directive européenne qui met l’accent sur la protection de l’enfance plutôt que sur le pays d’origine. En effet, les mineurs étrangers ne sont pas soumis aux règles de séjour des étrangers mais relèvent de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), qui est une compétence départementale. Dans l’Isère, le nombre de jeunes se déclarant mineurs et isolés s’élèverait à 2 200 fin 2018, un chiffre multiplié par dix en trois ans. « L’Isère est un département très, très impacté. C’est le plus touché de la région Auvergne-Rhône-Alpes avec la métropole de Lyon. Il se situe juste après le Grand Paris », précise Sandrine Martin-Grand, vice-présidente du conseil départemental en charge des affaires familiales et de la protection de l’enfance. Les raisons en sont difficiles à cerner : elles sont géographiques, liées à des réseaux de passeurs ou aux différentes communautés qui s’y rejoignent… 93 % des MNA arrivant à Grenoble sont originaires d’Afrique, dont 82 % de Guinée, du Mali et de Côte d’Ivoire (la moyenne nationale étant établie à 71 % de MNA originaires d’Afrique).

    18 février 2019 – Raconter son parcours

    Un écouteur dans l’oreille, Moussa est en grande discussion. Nous nous sommes donné rendez-vous à la gare de Grenoble. Dans le hall, il a trouvé du wifi pour appeler son cousin, à New York. Ce dernier a également quitté la Guinée, il y a quelques années. À la gare, les voyageurs peuvent croiser des jeunes en petits groupes.

    Plus pour longtemps. « Hier, la police nous a demandé de sortir du hall, on n’a plus le droit de rester si on n’a pas de ticket de transport », annonce Moussa. Dans le hall, une inscription fraîche sur le sol interdit en effet désormais de s’asseoir sur les sièges “sans titre de transport”.

    Le regard du jeune homme se perd à nouveau, son visage si souriant d’ordinaire s’assombrit : « J’ai dormi deux nuits ici à mon arrivée à Grenoble », confie-t-il. Puis sans prévenir, à l’entrée de la gare, au milieu de la foule, Moussa se livre : « Je ne regrette pas d’être venu, mais c’est trop de soucis. Chaque jour, tu t’inquiètes d’où tu vas dormir, tu cherches de quoi manger. C’est ça, la France ? Je suis venu ici en pensant que je pourrais aller à l’école. »

    Chaque jour, tu t’inquiètes d’où tu vas dormir, tu cherches de quoi manger. C’est ça, la France ?

    Lorsque nous nous retrouvons, nous marchons. Et Moussa me raconte des bribes de sa vie. Il a quitté la Guinée début 2018 ; il dit avoir 16 ans et 10 mois. Son périple l’a conduit au Maroc où il a vécu « plusieurs mois d’enfer » dont il ne veut jamais parler.

    Il y reste jusqu’au jour où un passeur l’avertit qu’il partira pour l’Espagne dans la nuit : « On est monté sur un Zodiac à 1 heure du matin. On était tellement nombreux. À 7 heures, on a eu des difficultés, le moteur était gâté. J’ai cru qu’on allait mourir, j’ai toujours eu très peur de la mer. Je ne l’avais jamais touchée pour de vrai et là, on était coincé en plein milieu de la mer Méditerranée. »

    Les mots s’entrechoquent avec le son de la vidéo qu’il a enregistrée avec son téléphone à l’arrivée des secours espagnols : « Ça me fait pleurer de revoir ça. Quand je pense à la souffrance que j’ai vécue pour me retrouver aujourd’hui comme ça, forcément ça me fait pleurer. »

    “Comme ça”, c’est-à-dire sans visibilité d’avenir, errant. Après l’Espagne en novembre 2018, puis Bayonne, Bordeaux, il arrive à Grenoble le 26 décembre. « Au hasard, j’ai pris le premier train qui partait à la gare de Bordeaux. » Le jeune homme donne ces détails sans hésiter ; cette histoire, il l’a déjà racontée à beaucoup d’inconnus, évaluateurs, bénévoles…

    Il passe ses deux premières nuits à la gare et le 28 décembre, un homme s’arrête devant lui pour l’emmener à la Cité administrative, où se trouve la Direction départementale de la cohésion sociale de l’Isère, de l’autre côté de la ville : « C’était un bénévole d’une association, il m’a dit que j’allais être évalué, et je ne savais pas ce que ça voulait dire. »

    Pile ou face : l’évaluation de la #minorité

    L’évaluation de la minorité est un passage obligé pour les mineurs non accompagnés. Depuis le 15 octobre 2018, à Grenoble, cette tâche revient à six évaluateurs embauchés par le Département. Ils doivent déterminer six points majeurs : l’état civil du jeune, ses conditions de vie dans le pays d’origine, la composition de sa famille, les motifs de son départ, son parcours migratoire, ses conditions de vie en France et enfin, ses projets sur le territoire.

    Si la minorité est confirmée, le jeune est placé en foyer ou en famille d’accueil et orienté vers un parcours scolaire jusqu’à sa majorité. Ceux qui ne sont pas “confirmés mineurs” peuvent engager un recours devant le juge des enfants et ne font l’objet d’aucune prise en charge de la part du Département .

    30 % des jeunes évalués sont reconnus mineurs par le Département, et les autres, les 70 % restants, sont remis à la rue le soir même.

    C’est le cas de Moussa. Le 28 décembre 2018, il était reçu à la Cité administrative pour être évalué : « J’étais épuisé par le voyage et les nuits dehors, se souvient-il. Une femme m’a posé plein de questions, sans que je comprenne pourquoi ! C’était comme un interrogatoire de police. » Le jour même, dans l’après-midi, il se voit remettre un papier qui stipule qu’il n’est pas confirmé mineur. Le jeune homme certifie pourtant être né le 30 avril 2002. « On m’a dit : tu n’as pas l’âge que tu prétends. Je n’ai rien compris. »

    Si un arrêté du 17 novembre 2016 fixe une “trame” à suivre pour les évaluateurs afin de mener l’entretien, la procédure est critiquée par les associations grenobloises (il en est de même au niveau national). « Le constat est que 30 % des jeunes [évalués] sont reconnus mineurs par le Département, et les autres, les 70 % restants, sont remis à la rue le soir même », témoigne Stéphane Dezalay, coresponsable du groupe local de la Cimade. Malgré la “trame” officielle, les procédures d’évaluation varient selon le département ; le taux de reconnaissance oscille ainsi entre 9 % et 100 %. « Ces chiffres sont la preuve que chaque pratique d’évaluation diffère d’un département à un autre ; certains utilisent des critères très stricts et vont refuser plus de jeunes, de manière arbitraire », constate Angélique Giannini, coordinatrice de l’association Médecins du monde qui reçoit beaucoup de jeunes.

    « Quand je suis sorti de mon entretien, des bénévoles m’ont emmené directement au Secours Catholique. Depuis, je suis entre ses mains pour survivre, tous les jours… », murmure Moussa avec reconnaissance, un jour où nous prenons une pause sur un banc public.

    À Grenoble, plusieurs associations assurent donc le quotidien de plusieurs centaines de jeunes sur le territoire : la Cimade, le Secours Catholique, Médecins du monde et des associations locales comme Migrants en Isère, l’Amicale du Nid (pour la prévention de la prostitution), 3Amies (pour la scolarisation), l’Arepi (pour le logement)...

    Marie-Noël est depuis plus de vingt ans travailleuse sociale et animatrice au Secours Catholique. C’est elle notamment qui, tous les vendredis après-midi, aide les jeunes à trouver un logement pour la nuit : « Le vendredi soir, c’est la galère car certains foyers ferment le week-end. On doit donc leur trouver une solution pour trois nuits, alors on appelle le 115. Sinon, on fait jouer notre réseau de familles d’accueil aux alentours de Grenoble. »

    UN DÉNI DE PROTECTION
    Depuis 2016, des enjeux politiques et un climat de suspicion croissant se font jour envers les mineurs étrangers sollicitant une protection, ce qui aboutit à une dégradation de la prise en charge de ces jeunes.
    Ces dernières années, les équipes locales du Secours Catholique constatent une défaillance croissante des départements, responsables de l’Aide sociale à l’enfance, qui montrent des réticences à remplir leur mission de protection et d’accompagnement des mineurs non accompagnés (MNA). Dans un contexte de bras de fer entre le gouvernement et les conseils départementaux sur les questions budgétaires, les jeunes étrangers sont un moyen de pression politique, déplore Franck Ozouf, en charge du sujet au Secours Catholique. « Pour ne pas assumer pleinement leur prise en charge, les départements affirment que ce sont des migrants avant d’être des enfants, et que ce n’est donc pas du ressort de la politique de l’enfance mais de la politique migratoire gérée, elle, par l’État. »
    L’obligation d’accueil provisoire d’urgence, impliquant une prise en charge matérielle, éducative et sanitaire du jeune le temps que sa situation (minorité, dangerosité de son environnement) soit évaluée, est de moins en moins respectée. Dans certains départements, comme l’Isère, cette mise à l’abri provisoire n’existe plus ; dans d’autres, elle est réduite au strict minimum sous la forme d’un hébergement précaire.
    Lorsque le jeune est reconnu mineur, il arrive que des conseils départementaux, à l’instar de celui des Bouches-du-Rhône, refusent d’exécuter la prise en charge demandée par le juge des enfants. Enfin, de plus en plus de départements créent des dispositifs dérogatoires pour les MNA, sortant ces derniers du droit commun de la protection de l’enfance au profit d’une prise en charge au rabais. Pour le Secours Catholique, il faut cesser de considérer ces jeunes comme des “migrants à contrôler”, mais réaffirmer leur nécessaire protection au titre des droits de l’enfant afin d’assurer un accueil et une prise en charge adaptés à leur situation de vulnérabilité.

    25 février 2019 : Enfin l’école !

    Moussa est en retard. Il arrive en trombe sur un vélo, son grand sourire aux lèvres. « Bonjour Moussa et bienvenue ! » Régine ne lui tient pas rigueur de son retard et fait avec lui le tour du propriétaire : un étage d’immeuble aménagé en salles de classe dans le quartier Saint-Bruno, quartier populaire de Grenoble.

    Elle est la directrice de l’association 3Amies, créée il y a presque deux ans pour offrir un accompagnement scolaire aux mineurs non accompagnés ayant introduit un recours. Moussa et Régine s’installent dans le bureau de celle-ci.

    Le jeune Guinéen lui raconte son périple. Régine apprend qu’il a quitté l’école il y a plusieurs années, mais estime que son niveau de français est très bon. « Tu as un niveau de sixième par rapport au programme français, mais peut-être as-tu beaucoup plus de connaissances, tu as appris plein d’autres choses ailleurs ! » déclare-t-elle.

    La directrice lui explique le projet de 3Amies : “Accueil, aide et accompagnement”. Moussa ne semble pas tout comprendre mais il est de bonne volonté. Après une heure d’entretien, le jeune homme repart avec un rendez-vous pour le lundi suivant, afin de passer une petite évaluation de niveau, à l’issue de laquelle il sera intégré à un groupe pour aller en cours tous les jours.

    Il remonte sur son vélo, comme grandi : « Je suis trop content. M’éduquer, c’est mon seul objectif, pour parler et écrire très bien. J’ai encore du chemin à faire. » Il pourra rester dans le dispositif jusqu’à la décision de justice.

    « Courage, mon frère. » Moussa pose la main sur l’épaule de Fodé. Derrière lui, l’hôtel de police où son ami guinéen a rendez-vous à 14 heures. Passage obligé où la Police de l’air et des frontières (PAF) vérifie les papiers d’identité de chaque MNA, ce service est le seul habilité à authentifier l’extrait de naissance lorsqu’il y en a un, une pièce utile ensuite pour le juge des enfants. Les jeunes sont normalement convoqués une fois, la PAF devant contrôler les papiers qu’ils possèdent et faire une prise d’empreintes. « Vas-y et je t’attends là », dit Moussa à Fodé.

    Depuis quelques semaines, tous deux sont inséparables. Ils s’épaulent au quotidien. « Fodé m’a accompagné dans mes démarches, à mon arrivée au Secours Catholique. Tous les jeunes ne font pas ça, il y a beaucoup de méfiance. Alors, après, on ne s’est plus quittés, relate Moussa. Dans la vie, il faut marcher avec quelqu’un avec qui vous vous comprenez. » Peut-être parce qu’ils viennent tous deux de Guinée forestière, qu’ils ont connu le Maroc, le Zodiac, l’arrivée difficile en France.

    J’ai laissé ma vie à Dieu, en fait, depuis que je suis ici. Que faire d’autre ?

    Moussa s’assoit sur un banc. Le chant des oiseaux et la chaleur du printemps naissant n’apportent pas de répit au jeune homme. Il souffle, fort, et s’assombrit en regardant des photos sur son smartphone, qu’il sort rarement. Sur le fond d’écran : « Ma maman, que j’ai perdue », soupire-t-il. Au bout de quelques secondes, il lâche : « Voilà, ça fait un an que je n’ai pas vu ma famille, je ne donne pas de nouvelles. Je n’y pense pas, quand tu as faim tu ne penses à rien d’autre. » Moussa invoque Dieu. « J’ai laissé ma vie à Dieu, en fait, depuis que je suis ici. Que faire d’autre ? »

    eux semaines plus tard, Fodé sera fixé sur son sort, convoqué devant le juge pour enfant. « Depuis mon arrivée, le 13 octobre (2018), j’attends ce moment », dit-il. Moussa observe que lui va devoir encore attendre longtemps, car il est arrivé deux mois après Fodé.

    Ce dernier ne se réjouit pas pour autant : « Je ne comprends même plus ce que je fais ici. Je n’ose pas appeler ma maman pour lui raconter ce que je vis ici. » À demi-mot, on comprend que sa présence ici est un choix familial qu’il ne peut pas décevoir…
    « invisibles »

    En marchant, les deux jeunes hommes devisent. Moussa fait référence à la difficulté d’être Africain en France. Il tente de comprendre ce qu’est le racisme et rit d’anecdotes sur ces Français qui se retournent sur leur passage dans les rues. « Même si les gens nous remarquent, on reste invisibles pour eux ».

    Fodé propose d’aller à la bibliothèque, pour se changer les idées. Ils repartiront avec le “Discours sur le colonialisme” d’Aimé Césaire, “De la traite et de l’esclavage des Noirs” d’Abbé Henri Grégoire, et “La fin des colonies françaises » de Bernard Droz...

    1er avril 2019 : Retour à la case départ ?

    Lundi, 7 heures du matin. La fin de la trêve hivernale sonne. Les résidents du gymnase Pablo-Picasso, dont Moussa, sont priés de quitter les lieux immédiatement par des vigiles et policiers municipaux de la ville d’Échirolles.

    Le gymnase est fermé à clef rapidement, malgré la promesse de l’élue à l’action sociale que le lieu serait ouvert durant une semaine supplémentaire. Des militants du droit au logement sont présents, outrés par l’action plutôt brutale. « On m’avait prévenu que ça risquait de se passer comme ça », observe Moussa. « Je suis parti vite, avec mes affaires. »

    Sur les 40 personnes, 15 se retrouveront à la rue dans les jours qui suivront. De retour à Grenoble, Moussa est redirigé le jour même vers un foyer situé à 10 km du centre-ville de Grenoble, épaulé par le Secours Catholique. Cinq jours de répit mais beaucoup de transports : « Je dois prendre deux bus et beaucoup marcher, c’est dans la montagne ! » Sur les flancs du massif de la Chartreuse, exactement.

    Tandis que le périple continue pour Moussa, Fodé reçoit une bonne nouvelle. Trois jours plus tôt, il a été confirmé mineur par le juge des enfants. Il sera bientôt scolarisé dans un lycée professionnel grenoblois. Beaucoup de changements, mais toujours cette amitié : « Malgré les choses qui changent, Moussa et moi on se voit tous les jours », dit-il. Et cela va de soi. Ils font route ensemble, maintenant.

    https://www.secours-catholique.org/actualites/a-grenoble-le-quotidien-de-moussa-mineur-non-accompagne
    #MNA #mineurs_non_accompagnés #asile #migrations #réfugiés #âge #école #scolarisation #France #témoignage

  • Peuples autochtones : défendre leur droit à la terre | Secours Catholique

    https://www.secours-catholique.org/actualites/peuples-autochtones-defendre-leur-droit-a-la-terre

    Bangladesh : Rencontre avec le défenseur des GarosEn Amazonie, sensibiliser aux droits
    Publié le 16/04/2018
    EcouterListen with ReadSpeaker
    Peuples autochtones : défendre leur droit à la terre

    Les peuples indigènes se voient régulièrement chassés de leurs territoires, les multinationales convoitant leurs ressources. De l’Amazonie à l’Asie, le Secours Catholique s’engage aux côtés de ces populations pour qu’elles puissent faire valoir leur droit à la terre.

    « Les peuples autochtones ne peuvent être enlevés de force à leurs territoires (…) Ils ont le droit de contrôler les ressources qu’ils possèdent ». Onze ans après l’adoption par l’ONU de cette déclaration des droits des peuples autochtones, le pillage de leurs terres se poursuit à un rythme effrayant.

    C’est une véritable course aux ressources naturelles (bois, minerais, sols) à laquelle se livrent des entreprises de l’agriculture intensive et de l’extractivisme avec la bénédiction des Etats.

    « L’Amazonie est à titre d’exemple envahie par ce qu’on appelle une « République du soja » de 46 millions d’hectares, une catastrophe pour l’environnement en terme de déforestation ; et pour les peuples autochtones chassés. » explique Joël Da Costa, référent Amazonie pour le Secours Catholique.
    ateliers de géolocalisation et cartographie

    Or, « cet accaparement des terres ôte leurs moyens de subsistance. Défendre leur droit à la terre permet de ne pas les faire plonger dans la pauvreté et de respecter l’environnement, vu que ces communautés autochtones ont des savoirs traditionnels respectueux des écosystèmes » poursuit Sara Lickel, chargé de plaidoyer.

    C’est pourquoi le Secours Catholique s’engage en Amazonie mais aussi en Asie (Vietnam, Birmanie, …).

    A travers les projets de divers partenaires, l’association aide notamment les peuples à délimiter juridiquement leurs territoires : « des ateliers de géolocalisation et de cartographie permettent ainsi à ces populations de revendiquer leurs droits fonciers avec des documents précis après des autorités » note Joël Da Costa.

    #cartographie_participative #peuples_autochtones #premières_nations