En matière environnementale, le plan de relance, que le gouvernement présente aujourd’hui, cible la rénovation thermique, les transports, l’énergie et la décarbonation de l’industrie.
Un tiers environ du plan de relance économique présenté jeudi 3 septembre sera consacré à la transition écologique, ou encore au « verdissement de l’économie », selon les mots du gouvernement, soit une trentaine des 100 milliards d’euros annoncés sur la période 2020-2022. Ces 30 % consacrés à cette « accélération sans précédent » de la transformation écologique correspondent, de fait, aux 30 % qui doivent être attribués à la lutte contre le réchauffement climatique, selon les critères du plan de relance européen présenté en juillet.
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La volonté affichée est de « couvrir tous les champs d’activité les plus émetteurs de gaz à effet de serre » et de rendre ce plan cohérent avec les objectifs climatiques de l’accord de Paris de décembre 2015.
Sans surprise, les plus grosses sommes seront investies dans les transports (11 milliards d’euros), l’énergie (9 milliards) et la rénovation énergétique des bâtiments (7 milliards) [cornaquée par Saint-Gobain ▻https://seenthis.net/messages/874223]. A cela, il faut ajouter les mesures dévolues à l’agriculture et à l’alimentation (1,2 milliard d’euros, notamment pour la transition agroécologique, le bien-être animal et le développement des circuits courts), ou encore 250 millions pour la mer (verdissement des ports, aquaculture, pêche…).
« Véhicules propres »
Si leur affectation n’est pas encore très détaillée, les principales cibles sont connues. Pour le volet transports – intitulé « infrastructures et mobilités vertes » –, le grand gagnant est le rail, avec 4,7 milliards d’euros qui iront au fret ferroviaire, aux petites lignes, aux trains de nuit, à l’aide pour la rénovation du réseau, etc.
Les « mobilités du quotidien » emportent 1,2 milliard d’euros, dont une partie servira à accroître l’usage du vélo (pistes cyclables, plan entretien), le reste profitant au développement des transports en commun. La voiture n’est pas oubliée, avec 1,9 milliard d’euros pour les aides à la conversion vers des « véhicules propres » et le système de bonus-malus, sans oublier le parc de l’Etat (180 millions).
Le plan de relance va consacrer une somme importante à la rénovation énergétique, que ce soit celle des bâtiments publics (gendarmerie et police, palais de justice, préfectures, écoles, universités…), avec 4 milliards d’euros, ou celle des bâtiments privés (2 milliards), avec l’extension du dispositif MaPrimeRénov à tous les Français à partir du 1er janvier 2021, notamment aux propriétaires bailleurs et aux copropriétés, ce que réclamaient les associations.
Sur l’énergie, 2 milliards d’euros vont financer la filière hydrogène (et 7 milliards annoncés jusqu’en 2030). Enfin, 1,2 milliard d’euros ira à la décarbonation de l’industrie et 500 millions seront destinés à l’économie circulaire (recyclage, déchets).
L’annonce de ces 30 milliards d’euros d’investissements fléchés vers des objectifs écologiques et climatiques ne déplaît pas, bien sûr, aux organisations environnementales. Même si, ainsi que le fait remarquer Anne Bringault, responsable transition énergétique du Réseau Action Climat, « [le ministre de l’économie] Bruno Le Maire avait déclaré, le 27 juillet, devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, que le plan de relance dans son ensemble serait un plan de relance vert, ce qui n’est pas le cas ».
Ces 30 milliards ne suffiront pas à eux seuls à assurer la transition écologique de l’économie, estiment les écologistes. « Ils ne sont que le premier pas, nécessaire, mais ils ne doivent pas être exceptionnels, il faudra investir cette somme pendant dix ans. Surtout, il faudra évaluer l’incidence sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre », insiste le député de Maine-et-Loire (Ecologie Démocratie Solidarité) Matthieu Orphelin.
Ne pas investir dans le « brun »
« C’est un bon début, mais il faut que ces montants soient pérennisés : le climat a besoin d’un effort sur la durée », rappelle aussi Louise Kessler, directrice du programme économie de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE). Selon les chiffrages de ce think tank, il faudrait 9 milliards d’euros d’argent public supplémentaires chaque année jusqu’en 2023, puis 22 milliards en plus par an entre 2024 et 2028, pour respecter les objectifs de la stratégie nationale bas carbone dans trois secteurs, les transports, le bâtiment et l’énergie.
Pour réellement favoriser cette transition, l’enveloppe du plan de relance doit en outre « être additionnelle, financer des investissements et non pas combler les déficits liés à la crise, et permettre de structurer des filières, notamment dans la rénovation des bâtiments », ajoute Louise Kessler.
Surtout, investir dans le « vert » n’a de sens que si l’on n’investit pas dans le « brun », comme l’a rappelé le Haut Conseil pour le climat dans son rapport annuel de juillet. Or, depuis le début de la crise sanitaire, la France a adopté « 43 milliards d’euros d’aides pour les grandes entreprises, dont les industries polluantes comme l’aérien et l’automobile », dans le cadre des 2e et 3e projets de loi de finances rectificative, « sans réelles contreparties environnementales », dénonce Clément Sénéchal, chargé de campagne climat de Greenpeace France.
Les responsables associatifs s’inquiètent par ailleurs de l’enveloppe de 20 milliards d’euros de baisses d’impôts de production, dont les principaux bénéficiaires pourraient être le secteur financier et les grandes entreprises de l’énergie, ainsi que le milliard alloué à la relocalisation des entreprises, intégrés au plan de relance sans annonce d’écoconditionnalité des aides. Pour Clément Sénéchal, « le “en même temps” ne fonctionne pas dans un monde aux ressources finies ».