Les politiques imposées au nom de la dette publique ne sont pas, comme précisé en début d’exposé, neutres du point de vue du genre.
Bien au contraire, elles ont impulsé :
une féminisation de la pauvreté,
une féminisation de la maladie,
une précarisation de l’emploi féminin,
une augmentation considérable de la charge du travail gratuit fourni par les femmes pour amortir leurs effets dévastateurs,
un accroissement des violences envers les femmes…
Minées par les stress induit par l’obligation d’assumer de multiples rôles, l’usure engendrée par trop de labeur et l’impact psychologique d’une pauvreté s’amplifiant les femmes sont bien les premières victimes de la dette et des politiques imposées en son nom.
Or, alors qu’elles en supportent les pires conséquences, les femmes n’ont à payer aucune dette de quelque nature soit-elle. Ce sont elles les véritables créancières au niveau national et international. Elles sont titulaires d’une énorme dette sociale. Sans leur travail gratuit de production, de reproduction et de soins aux personnes, nos sociétés péricliteraient tout simplement !
Je ne voudrais pas terminer cet exposé sans intégrer une perspective de lutte et souligner que beaucoup de femmes refusent cette logique mortifère et s’engagent avec force et ténacité dans les mouvements de lutte contre la dette, contre les Institutions Financières Internationales et plus largement, contre le système néolibéral.
En Afrique, la participation des femmes à la lutte pour le non-paiement de la dette extérieure ne date pas d’hier.
Elle a débuté dès le début des années ’80 et s’est renforcée lors de la grande campagne internationale Jubilé 2000, amorcée en 1998, qui a suscité la formation d’une coalition mondiale de mouvements sociaux pour l’annulation de la dette. Depuis, divers mouvements de femmes - faisant partie soit de regroupements mondiaux contre la dette tels que le CADTM ou la coalition Jubilé Sud, soit appartenant à des réseaux féministes internationaux tels que la Marche mondiale des femmes - sont les fers de lance d’un large mouvement de contestation du « système dette » et d’élaborations d’alternatives radicales à la mondialisation néolibérale. Les résistances aux organismes de microcrédits soutenus entre autres par la BM qui pratiquent des taux usuriers et appauvrissent les femmes bien plus qu’il ne les aide sont aussi l’incarnation de la lutte des femmes contre la dette puisque sans toutes les régressions socio-économiques qu’elle impose aux populations, les femmes ne se trouverait dans des situations de pauvreté telles qu’elles doivent avoir recours à la micro-finance pour survivre.
En Europe, une prise de conscience de l’interconnexion existant entre la détérioration des conditions de vie et des droits des femmes et les politiques d’austérité mobilise de plus en plus de femmes (et d’hommes) tant des milieux féministes que des mouvements sociaux mixtes à s’investir dans la lutte contre la dette.
Du côté des réseaux féministes, la nécessité de se battre contre la dette est de plus en plus manifeste, de plus en plus de féministes européennes revendiquent la réalisation d’audits de la dette publique afin d’en annuler la part illégitime, du coté des mouvements et des formations politiques récusant le capitalisme, l’intégration de la pensée féministe autant dans la réflexion que dans l’action au quotidien progresse également même si ce n’est pas toujours à la vitesse qu’on voudrait ;-)
Tout cela laisse présager que les féministes d‘Europe comme l’on fait et continuent à le faire leurs sœurs du Sud entendent bien ne pas être en reste dans la constitution du mouvement de résistance active contre les politiques d’austérité et la dette et s’impliquent dans les processus d’audit en revendiquant que ceux-ci intègrent autant une analyse des impacts des politiques d’austérité sur les femmes que leurs alternatives pour la construction d’un nouveau modèle social qui garantisse l’émancipation de toutes et de tous.