Identités professionnelles, ethnicité et racisme à l’hôpital : l’exemple de services de gériatrie

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    La « diversité » ethnoculturelle est une réalité structurante de l’institution hospitalière en France au moins pour trois raisons. En premier lieu, l’hôpital public comme privé ne choisit pas les populations qu’il soigne. Dans une société de fait multiculturelle, cela concerne donc la patientèle. Ensuite, même dans un pays supposément aveugle aux catégories de l’ethnicité et de la « race » comme la France, l’institution hospitalière fonctionne avec son idéologie, son jeu de normes et de valeurs qui ne sont pas toujours celles valables dans le reste de la société : la logique qui prédomine dans les négociations autour des identités à l’hôpital est avant tout une logique qui lui est spécifique. Cela signifie qu’il n’est pas possible de réduire à l’espace normatif d’une philosophie publique nationale – le républicanisme à la française – les règles et les valeurs qui encadrent la « diversité » à l’hôpital. Enfin, en troisième lieu, la diversité ethnoculturelle est devenue une réalité de plus en plus importante dans la composition sociologique du personnel. Même s’il existe des spécificités d’emploi de certaines populations dans la fonction publique hospitalière – l’exemple du personnel paramédical originaire des Dom-Tom – la diversité des membres de l’institution concerne également de nouvelles générations de professionnels issus de l’immigration postcoloniale.
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    Nous proposons d’aborder ici ce triple aspect de la « diversité » à l’hôpital en analysant certaines des négociations qui ont lieu au sein de services de gériatrie. Inscrite dans une approche sociologique pragmatique [1]
    [1] Notamment : Luc Boltanski, Laurent Thévenot, De la...
    , notre analyse repose sur une étude empirique de deux ans réalisée dans quatre établissements hospitaliers de la région parisienne.
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    Notre article a un double objectif. Il s’agit d’abord de proposer une analyse de la « diversité » à partir d’un questionnement sur la construction des identités sociales en contexte hospitalier. Nous proposons une série d’hypothèses sur la structure des négociations qui conduisent les membres de l’institution à trouver des compromis à propos des identités professionnelles, de la place de leur institution dans le reste de la société, et de la représentation de populations perçues comme minoritaires dans la composition du personnel institutionnel.
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    En même temps, l’institution hospitalière n’est pas un espace institutionnel uniforme. Sa structure organisationnelle est fortement hiérarchisée, elle repose sur une division très forte du travail professionnel, notamment entre médicaux et paramédicaux. Surtout, l’institution est organisée en espaces très différenciés qui mettent en œuvre des pratiques et des techniques professionnelles et prennent en charge des usagers très différents. Notre second objectif est donc de nous concentrer sur l’un de ces espaces professionnels pour tester les hypothèses générales que nous faisons sur la place des identités dans les négociations institutionnelles : les services de gériatrie. Cela va nous permettre d’illustrer un aspect peu abordé par la littérature, celui de patients âgés « blancs » soignés par un personnel « noir » ou « immigré » – un espace social de reflux de catégories ethniques, raciales et de comportements racistes que les membres de l’institution doivent gérer au quotidien.