Taxer les plus #riches permettrait à la fois de lutter contre le #réchauffement climatique et de réduire la pauvreté, assure une étude
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« Le changement climatique est en réalité une grande défaillance de marché », avance Lucas Chancel. Le rapport suggère la création d’une taxe surnommée « 1,5 % pour 1,5 °C », qui taxerait à hauteur de 1,5 % le patrimoine des millionnaires gagnant plus de 100 millions de dollars par an (soit 0,001 % de la population mondiale). Les recettes estimées se chiffrent à 295 milliards de dollars par an, ce qui correspond aux besoins pour limiter les impacts du changement climatique.
Taxer les plus riches permettrait à la fois de lutter contre le réchauffement climatique et de réduire la pauvreté, assure une étude
Selon une étude du Laboratoire sur les inégalités mondiales, le 1 % le plus riche de la population de la planète génère plus de rejets carbonés que la moitié la plus pauvre.
Par Audrey Garric
Publié aujourd’hui à 06h01, mis à jour à 10h29
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La crise climatique est profondément une crise des inégalités. Alors que l’essentiel des émissions de gaz à effet de serre est généré par les plus aisés, les plus pauvres et moins responsables sont les plus touchés par les impacts grandissants du dérèglement climatique. Revoir la fiscalité mondiale, notamment en taxant les plus riches, permettrait à la fois d’accélérer la lutte contre le réchauffement et celle contre la pauvreté. Telles sont les conclusions d’une vaste étude sur les inégalités climatiques publiée mardi 31 janvier. Elle a été menée par le Laboratoire sur les inégalités mondiales (World Inequality Lab), un institut de recherche rattaché à l’Ecole d’économie de Paris et à l’université de Californie à Berkeley.
L’aggravation de la crise climatique est alimentée en grande partie par la fraction de la population mondiale la plus aisée. Comme le rappelle le rapport, les 10 % les plus riches sont responsables de la moitié (48 %) des émissions mondiales. Le 1 % le plus nanti entraîne même à lui seul 17 % des rejets carbonés, soit davantage que la moitié la plus pauvre de la population, qui est responsable de 12 % des émissions. Ce top 1 % est responsable d’un quart de la croissance des émissions entre 1990 et 2019.
Inégalités entre pays mais surtout au sein des pays
D’autres chiffres permettent de mesurer encore davantage les écarts abyssaux entre les catégories de revenus : le 1 % le plus privilégié émet 101 tonnes d’équivalent CO2 par personne et par an, et le top 10 %, 29 tonnes, contre 6 tonnes pour les classes intermédiaires et 1,4 tonne pour la moitié la plus pauvre, selon les chiffres avancés par Lucas Chancel, qui prennent en compte à la fois la consommation de biens et services et les investissements. Il faudrait réduire l’empreinte carbone à 1,9 tonne par personne en 2050 pour conserver une chance de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C à la fin du siècle.
Les inégalités historiques entre pays restent importantes. Ainsi, l’empreinte carbone moyenne d’un Américain est environ dix fois supérieure à celle d’un Indien. Mais ce prisme national masque une réalité : ce sont aujourd’hui les inégalités au sein des pays qui expliquent les deux tiers des inégalités climatiques mondiales ; une situation inversée par rapport à 1990, quand la majorité provenait des inégalités entre pays. L’empreinte carbone du top 10 % en Amérique du Nord est, de très loin, la plus élevée du monde, avec 69 tonnes d’équivalent CO2 par personne et par an, contre 10 tonnes pour la moitié la plus pauvre. Les riches Chinois, eux, émettent 38 tonnes, treize fois plus que la moitié chinoise la moins aisée (3 tonnes).
Pour clore le tableau des inégalités, la moitié la plus pauvre de la population mondiale endure 75 % des pertes de revenus liées aux impacts du changement climatique, tout en ayant le moins la capacité financière pour agir : seulement 3 % des capacités de financement, alors que les trois quarts sont concentrées dans les mains des 10 % les plus aisés.
« Une grande défaillance de marché »
Ce rapport bat également en brèche l’idée selon laquelle la lutte contre le réchauffement dans les pays riches n’aurait pas de poids dans la mesure où l’essor des classes moyennes dans les pays en développement aggraverait considérablement les émissions de gaz à effet de serre. « C’est faux, et c’est une manière de se déresponsabiliser et de se déculpabiliser », assure Lucas Chancel.
Selon l’étude, éradiquer la pauvreté en permettant à tous de vivre avec au moins 3,20 dollars (2,95 euros) par jour entraînerait une hausse des émissions de 5 % seulement. Ce chiffre grimperait à 18 % dans le cas d’une politique plus ambitieuse, qui allouerait un minimum de 5,50 dollars et améliorerait la vie de 3 milliards de personnes. Il s’agit du même ordre de grandeur que les émissions du 1 % le plus riche ou qu’un tiers des émissions des 10 % les plus riches. « Réduire l’empreinte carbone du sommet permettrait ainsi de libérer un budget carbone pour sortir les gens de la pauvreté », conclut le rapport.
« Le changement climatique est en réalité une grande défaillance de marché », avance Lucas Chancel. Le rapport suggère la création d’une taxe surnommée « 1,5 % pour 1,5 °C », qui taxerait à hauteur de 1,5 % le patrimoine des millionnaires gagnant plus de 100 millions de dollars par an (soit 0,001 % de la population mondiale). Les recettes estimées se chiffrent à 295 milliards de dollars par an, ce qui correspond aux besoins pour limiter les impacts du changement climatique.
Les économistes suggèrent aussi de réformer la taxation sur les multinationales (qui prévoit un impôt minimal de 15 % sur leurs bénéfices) afin qu’une partie abonde des fonds climat. Ils proposent que les pays riches aident financièrement les pays à bas ou moyens revenus pour moderniser leurs administrations fiscales, afin de générer des recettes par la création d’impôts sur le revenu, sur le patrimoine ou sur l’héritage. Et ils envisagent des recettes supplémentaires avec des taxes sur le secteur aérien, maritime ou sur les énergies fossiles. « Cela permet de connecter le climat, le développement et la fiscalité, qui doivent aller de pair », conclut Lucas Chancel.