Si les expérimentations médicales se développèrent dans les plantations du Sud des États-Unis en prenant pour objet des #femmes noires plutôt que des femmes blanches, dans les villes du Nord, et notamment à Philadelphie et New York, Cooper Owens montre que les médecins se tournèrent en effet vers de jeunes femmes irlandaises, souvent immigrantes de première génération, pour tester et appliquer leurs nouvelles théories gynécologiques. Les #corps des femmes noires et irlandaises furent tour à tour conçus comme « étranges et pathologiques » (« strange and pathological », p. 106), sur un continuum allant de la pauvreté, à la blackness. Coexistaient ainsi des croyances médicales qui affirmaient l’existence de différences biologiques inhérentes entre Blancs et Noirs, et le recours à des expérimentations médicales par les docteurs blancs sur les corps noirs afin de faire fructifier une science d’application universelle. Autre paradoxe : les médecins concevaient, simultanément, le corps des esclaves comme naturellement voué au travail, et donc particulièrement sain, d’un point de vue physique, tout en le pensant comme biologiquement inférieur. Comme le rappelle Cooper Owens, l’une des fonctions les plus importantes du corps médical noir, tel qu’objectivé par les médecins blancs, était que les femmes noires étaient utilisées […] en grande partie pour le bénéfice de la santé reproductive des femmes blanches. (p. 7)
Les femmes noires étaient ainsi pensées par les médecins blancs comme des corps dans lesquels les maladies pouvaient être localisées et problématisées, devenant ainsi la quintessence de la pédagogie et du consumérisme médical au XIXe siècle.