• Une dépêche AFP racontant la captivité de deux journalistes (un néerlandais et un anglais) rend compte d’une légère complexification dans les médias français - un temps après les médias anglo-saxons et allemands, tout de même - et occidentaux en général, de la narrative sur la crise syrienne.
    Voici l’histoire telle qu’elle nous est présentée. Les journalistes Jeroen Oerlemans et John Cantlie ont été kidnappés en Syrie par des jihadistes bien peu syriens, selon les déclarations d’Oerlemans :

    il n’y avait aucun Syrien présent, c’était tous des jeunes venus d’autres pays, d’Afrique, de Tchétchénie...

    http://www.lexpress.fr/actualites/1/economie/syrie-un-journaliste-libere-affirme-qu-il-n-y-avait-aucun-syrien-dans-le-ca

    Détail intéressant absent dans la dépêche AFP publiée par le site de l’Express, certains de ces jihadistes avaient un accent anglais :

    Speaking to Dutch media on Friday, Oerlemans said their captors were not Syrians, but from Britain, Pakistan and Bangladesh.
    Estimating that between 30 to 100 held them captive, Oerlemans said some of the gang that held them had “Birmingham accents”, he told Dutch newspaper NRC Handelsblat.
    At least one had a “heavy south London accent” reported the Sunday Telegraph, quoting a source close to the incident.

    http://www.huffingtonpost.co.uk/2012/07/29/syria-john-cantlie-jeroen-oerlemans-free-syrian-army_n_1715827.htm

    Finalement les deux journalistes ont été libérés par des membres de l’ASL qui auraient intimidés les jihadistes. La dépêche se termine par une déclaration d’Oerlemans :

    L’ASL se bat pour la démocratie, ces combattants étrangers veulent imposer la charia en Syrie. Ils veulent écraser les Syriens, qui sont en principe des musulmans modérés, sous la lourde botte de la charia.

    Désormais, à côté d’une rébellion armée vertueuse (l’ASL) contre le régime universellement honni de Bachar, on évoque l’infiltration de jihadistes étrangers (voire d’al-Qaïda) profitant de la situation. Notons que cette modification de la narrative fait suite aux déclarations d’officiels américains, depuis plusieurs mois déjà, sur leurs préoccupations quant à la présence d’al-Qaïda en Syrie :

    “In February, the United States’ director of national intelligence, James Clapper, told a Congressional hearing that there were “all the earmarks of an Al Qaeda-like attack” in a series of bombings against security and intelligence targets in Damascus. He and other intelligence community witnesses attributed that to the spread into Syria of the Iraqi branch of Al Qaeda.”

    http://www.nytimes.com/2012/07/25/world/middleeast/al-qaeda-insinuating-its-way-into-syrias-conflict.html?pagewanted=all

    Cet élément nouveau dans la narrative (al-Qaïda comme maladie opportune se greffant sur le corps jusque là sain de la rébellion armée syrienne combattant le régime) pouvant d’ailleurs tout aussi bien justifier la non-intervention directe des Occidentaux d’un point de vue militaire, les officiels américains prétendant se borner à livrer des moyens de communication et du renseignement aux insurgés, qu’une intensification ultérieure de l’implication américaine dans l’évolution de la crise, qui pourrait être présentée comme un acte chirurgical pour éliminer la tumeur jihadiste dans la rébellion. Elément combinable, d’ailleurs, avec celui des armes chimiques du régime, apparu récemment dans nos médias.
    Pour l’heure le patient serait sous observation, puisque des agents de la CIA superviseraient de la Turquie les livraisons d’armes du Qatar, de l’Arabie saoudite et d’Ankara afin qu’elles n’aggravent pas la maladie :

    The C.I.A. officers have been in southern Turkey for several weeks, in part to help keep weapons out of the hands of fighters allied with Al Qaeda or other terrorist groups, one senior American official said. The Obama administration has said it is not providing arms to the rebels, but it has also acknowledged that Syria’s neighbors would do so.

    http://www.nytimes.com/2012/06/21/world/middleeast/cia-said-to-aid-in-steering-arms-to-syrian-rebels.html?_r=1&pagewanted=all

  • Al Qaeda Insinuating Its Way Into Syria’s Conflict - NYTimes.com
    http://www.nytimes.com/2012/07/25/world/middleeast/al-qaeda-insinuating-its-way-into-syrias-conflict.html?_r=2&hp

    It is the sort of image that has become a staple of the Syrian revolution, a video of masked men calling themselves the Free Syrian Army and brandishing AK-47s — with one unsettling difference. In the background hang two flags of Al Qaeda, white Arabic writing on a black field

  • J’ai eu un gros doute en tombant sur la Une du Parisien aujourd’hui (dimanche 22 juillet 2012) :

    Une recherche sur Google permet de retrouver la photo d’origine non recadrée, du photographe de l’AFP Bulent Kilic :
    http://img854.imageshack.us/img854/1963/1000x20.jpg
    La source permet d’apprendre que la photo a été prise à Bab al-Hawa.

    Tu as remarqué ? C’est vraiment adorable, ce petit bandana noir, avec la chahada écrite en blanc, que porte le type au deuxième plan, sur la gauche. C’est un peu connoté, mais c’est vraiment très joli.

    Seule, cette photo n’est pas totalement concluante : qu’un musulman porte la proclamation de sa foi en bandeau alors qu’il risque sa vie, pourquoi pas. Et le « logo » suspecté ici n’est pas complet. Mais comme il y a des rumeurs qui circulent au sujet de ces combattants aux postes frontières, cette image en Une est très intrigante.

    Dans le Figaro, Malbrunot cite « un photographe de l’AFP » qui se trouve, justement, au même endroit (est-ce Bulent Kilic, l’auteur du cliché choisi par le Parisien ?) :
    http://www.lefigaro.fr/international/2012/07/22/01003-20120722ARTFIG00159--damas-les-opposants-toujours-sous-le-feu-des-loy

    Un groupe d’environ 150 djihadistes étrangers, armés de kalachnikovs et de lance-roquettes, occupe par ailleurs le poste syro-turc de Bab al-Hawa. Des militants ont affirmé à un photographe de l’AFP venir d’Algérie, d’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, d’Égypte, de France, de Tchétchénie et de Tunisie. Certains ont indiqué appartenir à une « choura » (assemblée) talibane, et d’autres ont revendiqué une appartenance à al-Qaida au Maghreb islamique.

    La confirmation explicite est venue ce soir.

    Une vidéo montre des militants exactement au même endroit (Bab al Hawa) lors de la prise du poste frontière. Ils arborent un beau drapeau portant la même chahada écrite en blanc sur fond noir.

    Et cette fois, le logo est complet : un macaron blanc permet de l’identifier à coup sûr : bravo, le Parisien, tu viens de faire ta couverture avec des militants d’Al Qaeda présentés comme des héros de la liberté (« l’armée de l’insurrection », « le bras armé de la révolte ») !
    http://www.youtube.com/watch?v=CheRwZB_K1Q

    Le 25 juillet, mention du même lieu et du même événement dans le New York Times :
    http://www.nytimes.com/2012/07/25/world/middleeast/al-qaeda-insinuating-its-way-into-syrias-conflict.html?_r=3&hp

    An important border crossing with Turkey that fell into Syrian rebels’ hands last week, Bab al-Hawa, has quickly become a jihadist congregating point.

    Le 23 juillet, un article du Point faisait la même remarque en publiant la même image :
    http://www.lepoint.fr/monde/syrie-les-islamistes-controlent-ils-la-revolution-23-07-2012-1488477_24.php

    Le chercheur en veut pour preuves les photos montrant des combattants barbus à Homs, arborant avec fierté leur bandeau noir sur lequel est inscrit « Il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah ». Plus récemment, les images illustrant la prise par les rebelles du poste-frontière turco-syrien des Bab al-Hawa représentaient bien des insurgés salafistes.

    Le 28 juillet, Jeffrey Gettleman du New York Times est plus explicite en évoquant « un poste frontière tombé aux mains d’un groupe lié à Al Qaeda » :
    Syria’s Conflict Intrudes on Antakya, Turkey - NYTimes.com
    http://www.nytimes.com/2012/07/29/world/middleeast/syrias-conflict-intrudes-on-antakya-turkey.html?_r=1

    a Syrian border post just fell into the hands of a group linked to Al Qaeda