C’est vrai, vous avez raison (pour les deux remarques).
Le point de vue du type du CFR pourrait n’être effectivement qu’un pis aller qu’il endosse et qu’il prête à certains dirigeants de Washington.
Reste que ça relativise les inquiétudes exprimées publiquement sur la présence d’al-Qaïda en Syrie par des officiels américains, inquiétudes plus ou moins feintes qui par ailleurs servent paradoxalement de justificatif à un accroissement de l’interventionnisme US dans la crise syrienne.
►http://www.cfr.org/syria/al-qaedas-specter-syria/p28782#
LE SPECTRE D’Al-QAÏDA EN SYRIE
Les rebelles syriens seraient infiniment plus faibles aujourd’hui sans al-Qaïda dans leurs rangs. En gros, les bataillons de l’Armée Syrienne Libre (ASL) sont fatigués, divisés, chaotiques et inefficaces. Se sentant abandonnés par l’Occident, les forces rebelles sont de plus en plus démoralisées car ils affrontent l’armement supérieur du régime d’Assad et son armée professionnelle. Les combattants d’al-Qaïda, cependant, peuvent aider à améliorer le moral. L’afflux de jihadistes apporte la discipline, la ferveur religieuse, l’expérience du combat en Irak, le financement de sympathisants sunnites dans le Golfe, et surtout, des résultats en termes de morts. En bref, l’ASL a besoin d’al-Qaïda aujourd’hui.
En Syrie, les soldats d’al-Qaïda s’intitulent Jabhat al-Nusrah li-Ahli Al-Sham (Front pour la protection du peuple du Levant). La puissance du groupe et son acceptation par l’ASL sont mises en évidence par leur activité croissante sur le terrain [1] - de sept attaques en mars à soixante six "opérations" en juin. En particulier, le Jabhat a aidé à porter le combat dans les deux plus grandes villes : dans la capitale Damas, où 54 pourcents de ses activités ont eu lieu, et à Alep. En effet, al-Qaïda pourrait devenir la force de combat la plus efficace en Syrie, si les défections de l’ASL vers le Jabhat persistent et si les rangs des combattants étrangers (cf Guardian [2]) continuent de gonfler.
Al-Qaïda ne sacrifie pas ses « martyrs » en Syrie simplement pour renverser Assad. La libération du peuple syrien est un bonus, mais l’objectif principal est de créer un état islamiste sur tout ou partie du pays. A défaut, ils espèrent au moins d’établir une base stratégique pour les restes de l’organisation de l’autre côté de la frontière en Irak, et créer un quartier général dans la région où les moudjahidine pourraient profiter d’un refuge sûr. Si Al-Qaïda continue de jouer un rôle de plus en plus important dans la rébellion, alors un gouvernement post-Assad aura une dette envers les tribus et les régions alliées à au Jabhat. Au cas où ne seraient pas honorées les demandes futures du Jabhat, en supposant qu’Assad chute, cela pourrait mener à une continuation du conflit en Syrie.
Jusqu’à présent, Washington a semblé réticent à peser lourdement sur cette question. En mai 2012, le secrétaire à la Défense des États-Unis, Leon Panetta, a reconnu publiquement la présence d’Al-Qaïda en Syrie (The Guardian [3]). Et en Juillet, le chef du contre-terrorisme du Département d’Etat, Daniel Benjamin, plutôt incrédule a suggéré que les États-Unis demandent simplement à l’ASL de rejeter Al-Qaïda [4]. Le calcul politique non-dit entre les décideurs politiques est de se débarrasser d’Assad en premier – affaiblissant ainsi la position de l’Iran dans la région - puis de faire face à Al-Qaïda plus tard.
Mais la planification pour minimiser l’emprise probable d’Al-Qaïda sur les tribus syriennes et les combattants doivent commencer dès maintenant que l’administration Obama élève le niveau de son soutien à des groupes rebelles (Reuters [5]). Bien sûr, ces préparatifs doivent également inclure des efforts pour localiser et contrôler les armes chimiques d’Assad. Les mois à venir ne seront pas faciles.
[1] : ►http://www.bbc.co.uk/news/world-middle-east-19091400
[2] : ►http://www.guardian.co.uk/world/2012/jul/30/al-qaida-rebels-battle-syria
[3] : ►http://www.guardian.co.uk/world/video/2012/may/11/al-qaida-syria-leon-panetta-video
[4] : ►http://www.state.gov/j/ct/rls/rm/2012/195898.htm
[5] : ►http://www.reuters.com/article/2012/08/02/us-usa-syria-obama-order-idUSBRE8701OK20120802