• n° 4 - H. Merlin-Kajman, Enseigner avec civilité ? Trigger warning et problèmes de partage de la littérature
    http://www.mouvement-transitions.fr/index.php/litterarite/articles/n-4-h-merlin-kajman-enseigner-avec-civilite-trigger-warning-et

    Depuis septembre 2017, sixième rentrée de Transitions, de nouveaux sujets sont apparus dans nos échanges : échanges indirects sur le site (voir mon exergue sur Scum Manifesto et la réponse d’Hélène Merlin-Kajman, voir également la saynète de Pierre-Élie Pichot), échanges oraux à l’occasion du séminaire. Nous y avons parlé des trigger warnings – ces avertissements qui signalent qu’un texte pourrait déclencher des émotions négatives, voire traumatiques chez les lecteurs.trices – et débattu de l’interprétation de textes classiques comme des scénarios de violences faites à des femmes. Sujets nouveaux, certes : il semblerait qu’à Transitions, comme dans bien d’autres lieux de discussion, en France et ailleurs, les rapports de genre soient devenus une question centrale. Pourtant, et l’article d’Hélène Merlin-Kajman que nous publions aujourd’hui et qui porte donc sur les trigger warnings, le rend manifeste, ces sujets sont loin d’être entièrement inédits pour Transitions : nous en discutons lorsque nous parlons de la transmission des textes en classe, nous y pensons lorsque nous écrivons des saynètes liant littérarité et civilité et commentant des rapports sociaux, amicaux, des rapports de séduction, etc.

    C’est là, me semble-t-il, l’un des points majeurs de la réflexion qu’Hélène Merlin-Kajman propose ici sur les trigger warnings, en questionnant la fausse évidence d’une proximité entre cette pratique et l’idée d’un partage civil des textes. L’intérêt d’une telle réflexion est double : elle permet d’abord de s’interroger à partir d’un véritable arrière-plan théorique sur ce qui, au départ, est un outil militant venu de la publication en ligne et qui reste très souvent l’occasion d’un débat superficiel (« Pour ou contre le trigger warning ? »). La démonstration articule les trigger warnings aux (re)définitions du trauma et au statut que nos sociétés donnent aux victimes de traumatismes.

    Mais il s’agit également de considérer les trigger warnings, non plus seulement dans leur contexte immédiat, mais à travers une théorisation de la littérature dont les sources et les cadres sont tout autres. Ce qui intéresse finalement Hélène Merlin-Kajman, c’est l’usage de trigger warnings dans un contexte d’enseignement de la littérature. Or, cet usage, ou son refus, ne peut faire l’économie d’une articulation aux théorisations de la littérature et doit prendre garde à ne pas réduire la littérature à une somme de situations : pour Hélène Merlin-Kajman, « le trigger-warning repose sur une définition de la littérature très problématique, qui hyperbolise sa dimension référentielle au détriment de tout ce qui organise son adresse, et ce qu’on pourrait appeler son affectivité profonde. ».

    Par ailleurs en mobilisant des catégories issues du XVIIe siècle (la « civilité » et l’« honneur » en particulier) et sa théorisation du « partage transitionnel », elle explique comment ces trigger warnings peuvent favoriser le partage traumatique des textes au lieu de l’empêcher. Ils priveraient les lecteurs.trices, l’étudiant.e et l’enseignant.e de la possibilité « s’identifier et de se désidentifier » aux situations et aux personnages, ce que permet le « partage transitionnel ». Au-delà du contexte de l’enseignement, c’est la possibilité de ne pas rester enfermé dans une unique identité qui est selon elle mise en danger, l’enjeu est dès lors politique.

    Les trigger warnings sont apparus comme une pratique de protection dans des espaces de publication ouverts et horizontaux, leur statut est en train de changer, l’usage qu’on en fait également. Hélène Merlin-Kajman, dans ce texte, prend acte de ce changement, en tire les conséquences et nous invite, fortement, à en faire de même. Avec elle, Transitions continue d’explorer ses lieux de discussion, sans cultiver l’opposition systématique, comme elle le signale dans son post-scriptum, mais en s’appliquant à construire et à penser ses désaccords.

    M. F.

    • Ronsard 2018 – ⋅ lecture ⋅ culture ⋅ genre ⋅ littérature ⋅
      https://womenandfiction.blog/2018/04/11/ronsard-2018

      J’ai eu la surprise il y a quelques semaines de voir mon billet « Petit guide littéraire et mythologique pour violer mais pas trop violemment » cité et commenté dans un long article d’Hélène Merlin-Kajman publié en ligne sur le site du mouvement Transitions « Enseigner avec civilité ? Trigger warning et problèmes de partage de la littérature ».

      Cet article évoque essentiellement la question des trigger warnings dans les pratiques de partage de la littérature et notamment d’enseignement, appelant beaucoup de réponses possibles et de réflexions complémentaires. Je voudrais surtout dans ce billet préciser certains points et corriger certains propos qui me sont prêtés concernant ma lecture du sonnet 20 de Ronsard dans quelques paragraphes de cet article.