• Avec la réforme Pénicaud, « on est bien loin de la liberté de choisir son projet professionnel », ANNE FRETEL, Maître de conférences en économie
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/04/27/avec-la-reforme-penicaud-on-est-bien-loin-de-la-liberte-de-choisir-son-proje

    Tribune. La formation professionnelle connaît depuis des années un paradoxe : alors que les objectifs qui lui sont assignés sont très ambitieux (insertion professionnelle, maintien en emploi, promotion sociale, développement économique et culturel du pays), la mise en œuvre et le fonctionnement des dispositifs peinent à remplir ces objectifs renforçant, en pratique, les compétences des plus diplômés, favorisant les formations d’adaptation mobilisables à court terme par les entreprises au détriment des formations qualifiantes plus longues, et proposant aux personnes un accès à la formation dépendant de leur statut au regard de l’emploi (CDD, intérim, demandeurs d’emploi, CDI, etc.).

    Le projet de loi portant réforme de la formation professionnelle, rendu public le 6 avril et présenté en conseil des ministres le 27 avril, s’intitule « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » et entend mettre l’individu au cœur du système. [...]

    On pourrait y lire un progrès, l’affirmation d’un système qui doit s’organiser en fonction des besoins et des choix de la personne – et non l’inverse – mais ce serait conclure trop vite car la réforme supprime par exemple un droit au congé de formation – le congé individuel de formation (CIF) – qui permettait à des salariés peu qualifiés de choisir une formation qualifiante porteuse de mobilité. Elle le remplace par un dispositif moins bien doté financièrement et qui limitera grandement les possibilités de reconversion professionnelle. [...]

    Le CIF est supprimé, remplacé – sans doute dans un souci de simplicité… – par un CPF dit « de transition » qui, à côté de l’actuel CPF, sera destiné à financer les formations longues. Mais ce changement de nom s’accompagne d’une division par deux des crédits globaux envisagés, ce qui risque de renforcer la gestion déjà malthusienne du dispositif et poser encore plus la question des critères ouvrants droits à son bénéfice.

    Par ailleurs le projet de loi propose que ce soient les branches professionnelles qui décident des montants et des priorités, là où l’actuel CIF reposait sur une gestion interprofessionnelle. En clair, cela veut dire, que le CIF ne sera plus un dispositif d’émancipation personnelle et professionnelle des salariés, mais un outil supplémentaire de gestion de la main-d’œuvre pour les employeurs.

    Comment, en effet, imaginer qu’une branche professionnelle accepte de financer des reconversions individuelles dont une bonne moitié conduit à quitter la branche ? Au mieux, une fédération patronale en fera un outil de gestion de crise en proposant des reconversions en amont des licenciements.

    #Formation_professionnelle #CIF #DRH