Macron, les fainéants et les philosophes

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    Agrégé et docteur en philosophie, Henri Peña-Ruiz est maître de conférences à Sciences Po Paris. Reconnu pour ses réflexions sur la laïcité, dont il est l’un des plus grands spécialistes, il a fait partie des vingt « sages » de la fameuse commission sur la laïcité présidée par Bernard Stasi en 2003. S’efforçant de lier laïcité, justice sociale et émancipation, Henri Peña-Ruiz est également l’auteur de nombreux ouvrages, dont « Dictionnaire amoureux de la laïcité » (Plon 2014), et publie bientôt chez Seuil « Karl Marx penseur de l’écologie ». Il décortique pour nous la « pensée » d’Emmanuel Macron.

    Les études philosophiques du Président de la République l’ont porté vers Paul Ricoeur et John Rawls. Mais ses propos récents et anciens concordent mal avec de tels penseurs. Depuis Kant, souvent cité par Paul Ricoeur, on sait qu’au cœur de l’éthique il y a le respect de l’humanité dans tout être humain. « Agis de telle façon que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne d’autrui toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. ». Une maxime oubliée quand le 29 Juin dernier Monsieur le Président Macron a osé dire : « Une gare c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ». Après la référence à « l’alcoolisme » dans le bassin minier du Pas-de-Calais, et aux ouvrières bretonnes « illettrées », le propos est rude. Pourquoi tant de mépris pour ceux qui n’ont pas réussi selon ses critères ? Il est vrai que naguère, ministre de l’économie, il avait lancé, le 15 janvier 2015 : « Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires. » Un étrange idéal, qui fait du moyen une fin. Passons. La richesse n’est pas coupable, tant qu’elle ne s’assortit pas de la pauvreté voire de la misère d’autres personnes. Victor Hugo dénonçait, dans Melancholia, un système « qui produit la richesse en créant la misère ». Tel était le cas du premier capitalisme, qui n’avait d’autre règle qu’un profit sans limites, quoi qu’il en coûte aux hommes et à la nature. Un capitalisme auquel nombre de chefs d’entreprise rêvent de revenir en raturant les conquêtes sociales qui tempérèrent la logique du profit par des considérations humaines, et par les règles qui les traduisent.