https://vacarme.org

  • « Voir comme on ne voit jamais ». Dialogue entre Pierre Bourdieu et Toni Morrison
    https://vacarme.org/article807.html

    Figure puissante de la littérature américaine contemporaine, Toni Morrison compose, livre après livre, une œuvre polyphonique, portée par les passions, les voix, les rythmes de ceux que l’on opprime [1]. Une oeuvre dont on pressent sans mal qu’elle intéresse la sociologie de Pierre Bourdieu, mais à quel titre, exactement ? Pour ses affinités ou pour sa distance avec le savoir sociologique ? Parce qu’elle reflète une condition sociale, ou parce qu’elle s’en affranchit ? Comme invention littéraire ou comme intervention politique ? L’entretien qui suit permettra d’en juger. Il a eu lieu à Paris, le 22 octobre 1994. Source : Vacarme, 2 janvier (...)

  • Travail, nom féminin - Vacarme
    https://vacarme.org/article3260.html

    L’histoire de Konstantína Koúneva, militante syndicale défigurée fin décembre 2008 dans un quartier d’Athènes à la suite d’une attaque à l’acide, est traversée par l’histoire grecque de ces dix dernières années et la traverse en retour d’une façon oblique, singulière et sensible.

    pas encore lu, je le poste pour le retrouver, mais aussi parce que je sens que ça va planter des arbres.

    #Konstantína_Koúneva

  • ensauvager la métropole - Vacarme
    https://vacarme.org/article3239.html

    Tant que la carrière était ainsi laissée à elle-même, elle était relativement peu connue des Francilien·ne·s et les possibilités d’y accéder limitées. Mais, depuis quelques années, le projet de destruction de la forêt et de la cité Gagarine qui la surplombe ont conduit à l’émergence de luttes sociales et de collectifs militants visant à les préserver. La transformation des HLM en « éco-quartier » et des carrières ensauvagées en « base de loisirs » participe évidemment de la logique de valorisation foncière du Grand Paris. À cet égard, les luttes ne portent pas seulement sur la préservation de la nature. Elles visent à bloquer la production capitaliste de l’espace et le rapport instrumental au monde qui l’autorise. La destruction programmée des huit hectares de la forêt ayant commencé en septembre 2018, les collectifs ont eu comme premier souci de faire connaître l’existence de la forêt afin de la conserver. Enclose et menacée, elle n’abrite plus les usages marginaux qu’elle avait connus jusqu’ici. Alors que les pratiques discrètes, hétérotopiques, avaient intérêt à la maintenir dans l’oubli, le conflit politique a fait de la publicité de cette nature historique l’objet et l’enjeu de la contestation sociale. Les conflits écologiques sont aussi, le plus souvent, des luttes pour la connaissance et son partage.

    #écologie #romainville #chthulucène #renouée

  • souveraineté aborigène - Vacarme
    https://vacarme.org/article3073.html

    De telles alliances sont aujourd’hui indispensables pour défendre la vie sur terre, et de nombreuses stratégies sont possibles : réinventer des modes de contestation en
    inaugurant de nouveaux rituels collectifs, comme l’a fait Starhawk, ou internationaliser les luttes comme le fait par exemple le mouve-ment international pour les droits de la nature comme terre mère, initié par des changements de constitution en Bolivie et en Équateur qui ont reconnu les droits de la Terre Mère Pachamama inspirés d’une forme de culte andin. Mais ce sont les autochtones eux-mêmes qui nouent des alliances transnationales entre eux, que ce soit aux Nations unies ou dans leurs sites d’occupation comme Standing Rock.

    #aborigènes #peuples_autochtones #descola #history_from_below

  • les fractures ouvertes de la gauche : ça se soigne ou pas ? - Vacarme
    https://vacarme.org/article3211.html

    Non seulement les gauches multiples ne partagent presque plus jamais les mêmes combats, n’occupent plus les mêmes territoires, ne s’émeuvent plus des mêmes enjeux — ce qui en soi ne serait pas nécessairement un drame : peut-être un juste partage des tâches ? —, mais surtout, quand elles occupent les mêmes lieux et les mêmes luttes, elles s’y déchirent comme jamais. Sur l’islam, pas sur les religions en général (ça c’est vieux). Sur l’immigration. Sur la politique internationale (Syrie, Russie, Venezuela, Tibet, Palestine, Mali). Sur l’écologie (réchauffement climatique, nucléaire, végétarianisme…). Sur l’éducation. Sur le travail et le rapport au travail (revenu minimum ou travail pour tous ; plaie du chômage ou des working poors ?). Sur l’État. Sur l’Europe. Sur les minorités. Sur le féminisme. Sur la libération sexuelle. Même sur les néo-fascismes qui viennent, qui sont déjà là. Pas un seul enjeu contemporain où la gauche ne prenne les armes contre elle-même. Pire encore, pas un seul enjeu contemporain où la gauche, non seulement se déchire, mais se renverse, balbutie, se contorsionne, se contredit, devienne illisible, se dissolve.

    […]

    Car, en faisant passer la contradiction à l’intérieur d’elle-même, la belle âme la psychologise, la ressent, au lieu de l’objectiver, de la penser et de la politiser et, ce faisant, elle rompt le juste processus dialectique, confond l’intériorité de l’Esprit du temps où les contradictions et les luttes se renversent et progressent et l’intériorité individuelle où les contradictions se figent. Et c’est ainsi que la belle âme, l’âme nulle, tombe hors de l’histoire, et meurt.

    #politique #gauche #libéralisme #individualisme @vacarme

    • Amusant. J’allais écrire un truc sur l’autre fil du jour, où on cause Crépuscule et où des lumières de gauche lui collent l’étiquette « confusionnisme ». J’allais écrire un truc comme « de toute façon, les progressistes sont incapables de se rassembler ». Et je me suis abstenu, j’avais déjà assez signifié ma mauvaise humeur face à ces pulsions nihilistes.

    • Ce passage dans l’intime des contradictions du politique est le signe le plus funeste de la misère de la gauche. Hegel sur ce point est presque irréfutable : celui qui vit les divisions en lui-même au lieu de s’y engager au-dehors, qui absorbe le monde au lieu de le transformer, c’est la belle âme — déchirée, complaisante, ironique en images, âme nulle en vérité. Car, en faisant passer la contradiction à l’intérieur d’elle-même, la belle âme la psychologise, la ressent, au lieu de l’objectiver, de la penser et de la politiser et, ce faisant, elle rompt le juste processus dialectique, confond l’intériorité de l’Esprit du temps où les contradictions et les luttes se renversent et progressent et l’intériorité individuelle où les contradictions se figent. Et c’est ainsi que la belle âme, l’âme nulle, tombe hors de l’histoire, et meurt.

  • J’archive cette histoire sur Les Suppliantes à la Sorbonne

    Facebook
    https://www.facebook.com/photo.php?fbid=10157104979755902&set=a.434672170901&type=3&theater&comment

    Voici le texte rose-brun !
    Le texte touche pas à ma racine gréco romaine.
    Le texte qui défend (à raison) la liberté de création mais en profite pour taper sur l’antiracisme. Le texte signé par tant d’ami.e.s que j’en perds mon latin. Le texte pour la défense du blackface pensé comme acte de création (quel talent). Le texte qui te ferait passer la valeur d’égalité pour du politiquement correct, le respect pour de la soumission au communautarisme, La lutte contre le racisme pour de l’identitarisme et la culture pour toutes et tous pour de la servitude volontaire. Si je suis habitué à avoir des ennemi.e.s, il est plus nouveau d’avoir des ami.e.s parmi les signataires qui se trompent autant... ou peut être, simplement se dévoilent : elles et eux qui attendaient qu’un spectacle universitaire amateur soit bloqué par deux ou 3 abrutis (je les condamne pour l’action tout autant que je comprends leur colère) pour monter l’événement en épingle, bien faire mousser, et enfin s’allier aux « on peut plus rien dire-on peut bien rigoler-yapasd’mal à se peindre en bamboula-c’est ma liberté de création-mon point de vu perso est universaliste alors ta gueule sale communautariste » et finalement vomir leur fiel trop longtemps contenu contre l’antiracisme.
    Pour info, contrairement à ce qui est écrit en intro de ce texte, le Cran n’était même pas présent sur ce blocage et ne l’a donc pas appelé de ses vœux. Mais bon, ma bonne dame, on n’est pas à un mensonge près quand on est idéologue.
    Bande de blaireaux !
    Alors oui, cher.e.s signataires (et parmi vous mes potes) vous avez le droit de vous peindre en noir.e.s pour jouer des noir.e.s. si ça vous fait kiffer, si ça vous flatte la liberté. Et personne ne devrait bloquer un spectacle, c’est vrai. Mais moi j’ai aussi le droit de vous dire que le faire, se déguiser en noir, en asiatique, en arabe... aujourd’hui, dans le contexte qui est le nôtre, en pleine conscience... ça fait de vous des ordures.
    C’est politiquement correct ça ?

    #Suppliantes #Eschyle #PrintempsRépublicain #Antiracisme

    • Pour Eschyle » L’almanach » Autour
      https://www.theatre-du-soleil.fr/fr/guetteurs-tocsin/pour-eschyle-103

      L’UNEF n’est pas en reste, qui exige des excuses de l’université, en termes inquisitoriaux : « Dans un contexte de racisme omniprésent à l’échelle nationale dans notre pays, nos campus universitaires restent malheureusement perméables au reste de la société, perpétrant des schémas racistes en leur sein. » Le 28 mars, après les réactions fermes de La Sorbonne, des Ministères de l’Enseignement Supérieur et de la Culture ainsi que d’une partie de la presse, dénonçant une atteinte inacceptable à la liberté de création, les mêmes étudiants commissaires politiques ont sécrété un interminable communiqué en forme de fatwa, exigeant réparation des « injures », entre autres sous forme d’un « colloque sur la question du “blackface” en France » : un programme de rééducation en somme, déjà réclamé par Louis-Georges Tin.

      #Islamophobie #Racisme

    • L’offensive des obsédés de la race, du sexe, du genre, de l’identité…
      https://www.marianne.net/societe/l-offensive-des-obsedes-de-la-race-du-sexe-du-genre-de-l-identite

      Les signaux sont nombreux qui montrent qu’un nouveau militantisme antiraciste confinant au racisme se propage dans notre société. Universités, syndicats, médias, culture, partis politiques… Ce courant de pensée né aux Etats-Unis "colonise" tous les débats.
      Les « racisés » souffrent d’« invisibilisation », ce qui devrait pousser à s’interroger sur les « privilèges blancs » et le « racisme d’Etat » en France. Si la triple relecture de cette phrase ne suffit pas à vous extirper d’un abysse de perplexité, c’est que vous n’avez pas encore fait la connaissance de la mouvance « décoloniale ».

      Vous n’êtes donc probablement pas un familier des organisations de gauche. Depuis plusieurs années, dans un mouvement qui s’accélère ces derniers mois, une idéologie nouvelle gagne ces milieux militants, qu’ils soient universitaires, syndicaux, associatifs, politiques ou artistiques. Sa dernière apparition spectaculaire remonte au 25 mars dernier, à l’entrée de la Sorbonne, sous les bannières de trois associations de défense des droits des personnes noires. Elles ont empêché la représentation d’une adaptation des Suppliantes, la pièce du poète antique Eschyle, dont certains comédiens blancs ont été accusés d’arborer du maquillage et des masques noirs pour interpréter une armée venue d’Afrique. Un blackface, c’est-à-dire un grimage raciste pour moquer les Noirs, ont expliqué ces manifestants. Le metteur en scène, Philippe Brunet, a eu beau rappeler ses engagements humanistes ou plaider pour qu’on puisse « faire jouer Othello [le personnage africain de Shakespeare] par un Noir ou par un Blanc maquillé », rien n’y a fait. « Il n’y a pas un bon et mauvais blackface », a rétorqué Louis-Georges Tin, président d’honneur du Conseil représentatif des associations noires (Cran).

      Sans que le grand public y prête encore attention, ces activistes, dont l’antiracisme confine souvent au racisme, conquièrent régulièrement de nouvelles organisations, comme le Planning familial, Act Up, qui lutte contre le sida, ou le syndicat SUD. Il ressort de l’enquête de Marianne que ces militants pointent également le bout de leur doctrine au Mouvement des jeunes socialistes, à la CGT, à la Ligue des droits de l’homme, dans les médias « progressistes » et dans les départements universitaires de...

      #Paywall (ça vaut peut-être mieux)

    • L’irruption du « classe, race, genre » à la Sorbonne - Libération
      https://www.liberation.fr/debats/2019/04/02/l-irruption-du-classe-race-genre-a-la-sorbonne_1718913

      La mise en scène des Suppliantes peut-elle échapper à la question de l’inscription de cette pièce dans l’Histoire ? Les Suppliantes posent non seulement la question de la représentation des « Noirs » au théâtre, mais celle du désir avec des femmes qui décident d’échapper au pouvoir des mâles, à leur société et qui, s’exilant, se mettent en situation d’émigrées déclassées et fragilisées. Nous sommes donc placés de façon contemporaine devant la question de l’intersectionnalité « classe, race, genre ». Les spectateurs d’aujourd’hui à la Sorbonne ne sont pas les Athéniens de cette époque-là. Ils ne peuvent faire abstraction des traites négrières transatlantiques, du colonialisme, des conceptions racistes sur « les Noirs » de Gobineau jusqu’au nazisme et l’Amérique du Ku Klux Klan, sinon au prix d’une déshistoricisation, dont on voit avec les Euménides qu’elle est une illusion.

      L’appel du Cran à organiser un colloque ouvert à la Sorbonne semble donc une bonne proposition. Il faut entendre ce que nous disent ces étudiants de la Sorbonne.

    • « Blackface », une histoire de regard - Libération
      https://www.liberation.fr/debats/2019/04/10/blackface-une-histoire-de-regard_1720559

      Qui est représenté, par qui, et qui regarde ? C’est à ce nœud-là que renvoie l’affaire des Suppliantes d’Eschyle, spectacle annulé à la Sorbonne le 25 mars sous la pression d’associations noires et de l’Unef, au motif que les actrices jouant les Danaïdes, originaires d’Egypte, étaient grimées. Le metteur en scène, Philippe Brunet, aurait fait la sourde oreille aux alertes répétées des étudiants et des militants depuis un an, puis aurait proposé de remplacer le maquillage par des masques, geste qui s’inscrit dans la tradition grecque et qui permettait de signifier mieux que de représenter. Mais cette option aurait aussi été rejetée par les protestataires. Un certain nombre d’entre eux a empêché la pièce d’être jouée, en s’opposant à l’entrée des acteurs et des actrices dans leurs loges.

      Le Conseil représentatif des associations noires (Cran), et son président d’honneur, Louis-Georges Tin, avaient appelé au boycott de la pièce, ce qui est une façon - et un droit - de protester sans interdire. Mais barrer l’entrée à des artistes, comme l’a fait un petit groupe, c’est faire œuvre de censure, et torpiller d’emblée un débat pourtant très nécessaire en France.

      Ce débat interrogerait la survivance plus ou moins inconsciente ou perverse de l’orientalisme, et de pratiques injurieuses contemporaines de l’esclavage, hors de propos au XXIe ; il poserait aussi la question passionnante des effets du travestissement au théâtre, qui est l’espace par excellence où les plus grandes libertés avec les conventions et avec l’actualité du monde ont été prises. En pleine crise des migrants en Europe, ce débat que n’importe qui devrait appeler de ses vœux relève bien de l’art, de la liberté de création, et des choix politiques qui les accompagnent nécessairement. L’ouvrir et en déplier les enjeux permettrait peut-être de dépasser ce clivage entre un « universalisme de surplomb » (Merleau-Ponty) européo-centré tout aussi crispé idéologiquement que les débordements de la pensée décoloniale. Il autoriserait aussi, qui sait, à trouver une issue à ce constat formulé par Nelson Mandela : « Ce que vous faites pour nous, sans nous, est toujours contre nous. »

    • Isabelle Barbéris : « Eschyle censuré, ou quand la moralisation de l’art tourne au grotesque »
      http://www.lefigaro.fr/vox/culture/2019/03/28/31006-20190328ARTFIG00044-isabelle-barberis-on-censure-eschyle-pour-crimina

      En creux, cette polémique révèle aussi une stratégie de criminalisation souterraine de la culture gréco-latine, par rétroactivité pénale. C’est une attaque contre la culture humaniste, contre le processus d’émancipation par la relecture des classiques. C’est enfin le symptôme d’une moralisation des arts (l’ « artistiquement correct »), transformant ces derniers en scène de tribunal ou d’expiation, ce qui à terme ne peut que les détruire. Les artistes qui répondent à ces attaques en entrant dans la justification ne comprennent pas que les accusateurs se moquent complètement de leur projet artistique ! Parfois, ils sont même responsables d’enclencher ce cycle infernal : la surenchère actuelle d’œuvres à messages manichéens, à base de postures flagellantes et de bonnes intentions, ne peut que réveiller l’appétit des commissaires du peuple - qui seront toujours mieux pensants qu’eux - et se retourner en censure.

      #grand_remplacement #Printemps_Républicain

    • Irène Bonnaud - Les gens qui animent l’institut dont il est...
      https://www.facebook.com/irene.bonnaud/posts/1137833263058040

      Les gens qui animent l’institut dont il est question ci-dessous sont des nazis, des vrais de vrais. L’article du Monde que je partage est encore bien trop gentil. Et quant à nos ami.e.s qui auraient l’idée de se mettre au diapason d’un Jean-Yves Le Gallou pour déclarer que les militants antiracistes sont racistes, que les militants antifascistes sont fascistes, que le noir est blanc et le blanc est noir, et qu’il faut se dresser pour défendre Eschyle contre l’extrême-gauche, ils feraient mieux de lire cet article, de jeter un œil sur ce site (https://institut-iliade.com) et d’y réfléchir à deux fois. Combien de fois faudra-t-il répéter que les gens du Printemps Républicain travaillent, "à gauche", à l’hégémonie culturelle de l’extrême-droite, aussi sûrement que les néo-conservateurs américains nous ont conduit jusqu’à Trump ? On peut s’engueuler sur les modes et méthodes d’intervention de tel ou tel groupe militant, mais s’aligner sur les thèses du "grand remplacement", même quand elles sont enrobées de vernis culturel, reste inadmissible. Non, la culture gréco-latine n’est pas menacée par l’antiracisme politique. Se livrer aux mêmes manipulations intellectuelles que ces crapules (en feignant de croire par exemple qu’Eschyle était visé à la Sorbonne, alors qu’il s’agissait de choix de mise en scène), c’est leur offrir une aide inespérée.
      –—
      Marion Maréchal, Génération identitaire et les anciens du Grece réunis dans un colloque d’extrême droite
      L’ancienne députée du Front national a participé samedi à Paris au sixième colloque annuel de l’institut Iliade.
      Par Lucie Soullier / Le Monde
      Publié hier à 19h14, mis à jour à 06h24
      Ils doivent avoir vingt ans, ou à peine plus. Se connaissent par des prénoms qui ne sont pas toujours les leurs, parce qu’« on ne sait jamais ». Lui a même supprimé toutes les photos de profil qui pourraient trahir, en ligne, sa véritable identité. Méfiant ? « Prudent. »
      Tous les quatre se sont retrouvés à Paris, en ce samedi 6 avril ensoleillé, pour assister à un colloque d’extrême droite à la Maison de la chimie (7e arrondissement). Loin d’être un rendez-vous clandestin, le sixième colloque annuel de l’institut Iliade a pignon sur la très chic rue Saint-Dominique. A deux pas de l’Assemblée nationale. La file qui s’étire sur des dizaines de mètres peut même admirer la pointe de la Tour Eiffel, pour patienter jusqu’à l’entrée.
      Nos quatre jeunes gens tuent le temps avec quelques convenances. « Ça a été ton trajet ? », s’enquiert la Parisienne en rouge auprès de son ami venu de l’Est. Sac sous le bras, il lui répond « ça va, ça va » avec un « mais » très appuyé : « J’avais le choix de m’asseoir entre un Noir et une personne dirons-nous… marron. » Bras en écharpe et blouson noir, son voisin enchérit tout aussi excédé : « Ah moi, je suis venu en taxi avec un bon gros… » Il ne finira pas sa phrase ; tous quatre s’accordent sur le terme « guadeloupéen ». La fille en rouge soupire, tout en jugeant que « les Noirs des îles, ça va ».
      Différence entre les peuples
      Fouille à l’entrée. Une matraque télescopique repose sur une table, confisquée « juste pour la journée ». Une chouette et un glaive flottent sur les drapeaux, emblèmes de l’institut Iliade. Idéologiquement à l’extrême droite, tendance identitaire européenne, à majorité païenne mais pas que, Iliade est l’héritier du Grece (Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne) pensé à la fin des années 1960 comme une « Nouvelle droite » identitaire et nationaliste prêchant la différence entre les peuples.
      Pour les fondateurs d’Iliade, la bataille culturelle est la mère de toutes les autres pour faire triompher ses idées. L’institut d’extrême droite organise donc formations, colloques et tente d’essaimer dans tous les milieux professionnel et politique qui peuvent lui permettre de diffuser son idéologie.
      Marion Maréchal était surtout venue soutenir son compagnon, Vincenzo Sofo, invité à discourir sur « les frontières ou les invasions barbares »
      Pas étonnant donc, finalement, d’y croiser Marion Maréchal, elle qui a tant utilisé la figure du penseur marxiste italien Antonio Gramsci – selon lequel toute victoire politique passerait d’abord par une conquête des esprits – pour expliquer sa décision de quitter la politique électorale en 2017, puis de fonder sa propre école de sciences politiques, à Lyon. En réalité, la jeune « retraitée » de la politique était surtout venue soutenir son compagnon, Vincenzo Sofo, un intellectuel de la Ligue italienne invité à discourir sur « les frontières ou les invasions barbares ».

      #Front_National #GRECE #ILIADE #Extrême_Droite #fascisme

    • Irène Bonnaud - En 2013, j’avais écrit une préface à ma traduction...
      https://www.facebook.com/irene.bonnaud/posts/1132136533627713

      En 2013, j’avais écrit une préface à ma traduction des Suppliantes d’Eschyle, et au texte de Violaine Schwartz, Io 467 (publiés aux Solitaires Intempestifs). Je la poste ici pour les très curieux, et aussi parce que je lis tant de bêtises, y compris accompagnées d’arguments d’autorité ("je suis professeur de Lettres Classiques, et je vous dis, moi, que c’est la culture qu’on assassine..."), que je suis obligée de réagir et d’apporter mon soutien aux étudiantes et étudiants de la Sorbonne qui, après s’être senti.e.s humilié.e.s par un système de représentation raciste, sont à présent insulté.e.s par les plus hautes autorités de l’Etat. Enfin, après 8 heures de Grand Débat avec des intellectuel.le.s, où personne n’a protesté avec la véhémence nécessaire contre l’augmentation de 1400% des droits d’inscription à l’Université pour les étudiant.e.s africain.e.s (parce que c’est de ça dont il s’agit), plus rien ne m’étonne.
      –—
      Passé / présent
      Des tragiques grecs dont on a conservé les pièces‚
      Eschyle est le seul à avoir vécu l’instauration de la
      démocratie à Athènes.
      Enfant‚ il vivait dans une cité qui était bourgade
      de province gouvernée par un despote‚ mais à 20 ans
      il vit Clisthène engager des réformes pour imposer
      le pouvoir des assemblées. À 35 ans il fut héroïque‚
      paraît-il‚ sur le champ de bataille de Marathon‚ puis
      à 45 ans triompha avec la flotte à Salamine : au géant
      perse qui venait envahir la Grèce‚ la petite Athènes‚
      forte de sa nouvelle démocratie et de ses navires‚ avait su
      résister et se retrouvait capitale d’un empire maritime.
      Huit ans plus tard‚ dans sa pièce Les Perses‚ racontant
      Salamine du point de vue des vaincus‚ Eschyle mit en
      scène leur stupéfaction devant ces Grecs « ni esclaves
      ni sujets d’aucun homme ». Et quand‚ en 461‚ Éphialte
      fit passer la réforme des institutions judiciaires pour
      ôter tout pouvoir politique au tribunal de l’Aréopage‚
      tenu par les aristocrates‚ Eschyle écrivit l’Orestie où
      Athéna vient appuyer ce coup de force de toute son
      autorité sacrée.
      Confiance provocatrice en la démocratie et confiance
      dans le théâtre pour raconter les histoires de son
      temps : les pièces d’Eschyle étaient aussi interventions
      directes dans les luttes intestines qui agitaient Athènes‚
      toujours sous la menace d’une restauration oligarchique
      ou d’une guerre civile.
      Les Exilées ne fait pas exception. Premier texte
      de l’histoire où apparaît l’alliance de mots « démocratie
       » pour décrire ce royaume d’Argos « où le
      peuple règne »‚ la pièce d’Eschyle transforme la ville
      des Pélages en démocratie modèle du ve siècle‚ avec
      assemblée des citoyens‚ parole qui persuade et vote à
      main levée. L’anachronisme est saisissant. Les filles de
      Danaos qui pensent s’adresser à un roi (« Seul ton vote
      compte / Un signe de tête suffit ») n’en croient pas leurs
      oreilles‚ avant d’être converties au nouveau système
      politique (« Peuple d’Argos / Conserve ton pouvoir
      sans trembler / Tu diriges la Cité avec prudence / Tu te
      soucies de l’intérêt de tous »).
      On s’est beaucoup trompé au sujet de la date des
      Exilées. De savants professeurs‚ et leurs commentaires
      repris ou réimprimés par beaucoup d’éditions bon
      marché‚ ont affirmé qu’il devait s’agir d’une pièce
      « primitive »‚ de la « jeunesse » de son auteur et des
      « balbutiements » du genre tragique. Pour l’esprit bourgeois
      des xviiie et xixe siècles‚ ce qui n’était pas théâtre
      des individus devait relever d’une « forme archaïque »
      de dramaturgie. Le rôle central du choeur dans la pièce‚
      le simple fait qu’un collectif puisse être au centre de
      l’action‚ paraissait inconcevable au goût littéraire de
      l’époque. C’était aussi le temps où on coupait les pièces
      de Shakespeare pour n’en garder que les tirades des
      protagonistes. Mais les théories sur l’« archaïsme » de
      la pièce d’Eschyle s’effondrèrent d’un coup quand‚
      un jour de 1951‚ un archéologue trouva un bout de
      papyrus au fond du désert égyptien : la pièce datait de
      463 av. J.‑C. et cette année-là‚ Eschyle avait 62 ans
      – comme Athènes‚ il était au sommet de son art.
      On était donc au printemps 463.
      Les démocrates athéniens s’agitaient pour faire
      passer leurs réformes‚ ils préconisaient une alliance
      sacrée avec Argos‚ la cité démocratique du Péloponnèse‚
      rivale de Sparte dans la région. Argos venait
      d’offrir l’asile à un héros d’Eschyle‚ Thémistocle‚ chef
      du parti démocratique au temps de sa jeunesse‚ l’homme
      qui avait osé vider Athènes de ses habitants pour attirer
      les Perses dans le piège de Salamine. Les aristocrates
      avaient poussé Thémistocle à l’exil et intriguaient pour
      qu’Argos livre son réfugié à Sparte‚ mais Argos‚ où
      la démocratie avait été restaurée l’année précédente‚
      tenait bon et ne cédait pas.
      Au même moment‚ en Égypte‚ occupée par l’Empire
      perse dont le gouverneur accablait d’impôts les
      paysans du delta‚ la révolte grondait. Inaros‚ chef des
      tribus libyennes‚ avait soulevé la population contre
      l’occupant et demandé l’aide d’Athènes contre l’oppresseur.
      Cette expédition se terminerait mal‚ mais
      pour l’heure‚ on se passionnait pour l’Égypte où les
      Grecs commerçaient depuis des siècles‚ où des villes
      grecques avaient été fondées dans le delta du Nil‚ où
      une déesse aux cornes de vache rappelait tant la légende
      de Io‚ et un dieu taureau‚ son fils Épaphos.
      Aucun événement historique de l’époque d’Eschyle
      n’apparaît de façon mécanique dans le texte‚ mais on
      voit bien comment un certain climat politique a pu
      le pousser à s’emparer de la légende des Danaïdes.
      Cinquante princesses noires du delta du Nil‚ persécutées
      dans leur pays‚ fuyant un mariage forcé avec
      leurs cousins‚ traversent la Méditerranée et viennent
      demander l’asile à Argos‚ patrie de leur aïeule‚ Io‚ qui
      a fui en sens inverse quelques générations plus tôt.
      Après avoir tergiversé‚ le roi prend fait et cause
      pour les étrangères et convainc les citoyens de voter un
      décret leur assurant asile et protection. On comprend à
      la fin du texte que l’hospitalité accordée à ces femmes
      « venues de loin pour demander l’asile »‚ comme le
      suggère le titre grec de la pièce‚ Hiketides‚ va déclencher
      une guerre entre Argos et les fils d’Égyptos.
      On ne sait pas grand-chose de la suite des événements
      car Les Exilées est la seule partie conservée de
      la trilogie d’Eschyle. D’après la légende et le résumé
      qu’en fait Prométhée dans Prométhée enchaîné‚ les
      fils d’Égyptos gagneront la guerre‚ le roi Pélasgos
      mourra au combat‚ Danaos‚ le vieux roi africain‚
      montera sur le trône d’Argos‚ et feignant de céder‚ il
      donnera ses filles en mariage à leurs ennemis. Mais la
      nuit de noces venue‚ chacune égorgera son chacun‚ à
      l’exception d’une seule qui préférera « être appelée
      lâche que sanguinaire ». Le couple survivant‚ amoureux‚
      héritera du trône d’Argos. C’est ce happy end
      sur fond de cadavres qui explique peut-être le seul
      passage conservé du reste de la trilogie‚ attribué à la
      déesse Aphrodite :
      Le ciel sacré veut pénétrer la terre
      Elle
      Prise de désir
      Attend son étreinte
      Il se couche sur elle
      Et du ciel tombe la pluie et engrosse la terre
      Pour les mortels
      Elle enfante
      Les prairies où paissent les troupeaux
      Les fruits de Déméter
      Et de leur étreinte humide
      Chaque printemps renaît la forêt
      De tout cela je suis la cause
      Le texte même des Exilées est objet de débats‚ des
      passages du manuscrit étant très corrompus : dans la
      scène entre l’éclaireur ennemi et les filles de Danaos
      ne surnagent que des mots épars et c’est comme si
      l’effondrement du texte mimait la panique ressentie
      et la violence de la scène. L’incertitude est grande aussi
      quant au final où le choeur paraît entrer en discussion‚
      et en contradiction‚ avec lui-même‚ peut-être pour
      annoncer l’heureux dénouement de la trilogie.
      Mais les incertitudes philologiques ne peuvent
      seules expliquer pourquoi la seule tragédie grecque
      ayant des femmes noires comme héroïnes est aussi
      l’une des plus méconnues et des moins jouées.
      Même si beaucoup de ses hypothèses sont sujettes
      à caution‚ on peut reconnaître à Martin Bernal et à sa
      Black Athena le mérite d’avoir rappelé l’idéologie
      raciste et coloniale des universités européennes aux
      xviiie et xixe siècles, au moment même où se constituaient
      les « sciences de l’Antiquité ». De la célébration
      des invasions doriennes au caractère « primitif » d’un
      chef-d’oeuvre d’Eschyle‚ la persistance diffuse de cette
      idéologie est d’autant plus grave qu’elle est inconsciente
      et invisible pour les non-spécialistes. Comment comprendre
      autrement que l’africanité du choeur‚ de Danaos‚
      de l’armée des fils d’Égyptos soit si souvent refoulée
      dans les traductions et les rares mises en scène de la
      pièce‚ alors que l’adjectif « noir » apparaît à plusieurs
      reprises et que Danaos‚ craignant un crime raciste‚
      exige une escorte pour entrer dans la ville ?
      Eschyle‚ qui avait déjà su faire parler les vaincus‚
      les barbares‚ les étrangers‚ dans Les Perses‚ confie
      le rôle principal à un choeur de femmes noires qui se
      défendent‚ argumentent‚ menacent‚ sans se laisser
      intimider ni par les conseils paternels (« parler haut
      ne convient pas aux inférieurs ») ni par les moqueries
      du roi d’Argos (« Vous vous pavanez avec des étoffes
      barbares / Des tissus dans les cheveux »).
      Un mariage forcé comme le refus de l’hospitalité
      sont‚ pour elles comme pour Eschyle‚ des impiétés
      qui mettront les dieux en colère :
      Comment serait pur
      Celui qui veut prendre une femme de force
      Contre son gré
      Celui qui fait cela
      Même mort et descendu chez Hadès
      Il sera encore accusé de crime
      Qu’importe les lois d’Égypte‚ puisqu’il s’agit d’une
      de ces « lois non écrites » voulues par les dieux. En
      lisant Eschyle‚ on comprend mal que les commentateurs
      de la pièce aient aussi consacré les trois quarts de leurs
      travaux à inventer les « vraies raisons » de la fuite des
      Danaïdes : rejet de la consanguinité‚ folie de naissance‚
      haine des hommes‚ complot de Danaos craignant un
      gendre assassin… Les hypothèses les plus fantasques
      ont été développées‚ sans qu’une seule ligne du texte
      ne vienne les soutenir‚ comme si le refus d’un mariage
      forcé et la crainte d’un viol n’étaient pas motifs suffisamment
      sérieux et qu’il fallait à toute force en trouver
      d’autres. Quand on compare Eschyle à certains de ses
      spécialistes‚ on s’interroge : qui notre contemporain‚
      qui à ranger au rayon des antiquités…

    • André Markowicz, le black face et le quant-à-soi de l’intelligentsia : Touraine Sereine
      http://tourainesereine.hautetfort.com/archive/2019/04/01/andre-markowicz-le-black-face-et-le-quant-a-soi-de-l-int

      Le blackface ? des dizaines de gens, à qui j’explique depuis plusieurs jours qu’il s’agissait d’une pratique courante dans les spectacles populaires français — au même titre que les publicités représentant des petits Africains se blanchir la peau grâce au savon des gentils Européens —, me rétorquent : « bah, on n’est pas aux Etats-Unis... »
      Bah oui, le racisme et la ségrégation, c’est Rosa Parks et Nelson Mandela. Ça n’a jamais existé chez nous.
      Ainsi, la manipulation à laquelle s’est livrée le metteur en scène Philippe Brunet, qui a tenté in extremis de remplacer par des masques plus conformes à l’esthétique antique le grimage racialiste et raciste d’actrices blanches, aura surtout montré la profonde inculture de l’intelligentsia française. On se sait de gauche, on s’est convaincu pour toujours de ne pas être raciste, et donc, même si des spécialistes de la question viennent vous rappeler que le grimage en noir, sur une scène théâtrale française, est une pratique analogue au black face, on dira que ce n’est pas vrai, que c’est de la censure.
      Notre pays n’a pas réglé sa dette vis-à-vis de son ancien Empire, ce qui permet notamment à la France de continuer à essorer ses anciennes colonies grâce au subterfuge scandaleux du franc CFA. C’est ce qui a permis à l’Etat français d’aider très efficacement au génocide rwandais en 1994. C’est ce qui permet aujourd’hui à tant d’universitaires et de gens de théâtre de s’asseoir sur l’histoire de la colonisation en taxant de « communautaristes » les opposants qui manifestent leur désapprobation quand un spectacle utilise une pratique indissociable d’un crime contre l’humanité.
      Et voilà comment des intellectuels, sans doute de bonne foi, se retrouvent, durant toute une semaine, à justifier le racisme institutionnel, aux cotés des Le Gallou et Zemmour dont ils se prétendent les adversaires.
      Cela me révolte et me révulse, mais cela n’a pas de quoi m’étonner : quoique je n’appartienne pas à une communauté racisée (ou que je ne fasse pas partie d’une minorité visible (aucune de ces formules ne me satisfait)), cela fait vingt-cinq ans que je travaille dans le domaine de la littérature africaine et que j’entends des collègues et des « intellectuels » tenir des propos d’un racisme souvent inconscient mais tout à fait audible. Il y a longtemps que des ami·es me demandent de raconter tout ce que j’ai entendu, mais ce serait le sujet d’une autre chronique.

    • Et encore...

      (1) Pièce d’Eschyle censurée : le contresens d’un antiracisme dévoyé - Libération
      https://www.liberation.fr/debats/2019/04/02/piece-d-eschyle-censuree-le-contresens-d-un-antiracisme-devoye_1718911

      Pièce d’Eschyle censurée : le contresens d’un antiracisme dévoyé
      Par Vigilance Universités

    • J’ai gardé le meilleur pour la fin

      TRIBUNE. Eschyle censuré : « l’UNEF est devenu un syndicat de talibans »
      https://www.nouvelobs.com/les-chroniques-de-pierre-jourde/20190409.OBS11306/tribune-eschyle-censure-l-unef-est-devenu-un-syndicat-de-talibans.html

      Totalitarisme de l’UNEF, qui réclame des camps de rééducation pour ces imbéciles de profs et d’employés universitaires, trop racistes, c’est bien connu, autrement dit la mise en place de « formations sur la question des oppressions systémiques ». Le crétin inculte veut toujours former plus intelligent que lui à son image.

      Je garde le meilleur pour la fin. La section de l’UNEF à la Sorbonne est dirigée par une femme voilée. L’obscurantisme religieux s’ajoute ici à l’obscurantisme culturel. N’oublions jamais que le voile est précisément exigé des femmes par des régimes religieux totalitaires qui leur refusent en même temps d’hériter, de conduire, de sortir seules d’avoir une vie libre et normale. Là-bas, on n’a pas le droit de ne pas le porter. Et les femmes qui cherchent à s’en libérer sont battues et fouettées, ou simplement agressées dans la rue, car une femme non voilée est une putain, bonne pour tout homme. Le voile en pays démocratique est une insulte à la lutte des femmes pour leur libération dans les pays où règne l’Islam le plus rétrograde. Le voile signifie que les cheveux de la femme sont impudiques. Que le corps de la femme est impudique car il risque de provoquer les hommes. On ne se contente pas toujours du voile, il faut que la femme soit entièrement empaquetée de noir jusqu’aux chevilles, et son visage même dissimulé. Ainsi elle n’agressera pas le désir des hommes (qui eux, bien sûr, sont libres d’aller tête nue). Voilée et inclusive à la fois ! Comprend qui peut.

      LIRE AUSSI > Comment peut-on être musulmane et féministe ?

      L’interdiction d’une grande pièce du répertoire antique est exigée par des étudiants à grands coups de fautes d’orthographe. L’égalité et le respect des Noirs sont défendus (hors de propos) par quelqu’un qui porte le signe de l’infériorité des femmes.

      Voilà où en est l’UNEF. Voilà où en sont les luttes étudiantes à la Sorbonne.

      #voile

    • Blackface : le Gouvernement et l’extrême droite sur la même ligne ? ‹ Le CRAN
      http://le-cran.fr/blackface-le-gouvernement-et-lextreme-droite-sur-la-meme-ligne

      « Nous soutenons les associations d’étudiant-e-s, qui demandent à ce qu’une rencontre soit organisée, entre le metteur en scène et le service culturel de la Sorbonne. Afin de s’assurer qu’il n’y aura plus de blackfaces et autres stéréotypes ou outils à connotations racistes, parmi les représentations soutenues ou accueillies par l’université », a déclaré Ghyslain Vedeux, le président du CRAN. M. Le chef du services culturel, mardi dernier (26 mars) a fait comprendre à des étudiants qu’il ne souhaitait pas s’entretenir avec eux. M. Riester et Mme Vidal apportent pourtant leur soutient, tout comme…l’extrême droite. C’est un signal inquiétant qui ne laisse aucun doute car certaines scènes, jouées en l’état, consciemment ou inconsciemment, renvoient à des représentations afrophobes et racistes », a poursuivi le président du CRAN.

      LIRE : Communique-final Réponse des Étudiantes et Étudiants de Sorbonne

      En effet, dans la même journée, plusieurs sites ultra comme « Résistance républicaine » avaient également apporté leur soutien embarrassant à Philippe Brunet. Et face à Louis-Georges Tin, président d’honneur du CRAN, Jean-Yves Le Gallou (ancien membre du FN, théoricien ayant élaboré le concept de « préférence nationale », et proche d’Henry de Lesquen), a affirmé qu’il rejoignait « les ministres macronistes ».

      #blackface #noirs #colonial

    • Blackface : le gouvernement « condamne fermement » l’annulation de la pièce Les Suppliantes - Le Figaro Etudiant
      https://etudiant.lefigaro.fr/article/a-sorbonne-universite-une-piece-de-theatre-antique-annulee-a-cause

      Dans un communiqué, la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal et le ministre de la Cuture Franck Riester estiment qu’il s’agit d’une « atteinte sans précédent à la liberté d’expression et de création dans l’espace universitaire ». Ils font part de leur soutien à l’université ainsi qu’au metteur en scène et aux comédiens. Une nouvelle représentation des Suppliantes sera organisée « dans les prochaines semaines et dans de meilleures conditions » au sein du grand amphithéâtre de la Sorbonne, ont-ils également annoncé.

      #Racisme_d'Etat

    • (2) Ligue de défense noire africaine - Accueil
      https://www.facebook.com/liguededefensenoirafricainefrance

      Pour nous La LDNA le problème n’est ni Eschyle ni les Suppliantes mais le metteur en scène qui sous couvert d’antiracisme voulait grimer ses actrices en femmes noires ; puis suite à nos protestations souhaitait leur faire porter des caricatures de masques totémiques qui n’avaient de remarquables que leur laideur !
      Les vraies questions de notre action sur La Sorbonne et la pièce d’Eschyle sont :
      1) pourquoi le metteur en scène a-t-il choisit que les solutions qui outrageaient ?
      2) Pourquoi n’a-t-il pas recruté des actrices noires ?
      3) Pourquoi n’a t il pas utilisé de jolis masques stylisés ?

    • J’avoue ma perplexité devant ce dernier lien et cette remarque sur la joliesse des masques. C’est quoi des « jolis masques stylisés » ?
      Pour cette troupe de théatre de la sorbonne il me semble que c’est des étudiantes qui jouent, en amatrice·urs au sein de leur fac. sachant ceci je ne voie pas comment recruté 50 femmes noires. Est-ce qu’il faut interdire cette pièce pour toutes les compagnies de théâtre qui ne disposent pas de 50 femmes noires ?

    • Pour les masques : ceux envisagés pour le spectacle n’avaient rien à voir avec des masques antiques (à mon sens, ils ressortaient plutôt du style « Y a bon banania », mais comme je n’ai jamais compris comment on collait une image sur seenthis, je ne peux pas le prouver...). Effectivement, des masques absolument abstraits genre Bauhaus / Oskar Schlemmer ou des copies des masques grecs de l’antiquité n’auraient pas provoqué ces réactions. Là, selon l’aveu du metteur en scène lui-même, il s’agissait « d’exagérer les traits du visage ». Quand un metteur en scène blanc avec des actrices blanches décident de représenter des Africaines à l’aide de masques « accentuant les traits du visage », on peut être inquiet du résultat...

      Personne n’a besoin de 50 femmes pour jouer Les Suppliantes - il peut y en avoir deux ou trois, aucune importance, ou 12, comme dans l’Antiquité. C’est du théâtre, pas une reconstitution exacte de la mythologie grecque pour la télé. Il y a beaucoup de débats ces dernières années sur l’invisibilisation des personnes racisées sur les scènes de théâtre - comme le metteur en scène a voulu faire cette pièce, comme il le dit, pour parler du racisme, de l’identité, etc (c’est l’histoire de demandeuses d’asile africaines en Grèce, pour résumer à l’extrême), c’est étrange qu’il n’ait pas songé à trouver 2 ou 3 étudiantes noires à la Sorbonne. Mais admettons qu’il n’y ait aucune étudiante noire à la Sorbonne. La pièce a été mise en scène récemment par Gwenaël Morin à Lyon avec de jeunes comédiennes de toutes les origines, et par Jean-Pierre Vincent avec des amatrices des quartiers de Marseille, et ça n’a suscité aucune protestation parce que personne n’était « grimé en noir ».

    • D’autres photos circulent sur twitter, vraiment pires. Apparemment il y a eu passage d’une version « grimée » l’an passé à une version « masquée » (cette année).

    • Blackface à la Sorbonne : victoire du CRAN et de ses partenaires ‹ Le CRAN
      http://le-cran.fr/blackface-a-la-sorbonne-victoire-du-cran-et-de-ses-partenaires

      A la suite de ce boycott lancé le 21 mars dernier par le CRAN et repris par ses partenaires, les étudiants ont interpellé Philippe Brunet, le metteur en scène de la pièce. Dans un premier temps, il a proposé de faire jouer les scènes concernées avec « un masque noir ». En s’appuyant sur le travail du CRAN (voir site internet www.stopblackface.fr), les étudiants ont aisément démontré que cela ne réglait pas le problème tant les masques restaient grossiers, perpétuant les stéréotypes afrophobes et racistes.

      Puis, dans une seconde tentative peu convaincante, Philippe Brunet s’est hasardé à proposer que la pièce soit jouée avec… « des masques dorés ». Ne se laissant pas amadouer, les étudiants ont demandé à voir ces fameux « masques dorés » ; Philippe Brunet fut bien en peine de leur montrer les objets en question, et finalement, il dut se résoudre à annuler cette représentation.

      « Après notre appel au boycott du 21 mars, relayé par les étudiants et les associations de la Sorbonne, nous avons été entendus. A présent, avec nos partenaires, nous souhaitons que se tienne très bientôt un colloque sur l’histoire du Blackface en présence de ce metteur en scène, de la direction du centre culturel et du doyen de cette université. Ce sera une sorte de réparation », a conclu Ghyslain Vedeux, le président du CRAN.

    • Il y a quelques photos sur le tweet de Rokhaya Diallo

      dont la première datée de 2017

      également ceci au Figaro


      Pour éviter de se grimer en noirs, les comédiens avaient proposé de porter des masques de couleurs.
      Crédits photo : Culture-sorbonne

      (note : le site du Point fonctionne (plus ou moins…))
      EDIT : je vois que tu as essayé de poster cette même image. Tu as mis l’adresse du tweet (ce qui permet de la retrouver), pour avoir l’image il faut l’adresse… de l’image que tu obtiens par un clic droit sur celle-ci.

    • Quel rapport entre la direction de Paris IV et la culture populaire américaine, je voudrais bien le savoir...(pardon, je parle toute seule)

      A propos du « blackface » : politique, mémoire et histoire. – Le populaire dans tous ses états
      https://noiriel.wordpress.com/2019/03/31/a-propos-du-blackface-politique-memoire-et-histoire

      Or les travaux historiques qui ont été publiés récemment sur le blackface montrent que ces spectacles ont toujours été « ambigus ». Pour illustrer ce point, je m’appuierai sur des écrits publiés par des auteurs qu’on ne peut pas soupçonner de la moindre complaisance à l’égard du racisme. Il s’agit du livre de l’historien américain William T. Lhamon, Raising Caïn. Blackface performance from Jim Crow to Hip-Hop, publié par Harvard University Press en 1998. Il a été traduit en français sous le titre Peaux blanches, masques noirs. Performances du blackface de Jim Crow à Michael Jackson, édition Kargo et L’Eclat, 2008, avec une préface du philosophe Jacques Rancière.

      Il est regrettable, mais logique (vu la position hégémonique qu’occupent aujourd’hui dans le champ intellectuel les identitaires de tous poils) que ce très beau livre n’ait pas rencontré plus d’écho dans notre espace public. Dans sa préface, Jacques Rancière a clairement indiqué les raisons pour lesquelles cet ouvrage était important. Les spectacles en blackface, concoctés au début du XIXe siècle par des comédiens blancs grimés en noir dans de petits théâtres populaires new-yorkais, étaient typiques d’une « culture sans propriété ». William Lhamon la définit en réhabilitant un vieux mot anglais : « lore », terme qu’il détache du terme « folk-lore », lequel s’est imposé par la suite pour assigner une culture à un peuple. Rancière enfonce le clou en soulignant qu’une culture n’est la propriété d’aucun groupe ethnique, car elle est « toute entière affaire de circulation ». La circulation d’une pratique culturelle permet non seulement de la faire partager à d’autres publics, mais elle aboutit toujours aussi à des formes d’appropriations multiples et contradictoires. Ce qui fut le cas au début du XIXe siècle, car le public qui assistait à ces représentations était composé d’esclaves et d’ouvriers (blancs et noirs) de toutes origines.

      Pourtant, dès le départ, le spectacle blackface « a fait l’unanimité de tous les bien pensants » contre lui, ajoute Rancière, résumant l’une des thèses centrales du livre. Non seulement les bourgeois cultivés le rejetaient car ils le trouvaient trop vulgaire, mais il était dénoncé également par les antiracistes de l’époque. « Les champions de l’émancipation des Noirs comme Frederick Douglass, relayés plus tard par la tradition de gauche, dénonçant cette appropriation des chants et danses du peuple noir, transformés en caricatures racistes d’un peuple enfoncé dans sa minorité. C’est récemment seulement que les historiens du blackface ont commencé à complexifier cette vision du spectacle de ménestrels comme une caricature issue du Sud esclavagiste donnée par des Blancs pour conforter le racisme de leurs semblables ».

    • Des masques derrière lesquels le racisme ne peut se cacher, de l’art derrière lequel le racisme ne peut se cacher... Le racisme ne peut se cacher, il s’exprime et se subit, c’est tout.
      Je pense aussi à ça :
      https://seenthis.net/messages/772108
      L’"artiste" a déclaré ne pas vouloir se justifier et a fait le lien avec les « Suppliantes ».
      https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/herault/sete/accuse-racisme-artiste-setois-herve-di-rosa-reagit-vive

    • À noter car @cie813 est trop modeste sa traduction s’intitule “Les Exilées” (aux éditions Solitaires intempestifs, 2013)
      https://www.solitairesintempestifs.com/livres/467-les-exilees-9782846813.html

      Les Exilées, Les Suppliantes sont à vrai dire le même texte d’Eschyle. Irène Bonnaud, metteur en scène et traductrice l’a revisité en le rattachant à l’histoire immédiate de l’Europe vis-à-vis des migrants du sud et en prenant comme texte d’origine le point de vue des femmes. Aujourd’hui, un migrant vient forcément du sud. C’est la tragique loi du système économique mondialisé qui ne cesse de déposer des corps épuisés, échoués après une traversée indicible de malheurs.

      Un extrait et une belle carte chez @vacarme
      https://vacarme.org/article2240.html

    • Oui, ça vient de @reka, bien sûr (je ne comprends pas que Vacarme ne l’ait pas crédité, c’est bizarre - il doit l’être dans la version papier, enfin j’espère). C’est le parcours de Io pourchassée par le taon, la ligne en pointillée c’est le trajet de ses descendantes, les héroïnes des « Suppliantes », qui viennent demander l’asile à Argos, royaume d’origine de leur arrière-arrière grand-mère.
      Mais arrivée dans le delta du Nil, la princesse grecque Io a mis au monde l’enfant de Zeus, Epaphos, qui est noir et fonde les dynasties africaines (d’où la polémique qui nous occupe).

      Eschyle dans « Prométhée enchaîné » (ma traduction aux Solitaires Intempestifs - comme @fil a commencé à faire de la pub, je continue) :

      Il est une cité
      Canope
      Qui se dresse au bout de la terre d’Égypte
      Sur un talus formé d’alluvions du Nil
      Là Zeus te caressera
      Doucement
      Sans te faire peur
      Le geste de sa main te rendra la raison
      Et ce même geste
      Sans étreinte
      Te fécondera
      Tu mettras au monde un fils au visage noir
      Épaphos
      L’enfant-né-d’une-caresse
      Il régnera sur les terres qu’arrose le Nil au large cours

      Eschyle dans « Les Suppliantes / Les Exilées » :

      Choeur.

      Mon récit sera bref
      Mes paroles claires
      Nous sommes d’Argos
      Nous descendons d’une génisse qui enfanta des rois
      C’est la vérité
      Nous pouvons le prouver

      Roi d’Argos.

      Comment vous croire
      Étrangères
      Comment pourriez-vous être d’Argos
      Vous ressemblez à des Libyennes
      Pas aux femmes de ce pays
      Le Nil nourrit des plantes dans votre genre
      Vos traits rappellent aussi les statues de femmes
      Que des sculpteurs fabriquent sur l’île de Chypre
      Et on raconte des histoires sur des Indiennes nomades
      Elles font attacher des selles à dossier sur des chameaux
      S’y prélassent en avançant aussi vite qu’à cheval
      Et se promènent ainsi jusqu’aux villes d’Éthiopie
      Le pays au visage brûlé par le soleil
      Si vous aviez des arcs et des flèches
      Je pourrais vous prendre pour des Amazones
      Les femmes sans hommes
      Mangeuses de chair crue
      Mais instruisez-moi
      Comment votre famille pourrait être d’Argos

      Choeur.
      Tu as entendu parler de Io
      Une jeune fille qui officiait au temple d’Héra
      Ici à Argos

      Roi d’Argos.
      Il y a beaucoup d’histoires à son sujet

      Choeur.
      On raconte que Zeus coucha avec elle

      Roi d’Argos.
      Et qu’Héra les surprit en pleine étreinte

      Choeur.
      Dispute chez les rois de l’Olympe
      Tu sais comment elle finit

      Roi d’Argos.
      La déesse transforma la jeune femme en génisse

      Choeur.
      Mais Zeus retourna la voir
      Elle avait de belles cornes

      Roi d’Argos.
      On le dit
      Zeus prit la forme d’un taureau saillisseur

      Choeur.
      Que fit alors son épouse
      Ivre de fureur

      Roi d’Argos.
      Pour surveiller la génisse
      Elle trouva un gardien aux yeux innombrables

      Choeur.
      Ce bouvier qui pouvait tout voir

      Roi d’Argos.
      S’appelait Argos car il était né de cette terre
      Mais Hermès le tua

      Choeur.
      Quelle torture inventa Héra contre la pauvre génisse

      Roi d’Argos.
      Une mouche qui la poursuivait sans cesse

      Choeur.
      Au bord du Nil
      On l’appelle un taon

      Roi d’Argos.
      Il la chassa d’ici
      L’entraîna dans une longue errance

      Choeur.
      On nous a raconté la même histoire

      Roi d’Argos.
      Enfin elle arriva en Égypte
      À Canope ou à Memphis

      Choeur.
      Et Zeus la caressa
      De sa main il engendra un enfant

      Roi d’Argos.
      Qui était-ce
      Ce fils d’un dieu et d’une génisse

      Choeur.
      Épaphos
      L’enfant né d’une caresse
      Le nom est bien trouvé
      D’Épaphos est née Libye
      Reine de l’Afrique
      Le plus grand des continents

    • Tiens, Lundi AM s’aligne sur les positions de Marianne, on aura tout vu...(le texte n’a pas l’air signé, mais ça doit être un ami d’"Hervé" puisqu’il l’appelle par son prénom)

      Polémique autour d’une représentation des Suppliantes d’Eschyle
      https://lundi.am/Polemique-autour-d-une-representation-des-Suppliantes-d-Eschyle

      Pour ce qui concerne les accusations de perpétuer les représentations associées à l’esclavage et au colonialisme, la polémique la plus célèbre, avant celles concernant la mise en scène des Suppliantes et la toile d’Hervé, était celle dont Brett Bailey, metteur en scène d’Exhibit B, fut la cible, des associations tentant même d’obtenir l’interdiction de l’œuvre en justice.

    • Je perds patience (pourquoi j’ai commencé à archiver ces trucs, je me demande)

      « Quand ils s’en prennent à la création, les anti- “blackfaces” tombent souvent dans le contresens, historique comme esthétique »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/29/quand-ils-s-en-prennent-a-la-creation-les-anti-blackfaces-tombent-souvent-da

      Comment qualifier ce qui s’est passé, lundi 25 mars, à la Sorbonne ? De grotesque ? D’affligeant ? D’inquiétant ? Des étudiants et des militants de la cause noire ont empêché par la force la tenue d’une pièce d’Eschyle, Les Suppliantes, au motif que des acteurs blancs portaient des masques sombres ou étaient grimés de noir. Le metteur en scène de la pièce entendait user d’un artifice ancré dans la tragédie grecque, mais aussi rendre hommage à l’influence de l’Afrique dans la Grèce antique. Mais pour les censeurs, ce blackface est raciste.
      Lire aussi A la Sorbonne, la guerre du « blackface » gagne la tragédie grecque
      Certains diront que ce n’est pas bien méchant, que c’était un spectacle confidentiel. C’est très grave. Pour de multiples raisons. La pièce devait se jouer dans la plus ancienne université française, un emblème de la Nation. Son metteur en scène, Philippe Brunet, est un helléniste respecté – il a essuyé des injures. Et puis cette entrave à la liberté de création n’a pas vraiment fait réagir les milieux culturels, pourtant épidermiques sur le sujet. Il a fallu près de deux jours, et des articles dans la presse, pour que les ministères de la culture et de l’enseignement supérieur publient un communiqué navré, promettant que la pièce se tiendra dans les semaines à venir.
      « Coup » prévisible 
      En fait les milieux culturels sont tétanisés. Ils font corps quand se dresse une censure venant de l’Etat, des cercles d’extrême droite ou catholiques. Mais là, leurs ennemis pourraient être leurs amis. Depuis quelques années, des communautés en France – ici des Noirs – adoptent une posture victimaire, estimant que l’Occident, par nature raciste, n’est pas légitime pour écrire leur histoire, passée et actuelle, et fustigent tout signe d’appropriation culturelle, qu’elle soit vernaculaire ou venant d’artistes blancs et dominants

    • Il ne manquait plus que lui pour notre série : "les bons anti-racistes sont les anti-racistes blancs, les autres sont des sauvages incultes"

      (20+) Eschyle, le « blackface » et la censure - Libération
      https://www.liberation.fr/politiques/2019/04/15/eschyle-le-blackface-et-la-censure_1721447

      Le metteur en scène, Philippe Brunet, proteste de ses convictions ouvertes et égalitaires. Mais c’est un individu éminemment louche puisqu’il est animé de valeurs humanistes et travaille depuis des lustres sur la langue grecque ancienne, cherchant à mettre en lumière – et à réhabiliter – les influences africaines sur la culture grecque de l’Antiquité. Un raciste qui s’ignore, donc, qui a eu la criminelle idée de rappeler que les « Suppliantes » avaient sans doute la peau cuivrée et qu’il a envisagé de leur brunir le visage avec un onguent, avant d’opter pour des masques de cuivre.

      #désinformation #fakenews

    • #merci @christopheld !

      @cie813, c’est effectivement assez désespérant mais la compilation est importante. D’ailleurs, il s’agit de
      • Michel Guerrin, rédacteur en chef au Monde (avec un #paywall)
      • Laurent Joffrin, directeur de la publication de Libération

      Par moment, je ne peux m’empêcher de comparer à la période de recomposition de l’échiquier politique des années 30, où la droite comme la gauche a eu à se situer vis-à-vis des fascismes mussolinien et hitlérien en démarrant des trajectoires qui ont débouché sur les attitudes pendant l’occupation. Aujourd’hui, c’est autour de l’islamophobie et de cette attaque de l’antiracisme que se recomposent droite et gauche. Quel en sera l’aboutissement ? Question plutôt angoissante…

      et donc #merci, @cie813

    • La présentation en partie fausse et lourdement orientée de France Culture (qui ne sait pas orthographier Libye par ailleurs)

      « Les Suppliantes » et le blackface : les nouvelles censures au théâtre
      https://www.franceculture.fr/emissions/signes-des-temps/les-nouvelles-censures-au-theatre


      Lundi 25 mars, la pièce d’Eschyle, Les Suppliantes montée par la compagnie Démodocos et programmée dans l’amphithéâtre Richelieu, à la Sorbonne, a été empêchée de jouer par une cinquantaine de militants de la Ligue de défense noire africaine (LDNA), de la Brigade anti-négrophobie, et du Conseil représentatif des associations noires (Cran), accusant la mise en scène de racisme. Motif : la pièce met en scène le peuple des Danaïdes venu d’Egypte et de Lybie demander asile aux Grecs de la ville d’Argos, les acteurs ont couvert leur visage d’un maquillage par-dessus lequel ils se sont couverts de masques cuivrés et non pas noirs, comme cela se faisait dans la Grèce antique. Cela a suffi pour que les militants crient au « blackface », du nom de ce genre de maquillage théâtral américain du 19ème siècle ou des acteurs blancs se maquillaient pour caricaturer les noirs, et décident d’agir.

      « C’est un procès d’intention et un contresens total », a aussitôt dénoncé la présidence de l’université. « Une partie de la troupe a été séquestrée par des excités venus là pour en découdre », a accusé, de son côté, le metteur en scène et directeur de la compagnie Philippe Brunet, qui dénonce par ailleurs des pressions physiques de la part des militants de la Ligue de défense noire et du Cran sur des actrices en larmes et envisage de porter plainte. Neuf mois après les débats provoqués notamment dans cette émission par les attaques contre la pièce du Canadien Robert Lepage Kanata accusée de racisme, voici que la polémique fait retour sur un nouveau cas de censure et de violence au théâtre.

    • Ah un texte intéressant sur cette affaire, et de quelqu’un qui a vraiment lu la pièce, contrairement à nos républicains qui veulent sauver la culture (et c’est écrit par une universitaire américaine, spécialiste en « gender studies » !)

      Classics at the Intersections : The (Black)Faces of Aeschylus’ Suppliants
      https://rfkclassics.blogspot.com/2019/03/the-blackfaces-of-aeschylus-suppliants.html

      Over the last two weeks, I’ve given a series of talks on Aeschylus’ play and asked myself the question of whether in its original context it was a play about welcoming refugees or about the benefits of the Athenian empire (and so ’colonialist propaganda), or if it was really about the threat and danger of immigrants to Athens. Because audiences aren’t monolithic, I think it probably can legitimately be interpreted as all three, depending on who is in your audience.

      I’ve been trying to think of the play within the context of Athens’ descent in the 460s and 450s into anti-immigrant policies and strict monitoring of citizenship. The play was performed around 463 BCE, around the time that the new category of ’metic’ (translated as ’immigrant’ or ’resident foreigner’) was created and only a decade before Athens began racializing its citizenship with the passage of the law requiring double Athenian parentage for citizenship and emphasizing its autochthonous birth.

      #colonialisme #métèques #migrants #blackface

    • Bon, c’est l’UNI (mais ce qui est inquiétant, c’est le nombre de gens qui s’alignent sur ces délires désormais)

      L’indifférence de militants de l’Unef devant Notre-Dame, ou le vrai visage des enfants de Bourdieu
      http://www.lefigaro.fr/vox/politique/l-indifference-de-militants-de-l-unef-devant-notre-dame-ou-le-vrai-visage-d

      C’est sous l’influence de cette idéologie que le syndicat défend désormais les séminaires en non-mixité, fait interdire la pièce de théâtre, les Suppliantes d’Eschyle, en se basant sur les concepts décolonialistes de « blackface » et « d’appropriation culturelle », ou encore lance une vaste campagne sur les campus français pour dénoncer « une société organisée pour les blanc.he.s » et « les programmes d’histoire occidentaux-centrés ».

    • « Masques cuivrés », « interdire », « une pièce d’Eschyle » - au concours du plus grand nombre de fake news au centimètre carré, la gagnante est...

      NOTRE-DAME ET LE BRASIER IDENTITAIRE – Caroline Fourest
      https://carolinefourest.wordpress.com/2019/04/25/notre-dame-et-le-brasier-identitaire

      Décidément, les membres de l’Unef méritent leur nouvelle réputation de talibans en culottes courtes. Quand il ne soutient pas le « hijab day » à Sciences-Po, le syndicat se bat pour faire interdire une pièce d’Eschyle à la Sorbonne parce que mettre des masques cuivrés pour raconter la tragédie des migrants – en l’occurrence des Danaïdes – serait un blackface ! Pire que les hébertistes qui brisaient les icônes pendant la Révolution, les iconoclastes d’aujourd’hui sont bigots quand il s’agit de religion et analphabètes quand il s’agit de culture. Exactement comme les identitaires racistes qu’ils dénoncent, mais à qui ils ressemblent comme des frères jumeaux sous un autre masque. A les lire, ce n’est pas seulement notre patrimoine et notre idéal universel qu’il faut protéger de leurs incendies, mais toute une culture politique qu’il faut rebâtir.

    • Pour dire la même chose, on peut compter sur Eugénie Bastié pour Le Figaro/Vox (avec #paywall : si quelqu’un l’a en entier ?)

      Pièce de théâtre interdite, Finkielkraut insulté  : ce sectarisme qui monte à l’université
      http://www.lefigaro.fr/vox/societe/eschyle-interdit-finkielkraut-insulte-sectarisme-a-l-universite-20190424

      Pièce de théâtre interdite, Finkielkraut insulté : ce sectarisme qui monte à l’université

    • Sylvie Chalaye, pédagogue

      Eschyle à la Sorbonne : pourquoi condamner le blackface ? | Africultures
      http://africultures.com/eschyle-a-la-sorbonne-pourquoi-condamner-le-blackface

      Les pratiques anciennes ne sont pas automatiquement légitimes. On doit pouvoir les reconsidérer à la lumière des expériences que l’humanité a traversées depuis cette époque. La traite, l’esclavage, la colonisation… sont passés par là. Ne pas reconnaître l’humiliation qui fait résurgence dans certains gestes dont on ne sait pas la portée et qui touchent les afrodescendants est un manque d’humilité dommageable.

    • « Blackface » ou le théâtre de la question raciale - Libération
      https://www.liberation.fr/debats/2019/05/06/blackface-ou-le-theatre-de-la-question-raciale_1725284

      Pourtant, cette conception de l’autorité créatrice qui fixe le sens de l’œuvre n’a-t-elle pas été remise en cause par la théorie littéraire depuis cinquante ans ? En 1968, Roland Barthes s’attaque à la critique qui « se donne pour tâche importante de découvrir l’Auteur (ou ses hypostases : la société, l’histoire, la psyché, la liberté) sous l’œuvre » ; il lui oppose l’écriture. Et de conclure : « La naissance du lecteur doit se payer de la mort de l’Auteur. » L’année suivante, Michel Foucault prolongera cette analyse de la « fonction-auteur », qui « est la figure idéologique par laquelle on conjure la prolifération du sens ».

      Pour trancher les conflits d’interprétation, on revient aujourd’hui à l’autorité du metteur en scène, relais de l’auteur. Pourquoi ce retour porte-t-il sur la question raciale ? C’est en réaction à l’évolution de nos conceptions du racisme et de l’antiracisme. Dans les années 80, la montée du FN pouvait s’interpréter selon une définition idéologique du racisme. Mais, à partir des années 90, la prise de conscience des discriminations systémiques amène à penser un racisme structurel. Il n’est plus possible de réduire le racisme à la seule intention ; à partir de ses conséquences, on appréhende le racisme en effet.

      Dès lors, la question n’est plus uniquement de savoir si tel ou telle, au fond, est raciste ; on considère les choses du point de vue des personnes dites « racisées », car assignées à leur couleur ou leur origine par des logiques de racialisation qui dépassent les intentions et idéologies, bonnes ou mauvaises. Pour combattre les violences de genre, on a fini par l’accepter, mieux vaut se placer dans la perspective des victimes. On commence à le comprendre, il en va de même du racisme : l’intention n’est pas tout.

    • Pour une liberté de création partagée par tous – sur l’affaire des Suppliantes | AOC media - Analyse Opinion Critique
      https://aoc.media/opinion/2019/05/03/liberte-de-creation-partagee-laffaire-suppliantes

      THÉÂTRE
      Pour une liberté de création partagée par tous – sur l’affaire des Suppliantes
      Par Bérénice Hamidi-Kim

      SOCIOLOGUE DU THÉÂTRE
      Fin mars à la Sorbonne, des manifestants ont interrompu une représentation des Suppliantes d’Eschyle. En soutien au metteur en scène, l’helléniste Philippe Brunet, de nombreux artistes et intellectuels ont, à l’initiative du Théâtre du Soleil, co-signé une tribune récusant les accusations de blackface. Et si l’on en profitait pour amorcer un débat dans lequel il serait possible d’imaginer davantage que deux points de vue qui s’affrontent ?
      Qu’est-ce qui a eu lieu le 25 mars 2019 à Paris ? « Les faits sont connus », présuppose d’emblée la tribune intitulée « Pour Eschyle » initiée par le théâtre du Soleil, qui parle de « censure » et d’« agression grave », après l’interruption par des manifestants d’une mise en scène des Suppliantes à la Sorbonne. Mais le sont-ils vraiment ? On peut en douter, tant les faits sont en l’occurrence pris à parti pour servir de preuve et d’arme dans un conflit qui oppose, avec une violence assez spectaculaire, deux camps. Et justement, la présentation et la mise en récit des événements joue un rôle décisif pour chacun de ces camps, qui s’en sert pour asseoir la légitimité de sa position et pour qualifier ou plutôt disqualifier le camp adverse. Politique, le conflit est aussi un conflit de valeurs et un conflit de légitimité qui se joue également sous la forme d’un conflit de narrations. Comme au théâtre, justement, le sens découle de la manière de cadrer l’action, de distribuer les rôles, de raconter l’histoire, ou ici, l’Histoire.

      Pour le Soleil et ses soutiens, l’affaire est simple et la cause est entendue. L’événement qui a eu lieu ce jour-là consiste dans l’interruption d’une représentation d’un projet théâtral innocent et même bien intentionné sur les questions raciales : la mise en scène par l’helléniste Philippe Brunet des Suppliantes d’Eschyle, dans le cadre d’un atelier de théâtre antique soucieux de restituer la part méditerranéenne et africaine de l’auguste civilisation grecque et de son théâtre. Et cette agression est doublement brutale, parce qu’elle a recouru à la force physique et parce qu’elle aurait eu lieu sans sommation.

      Au contraire, pour ceux qui se sont opposés au spectacle, et parmi eux ceux qui ont assumé de vouloir empêcher la bonne tenue de la représentation, cette opposition se justifie par le refus de dialoguer dont aurait fait preuve le metteur en scène depuis… un an. Car tout ne se superpose pas de manière aussi simple et binaire que la tribune tend à le faire croire, et les moyens d’action ont fait débat au sein du camp des opposants. L’opposition se justifie aussi par le refus catégorique du metteur en scène d’accréditer leur qualification de son geste artistique : un blackface. Comprendre : que des personnes blanches se maquillent le visage en noir pour caricaturer des personnes noires, les diaboliser ou les tourner en dérision, en tout cas les déshumaniser.

      Pour le Soleil, il ne s’agit pas de blackface pour deux raisons. La première raison est que la mise en scène recourt à des masques – à quoi les opposants rétorquent que dans une première étape de la création, celle qui avait mis (discrètement alors) le feu aux poudres, il s’agissait uniquement de maquillage. Ce n’est de fait que dans un second temps que le metteur en scène a ajouté le port de masques noirs et cuivrés (ornés, en guise de cheveux, d’extensions capillaires de couleur noire) ce qui, pensait-il, était de nature à apaiser les choses. La seconde raison est que le blackface ne serait pas affaire de geste mais d’intention. D’où l’idée, que l’on retrouve dans plusieurs autres textes de soutien à Philippe Brunet, que les opposants feraient un « contresens » total sur le texte d’Eschyle et sur le projet du metteur en scène.

      L’opposition serait donc aussi entre personnes dotées de capacités d’intellection et de culture, et personnes incultes. Pourtant, comme les opposants, le Parlement Européen choisit de ne pas considérer l’intention et de s’en tenir au geste, quand il déclare que « la pratique consistant à se noircir le visage perpétue des idées préconçues bien ancrées au sujet des personnes d’ascendance africaine, et peut ainsi exacerber les discriminations », et manifeste « la persistance de stéréotypes discriminatoires ». Pourquoi ? A cause de ce fait historique qui est que « les injustices à l’égard des Africains et des personnes d’ascendance africaine qui ont jalonné l’histoire, comme la réduction en esclavage, le travail forcé, la ségrégation raciale, les massacres et les génocides qui se sont produits dans le contexte du colonialisme européen et de la traite transatlantique des esclaves, sont très peu reconnues et prises en compte par les institutions des Etats membres ».

      C’est donc à ces institutions – et donc notamment aux institutions culturelles – que le Parlement européen en appelle quand il « invite les Etats membres à dénoncer et à décourager le maintien de traditions racistes et afrophobes ». Un texte émanant des institutions politiques européennes, écrit au nom des valeurs démocratiques, et qui condamne l’usage du blackface quelles que soient les intentions de qui y recourt… voilà qui pourrait ébranler quelques certitudes quant à la simplicité axiologique de la répartition des camps. Avec ce texte, les élus politiques cherchent à agir sur le cours de l’histoire, car c’est à cela aussi que peuvent servir les politiques publiques. Et pour cela, elles s’appuient souvent, faut-il le rappeler, sur les luttes menées auparavant par les mouvements d’émancipation : mouvement ouvrier, suffragettes, Front Populaire, mouvement des droits civiques etc… sans ces luttes et les femmes et les hommes qui se sont battus parfois au péril de leurs vies, pas de droit du travail, pas de droit de vote des femmes, pas de décolonisation, pas de politiques de lutte contre les discriminations, pas d’actualisation des valeurs démocratiques.

      Bref, c’est peu dire que toute cette affaire est complexe. Il faudrait donc prendre le temps d’investiguer les faits, les concepts (blackface[1], mais aussi appropriation culturelle, censure, boycott, liberté de création/d’expression) et plus largement, les formes qu’a pris ce conflit de narration et de légitimité, ce qu’il révèle, et ce qu’il cache. Pour l’heure, je voudrais m’attacher précisément à la tribune rédigée par le Soleil. Pourquoi ? Elle a rassemblé un nombre impressionnant de signataires, artistes et universitaires dont la liste produit un effet de légitimité incontestable – même si une des particularités notables de cette tribune est que parmi les signataires se côtoient des gens qui ont à dire vrai peu de raisons de se rassembler, tant ils tiennent sur les questions brûlantes des discriminations – du racisme, du sexisme et de l’homophobie – des positions divergentes. Serait-ce justement le signe que « l’affaire est grave » et mérite donc un front uni, en l’occurrence un front démocratique et républicain ? Face à quoi ?

      Revendiquant de parler « pour », la tribune est de fait surtout écrite contre. Un premier trouble vient de l’omniprésence d’une rhétorique que le texte dit dénoncer mais qu’il reprend à son compte. « Vocabulaire digne d’un tribunal ecclésiastique médiéval », « juges autoproclamés du Bien et du Mal » : le texte érige comme menace principale sur la démocratie l’intégrisme, mêlant l’intégrisme religieux (le texte cite les mouvements catholiques ayant demandé l’interdiction du spectacle de Castellucci mais parle aussi de « fatwa ») ou l’intégrisme politique, qui serait à l’œuvre ici, au motif que la « logique identitaire » serait « la même » – ce qui reste à démontrer. Il agite aussi en toile de fond d’autres repoussoirs, certains venus du passé : le stalinisme (« commissaire politique ») voire le nazisme (« autodafés »), et un autre qui serait propre à notre présent, « le catéchisme de la société prétendument « inclusive », qui en réalité fixe et cloître chacun dans une « identité » d’appartenance et dicte aux uns et aux autres la place qu’ils ne doivent pas quitter ».

      Dire que le camp d’en face est celui des barbares – littéralement, ceux qui ne comprennent pas notre langue ou celle d’Eschyle, mais aussi, ceux qui sont des « autres », des étrangers aux valeurs de « notre » communauté, n’est-ce pas une façon bien commode de se mettre dans le camp du bien ? Et une façon bien problématique de binariser les oppositions : démocrates contre barbares, esprits des lumières contre obscurantistes, universalistes contre identitaires, laïques contre intégristes, cultivés contre ignares, Printemps républicain contre Parti des Indigènes de la République… nous contre eux…

      Ce qui m’a gênée dans cette tribune, c’est qu’elle m’a semblé faire exactement ce qu’elle dénonce, usant du ton d’un tribunal, condamnant sans souci des faits, et sans même accorder aux accusés un procès équitable. C’est également le fait que ceux qui ont initié la tribune m’ont semblé pour tout dire juge et partie, le spectacle Kanata mis en scène par Robert Lepage avec la troupe du Soleil ayant été au cœur d’une autre polémique – des associations d’artistes autochtones avaient estimé que le spectacle relevait d’une forme « d’appropriation culturelle »[2] puisqu’il représentait leur histoire, et ce faisant se l’appropriait et en tirait des bénéfices économiques et symboliques, sans les inclure et sans les consulter.

      C’est enfin, c’est surtout que les auteurs comme les signataires, dont la liste et les titres ne peuvent qu’impressionner, sont en position de force pour imposer leur conception du partage des rôles et des positions – et font comme s’ils ne le savaient pas. En bref, c’est le fait que cette tribune construit un espace énonciatif d’intimidation, qui empêche et même interdit de penser. S’y exprime un « nous » en majesté et en mode majeur, qui dit défendre la liberté d’expression et de création mais use de tactiques autoritaires, et cherche à faire taire tout doute et toute objection. Je voudrais précisément formuler à présent deux objections, relatives à la caractérisation du « eux » repoussé et à une contradiction dans les valeurs défendues et dans l’appel à la liberté de création en général et du théâtre public en particulier.

      « Le théâtre est le lieu de la métamorphose, pas le refuge des identités. » Philippe Brunet en une phrase exprime l’enjeu de cet art – de tout art : pouvoir se sentir être autre que « soi-même » – à travers des personnages, des histoires, et rejoindre ainsi toute l’humanité », dit la tribune. Or, justement, c’est précisément ce que réclament nombre d’artistes noirs et plus largement non blancs aujourd’hui : d’avoir le droit, eux aussi, de pouvoir incarner l’humanité et de ne pas se voir cantonnés à des rôles stéréotypés toujours dévalorisants[3], écrits et mis en scène par des personnes qui n’ont aucune idée de leurs expériences de vie. Quel mépris, que de dire à ces personnes qu’elles n’auraient rien compris au théâtre. Quelle violence, que de faire semblant de ne pas comprendre qu’il s’agit justement de réclamer le droit à la même part de liberté, à la même possibilité que le théâtre devienne le lieu de la métamorphose, et non une autre scène où se répètent et se redoublent la domination et les discriminations.

      Car le vrai scandale est là : la persistance de discriminations raciales insupportables, dans la société, et donc aussi, bien sûr, dans les mondes artistiques, et dans les représentations. C’est ce scandale qui justifie la recommandation du Parlement Européen, et qui explique sans doute la véhémence du ton de ceux qui subissent ces injustices, parce qu’il n’est jamais facile d’oser prendre la parole en tant que victime, d’autant plus quand sa parole individuelle et collective est si violemment et si continument discréditée. Être noir, aujourd’hui – comme être femme, être homosexuel – renvoie non pas à une identité génomique mais à un statut social : cela signifie être assigné à résidence identitaire, être relégué au rang de l’altérité et du particulier, et ne pouvoir prétendre être intégré au cœur de la communauté qu’à la condition de performer justement sa différence et ses particularismes, comme le montre si bien dans ses travaux Réjane Sénac[4], et jamais en tant que semblable, en tant qu’égal. Et ce n’est pas une situation qui émane de ces « sous »-groupes particuliers, tout simplement parce qu’ils ne sont pas en position d’établir les normes ! Car l’« universel » est encore trop souvent le cache-misère d’une domination par des personnes qui ont la peau blanche et qui sont des hommes, qui pensent pouvoir justement incarner l’humanité toute entière alors qu’ils sont eux aussi, comme les autres, dans une position particulière… une position dont on comprend qu’ils ne veuillent pas la quitter, d’ailleurs, car c’est une position fort plaisante : une position de pouvoir. Pouvoir économique, mais aussi bien sûr pouvoir symbolique : pouvoir d’établir les catégories, de décider (ce) qui est particulier, (ce) qui est raciste et (ce) qui est universel, d’édicter les normes. Etre renvoyé au fait qu’on n’incarne pas l’universel mais la domination est désagréable à entendre, sans doute. Reste que le pointer n’est pas formuler une revendication identitaire. C’est au contraire demander que se concrétisent les valeurs universalistes.

      La tribune nie l’existence des discriminations, de leur histoire, comme elle nie l’histoire des représentations racistes, donc. Mais elle fait également fi de l’histoire théâtrale, traversée de querelles qui ont presque toujours mêlé enjeux esthétiques et enjeux politiques, et où la question de l’autonomie de l’œuvre et de l’artiste à l’égard du contexte dans lequel il crée est complexe. Car c’est bien pour sa valeur politique, civique, que cet art est devenu un « théâtre public » financé avec l’argent de la collectivité. Cette mission politique du théâtre est même une antienne que l’on retrouve dans toutes les plaquettes de saison, dans le discours des artistes comme dans les textes de loi des pouvoirs publics[5]. Le théâtre public se veut un théâtre politique, et se veut même un mode d’action politique. Par les questions qu’il soulève, par le cadre collectif de la représentation qui fait des spectateurs un public qui débat de la chose publique, avec elle-même, par sa capacité à opérer, à l’occasion, comme contre-pouvoir.

      Comment oublier les combats militants menés par Mnouchkine elle-même, dans ses œuvres mais aussi avec d’autres outils de lutte (manifestations, grève de la faim, occupation d’églises) contre les politiques migratoires, contre l’inaction des pouvoirs publics face à la guerre en ex-Yougoslavie, contre la Loi travail ? Elle incarne par là le mythe du théâtre public, qui a construit sa légitimité depuis un demi-siècle en tant qu’il serait une des formes de l’espace public, autrement dit, une des institutions vitales de la démocratie et de la République française. D’où le caractère incongru de la ligne de défense de Brunet consistant à dire « qu’on est libres de se grimer en noir, en cuivre, en rose » et que « le théâtre n’a pas à correspondre à des règles de bienséances morales »[6], comme s’il était question d’une querelle esthétique sans cause ni effet dans le réel d’aujourd’hui. A revendiquer que l’art du théâtre n’a aucun compte à rendre au présent.

      Pour finir, je voudrais en venir à la fameuse « liberté d’expression et de création » que la tribune entend défendre, et à laquelle les opposants au spectacle contreviendraient, faisant donc acte de « censure ». Pour rappeler d’abord, s’agissant du dernier mode d’action choisi par les opposants au spectacle, à savoir la perturbation physique de la représentation, que ce geste, pas plus que l’appel au boycott, ne constitue de manière évidente une entrave à la liberté de création et un acte de censure. Tout simplement car pour censurer, il faut être en position de pouvoir institutionnel. Il peut d’ailleurs sembler étonnant que ce point ait échappé à Ariane Mnouchkine, fondatrice en 1979 de l’AIDA (Association Internationale de Défense des Artistes victimes de la répression dans le monde).

      Certes, certains plaident aujourd’hui pour une redéfinition de la notion de censure, qu’ils voudraient plus ajustée aux menaces qui pèseraient spécifiquement dans nos démocraties, gangrénées par des « censures légales ». L’Observatoire de la liberté de création, créé par la Ligue des Droits de l’Homme, considère ainsi que « censurer la création, c’est porter atteinte à la faculté de chacun de pouvoir jouir des arts et des œuvres, et porter atteinte au débat et à la faculté critique ». Mais ne peut-on discuter cette définition qui fait l’économie de la qualification de ce qui « porte atteinte au débat et à la faculté critique », et de la précision de qui est habilité à juger de ces atteintes ?

      Dans Nouvelles morales, nouvelles censures, le juriste Emmanuel Pierrat en appelle lui aussi à une extension du domaine de la censure, du fait d’un « paradoxe » qui selon lui envahirait nos démocraties, où certaines demandes d’égalité formulées par des groupes discriminés – il donne en exemple les personnes victimes de sexisme (des femmes, donc) et de racisme (des personnes non blanches, donc), pourraient aboutir à des demandes de « censure morale ». Demandes de censure, concède-t-il toutefois, et non acte de censure en soi. Car ces demandes d’élargissement de ce que censurer veut dire butent sur le fait que pour qu’il y ait censure, il faut tout de même que ceux qui cherchent à empêcher l’œuvre ou leurs alliés en aient les moyens légaux. La censure ne peut donc jamais être totalement « privatisée », pour reprendre l’expression de Pierrat, elle doit passer par des personnes morales dotées du pouvoir d’établir des normes et des lois et de les faire appliquer, autrement dit, la censure implique des institutions – l’Etat et/ou l’Eglise par exemple[7].

      Par ailleurs, la tribune choisit d’en appeler non à la simple liberté d’expression mais à la liberté de création, tout en refusant de réfléchir à l’enjeu essentiel de cette création juridique fort récente, consacrée par la loi du 7 juillet 2016. Il faut commencer par rappeler que, comme la liberté d’expression avec laquelle elle présente beaucoup – et, pour de nombreux juristes, trop – de points communs, la liberté de création souffre en France des limites légales, qui interdisent la formulation publique de certains discours racistes, antisémites, sexistes, homophobes, d’apologie du terrorisme, d’incitations à la discrimination, qui ne sont pas de simples opinions mais des délits. Ces limites, qui n’existent pas par exemple aux Etats-Unis, où prévaut le caractère sacré d’une liberté individuelle n’admettant aucune entrave, ont été formulées par le législateur français précisément au nom des valeurs républicaines. Ce qui fait que, par exemple, ce serait un contresens juridique – et une contravention à ces principes – que de considérer qu’une demande d’interdiction d’une œuvre au motif qu’elle serait raciste, serait un acte de censure.

      Par ailleurs, tout l’apport de cette notion tient à ce en quoi elle diffère légèrement de la simple liberté d’expression. Non par le fait que les artistes auraient une liberté d’expression supérieure ou plus sacrée que le reste des citoyens, ce qui serait assez contraire aux valeurs démocratiques. Mais le fait qu’il n’est plus seulement question de la liberté d’expression du sujet individuel professionnellement habilité à créer (l’artiste donc), mais aussi de la liberté collective du public ou plutôt des publics. Car cette loi a aussi et surtout été pensée comme une loi de rénovation des politiques culturelles et, dans la continuité de la loi NOTRe de 2015, elle incorpore – d’une manière que l’on pourrait d’ailleurs discuter – cette norme jusque là absente des politiques culturelles à la française que sont les droits culturels. Or, ceux-ci entendent insister sur le droit du public, c’est-à-dire des différentes composantes de la population, à prendre part à la vie culturelle, comme bénéficiaires, mais aussi comme créateurs. Autrement dit, cette norme juridique renforce la légalité des revendications de celles et ceux qui ne se sentent pas assez représentés dans les œuvres, et qui estiment qu’il y a là un problème.

      Les valeurs au cœur de ces différents textes sont-elles en contradiction ? Qui peut en juger ? Toutes ces questions sont ouvertes. Alors, oui, bien sûr que, comme le demandent les opposants, et y compris pour leur apporter la contradiction, il faut des colloques, il faut des espaces de réflexion et des espaces de débat intellectuel et politique. Réunissant universitaires, artistes et professionnels de la culture, militants, et élus politiques. Un débat où puissent se faire entendre des voix plurielles, bien au-delà des deux camps certes commodément médiatiques, en phase avec l’ère du « clash » où une idée ne vaut que si elle tient en deux mots et si elle est caricaturale, et s’oppose caricaturalement à une autre. Nous avons besoin d’un débat où plus de deux points de vue s’expriment. Et s’affrontent, bien sûr, le cas échéant. Car la démocratie, c’est le débat, musclé, si besoin, agonistique. Mais ce ne saurait être la réduction et la disqualification méprisante des positions avec lesquelles on n’est pas d’accord. Ne pouvons-nous nous accorder sur ce point ? Et sur le fait que cette affaire soulève des questions parmi les plus urgentes de notre présent historique et que, de notre capacité, avant même de chercher des réponses et des solutions, à formuler les questions et les problèmes, dépendra notre possibilité de faire société ? Si oui, au travail. Il est temps.

      [1] W.T. Lhamon Jr Peaux blanches, masques noirs, Paris, L’Eclat, 2008 (Raising Cain. Blackfaces from Jim Crow to hip hop, Harvard University Press, 1998). Voir aussi, sur cette pratique, Sylvie Chalaye, « Eschyle à la Sorbonne : pourquoi condamner le blackface ? », Africultures, 18 avril 2018.

      http://africultures.com/eschyle-a-la-sorbonne-pourquoi-condamner-le-blackface

      [2] Sur les enjeux de la notion d’appropriation culturelle, voir notamment Eric Fassin, « L’appropriation culturelle, c’est lorsqu’un emprunt entre les cultures s’inscrit dans un contexte de domination », entretien, Le Monde, 2 novembre 2018 et Aureliano Tonet, « Dans la culture, des identités sous contrôle », Le Monde, 18 avril 2019.

      [3] Voir à ce sujet Aïssa Maïga (dir.), Noire n’est pas mon métier, Le Seuil, 2018 et le documentaire d’Amandine Gay, La Mort de Danton, Mille et une films, 2011.

      [4] Voir Réjane Sénac, L’égalité sous condition, Presses de Sciences Po, 2015 et L’Egalité sans condition, L’Echiquier, 2019.

      [5] Sur ce point je me permets de renvoyer à mon livre, Les Cités du théâtre politique en France depuis 1989, préface de Luc Boltanski, Montpellier, 2013. Voir aussi Olivier Neveux, Contre le théâtre politique, Paris, La Fabrique, 2019.

      [6] Philippe Brunet in Léa Mormin-Chauvac, « Philippe Brunet, masque de protection », Libération, 18 avril 2019.

      [7] Voir à ce sujet la recension par Jean-Baptiste Amadieu de Robert Darnton, De la censure. Essai d’histoire comparée, Paris, nrf Gallimard, 2016. Jean-Baptiste Amadieu, « Dialogue avec les censeurs », La Vie des idées, 2 mai 2016, ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Dialogue-avec-les-censeurs.html

    • Racisme dans les arts : Lipanda Manifesto, tribune des 343 racisé·e·s | Le Club de Mediapart
      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/270419/racisme-dans-les-arts-lipanda-manifesto-tribune-des-343-racise-e-s

      Les médias se sont formidablement illustrés ces derniers temps comme vitrine des arguments pleurnichards de réactionnaires blancs bourgeois, qui persistent à faire la sourde oreille et aller à l’encontre des revendications féministes et antiracistes, tout en faisant leur pain sur les systèmes de privilèges. On se souvient de la tribune des 100 femmes défendant la « liberté d’importuner ». Cette fois-ci, c’est à la « liberté de création » que s’accrochent misérablement les arguments de la tribune prétendument pour Eschyle.

      Personne n’est libre tant que d’autres personnes sont opprimées. C’est ce dont parle Audre Lorde en 1981 dans son discours L’Utilité de la colère : les femmes répondent au racisme*. Liberté d’importuner, liberté de création, liberté d’expression : génération je fais ce que je veux, quand je veux, comme je veux, et personne n’a le droit de me contredire. Mais quelle est cette liberté qui s’appuie sur le dos de celle.ux qui n’en disposent pas ? On pourrait croire à une mauvaise farce tant ça devient redondant, et pourtant.

      Et pourtant aujourd’hui encore, le monde de l’art et de la culture française s’assoit sur les revendications des personnes racisées.

      Aujourd’hui, nous sommes outré·e·s, mais surtout fatigué·e·s. Nous n’avons pas l’énergie de vous rappeler que la censure est un outil d’Etat, et non pas le fait de quelques militant·e·s usant de leur droit à la protestation et à l’insurrection face à des représentations négrophobes et racistes.

      Nous sommes épuisé·e·s de dire que la tentative d’inversion des responsabilités qui consiste à transformer l’action légitime des militants en « grave agression » est une pratique bien rodée des instances de pouvoir. Et au cas où, la militante britannique Munroe Bergdorf nous le rappelle : « Drawing attention to a social divide is not the same thing as creating one. Activists are often considered to be divisive or troublemakers by those who have become accustomed to the privileges that social divides provide them. »

      Aujourd’hui, nous sommes lassé·e·s de devoir constamment démonter vos hypocrisies : non, pour nous, personnes racisé·e·s, le théâtre n’est pas le « lieu de la métamorphose » pour nous, lorsque nous sommes constamment empêché·e·s de créer par les mécanismes discriminatoires et éliminatoires de ce milieu.

      Oui, nos identités sont des cloîtres, lorsque, montant sur un plateau, nos corps sont des objets exotiques venant d’ailleurs. Non, nous ne pouvons pas créer librement, lorsque l’on nous dénie la possibilité d’être neutre, et que nous sommes perpétuellement et violemment renvoyé·es à la réalité de notre racisation par le système. Oui, le théâtre est « refuge des identités » : lorsque nos scènes françaises sont occupées majoritairement par des spectacles créés par des hommes blancs, avec des hommes blancs, regardés, critiqués ou acclamés par d’autres hommes blancs, on peut clairement parler de communautarisme. Une communauté qui ne se dit, ni ne se voit comme telle, et qui pourtant, monopolise nos scènes, nos récits, et verrouillent les portes à toutes celleux qui n’appartiennent pas à leur monde.

      Aujourd’hui, nous sommes usé·e·s de constater que ce théâtre est celui de privilégié·es, où s’amuser à singer « l’Autre » est un loisir, tout en retirant à cet “autre” son droit légitime — si ce n’est son devoir — de s’insurger contre le spectacle de son identité tournée en mascarade. Ce même théâtre qui se proclame « intellectuel, humaniste, helléniste ». Un théâtre qui a le culot de croire, et de se faire croire, que la culture blanche bourgeoise est universelle. Qu’elle touche à ce qu’il y a de commun en chaque être humain. Mais comment n’avez-vous pas remarqué que vos salles de théâtres étaient si vides de diversité ? Se peut-il sérieusement que vous persistiez à ne pas voir que votre théâtre n’intéresse que celles et ceux à qui il ressemble, cell.eux qui y sont représentés, celle.eux qui peuvent s’y identifier ? Qui sont les citoyen·nes que vous prétendez servir ?

    • Islamo-gauchisme, décolonialisme, théorie du genre... Le grand noyautage des universités
      http://www.lefigaro.fr/actualite-france/enseignement-superieur-le-grand-laboratoire-de-la-deconstruction-20190510

      ENQUÊTE - Infiltrées par les syndicats d’étudiants, noyautées par des groupuscules « indigénistes », paralysées par la lâcheté de la hiérarchie de l’enseignement supérieur, les facultés et certaines grandes écoles sont aujourd’hui le théâtre d’un bras de fer idéologique. Les pressions et menaces y sont fréquentes et tous les coups semblent permis.
      (...)
      Dans un autre registre, Olivier Beaud, professeur de droit public à Panthéon-Assas, vient de dénoncer la campagne d’un groupe d’universitaires et d’étudiants de l’EHESS contre leurs collègues « coupables » d’avoir participé au grand débat organisé le 18 mars à l’Elysée par Emmanuel Macron. En novembre 2018, Le Point a publié un texte dans lequel 80 intellectuels décrivaient le « décolonialisme » comme une « stratégie hégémonique » à l’œuvre dans l’enseignement supérieur. Parmi les signataires, Elisabeth Badinter, Alain Finkielkraut, Pierre Nora et Mona Ozouf. Leur appel a eu bien peu d’écho, tant auprès de Frédérique Vidal que du corps enseignant.
      La ministre n’a pas eu un mot de soutien pour Laurent Bouvet, par exemple, quand ce professeur de science politique à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines a eu l’imprudence de tweeter en mai 2018 à propos du voile islamique porté par une dirigeante de l’Unef qui commentait les blocages des facs : « A l’Unef, la convergence des luttes est bien entamée. C’est la présidente du syndicat à l’université Paris-Sorbonne qui le dit. » Aussitôt, l’Unef a sorti un communiqué condamnant « un déferlement de haine raciste, sexiste et islamophobe » et demandant que Laurent Bouvet soit sanctionné. Une vidéo a même circulé, montrant une AG où près de 200 étudiants vociféraient « Ta gueule, Bouvet ! » pendant de longues minutes.

      L’institution marche sur des œufs

      Le politologue, cofondateur du Printemps républicain, est l’une des cibles privilégiées des indigénistes pour avoir théorisé l’« insécurité culturelle » française et dénoncé l’obsession racialiste de la « gauche identitaire ». Le président de l’université l’a assuré de sa sympathie en privé, mais n’a rien fait pour le soutenir publiquement. Aucun de ses collègues ne s’est d’ailleurs manifesté. L’Unef profite de cette lâcheté généralisée pour militer activement en faveur des thèses indigénistes. Récemment, elle s’est jointe à d’autres associations pour empêcher une représentation de la pièce d’Eschyle Les Suppliantes à la Sorbonne. De son côté, le CRAN (Conseil Représentatif des associations noires de France) de Louis-Georges Tin, maître de conférences à l’université d’Orléans, a appelé au boycott de la pièce. Motif : des acteurs blancs portaient des masques noirs, ce que les contestataires assimilaient à la pratique du « blackface » visant à ridiculiser les Noirs. Pour une fois, l’université a condamné la tentative de censure.

    • Deux mois après la polémique sur le « blackface », la pièce « Les Suppliantes » se déroule dans le calme
      https://www.franceculture.fr/theatre/deux-mois-apres-la-polemique-sur-le-blackface-la-piece-les-suppliantes

      « C’est la victoire de l’art, de la liberté d’expression sur la bêtise au front bas, se félicite l’écrivain Pierre Jourde. Ils utilisent une cause juste, l’antiracisme, à des fins stupides. La preuve, c’est que de grands metteurs en scène ont pris la défense de Philippe Brunet. »

      encore une fois #ta-gueule-jourde

    • Je vous ai épargné jusque-là les 6 ou 7 posts d’André Markowicz sur FB, mais vous pourrez les retrouver aisément grâce à cette réponse (en commentaire).

      André Markowicz
      https://www.facebook.com/andre.markowicz

      Adeline Rosenstein :
      Excusez-moi : vous ne vivez donc pas avec des artistes ou des étudiant.e.s qui vous parlent du racisme subi dans les milieux culturels ? Vous ne ressentez pas la colère de vous retrouver impuissant à les défendre tellement les gens bien intentionnés ne voient pas de quoi s’alarmer ? Pourquoi mettre tout votre savoir écrire au service de leur décrédibilisation ? Vous, justement, traducteur, savez mieux que les autres, pourquoi parfois on crie, vous savez tendre l’oreille quand les experts et autres assis discréditent la personne qui apporte une information gênante. Vous savez mieux qu’un autre qu’on dit de la victime qu’elle exagère quand on ne veut pas l’accueillir, qu’elle menace, quand on veut la faire taire, qu’elle est un danger physique, quand on veut que les gendarmes nous en débarrassent. Une injustice hurle à votre porte, demande votre attention et vous la ridiculisez ? ses représentants parlent mal ? mais cette question devrait vous intéresser immédiatement ; vous ne voulez quand-même pas parler comme ce que vous avez toujours combattu : l’ordre - non ?Observez le dédain que vous exprimez à l’endroit de personnes qui en ont juste marre d’être caricaturées sur scène et tenues à l’écart de toute discussion. Comment est-ce possible ? Observons et racontez- moi comment ça marche, comment ça marche, ce scandale, votre dédain, qu’avec Mnouchkine et Vinaver, enfants de l’exil sans accent, vous vous retrouviez côté CRS, ministres, amphi, je ne le conçois pas. C’est pourquoi je vous prie de reconsidérer cette position au nom de tous les personnages que vous avez traduits alors qu’en France, considérant qu’ils ne « savaient pas aligner deux phrases », on voulait les anéantir - on n’avait rien compris, vous vous rappelez ? Reconsidérez ces doutes « ils nous font douter » mais oui car pour moi c’est ça, penser, c’est penser contre soi mais surtout contre le groupe ou l’amphi qui nous enferme avec ministres dedans, d’où on ne on veut pas entendre la plainte. C’était un spectacle d’étudiants mais il y a un autre problème, vous savez, notre environnement, notre lenteur à changer, vous parlez d’une gauche en danger et je vous parle de sa difficulté historique à reconnaître ses erreurs. Les militants antiracistes et les victimes du racisme en milieu culturel ne s’adressent pas à des ennemis politiques mais à des gens de theatre qui veulent pouvoir se dire antiracistes à leur tour et disent je combats à tes côtés, tiens-toi bien là, attends, ôte-toi, ne dis rien, laisse-moi faire, je vais leur dire, laisse-moi finir mon verre, ma blague, mon rôti, ma sieste, mon spectacle antiraciste, mon interview, mes conférences, mes mémoires, ma vie sans toi et je viendrai te chercher.

    • Ce qui est dit ci-dessous n’a pas été raconté sérieusement par aucun journaliste (si j’ai bien compris, on est passé, grâce au rapport de forces instauré par les militants, du grimage noir aux masques noirs grotesques, puis aux masques dorés/cuivrés, etc.) Mais ce qui n’est pas dit, c’est que cette représentation « d’art officiel », déplaçant le fameux spectacle dans le Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, avec deux ministres de sortie et les CRS qui vont avec, applaudie par le tout Paris intellectuel bourgeois blanc, d’A.Bastié à A.Mnouchkine, de R.Enthoven à O.Rollin, est le symptôme de l’hégémonie toujours plus forte de la pensée d’extrême-droite au nom de « la liberté d’expression » ou de « la liberté artistique ». Après la défense forcenée des pires unes de Charlie et la campagne contre les « islamogauchistes », à présent haro sur « les identitaires d’extrême-gauche » et « le fascisme des antifascistes » (comme on l’a entendu en Italie au moment du Salon du Livre de Turin et à l’occasion des meetings chahutés de Salvini).

      Blackface à la Sorbonne. Hier soir, Philippe... - Louis-Georges Tin
      https://www.facebook.com/louisgeorges.tin/posts/10161903836565644?hc_location=ufi

      Blackface à la Sorbonne. Hier soir, Philippe Brunet a joué son spectacle à la Sorbonne, les Suppliantes d’Eschyle. Mais cette fois, pas de déguisements raciaux, pas de Blackface, pas de maquillage en noir pour représenter les Africains : juste des masques dorés. M. Brunet qui avait fièrement clamé qu’il rejouerait son spectacle avec du maquillage en noir a finalement tiré les leçons de l’expérience. Le CRAN qui avait appelé au boycott du spectacle (non au blocage) se réjouit donc de cette victoire collective et définitive. Malgré un mois d’hystérie générale, nous avons tenu bon, et finalement, nous avons obtenu gain de cause. La voix des premiers concernés a été entendue.

    • Quelle salade - selon le Figaro/Vox, voilà l’université menacée par le danger islamo-féministe...

      Carole Talon-Hugon : « Une nouvelle prohibition étend son contrôle sur l’art »
      http://www.lefigaro.fr/vox/culture/carole-talon-hugon-une-nouvelle-prohibition-etend-son-controle-sur-l-art-20

      Traditionnellement, les agents de censure sont politiques ou religieux. Ils sont récemment sournoisement devenus économiques (impératifs d’insertion professionnelle, de recherche appliquée, etc.). Ce qui se passe avec les affaires Chénier ou Eschyle, c’est l’arrivée très préoccupante d’un risque venu d’ailleurs que de ces foyers classiques ou plus récents : de groupes de pression et d’associations communautaires. La liberté académique ne doit certes pas être sans contrôle ; elle est « liberté de poursuivre sa recherche professionnelle à l’intérieur d’une matrice de normes de la discipline définies et appliquées par ceux qui sont compétents pour comprendre et appliquer de telles normes » (O. Beaud). Ce qui revient à dire qu’elle ne connaît qu’une forme de censure légitime, celle réalisable par des pairs à l’intérieur d’un domaine d’expertise partagé, et que toutes celles venues d’ailleurs sont usurpatoires et sapent les fondements de l’université.

    • Une bonne tribune du Monde qui a tout à voir avec ce qui précède

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/08/28/le-marxisme-culturel-fantasme-prefere-de-l-extreme-droite_5503567_3232.html

      C’est là le lien avec ce que la droite radicale entendra bientôt par « marxisme culturel ». Le terme prend alors une valeur péjorative : il désigne la prétendue volonté des disciples de l’école de Francfort de nuire à la culture occidentale et de s’attaquer à la société traditionnelle en se servant du féminisme, de l’homosexualité et du multiculturalisme. « Au tournant des années 1990, alors que le communisme vient de s’effondrer, les milieux ultra-conservateurs américains voient dans la mondialisation une menace pour l’Occident chrétien, remarque Jérôme Jamin, politiste et philosophe belge, spécialiste des populismes. Ils s’inquiètent aussi de la montée, sur les campus universitaires, du “politiquement correct” qu’ils assimilent à une attaque contre la liberté d’expression ayant pour but d’empêcher les discours ne reconnaissant pas la pleine égalité entre les hommes et les femmes, les Noirs et les Blancs, les hétérosexuels et les homosexuels, etc. » Le terme se diffuse au sein des milieux extrémistes de droite.

  • Academics, don’t write for #The_Conversation, they are not good people. I judge you every single time you post Conversation links. It’s like wearing a sticker saying you don’t support your precarious colleagues.

    The Conversation won’t let non-affiliated academics write for them, thus excluding casualised and unemployed academics. They also syndicate to the right wing press, thus exposing scholars doing anti-racist, pro-migration, and gender work to a great deal of abuse.

    https://twitter.com/DrFloraPoste/status/1110139262157099008
    #publication #stratégie_de_publication #édition_scientifique #université #précarité #extrême_droite
    #boycott ?

  • Réactions à l’assimilation #antisémitisme / #antisionisme

    L’antisémitisme ne passera pas !
    BDS France, le 18 février 2019
    https://www.bdsfrance.org/lantisemitisme-ne-passera-pas

    Du bon usage de l’antisémitisme en politique
    Michel Tubiana, Médiapart, le 18 février 2019
    https://blogs.mediapart.fr/michel-tubiana/blog/180219/du-bon-usage-de-l-antisemitisme-en-politique

    L’antisémitisme n’est pas le racisme le plus virulent mais le plus manipulé
    Michèle Sibony, Etat d’Exception, le 18 février 2019
    https://seenthis.net/messages/761116

    Antisionisme, antisémitisme et idéologie coloniale
    Alain Gresh, Orient XXI, le 19 février 2019
    https://seenthis.net/messages/761437

    Macron says France will define anti-Zionism as anti-Semitism
    Middle East Eye, le 20 février 2019
    https://www.middleeasteye.net/news/macron-says-france-will-define-anti-zionism-anti-semitism

    Intégrer l’antisionisme à l’antisémitisme, l’annonce polémique d’Emmanuel Macron
    Middle East Eye, le 21 février 2019
    https://www.middleeasteye.net/fr/news/integrer-lantisionisme-lantisemitisme-lannonce-polemique-demmanuel-ma

    Aux ordres d’Israël, Macron a choisi de diviser la France
    AFPS, le 21 février 2019
    http://www.france-palestine.org/Aux-ordres-d-Israel-Macron-a-choisi-de-diviser-la-France

    Redéfinir l’antisémitisme pour taire les défenseurs des droits des Palestiniens
    Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, le 21 février 2019
    https://plateforme-palestine.org/Redefinir-l-antisemitisme-pour-taire-les-defenseurs-des-droits

    Priviously on seenthis sur ce sujet :

    https://seenthis.net/messages/337856
    https://seenthis.net/messages/580647
    https://seenthis.net/messages/603396
    https://seenthis.net/messages/604402
    https://seenthis.net/messages/606801
    https://seenthis.net/messages/690067
    https://seenthis.net/messages/700966
    https://seenthis.net/messages/716567
    https://seenthis.net/messages/718335
    https://seenthis.net/messages/760906
    https://seenthis.net/messages/761775

    #Palestine #censure #Liberté_d'expression #BDS #criminalisation_des_militants

  • Le non-sujet de l’antisémitisme à gauche - Vacarme
    https://vacarme.org/article3210.html

    L’antisémitisme ne fait pas à proprement parler partie des fractures de la gauche radicale. Les positionnements sur cette question varient peu d’une organisation de gauche à l’autre. Au contraire, celles-ci ont souvent en partage un désinvestissement de ce thème perçu comme secondaire voire négligeable, relativement à d’autres formes de racialisation. Plutôt qu’une fracture, c’est donc davantage un silence qu’il s’agit d’interroger ici, en plaidant pour une critique radicale de l’antisémitisme à l’heure où celui-ci a des effets pratiques et idéologiques jusque dans les formes que prennent certaines luttes sociales [1].

    Pour nombre d’organisations de la gauche radicale et de l’antiracisme français, l’antisémitisme contemporain n’est pas une question. Plus précisément, les pratiques et les discours qui ciblent des (supposés) juifs tenus pour responsables de maux politiques, économiques ou sociaux n’attirent souvent l’attention que dans la mesure où cet antisémitisme est instrumentalisé par des politiciens ou intellectuels réactionnaires.

    Il ne s’agit pas de nier l’existence d’une telle instrumentalisation. On assiste, depuis une vingtaine d’années, à la multiplication de discours sur une « nouvelle judéophobie » qui construisent l’image d’une « extrême-gauche » ou de « jeunes de quartiers » antisémites parce qu’antisionistes ou musulmans [2]. Pourtant, face à cette instrumentalisation, les organisations de la gauche radicale ou de l’antiracisme politique [3] ne s’enquièrent que rarement de la réalité de l’antisémitisme dans la période actuelle et faillissent souvent à développer leur propre critique des actes et de la symbolique antisémites. Ces organisations forgent plutôt diverses justifications d’une position de principe : l’antisémitisme ne serait une question que pour les défenseurs et les idéologues de l’ordre existant. L’antisémitisme contemporain devient ainsi une question que l’on ne doit tout simplement pas poser en tant que révolutionnaire et/ou antiraciste [4]. À l’heure actuelle, l’antisémitisme dans la gauche française est moins une ligne de fracture délimitant différentes positions que l’objet d’un silence. C’est ce silence que nous allons tenter de décrire et décrypter ici.

    #antisémitisme #gauche #complotisme

    • L’antisémitisme n’est pas tant une fracture de la gauche que l’objet d’un silence, source de malaise pour les juifs en milieu « progressiste ». Dans la lignée de la thématisation douloureuse du racisme structurel accomplie par l’antiracisme politique au cours des années 2000 et 2010, le travail de « fracturation » autour de l’antisémitisme, avec tous les déchirements qu’il implique, reste à faire. À rebours du cas allemand où une large partie de la gauche s’enfonce de plus en plus dans une islamophobie voire xénophobie assumée au nom de lutte contre l’antisémitisme, un tel travail de problématisation devra s’insérer dans une confrontation plus large avec l’ensemble des processus de racialisation des sociétés capitalistes occidentales. Cela nécessiterait de se pencher à la fois sur la spécificité de la racialisation des juifs et la manière dont celle-ci fonctionne conjointement avec d’autres formes de racisme au sein de la totalité sociale. [...S]ous les conditions actuelles d’un regain de l’antagonisme social et d’expressions d’antisémitisme de plus en plus ouvertes, faire de ce dernier un enjeu des luttes antiracistes est une tâche politique des plus urgentes.

      #antiracisme

    • Et pour rappel, ce texte paru dans @vacarme en juin 2016

      Migrants et réfugiés : quand dire, c’est faire la politique migratoire

      À partir de la polémique soulevée par Barry Malone sur la chaîne Al Jazeera visant à substituer au terme générique de migrants celui de réfugiés, « plus approprié pour nommer des personnes qui fuient la guerre et arrivent en masse en Europe », Cécile Canut propose une traversée des transformations et reformulations des mots utilisés pour qualifier la migration qui mettent à jour le durcissement des positions et les soubassements des choix politiques à l’œuvre, lesquels barrent toujours plus l’accès à la complexité des subjectivités individuelles, des trajectoires et de leurs causes pour construire des catégories d’êtres humains homogènes déterminées par « le même ». Nommer c’est toujours faire exister rappelle-t-elle, d’où l’importance de cette attention à la bataille des mots et aux questionnements profonds qu’ils ouvrent.

      Le 20 août 2015, la chaîne Al Jazeera, par le biais d’un de ses collaborateurs, Barry Malone, lançait une petite bombe médiatico-communicationnelle en publiant sur son blog un article intitulé « Why Al Jazeera will not say Mediterranean “migrants” ? », article mis en mots et en images le lendemain, à travers un débat télévisuel proposé par la même chaîne : « Migrants or refugees ? Thousands fleeing conflict in desperation have been undermined by language used by the media to describe their plight » [1]. Ce texte, tweeté et retweeté, a circulé sur les réseaux sociaux avant de faire une entrée fracassante dans les espaces médiatiques européens les jours qui ont suivi, suscitant de multiples débats jusqu’au début du mois de septembre.

      La polémique visait à substituer au terme générique de « migrants » celui de « réfugiés », plus « approprié » pour nommer des personnes qui fuient la guerre et arrivent en masse en Europe. L’accusation portée contre les gouvernements européens, le parti pris affiché pour les réfugiés et la dimension prescriptive impliquée par la décision du directeur des informations d’Al Jazeera de ne plus utiliser le terme « migrants », ont non seulement engagé une querelle nommée « sémantique » mais ont surtout eu un effet performatif immédiat : tous les médias ou presque ont modifié leurs pratiques langagières en privilégiant le terme « réfugiés ». Contrairement à d’autres, cette polémique ne s’est donc pas limitée à une querelle byzantine au sein du microcosme médiatique.
      Un soudain souci de « sémantique »

      Cet événement de parole est tout d’abord le révélateur d’un questionnement profond sur le processus de catégorisation des êtres humains dans nos sociétés, questionnement qui s’inscrit dans une longue histoire du sens, et dont bien des auteurs ont rendu compte, depuis les penseurs grecs jusqu’aux plus récents philosophes. Le langage n’est pas le filtre transparent d’un réel immédiat, les mots et les énoncés cristallisent bien au contraire un ensemble de connotations, de positionnements subjectifs et d’orientations sociales et politiques dont les locuteurs sont toujours responsables, même lorsque qu’à leur insu ils reprennent les significations et les catégorisations imposées par d’autres, ce que l’on attribue en analyse du discours à l’interdiscours ou encore au dialogisme [2]. Si le coup de force d’Al Jazeera a été de rappeler cette évidence au grand public, sa décision de ne plus employer le terme « migrants » renvoie pourtant à une approche supposée objective du langage : l’argument central de la démonstration de Barry Malone repose en effet sur l’idée que le terme « réfugiés » est mieux en rapport avec le réel ; il est plus juste en ce qu’il rend compte de ce que vivent des millions de personnes fuyant la guerre : des personnes demandant refuge et devant être traitées comme des victimes. En imposant un des sens du terme « réfugiés », ou plus exactement en revenant à une signification oblitérée en Europe, la chaîne vient contrer un autre sens, celui-ci plus récent et plus restrictif, issu de la Convention de Genève (1951), elle-même ratifiée par cent-quarante-cinq états membres des Nations unies, et visant à définir le « réfugié » non seulement en considération de son état de victime de régimes politiques, mais en vertu d’un statut obtenu suite à une « demande d’asile ».

      Si la définition est valable dans les deux cas, la condition pour acquérir le statut de réfugié est d’apporter la preuve de ces persécutions ou menaces par le biais d’une demande administrative très souvent longue et laborieuse. Ainsi que le rappelle Karen Akoka [3], le passage d’une approche collective visant la situation politique des États jusqu’aux années 1970, à une mise en cause individuelle de ceux que l’on va alors nommer les « demandeurs d’asile », montre à quel point le lien permanent aux conditions politiques de gestion de la migration, c’est-à-dire à sa mise en œuvre pratique, par l’Ofpra notamment, conduit sans cesse à de nouvelles catégories et de nouvelles définitions de ces mêmes catégories.

      Al Jazeera s’engage ainsi de manière frontale dans la lutte des significations, et par conséquent dans la lutte politique des questions migratoires européennes ; par le biais de cette injonction, elle rappelle à l’Europe ses obligations : celles d’accueillir toute personne persécutée sans conditions mises à cette humanité. La fin de l’article de Barry Malone indique que ce choix est bien évidemment lui-même orienté, puisqu’il a pour but de défendre et de parler au nom de ces personnes démunies, notamment dénuées du pouvoir de dire qui elles sont et ce qu’elles font, c’est-à-dire privées d’un vrai pouvoir de parole : At this network, we try hard through our journalism to be the voice of those people in our world who, for whatever reason, find themselves without one. Migrant is a word that strips suffering people of voice. Substituting refugee for it is — in the smallest way — an attempt to give some back [4]. Redonner une voix aux sans-voix, telle est l’ambition affichée.

      En cette fin d’été 2015, un léger vent de panique s’est répandu sur les médias français. Quel mot utiliser ? Comment se positionner face à cette décision partout adoptée au prétexte de sa bienveillance vis-à-vis des victimes de la guerre ? Les journalistes français entraînés malgré eux dans le débat se sont tournés immédiatement vers les chercheurs susceptibles, en tant qu’experts supposés, de détenir la clé du problème. Sans délai, les principaux quotidiens de l’Hexagone ont donc pris part aux débats par le biais d’articles donnant largement la parole auxdits spécialistes. Toutefois, les problèmes « sémantiques » étaient loin de se régler, ils se compliquaient même, cette polémique mettant finalement en cause les pratiques des chercheurs. Ainsi, un jeune journaliste du Nouvel Observateur, après une série de questions sur les mots de la migration, en est venu à la question qu’il brûlait de me poser : quel est le mot qu’il faut utiliser ? Autrement dit : quel est le meilleur mot ? Alors que toute utilisation d’un terme dépend de son contexte, des interlocuteurs en présence, de ses conditions de production sociale, politique voire subjective, la réponse à une telle question est bien entendu impossible. Pour autant, le journaliste ne renonçait pas à cet impératif en intitulant son article : « Doit-on les appeler “migrants” ou “réfugiés” ? ». L’injonction à une supposée fidélité à la vérité objective persistait même si, au cours du texte, la fluctuation des significations et l’instrumentalisation politique des catégories étaient évoquées.

      Au-delà de cet épisode médiatique, dont on aura pu observer les soubresauts ici ou là au cours de l’année 2015 et encore en ce début 2016, il importe ici de revenir sur la circulation des significations données par les uns et les autres, à différents niveaux d’instances de parole, afin de comprendre comment se reconstruit à un moment donné l’hétérogénéité du sens et de ses interprétations. La question n’est pas seulement de savoir pourquoi le terme « réfugié » s’est imposé dans les discours médiatiques, en parallèle ou au détriment du terme « migrants », mais de comprendre ce que font les locuteurs (quels qu’ils soient : politiques, journalistes, chercheurs ou simples citoyens) quand ils commentent leurs mots et leurs discours pour, notamment, justifier leurs pratiques. Dans le cadre de la politique migratoire européenne en particulier, que font les locuteurs quand ils choisissent de discourir sur les catégories de migrants, réfugiés, exilés, sans-papiers, clandestins, etc. ? Pourquoi cet empressement à choisir un seul terme englobant qui viendrait dire un réel bien complexe ou au contraire en exclure d’autres trop embarrassants ?

      Au bout de cette traversée des transformations et reformulations, de la migration, il convient d’observer que l’ensemble de ces débats a finalement entériné une opposition politique déjà à l’œuvre depuis bien longtemps [5], mais qui s’exporte dans les média au début de l’année 2015 entre « migrants économiques » et « réfugiés politiques », les premiers rejetés automatiquement de l’espace Schengen, les autres finalement accueillis en Europe (au moins durant l’année 2015).

      Rappelons tout d’abord que le mot « réfugiés » a désigné au départ les protestants chassés de France après la révocation de l’édit de Nantes. Toutefois, le terme de plus en plus controversé au XIXe siècle a pris de l’ampleur au début du XXe siècle alors que les conflits austro-prussiens jetaient des milliers de civils sur les routes, particulièrement les populations juives de l’Est. Poussés par le marasme économique, les pogroms et les discriminations subis ensuite en Russie, 2,5 millions de Juifs s’exilèrent à l’Ouest, jusqu’aux heures sombres d’une Europe voyant Juifs et Tsiganes fuir le nazisme dès les années 1930 non seulement vers l’Europe mais vers le continent américain. La politisation de la question des réfugiés s’est élaborée après la guerre au niveau international, par le biais des Nations unies, avec notamment la Convention de Genève en 1951 qui fixe alors institutionnellement le sens du terme « réfugié ».

      Si pendant les années d’après-guerre, la France a accueilli des Espagnols, des Italiens, des Polonais, des Portugais, si elle est même allée chercher des travailleurs dans ses anciennes colonies pour des raisons économiques, la catégorisation visant à dissocier ces derniers des travailleurs français a commencé autour des années 1970. La cristallisation de ce changement politique a pris forme avec l’utilisation d’un terme nouveau : « immigrés ». Faisant référence dans un premier temps au champ du travail (« travailleurs immigrés [6] »), ce terme s’est imposé dans les débats publics, politiques, juridiques et médiatiques afin de dissocier l’ensemble homogénéisé des « immigrés » et celui des « étrangers » puis des « Français de souche », expression importée de l’extrême droite [7] dès la fin des années 1970. La politique migratoire, à partir des années 1980, a opéré une différenciation entre les critères de définition : alors que la notion d’« étranger » est juridique, celle d’« immigré » renvoie à une entité socio-culturelle qui aboutit progressivement à une ethnicisation des étrangers venus du Maghreb et d’Afrique en général. Bien souvent de nationalité française, « l’immigré » fait l’objet de discours et de mesures spécifiques de par son origine questionnant de fait son appartenance réelle à la France. Dès 1986, la modification législative de l’entrée de séjour par le ministère de l’Intérieur a engagé cette nouvelle catégorie dans le champ policier. Suspectés, les « immigrés » ont dès lors constitué une catégorie générique appréhendée comme douteuse pour la nation, ce que les termes « clandestins » ou « illégaux » sont venus renforcer.

      Il n’est plus possible d’envisager les individus dans leur devenir, selon leurs trajectoires et leurs subjectivités, et encore moins selon une approche sociale telle qu’elle existait jusqu’alors dans les milieux professionnels.

      Parallèlement à ce glissement des critères, les travailleurs concernés ont vu leur demande de régularisation entravée. Dans les années 1972-1973, ils ont commencé à se mobiliser en se nommant eux-mêmes « travailleurs sans-papiers ». Cette expression est apparue lors des premières protestations aux circulaires Marcelin-Fontanet (1972) qui mettaient fin aux régularisations automatiques. Véritable « label militant », cette dénomination s’est opposée à la catégorie « travailleurs immigrés », faisant référence à l’ensemble des étrangers, impliquant même les déboutés du droit d’asile. Du côté des médias, des marqueurs identitaires (couleurs de la peau, origine géographique, religion, culture…) ont de plus en plus déterminé les catégorisations légitimées par les discours politiques du Front national, repris à droite puis à gauche (« clandestins », « immigrés illégaux », « Arabes », « Maghrébins », « Africains », « musulmans ») et ont constitué un facteur de sélection des candidats à l’immigration : les visas d’entrée ont dès lors été distribués de manière variable selon les pays concernés de sorte qu’en France, comme dans l’ensemble de l’Europe, on en vienne à une prise en charge de cette question par les ministères de l’Intérieur et de la Justice au détriment des ministères des Affaires sociales ou de l’Emploi, et que soit attesté un changement de régime discursif et de pratiques politiques. Au-delà de l’essentialisation des étrangers, assignés à leur différence — ce que les expressions « deuxième génération », « troisième génération », etc. font perdurer —, le processus d’homogénéisation par le biais de ces catégories est croissant : il n’est plus possible d’envisager les individus dans leur devenir, selon leurs trajectoires et leurs subjectivités, et encore moins selon une approche sociale telle qu’elle existait jusqu’alors dans les milieux professionnels. Au contraire, il s’agit de lui substituer des catégories de pensée visant à construire des groupes homogènes uniquement déterminés par le même, une origine ethnique et un héritage culturel, pour toute identité. Ce nouvel ordre du discours assure en fait un régime d’existence uniquement fondé sur l’appartenance, valable pour tous (« Français de souche », « Français d’ailleurs », « immigrés », « clandestins », etc.), associé à une série d’euphémisations : « gens venus d’ailleurs », « gens d’origine étrangère », « gens d’autres cultures »… On bascule ainsi d’une appréhension des citoyens, définis en fonction de leur appartenance à un régime de droits, à une stigmatisation fondée sur des critères d’appartenance telle que définie par le pays dit « d’accueil ». Qu’ils soient Français ou non importe peu : ils ne le seront jamais vraiment.

      L’année 1996 a vu naître le rapport parlementaire sur « l’immigration clandestine » qui s’est concrétisé en octobre par le projet de loi « Jean-Louis Debré » imposant notamment les certificats d’hébergement. Puis le durcissement des lois a abouti, malgré les protestations, à la loi Chevènement définitivement adoptée en mars 1998. Les années 2000, quant à elles, ont infléchi les oppositions en fonction des nécessités économiques du pays selon une logique ultralibérale : en parallèle à la construction des centres de rétention et à la multiplication des reconduites à la frontière, le gouvernement Sarkozy a engagé de manière explicite une action de tri des populations pour favoriser ce qu’il a cru bon de nommer une « immigration choisie » supposément réparatrice des torts de l’« immigration subie ». Il ne s’est plus agi d’accueillir des personnes désireuses de venir en France mais d’endiguer les « flux migratoires à la source », par le biais d’un ensemble de mesures dissuasives de surveillance aux frontières de l’Europe. Le tout-puissant dispositif géré par Frontex — agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne — s’est doté d’un nombre considérable de nouvelles expressions (« contrôle de l’immigration illégale », « force de réaction rapide [RABITs] », « directive de retour », « centre de rétention », etc.) et de nouveaux outils de contrôle et de coercition (Eurosur, Eurodac, Système d’Information Schengen [SIS], Visa Information System [VIS], Système d’entrée-sortie, European Initiative on Integrates Return Management [EURINT], etc.).

      C’est dans ce contexte socio-discursif rapidement tracé que l’arrivée de Syriens, d’Irakiens et d’Afghans, mais aussi d’Érythréens et de Soudanais en grand nombre constitue pour les gouvernants une « crise migratoire ». Ajoutés à tous ceux qui, bloqués aux frontières, attendent souvent depuis longtemps l’entrée dans la « forteresse Europe », ces derniers font l’objet de violences et de réactions de rejet avant d’être finalement acceptés. Pour Al Jazeera comme pour le HCR (Haut Comité aux Réfugiés), il importe alors de faire une distinction entre ces futurs demandeurs d’asile, fuyant la guerre et les persécutions, et les « immigrés économiques ».
      La politique des catégories performatives

      La nécessité de questionner les mots pour comprendre les réalités migratoires ne date pas de l’été 2015. La supposée alternative entre « migrants » et « réfugiés » s’est pourtant progressivement constituée comme sujet de débat avec l’arrivée des personnes fuyant la guerre par la « route des Balkans ». Ainsi, France Info s’interrogeait dès le 29 mai 2015 : « Migrants ou réfugiés : où est la frontière ? ». Carine Fouteau, spécialisée dans les questions migratoires à Mediapart, faisait paraître le 12 août 2015 un article intitulé « Réfugiés, intrusion, hotspots : le nouveau lexique des migrations ». En rappelant qu’aucun mot n’est neutre mais toujours investi « de significations singulières liées au contexte actuel », la journaliste mettait en garde quant au poids des médias et des politiques dans le façonnage et les représentations des opinions publiques. Elle faisait état de ce qui devient un enjeu politique majeur, le changement de connotation pris par le terme « migrants », longtemps utilisé par les chercheurs comme un terme « générique », englobant (« tout individu se déplaçant d’un lieu à un autre »), devenu un moyen pour « disqualifier les personnes ne relevant a priori pas de l’asile ». En accentuant cette opposition, les responsables politiques mettent ainsi en compétition les demandeurs d’asile et les « migrants économiques », ces derniers « perçus comme indésirables » étant « destinés à être renvoyés dans leur pays d’origine ». Une constellation de termes négatifs (« intrusion », « effraction », « flux », « vagues », « flots de migration », « traite », « passeurs », « trafiquants », « mafieux ») décrivent les migrants qui deviennent alors l’objet d’une gestion managériale (« points de fixation », « hot spots », « clef de répartition », « quotas », « centres de tri », « centres d’attente »…) performant une logique de sélection. Il s’agit de mettre en œuvre le partage engagé aux frontières tel qu’annoncé dès le 17 juin par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, au conseil des ministres.

      La polémique lancée par Al Jazeera, si elle prend acte de la charge « péjorative » attribuée au terme « migrants » devenu synonyme de « nuisance », ne dénonce pas cette logique de tri déjà en place aux frontières. Le texte semble même s’en accommoder : Barry Malone cite les nationalités (Afghans, Syriens, Irakiens, Libyens, Érythréens, Somaliens) pour lesquelles il faut utiliser « réfugiés » afin de ne pas les confondre avec des « migrants économiques ». S’il ne dit rien des autres nationalités, les « migrants économiques », il entérine une distinction que personne ne va plus questionner, excepté quelques chercheurs.

      L’emballement compassionnel qui s’est emparé de tous les médias et réseaux sociaux au cours de l’été 2015 et plus particulièrement début septembre lors de la diffusion de la photo du petit Alan Kurdi, explique en partie l’adoption du terme « réfugiés » contre celui de « migrants ». Il s’est agi dans un premier temps de s’opposer aux discours « de haine » prononcés en Europe, notamment par le ministre anglais des Affaires étrangères Philip Hammond ou David Cameron lui-même [8], et des pratiques de violence à l’égard des personnes dans les Balkans. C’est contre les « discours infamants » et une politique européenne inhumaine que s’insurgent alors les journalistes d’Al Jazeera ainsi qu’ils le décrivent dans la présentation de l’émission du 21 août 2015.

      Au-delà de l’empathie suscitée par cette accusation, le découpage implicite entre les « bons » et les « mauvais » arrivants et la possibilité de chasser les uns (plus noirs, peu qualifiés…) au profit des autres (plus blancs, plus compétitifs…) se sont révélés efficaces pour entériner la politique du tri déjà effective : il suffisait donc de mettre les mots sur les choses, de nommer plus clairement ce qui existait pour le rendre acceptable, et pourquoi pas souhaitable.

      Des journaux comme Le Monde [9], Le Figaro ou Libération, des radios comme France Culture ou Europe 1 se sont focalisés sur les usages linguistiques, certains rappelant la difficulté de diluer le sens juridique de « réfugiés », d’autres insistant sur le sens péjoratif du participe présent « migrant » réduisant les personnes « à une errance ». Sollicités, les spécialistes des questions migratoires ont été parfois bien ennuyés puisqu’ils utilisent, comme les militants, le terme « migrants » depuis longtemps dans leurs travaux [10]. L’injonction à n’utiliser qu’un seul terme a toutefois été remise en cause par Claire Rodier rappelant que le terme « migrants » s’était imposé pour éviter de hiérarchiser les « exilés », afin de ne pas enfermer « les gens dans des cases ». Plus encore, Danièle Lochak a mis en garde : « Nous avons toujours refusé de les distinguer. »

      Les nuances apportées par les chercheurs n’y ont rien fait, la préconisation d’Al Jazeera a été relayée par Libération (« Ne plus dire migrants mais réfugiés [11] ») comme par Le Figaro. Ce dernier est même allé plus loin en criminalisant les « migrants » par le biais d’une réorientation du débat : « Réfugiés ou clandestins », éditorial d’Yves Thréard. L’objectif était bien clair : « La générosité envers les réfugiés politiques n’est concevable que si la plus grande fermeté est opposée aux clandestins économiques », énoncé repris par France 24. Chez chacun, la multiplicité des usages des « termes imparfaits » est symptomatique d’une recherche d’objectivité visant à contourner les partis pris idéologiques déterminant les choix. La plupart de ces glossaires s’appuient en fait sur la Charte de Rome, document élaboré par la Fédération internationale des journalistes avec le HCR, dans lequel les définitions sont orientées vers une valorisation des « réfugiés ». Les « migrants » y sont systématiquement appréhendés par la négative : « des personnes qui se déplacent pour des motifs qui ne sont pas inclus dans la définition légale de ce qu’est un réfugié », ou qui « choisissent de s’en aller non pas en raison d’une menace directe de persécution ou de mort, mais surtout afin d’améliorer leur vie en trouvant du travail… » « Point de vue du HCR : “réfugié” ou “migrant” ? Quel est le mot juste ? », l’organisme hiérarchise définitivement l’opposition entre les arrivants, et use de son statut d’organisation internationale pour infléchir les catégories de pensée. Le poids de ce discours dans l’espace politique et médiatique est sans précédent, ce que les chercheurs Jurgen Carling [12] et Judith Vonberg [13] dénoncent avec virulence, tout comme Olivier Adam s’insurge contre le « tri sélectif » qui entraîne une « diabolisation mécanique » des migrants. L’opposition ainsi tracée entre deux catégories qui regroupent grosso modo les Syriens, Irakiens et Afghans d’un côté et les Africains de l’autre, n’est donc pas sans liens avec l’élaboration des politiques migratoires et son imposition dans l’espace social. Ce débat sémantique occulte au fond un partage entre les êtres humains qui ne comptent pour rien, les « sans-part » (Rancière) : ceux qui peuvent encore prétendre à la vie parce qu’ils sont bons à recycler dans les économies du capitalisme tardif, et ceux dont la mort n’importe décidément plus, et que l’on n’hésite pas à abandonner au sort funeste qui est le leur aux portes de l’Europe, selon une logique du tri [14] devenue impitoyable.
      Façonner les esprits, diriger les conduites

      Tout au long de cette bataille pour les mots, jamais la parole n’est donnée aux exilés/migrants/demandeurs d’asiles eux-mêmes, qui peuvent dans certains cas préférer d’autres termes, comme « exilés », « voyageurs » ou « aventuriers [15] ». Au contraire, le monopole de la nomination est toujours assuré par ceux qui détiennent le monopole de la domination institutionnelle et médiatique et parlent au nom des autres.

      La réalité vécue est toujours très complexe, et il n’existe aucune possibilité de différencier les personnes en fonction d’un critère unique : « C’est toujours un ensemble de choses qui poussent les gens à partir sur la route. »

      Les rhétoriques affichées comme objectives, et élaborées sur des oppositions binaires, dissimulent habilement des partis pris politiques dont les effets sur les intéressés sont d’une rare efficacité. La définition sur le modèle du dictionnaire supposé neutre est une des formes de dissimulation privilégiée. Toutefois, plus que d’espérer, comme le souhaite Jørgen Carling, que le terme « migrants » puisse encore faire office de terme générique englobant, ce qui supposerait de sortir le langage des relations de pouvoir, il convient plutôt de suivre attentivement les méandres des significations et resignifications des énoncés en fonction des instances énonciatrices afin de comprendre les enjeux politiques qui innervent nos sociétés. Aucun mot ne viendra dire le réel, construit justement par les discours : nommer c’est toujours faire exister, dire c’est toujours faire. En ce sens, la moralisation qui s’instaure actuellement dans l’appréhension des personnes arrivant en Europe est symptomatique d’un changement de conception mais reste tributaire des exigences utilitaristes de l’économie libérale. Comme le rappelle Virginie Guiraudon, « rien ne dit qu’un jour prochain les indésirables soient les réfugiés, et les migrants économiques les étrangers “utiles”. C’est donc bien le débat qui est mal posé, puisque pour le patronat allemand par exemple, « les réfugiés actuels sont une chance pour l’économie allemande [et] pour qui le mot-valise “réfugié économique” signifie force de travail motivée et à forte valeur ajoutée » [16].

      La réalité vécue est toujours très complexe, et il n’existe aucune possibilité de différencier les personnes en fonction d’un critère unique : « C’est toujours un ensemble de choses qui poussent les gens à partir sur la route [17]. » À rebours de cette exigence, les médias et les politiques n’envisagent nullement de restituer cette complexité : les catégories visent au contraire à orienter la lecture de ce qui est en train d’arriver, à donner à interpréter selon des grilles, des angles de vue, des perspectives. La bataille n’est pas sémantique au sens où des définitions existeraient en dehors des enjeux politiques et sociaux : c’est une bataille discursive où le discours s’élabore selon un certain « ordre » (Foucault). Faire la généalogie de ces discours est le seul moyen de comprendre comment le sens fait advenir le réel, alors qu’il le construit socialement et politiquement. Il ne s’agit donc ni de langue, ni de linguistique et encore moins de définition de dictionnaire : il s’agit de lieux et de moments de parole qui entrent en lutte les uns avec les autres. C’est ainsi que, concernant cette séquence médiatique, le HCR a clairement imposé son point de vue au détriment par exemple de la définition générique des Nations unies.

      Si les personnes qui arrivent en France ne sont ni des réfugiés, ni des migrants, puisque chaque situation est spécifique, les catégories réifiées et binaires ne nous sont d’aucun secours. Choisir les mots pertinents en fonction des situations, des devenirs, des histoires de vie, des trajectoires, des subjectivités relève toutefois de la gageure. L’historicisation de ces phénomènes devient alors primordiale afin de reconstituer les interdiscours. Si, en 1905, l’Angleterre adoptait les Aliens Acts instituant déjà la différence entre « réfugiés politiques » et « migrants économiques », les derniers glossaires institutionnels des mots de la migration sont actuellement en train d’escamoter le terme « intégration ». Ainsi, alors que la mise en catégorie des étrangers est une vieille histoire européenne, il semble aujourd’hui que l’impératif de réciprocité et le souci d’hospitalité, malgré tout présents dans le projet d’intégration, soient même portés à s’effacer de nos pratiques sociales : sombre présage qui ferait d’un étranger un individu ayant vocation à s’identifier, à s’oublier… ou bien à disparaître.

      https://vacarme.org/article2901.html

  • #images et #pouvoirs : #Berlusconi et les « #veline ». Entretien avec #Francesca_Martinez_Tagliavia

    Quels sont les effets de la #culture_visuelle sur la construction du pouvoir politique ? Loin d’une vision instrumentale qui ne verrait dans les images que des moyens neutres utilisés par les chefs et leur entourage pour asseoir leur pouvoir, Francesca Martinez Tagliavia pense leur signification politique à partir de la manière dont elles sont produites, tant par les acteur-ices que par les spectateurs·ices. En étudiant le rôle et l’histoire des veline, ces femmes qui accompagnaient Silvio Berlusconi sur les plateaux de télévision, l’autrice propose de déconstruire le pouvoir d’un chef à partir du discours de celles qui ont contribué, par leur image, à produire son charisme. C’est par une critique venue des marges du pouvoir qu’on peut, selon elle, élaborer un discours à la hauteur de nos exigences politiques.


    https://vacarme.org/article3078.html
    #velina #télévision #femmes #patriarcat #publicité #corps #image #pouvoir

    • Faire des corps avec les images : La contribution visuelle de la velina au charisme de Berlusconi

      À la fin des années 2000, l’image de la velina – soubrette hyper-érotisée de la télévision italienne – endosse dans les discours de la critique anti-berlusconienne le rôle de symbole de la marchandisation des corps féminins et de la subalternité féminine dans l’espace public, qui caractérise le ventennio berlusconien. Puisant ses outils dans l’épistémologie des Visual Studies anglo-saxons et dans la culture visuelle italienne contemporaine, la thèse vise d’abord à analyser les manières dont les images font le corps de la velina. La généalogie de la velina rassemble des images emblématiques et opposées de la féminité comme les Jeunes Italiennes fascistes, les Tiller Girls américaines et les héroïnes du cinéma softcore italien des années soixante-dix, pour se cristalliser ensuite dans cette image, au moment où elle fait irruption dans l’émission télévisuelle Striscia la notizia (Mediaset, groupe Berlusconi) en 1989. Par l’analyse d’une étude de cas spécifique – les pratiques et les micropolitiques quotidiennes de l’image de Giulia Calcaterra, velina de l’édition 2012-2013 de Striscia la notizia – on déconstruit ensuite le point crucial des argumentaires excluant les veline du savoir et de la politique. Selon la critique mainstream, la velina serait un sujet aliéné, ornement passif du Spectacle. À partir de sa propre parole au sujet de son action, elle émerge au contraire comme un sujet autoréflexif et intelligent, et comme une actrice privilégiée de l’économie esthétique et culturelle, sur la base de laquelle Silvio Berlusconi a construit son consensus politique à partir de la fin des années soixante-dix. La thèse se concentre ensuite sur le rapport entre l’image de la velina et l’image de Berlusconi, par l’analyse d’images qui connectent la velina au « chef » Berlusconi. Le « charisme » de Berlusconi est visuellement construit par Berlusconi lui-même, par les intermédiaires culturels de son parti, la presse anti-berlusconienne, le cinéma et d’autres productions visuelles, en connexion avec l’image de la velina. On retrace différents moments-clés de l’exercice d’une propagande politique fondée sur des politiques et des pratiques visuelles qui s’entrelacent à des pratiques discursives et à d’autres types de pratiques politiques, scientifiques, techniques et sociales visant à susciter dans l’électorat un « amour de la domination », à travers une « domination de l’amour ». Si l’image de la velina contribue activement au « charisme » de Berlusconi, c’est parce qu’elle attribue au chef le pouvoir érotique nécessaire pour que celui-ci inspire du désir pour sa domination.

      https://journals.openedition.org/acrh/7103
      #thèse_de_doctorat

  • ARTE Regards - Camgirls
    Le business du cyberporno en Europe de l’Est
    https://www.arte.tv/fr/videos/079475-013-A/arte-regards-camgirls

    À Budapest, Szandra gagne sa vie comme webcam-girl : elle se dévêt devant une caméra sous le regard d’internautes anonymes du monde entier, qui la payent pour réaliser en direct leurs fantasmes sexuels. Derrière l’illusion de l’argent facile, le prix à payer est élevé : sur chaque euro dépensé par ses clients, elle ne touche que 30 centimes. Sans compter les conséquences psychologiques...

    Selon la jeune femme de 25 ans, difficile de garder foi en l’humanité quand on exerce ce « métier ». Or, les bas salaires et la crise du marché du travail poussent de plus en plus de femmes d’Europe de l’est, souvent diplômées, à se lancer dans cette branche florissante de l’industrie du sexe, qui concurrence celle du #porno.

    #cyberporno

    https://www.youtube.com/watch?time_continue=76&v=XHyd11BOvHg


    les deschiens : la brouette espagnole

    • Dernière page du n°173 de @cqfd un article de Tiphaine Guéret, illustré par Kalem.

      Le service public vous soutient – Quand Pôle emploi fricote avec l’industrie du sexe > Lorsque l’État décide de passer un coup de rabot sur les chiffres du chômage, il ne fait pas dans la dentelle. Et autorise même #Pôle_emploi à dénicher des recruteurs dans les salons de massages érotiques et autres bars à hôtesses. Une façon comme une autre de s’attaquer au chômage de masse.

      http://cqfd-journal.org/Quand-Pole-emploi-fricote-avec-l

      Avec un renvoi vers un entretien de morgane Merteuil (2014) dans la revue Vacarme @vacarme
      https://vacarme.org/article2599.html#nh2-2

      On a accusé le #Strass de faire le jeu du libéralisme en étant contre l’abolition de la prostitution, de participer à une réification des corps et des désirs …

      C’est complètement idiot de croire que dans une société capitaliste néo-libérale, il y aurait des sphères qui pourraient lui échapper. Les relations sexuelles ont une valeur d’échange, elles participent directement des flux du capitalisme, et il faut le prendre en compte. Lutter contre ne passe pas par un décret ou une déclaration. Finalement, c’est refuser de le prendre en compte qui fait le jeu du libéralisme. Notre but est d’insérer les travailleurs du sexe dans le cadre de la législation, afin d’assurer la même protection à tous les travailleurs. Par exemple, il est très difficile pour une travailleuse du sexe de trouver un logement parce que son propriétaire sera considéré par la loi comme un proxénète. Donc elle se tournera vers le marché clandestin, et là c’est le libéralisme le plus fou qui règne. La question n’est pas morale, elle est économique.

      Conclusion du papier de T.Guéret dans ce n° 173 de CQFD ( en vente partout )

      Au regard du durcissement des mesures qui visent les chômeurs, le fait que Pôle emploi intègre à son panel d’offres celles qui proviennent de l’industrie du sexe a de quoi inquiéter. Un dilemme de plus pour ces chômeurs et chômeuses : se désaper ou être radié·e ?

      @tradfem
      #industrie_du_sexe

  • contaminations de la zad

    Cela va faire bientôt dix ans que plusieurs centaines de personnes vivent sur la zone de #Notre-Dame-des-Landes. Ce lieu, aux frontières mouvantes, est devenu l’un des emblèmes en France de la possible constitution dans la durée d’une contre-société autogérée. Mais il ne s’agit pas d’une bulle localisée ou d’une petite niche à l’écart des soubresauts du monde. Ce sont justement les effets de sa fréquentation régulière qui sont ici interrogés. Où il apparaît que les choses ne peuvent plus jamais être comme avant.


    https://vacarme.org/article3080.html
    #ZAD #NDDL #cartographie #visualisation

  • Une histoire à cœur ouvert - Vacarme

    https://vacarme.org/article3187.html

    Un jardin, puis chacun derrière un écran, et enfin à l’aéroport : trois lieux pour trois moments de rencontre. Il ne pouvait sans doute en être autrement pour discuter avec une historienne qui a fait des circulations des idées et donc des hommes et des femmes, ses sujets depuis près de vingt ans. Jérusalem, Damas, Beyrouth, Tunis, Le Caire ne sont plus ici des points, mais des lignes auxquelles on s’accroche et qui s’entrelacent, là et là-bas, avant et maintenant, le fil toujours tendu pour que la connaissance ne perde jamais de vue la chair qui la constitue.

    Une histoire à cœur ouvert - Vacarme

    Entretien avec Leyla Dakhli

    "Je peux dire les choses aussi simplement que cela : produire un travail sérieux sur la Syrie, c’est prendre position pour les Syriens qui se sont soulevés contre le régime. Il est tellement facile de dire quand on est savant que tout était déjà là, que cette révolution n’en a jamais été une. L’engagement consiste de manière obstinée à laisser ouvert ce qui l’était, à démontrer sans cesse que cette ouverture était là, et à essayer de comprendre ce qui a fait que cela s’est fermé. Cela ne veut pas dire qu’il faut être béatement optimiste, mais cela relève d’une forme d’espoir : si cela est advenu une fois, cela peut se produire de nouveau. Le surgissement des révolutions reste un objet historique presque miraculeux. Évidemment il n’en est rien, mais cette impression de miracle est intéressante à comprendre et à décrypter. Il faut surtout résister aux discours qui replient tout. C’est vrai que sur la Syrie, la force de la prophétie autoréalisatrice du régime a été puissante. Si on reprend les discours de Bachar el-Assad dès le début du soulèvement, on voit bien comment il a construit une lecture des événements qui a fini par s’imposer grâce à un certain nombre de tonnes d’explosifs et d’alliances diverses et variées. C’est important à garder en mémoire afin de résister à cette logique et à ce rabattement idéologique. Il importe aussi de rendre justice à ceux qui se sont battus, qui sont morts, qui sont partis et pour cela continuer à écrire l’histoire de cet épisode, dont la mémoire et l’histoire ne doivent pas être seulement celle d’un échec. L’échec n’est peut-être pas même la question. Même si c’en est un, il ne faut pas en faire quelque chose d’inutile, une micro-parenthèse dans un Moyen-Orient gouverné par les intérêts et la violence extrême. Il convient de raconter d’autres manières d’habiter ce territoire et d’autres manières de les vivre. Il convient de redonner aux soulèvements leur rationalité, leur raison d’être. Je ne vois pas là d’incompatibilité avec la démarche historienne : il n’y a pas de raison d’aller chercher une autre dénomination, sous prétexte que celle-ci serait militante. Je crois que quand on fait de l’histoire aujourd’hui, la notion d’engagement n’est en rien un repoussoir, elle est un aiguillon pour produire une recherche et un récit qui puisse rompre avec les réductionnismes de toutes sortes, qu’ils soient idéologiques, géopolitiques, économiques. C’est ce que m’ont appris des historiens comme Edward. P. Thompson ou Michelle Perrot. Et cela va bien au-delà de l’histoire : sans le cadre des recherches contemporaines sur des sujets comme la migration, sans les militants, on ne saurait rien ou presque ! Enfin, je n’ai jamais aimé écrire l’histoire en fermant le raisonnement et en le considérant comme clos. Ce temps présent m’a permis de comprendre ce que je cherchais lorsque j’avais travaillé sur la révolution de 1908 dans l’Empire ottoman. On a toujours des périodisations et des catégorisations qui sont des réponses érudites à des ignorances absolues, à savoir tout ce qui se joue dans la fragilité de ces instants. Quand je suis partie de Tunis le 4 janvier 2011, mon père disait « il ne va plus rien se passer, la rentrée universitaire a eu lieu et personne n’a bougé ». Selon lui, c’était fini. Or, cela s’est nourri d’autres choses ; c’est passé par d’autres canaux. Les universités n’étaient plus le bon lieu d’observation. Il fallait regarder sur les smartphones, lire les post. Et ce sont ces images et ces commentaires qui ont gagné les quartiers populaires, puis les universités. Ce type de micro-observations m’a fait penser qu’il fallait refaire de l’histoire en étant très attentive à ces toutes petites dynamiques, à tous les chemins qui ne mènent pas forcément quelque part, mais qui restent inscrits dans l’histoire des mouvements sociaux et des révoltes en particulier. Fondamentalement, tout ceci me remue. Je ne fais pas exprès. Et je suis en permanence en lutte avec l’idée de « devenir une professionnelle » : il me faudrait alors me mettre à écrire froidement, à me tenir en retrait. Je revendique la distance telle que l’historien italien Carlo Ginzburg a pu la définir, une distance qui rend justice, qui aide à trouver des mots pour dire ce qui est juste, au plus juste des choses qui doivent nous faire bouger parce qu’ils produisent ce que Ginzburg appelle estrangement, ici une forme de décalage qui passe par l’écriture de l’histoire, qui introduit toujours une traduction, un déplacement, une interrogation."

    • « Je peux dire les choses aussi simplement que cela : produire un travail sérieux sur la Syrie, c’est prendre position pour les Syriens qui se sont soulevés contre le régime. »
      J’avoue rester sans voix devant cet énième témoignage d’une inexplicable fascination pour la « révolution syrienne »... La suite offre quelques nuances mais tout de même !

  • #Chrono-cartographie du #massacre du #17_octobre_1961

    Aux cartes minutieuses des lieux où se sont produites violences et massacres le 17 octobre 1961, Léopold Lambert, architecte, essayiste et directeur de la publication de la revue The Funambulist joint une analyse de la temporalité de cette guerre coloniale d’abord dénommée « opération de police ».

    Dans la recherche que je mène sur la structure des cinq épisodes d’#état_d’urgence déclarés par la #France depuis 1955, un événement-clé est le massacre du 17 octobre 1961 à #Paris, peu avant la fin de la révolution algérienne. Ce qui frappe dans la commémoration annuelle (bien timide au regard de l’importance de l’événement) : l’unicité supposée de lieu et de temps. Selon le récit communément admis, les scènes les plus violentes, des policiers jetant des Algérien.ne.s dans la Seine, se produisirent autour de la #place Saint_Michel, au centre de Paris, et advinrent à un moment d’exaspération où les manifestations de masse étaient interdites. Ce que révèlent au contraire les recherches, c’est la multiplicité des lieux et des moments du massacre. C’est ce qu’essaie d’illustrer cette série de cartes, qui utilise des images aériennes (à plus ou moins 3 ans de la date en question) ; j’ai suivi la méthode précédemment utilisée pour montrer la relation entre l’organisation de la ville et la sanglante répression de la Commune de Paris (voir les cartes)

    Pour comprendre l’événement, il faut le replacer dans son contexte historique : en #1961, la révolution menée par le #Front_de_Libération_Nationale (#FLN), qui vise à décoloniser l’#Algérie, entre dans sa septième année. Née dans la Casbah d’Alger, le mouvement décolonial s’étend au reste de l’Algérie, ainsi qu’aux grandes villes françaises, où vivent de nombreux Algérien.ne.s (350.000 en 1962). Bien que plusieurs administrations s’occupant des Nord-Africains vivant et travaillant en France aient déjà été créées par l’État français – pour les années 1920 et 1930 voir Policing Paris : The Origins of Modern Immigration Control Between the Wars de Clifford Rosenberg (Cornell, 2006) — les Algérien.ne.s en France ne sont pas, du point de vue administratif, considéré.e.s comme des sujets coloniaux, et avaient théoriquement les mêmes droits que tout citoyen français, l’Algérie étant considérée comme faisant partie de la France. En réalité, la ségrégation est évidente en ce qui concerne l’emploi et le logement, et la police, en particulier à Paris, pratique quotidiennement le #profilage_racial. La #Brigade_Nord-Africaine (#BNA) qui ciblait explicitement les Nord-Africains et avait été un auxiliaire de la Gestapo durant l’Occupation (1940-1944), fut dissoute en 1945 mais en 1953 est créée une nouvelle branche de la police parisienne qui fonctionne sur le même mode : la #Brigade_des_Agressions_et_Violences (#BAV). Le profilage racial comme tactique coloniale et contre-insurrectionnelle atteint son apogée lorsque le 5 octobre 1961 un #couvre-feu est déclaré par la Préfecture de Police de la Seine (zone métropolitaine de Paris) : il ne vise que les Algérien.ne.s.

    Un personnage est central, pas uniquement pour le massacre du 17 octobre 1961 mais plus généralement pour la tradition de #violence de l’État français des années 40 aux années 80 : #Maurice_Papon. Sous l’Occupation nazie (1940-1944), en tant que Secrétaire général de la préfecture de Bordeaux, il organise la déportation de 1.600 juif/ve.s du Sud de la France avers le camp de Drancy, dans la banlieue parisienne ; ils seront déportés à Auschwitz. Son procès pour sa participation à l’Holocauste n’eut lieu qu’en 1998 et, après la Libération, il occupa de nombreuses responsabilités officielles, toutes en rapport avec le colonialisme français et la contre-insurrection — ce qui en fait une sorte d’alter ego historique de Robert Bugeaud (souvent cité dans les textes de The Funambulist), très actif dans la contre-insurrection et sur le front colonial, tant en France qu’en Algérie, dans les années 1830 et 1840 :
    – 1945 : chargé de la sous-direction de l’Algérie au ministère de l’Intérieur.
    – 1946 : participe à la Commission interministérielle sur les Antilles françaises.
    – 1949 : première nomination comme préfet de Constantine (Algérie).
    – 1951 : Secrétaire général de la Préfecture de police de Paris.
    – 1954 : nommé Secrétaire général du Protectorat du Maroc.
    – 1956 : revient à Constantine en tant qu’IGAME (préfet avec des pouvoirs extraordinaires) pour mener la contre-insurrection contre les mouvements décoloniaux du Nord-Est de l’Algérie. En 1956 et 1957, des rapports font état de 18.316 “rebelles” [sic] tués par la police et l’armée coloniales françaises, et de 117.000 personnes “regroupées” dans des camps — voir le livre de Samia Henni, Architecture of Counterrevolution : The French Army in Northern Algeria (gta, 2017)

    En 1958, le FLN à Paris est particulièrement actif dans son organisation politique clandestine, levant et transférant des fonds tout en exécutant ses opposant.e.s, des Algérien.ne.s considérés comme “traîtres.ses” et des officiers de police français. Le 13 mars 1958, des policiers manifestent devant l’Assemblée nationale pour exiger plus de latitude et plus d’impunité dans l’exercice de leurs fonctions. Le lendemain Papon, fort de son expérience tactique et stratégique en matière de contre-insurrection, est nommé Préfet de la Seine et est chargé d’anéantir le FLN dans la zone métropolitaine de Paris. Comme le montrent les cartes 3 et 4, le 28 août 1958 Papon organise des rafles massives d’Algérien.ne.s, dont 5.000 sont détenus dans le tristement célèbre “Vel d’Hiv,” le vélodrome où le 17 juillet 1942 12.884 juif/ve.s furent parqués avant d’être déportés à Auschwitz. En janvier 1959, Papon crée le Centre d’Identification de Vincennes (CIV) où les Algérie.ne.s peuvent être légalement “assignés à résidence” [sic] sans procès (voir la carte 18). En mars 1961, il crée une nouvelle branche de la police placée directement sous ses ordres : la Force de Police Auxiliaire, composée de harkis (des volontaires algériens de l’armée et de la police française, en France et en Algérie). On laisse à ces policiers la plus grande latitude pour anéantir le FLN et les nombreux Algérien.ne.s soupçonnés d’avoir des liens avec l’organisation décoloniale — dans la mesure où le FLN menaçait les Algérien.ne.s réticent.e.s à payer l’impôt révolutionnaire, cela voulait dire pratiquement tous les Algérien.ne.s — sont arbitrairement arrêté.e.s et torturé.e.s dans les commissariats et dans les caves d’autres bâtiments (cf cartes 5, 6, 7). Certain.e.s des torturé.e.s sont ensuite jeté.e.s à la Seine, plusieurs mois avant le massacre du 17 octobre 61, associé à cette atroce pratique.

    Les références que j’ai utilisées pour cet article (voir plus bas) sont très précises et complètes dans la description du massacre du 17 octobre 61 et de son contexte historique, mais, de façon très surprenante, elles omettent un élément important de ce contexte : le 21 avril 1961, quatre généraux de l’armée coloniale française en Algérie, Maurice Challe, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et André Zeller tentent un coup d’État contre le président, Charles De Gaulle, qui est alors en train de négocier l’indépendance algérienne avec le Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA). Le 23 avril l’état d’urgence est déclaré en France, et le 26 avril les généraux sont arrêtés : le coup d’État échoue. L’état d’urgence reste néanmoins en vigueur pour prévenir d’autres tentatives, ou des actions terroristes de l’Organisation Armée Secrète (OAS) en faveur de l’Algérie française. L’état d’urgence dura jusqu’au 9 octobre 1962 (un mois après l’indépendance de l’Algérie) et n’était pas à l’origine dirigé contre les Algériens – à la différence de ceux de 1955 et de 1958 –, mais il ne fait aucun doute que les pouvoirs extra-exécutifs qu’il accordait ont influé grandement sur la conduite de Papon à la fin de l’année 1961.

    Comme on l’a mentionné, l’une des mesures prises par Papon est le couvre-feu du 5 octobre 61 visant les Algériens. Cette mesure motive la Fédération française du FLN à organiser des manifestations de masse le 17 octobre. Tous les hommes algériens doivent rejoindre le cortège, sans arme — toute personne trouvée en possession d’un couteau sera sévèrement châtiée par le FLN — dans le centre de Paris dans la soirée pour former trois cortèges et protester contre le couvre-feu en particulier, et le colonialisme français en général. Ce que les cartes ci-dessous essaient de montrer est la difficulté pour les Algérien.ne.s vivant et travaillant en banlieue d’arriver en centre-ville pour rejoindre les manifestations. On peut ici insister, comme nous le faisons souvent sur The Funambulist , sur la centralité ségrégative de Paris, toujours opérationnelle aujourd’hui. Ponts et stations de métro sont des lieux de grande violence, dans la mesure où leur étroitesse permet un contrôle sévère et systématique par la police (voir les cartes 8, 9, 10, 11 et 12). Dans nombre de ces lieux, les Algérien.ne.s sont arrêtés, systématiquement tabassé.e.s avec des bâtons, parfois abattu.e.s par balles et jeté.e.s à la Seine (voir les cartes ci-dessous pour plus de détails). Bien qu’on sache que Papon n’a pas donné d’ordres directs pour le massacre, il était présent dans la salle de commandement de la Préfecture de Police, à quelques mètres du bain de sang de Saint-Michel (voir carte 12), et l’absence de tout ordre pour empêcher violences et tueries, ainsi que les fausses rumeurs, sur la radio de la police, que les Algérien.ne.s avaient tué des policiers, en fait l’officiel responsable effectif du massacre — pour lequel il ne sera jamais poursuivi.

    C’est encore plus vrai si on regarde au-delà des meurtres « de sang chaud » commis lors de la manifestation. Plus tard dans la nuit, et les jours suivants, les tabassages systématiques et même les meurtres continuent dans les centres de détention improvisés, de taille variée — les plus grands étant le State de Coubertin (1.800 détenus, voir carte 16), le Parc des Expositions (6.600 détenus, voir carte 17), et le CIV (860 détenus, voir carte 18) —, dans les opérations de police menées sur les ponts et aux portes de Paris (voir carte 19), et contre les manifestations de femmes et enfants algériens organisées par le FLN le 20 octobre (voir carte 21).

    Le nombre d’Algérien.ne.s tué.e.s ou blessé.e.s dans cette semaine sanglante d’octobre 61 demeure inconnu, entre autres du fait dont le archives de la police ont été organisées de telles façon à montrer un nombre de mort.e.s bien inférieur à la réalité — certains des mort.e.s figurent sur la liste des expulsé.e.s vers l’Algérie — mais on estime que 200 à 300 Algérien.ne.s, et que 70 à 84 autres furent tué.e.s après avoir été jeté.e.s à la Seine. Il a fallu des années pour reconnaître ces mort.e.s, contrairement aux neuf victimes du massacre du 8 février 1962, tuées par la police de Papon au métro Charonne lors de la grande manifestation contre les attentats de l’OAS. Ces neuf Français.es étaient membres du Parti Communiste et de la CGT. Leur mémoire fut saluée quatre jours plus tard dans les rues de Paris par un cortège de plus de 500.000 personnes ; aucun rassemblement de masse n’avait protesté le massacre des Algérien.ne.s. En 2001, une plaque fut apposée sur le pont Saint-Michel « À la mémoire des nombreux Algériens tués lors de la sanglante répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961 ». Comme c’est souvent le cas lorsqu’il s’agit de la mémoire des crimes coloniaux en France, les responsables ne sont pas nommés : c’est un crime sans criminels et, comme on l’a noté plus haut, ce mode de narration rétrécit considérablement la portée du massacre dans le temps et l’espace. C’est pourquoi l’on peut préférer une autre plaque, apposée en 2007 à Saint-Denis, en banlieue : « Le 17 octobre 1961, pendant la guerre d’Algérie, trente mille Algériennes et Algériens de la région parisienne manifestèrent pacifiquement contre le couvre-feu qui leur était imposé. Cette manifestation fut brutalement réprimée sur ordre du préfet de police de Paris. Des manifestants furent tués par balles, des centaines d’hommes et de femmes furent jetées dans la Seine et des milliers furent battus et emprisonnés. On retrouvera des cadavres dans le canal de Saint-Denis. Contre le racisme et l’oubli, pour la démocratie et les droits humains, cette plaque a été dévoilée par Didier Paillard, maire de Saint-Denis, le 21 mars 2007. » Mais néanmoins le contexte du colonialisme reste ignoré, illustrant une fois de plus que la France ne s’est jamais confrontée avec la violence de son passé, structurellement raciste et coloniale. La même ignorance prévaut pour la violence actuelle, qui en est directement issue

    Plus de 27% de la population française actuelle était en vie en 1961, et de nombreux acteurs du massacre du 17 octobre, manifestant.e.s algérien.ne.s et policiers français, en portent encore le souvenir, les blessures traumatiques (pour les premier.e.s) et la responsabilité impunie (pour les seconds). L’histoire oublie souvent de mentionner comment bourreaux et victimes ont à cohabiter dans une société indifférente à la violence de la relation qui les a liés, voire qui nie cette violence. À cet égard, la généalogie de cette violence n’est pas uniquement perpétuée au fil des générations, mais aussi par la racialisation de la société française, dirigée et contrôlée par une classe et une police en très grande majorité blanches — l’exemple le plus frappant en est la Brigade Anti-Criminalité (BAC) créée en 1971 selon la logique coloniale de la BNA et de la BAV, et particulièrement active dans les banlieues. À l’autre bout du spectre, des sujets racisés dont les vies sont souvent géographiquement, socialement et économiquement discriminées. Paris n’ayant pas structurellement évolué depuis la seconde moitié du 19e siècle, la spatialité militarisée à l’œuvre dans les cartes ci-dessous reste aujourd’hui prégnante.


    https://vacarme.org/article3082.html
    #cartographie #visualisation #police #violences_policières #colonisation #décolonisation
    cc @reka @albertocampiphoto

  • Le parfait simulacre
    https://vacarme.org/article3184.html

    L’incendie qui a détruit le Musée National de Rio de Janeiro le 3 septembre 2018 révèle, et bouleverse, la vie politique et culturelle brésilienne. Henri-Pierre Jeudy, philosophe et anthropologue français, connu pour ses ouvrages de référence sur le patrimoine historique et la mémoire sociale dans le monde contemporain ("La Machinerie patrimoniale", 2005 et "Critique de l’esthétique urbaine, 2003) analyse ce triste événement. Le philosophe a été interviewé, pour le réseau Université Nomade du Brésil, par (...)

    Actualités

  • Comme une prière : à la mémoire de Zak Kostopoulos par Dimitris Alexakis

    Le vendredi 21 septembre 2018, Zak Kostopoulos, activiste #LGBTQI+, séropositif et drag queen (Zackie Oh), a été assassiné dans des circonstances atroces et à la vue de tous dans le centre d’#Athènes. Ce lynchage est le fait de « bons citoyens » qui ont agi sous la protection et avec le concours de la #police grecque. Ces faits ont été suivis d’une entreprise sans précédent de désinformation de l’opinion publique et de culpabilisation de la victime, notamment accusée par les assassins puis une grande partie de la presse d’avoir essayé de commettre un cambriolage, avant que cette version ne s’effondre à l’épreuve des témoignages et des vidéos recueillis depuis lors.

    « Je suis terrifiée par le fascisme qui monte, écrit C., sa vitesse. » « Je suis terrifiée par la pensée que nous ne saurons peut-être jamais ce qui t’est arrivé. » « Je suis terrifiée à la pensée que nous nous étions promis de nous retrouver bientôt pour que tu me maquilles et que nous avons fini par nous retrouver à tes obsèques. » « Je suis terrifiée à l’idée que tu t’es retrouvé seul, entièrement seul face au démon que tu redoutais tant, la haine. » « Je suis terrifiée quand je pense, je n’arrête pas d’y penser, que tu as laissé échapper ton dernier souffle entouré d’assassins qui voyaient en toi quelqu’un de dangereux ; dangereux, toi !? » « Je suis terrifiée par leur haine mais me souviens que tu arrivais à convertir tout ce qui te terrorisait en motif d’action. Et je te promets que tes assassins seront condamnés. Je t’en donne ma parole, notre parole à tou.te.s. La société que tu voulais, c’est nous qui allons la construire, même si c’est la dernière des choses que nous ferons jamais. »

    https://vacarme.org/article3181.html

    #Grèce #fascisme #paraétatique #citoyens #minorités #LGBT #gay #trans #lesbiennes #queer #assassinat #violence #désinformation #résilience #résistances #mouvement

  • Comme une prière : à la mémoire de Zak Kostopoulos
    https://vacarme.org/article3181.html

    Zac Kostopoulos est mort assassiné le 21 Septembre à Athènes. Au début, le jeune homme sur les images n’a pas de nom. Nous le regardons mourir avant de savoir qui il est. C’est n’importe qui. Ce n’est personne. La scène a été capturée par une caméra ou un portable en surplomb, à quelques mètres de la scène, et les images sont de mauvaise qualité.

    Actualités

    / #Fronts, #Grèce

  • 1997 - Bonnes conduites ? / 1
    petite histoire du « politiquement correct »
    https://vacarme.org/article77.html

    Le « politiquement correct » n’a jamais eu très bonne presse. Dans la gauche française, il a été immédiatement considéré comme une dérive conservatrice des mouvements minoritaires, un nouveau symptôme du puritanisme américain. Aux Etats-Unis, la « political correctness » est avant tout l’objet d’une offensive des conservateurs et de l’extrême droite contre le pouvoir supposé des minorités. C’est ce malentendu qu’on voudrait questionner ici, pour saisir les enjeux réels d’une polémique qui a, entre autres, contribué à discréditer la notion de lutte minoritaire. Premier volet d’une enquête.

    « Politiquement correct » sonne comme une mauvaise traduction. L’anglicisme atteste le péché de naissance. Comme si, depuis l’importation de la notion en France, au début des années 90, on avait voulu en conjurer la menace : c’était une pensée bien trop folle pour prendre racine en Europe. Le « mouvement pc » était envisagé avec l’indignation de bon aloi qui accueille tout ce qui vient d’outre-Atlantique. Le terme, pourtant, s’est imposé, dans la méconnaissance des conflits américains qui l’ont portée au jour. Là-bas, tout était parti de certains campus universitaires, auxquels il était reproché de céder à la tyrannie des minorités. Dans les départements incriminés, on se réclamait de Sartre, de Foucault, de Derrida, de Deleuze, de Cixous... Camille Paglia, qui a les honneurs des gazettes pour avoir fait de l’incorrection politique son fond de commerce, récapitulait élégamment la situation : il fallait que l’Amérique reprenne confiance en elle et cesse de « baiser le derrière des Français ». En filigrane de la querelle du pc, un chauvinisme intellectuel, le spectre d’une invasion qui aurait déjà eu lieu. Mais en France, « politiquement correct » est essentiellement américain. Tous aux abris : l’impérialisme yankee met une fois de plus en péril les traditions culturelles et politiques françaises. « Politiquement correct » est pris dans les réfractions multiples du jeu de miroirs où s’observent et se fantasment la France et les Etats-Unis : il vient d’abord nommer l’autre comme une menace.

    Correct/Incorrect

  • Super interview de 2013 : Rachid Taha : « Liberté, égalité, fraternité, c’est devenu un slogan publicitaire »
    Rosa Moussaoui et Marie-José Sirach, L’Humanité, le 22 novembre 2013
    https://www.humanite.fr/culture/rachid-taha-liberte-egalite-fraternite-c-est-deven-553643

    Un reportage sur Carte de Séjour en 1982 :
    https://www.youtube.com/watch?v=9vDc4YuZz1k

    L’Hymne antifasciste de 1993, Voilà Voilà :
    https://www.youtube.com/watch?v=YoUk9ksOKP4

    Ya Rayah en 1997, le clip officiel :
    https://www.youtube.com/watch?v=zp1m0xbkap4

    1,2,3 Soleils, le concert du siècle en 1999, avec Ida :
    https://www.youtube.com/watch?v=vVRsnDo0qcY

    Alliance punk arabe, il était logique qu’il adapte Rock el Casbah en 2004. Il était aussi logique qu’il la chante avec Mick Jones, en 2006 :
    https://www.youtube.com/watch?v=U76JhPVIoIs

    Le dernier morceau de son dernier disque studio en 2013 était une reprise de Voilà Voila, avec Brian Eno, Agnès b., Femi Kuti, Mick Jones, Christian Olivier, Eric Cantona, Camélia Jordana, Oxmo Puccino, Rachida Brachni, Sonia Rolland et Rodolphe Burger, conscient que la lutte contre le fascisme n’était pas terminée, mais sans lui ce sera encore plus difficile :
    https://www.youtube.com/watch?v=A6WIbvwcVUg

    Aussi ici :
    https://seenthis.net/messages/721451
    https://seenthis.net/messages/721454
    https://seenthis.net/messages/721475

    Très triste, encore... après Jacques Higelin et Aretha Franklin

    #Rachid_Taha #Musique #mort_en_2018