Conséquence directe : une explosion de la dette de l’Unédic, qui devrait passer de 8,9 milliards d’euros en 2009 à plus de 36 milliards fin 2018. Elle aura donc quadruplé en neuf ans. Le montant des intérêts payés aux créditeurs a lui aussi explosé : de 223 millions d’intérêts en 2013 à 400 millions en 2018. Au final, 2 milliards d’euros d’intérêts ont été versés aux créanciers en six ans. Le taux d’endettement de l’Unédic – le montant de sa dette rapporté à ses recettes – est de 93 %. « Ce taux en lui-même n’est pas inquiétant, réagissent les membre du Gacdac. Par contre, les causes de ce recours systématique à l’emprunt – le chômage qui augmente, des dépenses qui ne lui incombent pas, le refus d’augmenter les cotisations malgré un faible pourcentage de chômeurs indemnisés – ainsi que la qualité des prêteurs (des banques privées pratiquant des taux élevés pour servir les intérêts de créanciers dont l’identité est cachée), sont inquiétants. »
L’identité exacte des créanciers de l’Unédic est en effet inconnue à la fois des chômeurs, des parlementaires, et même du directeur de l’Unédic. Ce dernier, Vincent Destival, déclarait en 2015 devant l’Assemblée nationale : « Nous n’avons pas de suivi précis sur la manière dont notre dette est renégociée sur les marchés entre les détenteurs primaires et des investisseurs intéressés. Nous savons à quel prix elle est renégociée, mais nous ignorons qui sont les vendeurs et les acheteurs. »
La spirale de la dette enclenchée après 2003
Comment en est-on arrivé à ce que l’assurance chômage affiche 36 milliards d’euros de dette au compteur, à rembourser à… on ne sait pas trop qui ? Pendant plus de vingt ans, de sa création en 1959 jusqu’à 1981, date de son premier déficit, l’Unédic n’a pas eu recours à l’emprunt. Mais la crise économique qui éclate au milieu des années 70 fait exploser le nombre de chômeurs, qui dépasse le million en 1980. Elle emprunte 6 milliards de francs en 1981, « auprès d’un groupe d’assurances, de mutuelles et d’instituts de prévoyance », précise le Gacdac. [...]
Regardons un des derniers avis d’émission de titres de l’Unédic. En novembre dernier, l’assurance chômage émet des « titres négociables à moyen terme », au taux d’intérêt faible de 0,125%, pour un montant emprunté de 1,25 milliard d’euros. Que nous apprend l’avis d’émission ? Que l’Unédic passe, pour émettre ces titres, par des « agents placeurs », qui ne sont autres que des filiales du Crédit agricole, de BNP Paribas, de la banque allemande Deutsche Zentralgenossenschaftsbank, ainsi que de la banque d’investissement étasunienne Meryll Lynch.
Ces institutions jouent le rôle d’intermédiaires entre l’Unédic et les créanciers. « L’Unédic émet des obligations à long terme auprès des banques privées comme la Société Générale ou la BNP (c’est le marché primaire de la dette). Celles-ci achètent ces obligations pour le compte de leurs clients qui soit les conservent, soit les revendent (c’est le marché secondaire de la dette) », explique le Gacdac. Ensuite, d’autres intermédiaires entrent en jeu quand il s’agit du remboursement du capital et du paiement des intérêts. Dans ce cas, ce sont des dépositaires, comme Euroclear dans le cas de cette émission de novembre, ou même Clearstream pour des émissions antérieures [5].