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  • Covid long : les enfants et les ados dans le brouillard médical [octobre 2021]
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/10/05/covid-long-les-enfants-et-les-ados-dans-le-brouillard-medical_6097133_165068

    Il cite notamment une étude, publiée en août dans le Lancet Children Adolescent Health, mentionnant que 4 % d’enfants de 5 à 17 ans infectés par le SARS-CoV-2 ont des symptômes persistants quatre semaines après l’infection.

    L’Office national de statistiques britannique a récemment publié des données plus rassurantes : entre douze et seize semaines après l’infection, 3,2 % des enfants de 2 à 11 ans et 3 % des 12-16 ans présentent toujours un des symptômes persistants (fièvres, maux de tête, douleurs articulaires, perte du goût ou de l’odorat…). Selon le gouvernement israélien, qui a questionné les parents de plus de 13 000 enfants âgés de 3 à 18 ans infectés par le virus, 1,8 % des enfants de moins de 12 ans et 4,6 % des enfants de 12 à 18 ans rapportaient des symptômes plus de six mois après la phase aiguë de la maladie.

    (Je suis un peu obtus, je n’arrive pas à comprendre pourquoi il est écrit « des données plus rassurantes ».)

    • Oui, mais c’est 3% entre 12 et 16 semaines après l’infection, comparé à 4% après 4 semaines. Et les 1,8% et 4,6%, c’est carrément six mois (24 semaines) après.

      La seule façon que je vois de trouver que c’est rassurant, c’est de considérer que certes une proportion pas négligeable de gamins en chient encore six mois après avoir fait un Covid, mais au moins ils ne sont pas morts.

    • Alors bon, la question à 1000 brouzoufs : est-ce qu’Omicron va provoquer des Covid longs, notamment chez les enfants ? Est-ce qu’il existe la moindre donnée médicale qui laisserait penser que non ? Ou bien est-ce un pari politique qu’on a tous pris collectivement, à l’unanimité, pendant le débat intitulé « oh là là y’en a marre des restrictions ! » chez Hanouna ?

    • [des lignes en intro absentes] Les familles décrivent de multiples symptômes comme des douleurs, des maux de ventre, de la fatigue, des difficultés d’apprentissage, des symptômes souvent non spécifiques, qui peuvent, dans certains cas, fortement peser sur la vie quotidienne. « Nous voyons des enfants qui suivent à l’école mais qui n’enregistrent plus, ou sont trop fatigués pour aller au sport. Le Covid long peut prendre le masque d’une dépression ou d’une baisse du rendement scolaire », constate Dominique Salmon-Ceron, infectiologue à l’Hôtel-Dieu. Constat partagé par plusieurs médecins.

      Très peu de cas [en octobre dernier, et selon les français]

      Qu’en est-il de ce brouillard cérébral, qui se traduit par des troubles de l’attention, de la concentration, décrit par les enfants comme les adultes ? Le professeur Eric Guedj, avec des pédiatres de l’hôpital de la Timone (Marseille), a mené des travaux chez 7 enfants de 10 à 13 ans ayant une persistance de symptômes (fatigue, troubles cognitifs…) plus de quatre semaines après les premiers symptômes du Covid-19. Il a comparé leur TEP-scan à celui de 21 enfants témoins et 35 adultes touchés par le Covid long, et 44 sujets sains. « Ces études en neuro-imagerie réalisées cinq mois plus tard ont montré des anomalies cérébrales similaires à celles des adultes avec Covid longs », explique le professeur Guedj. « Ces résultats fournissent des arguments en faveur d’un possible Covid long chez les enfants », est-il souligné dans l’étude publiée en août dans l’European Journal of Nuclear Medicine and Molecular Imaging.

      « Au regard de ce que nous voyons à travers les urgences, les hospitalisations et les consultations hospitalières, nous avons très peu de cas », estime cependant la professeure Christèle Gras-Le Guen, pédiatre et chef des urgences pédiatriques et du service de pédiatrie générale du CHU de Nantes. « Ce qui nous inquiète, ce n’est pas le Covid long, que je ne nie pas, c’est l’explosion de demandes en santé mentale liée aux effets de la crise sanitaire », poursuit la pédiatre. Même constat pour le professeur François Angoulvant, président du Groupe francophone de réanimation et d’urgences pédiatriques (Gfrup) et pédiatre à l’hôpital Robert-Debré : « Nous avons peu d’enfants qui viennent consulter à l’hôpital pour un Covid long. »

      « Il est fréquent de voir des enfants douloureux, fatigués, il est difficile de savoir si ces symptômes sont directement liés ou non au virus ou si ce sont des enfants déprimés, ou autre chose », poursuit François Angoulvant. Il n’est pas toujours simple de faire le diagnostic différentiel avec la dépression. Pour y voir plus clair, il coordonne une étude, à partir de la cohorte #Pandor, qui suit des enfants hospitalisés pour Covid, afin de voir quels sont les symptômes persistant six mois à un an après. « La plupart des enfants souffrant de Covid long pédiatrique n’ont pas connu de forme grave de la maladie nécessitant une hospitalisation d’urgence ou un passage en réanimation », souligne toutefois l’association #ApresJ20.

      Par ailleurs, les pédiatres distinguent les Covid longs des #PIMS, ces syndromes inflammatoires multisystémiques pédiatriques décrits pour la première fois en avril 2020, qui surviennent à distance de l’infection, environ quatre à cinq semaines plus tard. Entre le 1er mars 2020 et le 22 août 2021, 640 cas ont été signalés chez des enfants, selon les données de surveillance de Santé publique France, avec un âge médian de 7 ans.

      La réalité du Covid long reste controversée au sein du corps médical. « C’était difficile d’en parler jusqu’à il y a trois ou quatre mois », constate Mélanie Heard, responsable du pôle santé de Terra Nova et membre du COSV, qui évoque le déni de certains pour qui « c’est psychosomatique, ce n’est pas une réalité ». Mélanie Heard y voit « un échec cuisant de la démocratie sanitaire qui ne permet finalement toujours pas que la parole des patients soit entendue ».

      « Trop de familles sont confrontées au déni de la maladie et se voient proposer une prise en charge uniquement psychologique, sous prétexte de troubles psychosomatiques », déplore Cristina, mère d’Antoine, âgé de 13 ans et qui souffre de Covid long depuis mars 2020 – il utilise un fauteuil roulant pour aller trois heures par semaine au collège. « Des familles décrivent des parcours du combattant », poursuit Cristina, qui gère le groupe Facebook Covid long enfants/adolescents, créé en octobre 2020, qui compte 1 550 membres.

      « Nous demandons que le Covid long de l’enfant soit inclus dans les recommandations de la HAS, souligne Cristina, afin que les médecins soient informés et que les enfants et adolescents puissent être pris en charge et adressés dans des centres spécialisés, qui n’existent aujourd’hui que pour les adultes. »

      On se souvient que jusqu’à preuve du contraire (arrivée de nouveaux variants), la vaccination diminue le risque de covid long, et qu’elle réduit aussi pour partie la gravité des covid longs.

      On vérifie que les pathologies psychosomatiques font rigoler les toubibs. La somatisation les confronte à leur impuissance à prodiguer des soins ("va donc verbaliser, ailleurs !"). Ils y pigent que dalle, c’est pas de leur ressort, une perte de temps, un gaspillage d’examens divers (quasiment de l’escroquerie). Et pourtant, elle existe. C’est vu comme aussi secondaire que ce fut le cas de la douleur. On renvoie au mieux vers des psys et des pédo-psys, introuvables.

      #covid-19 #covid_long #covid_long_pédiatrique #enfants #somatisation #vaccination

    • Selon cet article d’octobre, la vaccination diminuerait de moitié les Covid longs (c’est bien, mais c’est pas non plus monstrueux : la vaccination diminue d’un facteur 10 à 20 les entrées en réa et les décès) :
      https://seenthis.net/messages/943938
      Alors qu’on atteint de niveaux de contamination dans ces classes d’âge absolument jamais vus.

      Et les moins de 11 ans, eux, ne sont carrément pas vaccinés (j’aimerais bien parvenir à faire vacciner les miens avant qu’ils chopent cette merde, mais le ministre est visiblement très opposé à cette idée).

  • La vaccination diminue aussi le risque de Covid long [octobre 2021]
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/10/05/la-vaccination-diminue-aussi-le-risque-de-covid-long_6097139_1650684.html

    A la question : « Le vaccin prévient-il le Covid long ? », Odile Launay, professeure des universités à l’Université de Paris en maladies infectieuses, répond sans hésiter : « Oui, par deux mécanismes : d’une part, en réduisant le risque d’être infecté par le Covid, d’autre part, en réduisant par deux le risque de Covid long en cas d’infection chez des vaccinés. »

    […]

    Parmi les 592 personnes totalement vaccinées (donc avec deux doses), seulement 5,2 % souffraient toujours de symptômes après 28 jours, contre 11,4 % pour les sujets non vaccinés.

    • J’ai eu un échange long avec un interlocuteur client. Il n’est au courant de rien concernant tout. Chez lui il dort avec sa compagne qui est positive depuis 10 jours, qui tousse fort... Il est étonné parce qu’il n’est pas positif lui. Moi je l’ai trouvé fatigué... Bref. La majorité s’en fout des détails et considère que c’est normal qu’il y ait qq victimes...

    • Coordonnée par l’épidémiologiste Viet-Thi Tran, une étude rendue disponible en pré-publication le 1er octobre, et menée auprès de 910 patients ayant un Covid long recrutés dans la cohorte ComPaRe, a montré que « la vaccination réduisait significativement les symptômes du Covid long » (16% des patients rapportaient une disparition complète des symptômes à 120 jours contre 7,5% dans le groupe contrôle) et l’impact de celui-ci sur la vie quotidienne (38,9% des patients rapportaient un impact important de la maladie dans leur vie contre 46,4% dans le groupe contrôle). Certains patients ont néanmoins présenté des effets indésirables graves à la suite des injections : deux personnes ont été hospitalisés, deux ont dû se rendre aux urgences.

      L’équipe d’Akiko Iwasaki, professeure d’immunologie à l’université de Yale, a conduit une étude avec le groupe de patients américains Survivor Corps, non encore publiée, qui donne des résultats similaires. « Il est possible que le vaccin aide le système immunitaire à lutter contre les résidus de virus qui persistent dans l’organisme et à les éliminer. Ou bien le vaccin pourrait stopper une réponse immunitaire néfaste », suggère Akiko Iwasaki sur le site Internet de l’université de Yale, tout en ajoutant que « ce ne sont à ce stade que des hypothèses ».

      « Juger au cas par cas »

      Des résultats ont également été présentés par la professeure Dominique Salmon-Céron au Congrès européen de microbiologie clinique et des maladies infectieuses qui s’est tenu fin juillet. Sur une centaine de patients ayant un Covid long et vaccinés, 35 % des personnes voient une réactivation transitoire de leurs symptômes de Covid long… Mais après deux semaines, environ 25% patients se sont améliorés. « Le vaccin pourrait soulager ces symptômes en régulant une réponse immunitaire inappropriée », indiquent ces résultats préliminaires.

      Actuellement, « une consultation médicale est nécessaire avant la vaccination pour juger au cas par cas de l’intérêt de celle-ci », selon les recommandations de la Haute autorité de santé de février sur la vaccination des personnes ayant un antécédent de Covid-19. Un message de la direction générale de la santé du 20 août indiquait toutefois que « dans l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’y a pas de contre-indication à la vaccination des patients présentant des symptômes prolongés du Covid-19. Au contraire, dans le cas de symptômes prolongés du Covid-19 liés à une infection non contrôlée, la vaccination pourrait même contribuer à la guérison. »

      #covid-19 #covid_long #vaccination #guérison #guérison_partielle

  • « L’Etat doit considérer l’épidémie de cancers pédiatriques comme une urgence sanitaire »

    Face à l’émergence de cas groupés de cancers chez des enfants, la fondatrice d’un collectif de parents touchés par la maladie, un médecin et une toxicologue dénoncent, dans une tribune au « Monde », un « déni de reconnaissance bloquant la mise en place de mesures » effectives.

    Tribune. S’il est un invariant indiscutable en matière d’épidémie et de santé publique, c’est bien celui de ne pouvoir anticiper précisément leurs évolutions à moyen et long terme. En revanche, leurs prises en charge en urgence répondent à des standards éprouvés de médecine de catastrophe lorsqu’il n’y a ni traitement ni vaccin efficaces, avec un rôle prépondérant de la société civile directement affectée.
    Il en va de même en matière d’épidémie de cancers pédiatriques et des modalités d’action des personnes concernées. On estime en France à 2 500 le nombre de nouveaux cas et 500 décès par an. Par ailleurs, des statistiques de la Caisse nationale d’Assurance-maladie révèlent une augmentation de 18 % entre 2003 et 2019, chiffre largement sous-estimé du fait de biais méthodologiques de recensement. A Sainte-Pazanne, près de Nantes, on compte 25 enfants atteints de cancers depuis 2015 dont sept morts, pour un bassin de population d’environ 30 000 personnes. Il ne se passe pas six mois sans qu’un nouveau cas n’apparaisse.

    A Saint-Rogatien, 2 200 habitants près de La Rochelle, au moins six malades sont recensés dont un décès, entre 2008 et 2019. D’autres clusters, à savoir un nombre anormalement élevé d’enfants malades sur un territoire et une période donnés, ont été identifiés : 16 cas entre 2011 et 2020 sur Les Rousses, Prémanon, Morez et Longchaumois, quatre communes du Haut-Jura ; 11 entre 2018 et 2020 à Igoville et Pont-de-l’Arche, dans l’Eure. L’incidence de l’épidémie progresse ainsi, à bas bruit, en lien avec l’exposition chronique et le cumul de toxiques environnementaux dans les secteurs : hydrocarbures, perturbateurs endocriniens, pesticides, ondes électromagnétiques, radon, entre autres.

    Lenteur institutionnelle

    Dans le même temps, les traitements ô combien éprouvants pour les enfants et leurs familles laissent des séquelles à vie pour certains cancers quand d’autres demeurent incurables. Confrontés à une tension entre enjeux de santé publique et intérêts économiques privés et politiques, les familles et proches d’enfants malades se constituent en associations et collectifs pour organiser la défense du droit à la vie en bonne santé, mission de santé publique telle que l’a définie Charles Winslow en 1920, et que les autorités sanitaires peinent à prendre en charge : améliorer la connaissance du nombre réel de cas, identifier les origines des cancers et mobiliser des moyens pour les prévenir, en plus de les guérir.

    La lenteur institutionnelle à apporter des réponses adaptées sur les cancers pédiatriques interroge d’autant plus qu’il a été possible de développer, dans l’urgence, des outils épidémiologiques et de prise en charge pour faire face au Covid-19. On a su mettre à l’arrêt un pays en le confinant pour limiter les effets mortifères d’un virus incontrôlable. Sans aller jusqu’à de telles mesures, il faut des actions radicales pour sauver des vies exposées à de multiples facteurs cancérigènes, connus ou potentiels : tout retard en matière de prévention des cancers est une perte de chance sur le temps et la qualité de vie, et un défaut flagrant de mise en protection de nos enfants.

    Lors d’une épidémie de choléra en zone reculée, il est reconnu que les proches des malades sont les premiers à sauver des vies, bien avant l’arrivée des renforts nationaux et internationaux. Dans l’histoire du sida, les patients ont joué un rôle fondamental dans l’orientation des recherches thérapeutiques et l’accessibilité financière aux traitements. Début 2020, de nombreux acteurs de la société civile, profanes en matière de virologie, se sont impliqués dans la fabrication artisanale de masques et de gel hydroalcoolique, sur la base de tutoriels issus des réseaux sociaux, pour pallier la pénurie et autres insuffisances.

    Registre de cancers territorial

    Concernant l’épidémie de cancers pédiatriques, les besoins de connaissances et d’actions sont multiples, afin de mieux cerner sa dynamique et donc mieux la combattre. Tout d’abord, il semble difficile aujourd’hui d’avoir des chiffres exacts des cancers, pédiatriques ou chez l’adulte. Les autorités s’appuient sur des registres de cancers qui n’existent que dans 19 départements. Les chiffres nationaux sont issus d’une extrapolation de ces données, de surcroît non actualisées depuis plusieurs années.

    Comment, alors, avoir un système d’alerte ? Dans ces conditions, il devient périlleux d’établir une incidence précise de l’épidémie. Pour y remédier, il suffirait d’établir la tenue d’un registre de cancers territorial rapporté ensuite à une échelle nationale, à tenir à jour régulièrement, ce qui n’implique pas de connaissances et d’outils techniques sophistiqués. Ce système existe dans les pays scandinaves. Pourquoi ne pas le mettre en place en France et éviter la création de doutes voire d’obscurantisme épidémiologique ? Les familles d’enfants malades tentent d’établir un recensement du nombre de cas et demandent depuis longtemps la mise à jour de ces registres ainsi que leur accessibilité inconditionnelle, mais sans succès.

    Dénoncer l’incapacité des institutions sanitaires à remettre en question leurs connaissances et méthodes d’analyse est aussi un combat quotidien des familles. En effet, après avoir reconnu l’existence d’un cluster de cancers pédiatriques à Saint-Pazanne et ses environs en 2019, les autorités annoncent finalement l’absence de risque anormalement élevé en 2020. Aucune justification scientifique n’est apportée quant à l’exclusion de la cohorte de 12 cas sur 25 recensés par le collectif Stop aux cancers de nos enfants, faisant simplement état du fait que certains ont dépassé l’âge de 15 ans tandis que d’autres ont déménagé du secteur.

    Durant l’été 2019, des analyses dans l’école située au cœur de la ville et dans des logements révèlent des taux très supérieurs à la normale de lindane, de radon et de dieldrine, tous trois classés « cancérogène avéré ou probable pour l’humain » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), organisation sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette école se situe dans « l’épicentre » proche des câblages de lignes à haute tension, à quelques pieds sous terre dans la cour où gambadent enfants et enseignants, et à quelques mètres du site de l’ancienne usine de traitement du bois par des pesticides. A proximité se trouve aussi un poste de transformation électrique vers lequel convergent des récents parcs éoliens en service depuis 2015, le tout dans une zone d’agriculture, maraîchage et viticulture intensive.

    « Effet cocktail »

    Quatre-vingt-dix pour cent des cancers pédiatriques sont d’origine environnementale. Le cancer est une maladie multifactorielle. Pourtant, le protocole sanitaire se borne toujours à identifier une cause commune à tous ces cancers, comme si c’était une maladie infectieuse (un microbe égale une maladie), sans remettre en question les normes autorisées. Celles-ci sont variables d’un pays à l’autre, donc plus ou moins protectrices.

    De plus, la littérature scientifique étaye, depuis des décennies, l’impact des expositions chroniques cumulées au cours de l’état fœtal, enfance et adolescence, périodes de forte vulnérabilité vis-à-vis des perturbateurs endocriniens, des substances cancérigènes et autres stress physiques, chimiques et psychiques, récapitulés sous le terme d’« effet cocktail ».

    Les enfants malades et leurs familles rejettent l’image de victimes qu’on leur attribue et l’instrumentalisation qui en est faite par la puissance publique. Ce statut fait d’eux des sujets malchanceux, évoluant davantage dans le registre de l’émotionnel que dans celui de la raison scientifique, en défiance vis-à-vis d’acteurs politiques qui s’enquièrent moins d’actions de fond de protection que de discours teintés de compassion communicationnelle sans lendemain.
    Bien au contraire, ces acteurs de la société civile, souvent accompagnés de chercheurs bénévoles, prennent leur part sur le terrain : réalisation à leur frais d’enquêtes toxicologiques dans les cheveux de leurs enfants, actions de prélèvement d’eau sur différents points d’un secteur touché, tout est envisagé pour limiter le nombre de victimes.

    On l’aura compris, l’épidémie de cancers pédiatriques n’est pas une fatalité mais souffre d’un déni de reconnaissance bloquant la mise en place de mesures. Le vote de l’Assemblée nationale, vendredi 29 octobre 2021, contre l’avis du gouvernement, en faveur d’une rallonge de 20 millions d’euros afin d’abonder la création d’un fonds de recherche sur les cancers pédiatriques, est l’occasion de rappeler le besoin de financement de recherche des causes pour la prévention et la mise en protection des populations.

    Des études de sciences participatives de terrain incluant les collectifs de parents concernés doivent être conduites sur les territoires particulièrement touchés, où il y a urgence à agir. L’Etat français, garant des principes d’une démocratie sanitaire réactive, doit traiter cette épidémie comme une urgence sanitaire, de manière proportionnée et impartiale, et accompagner les démarches de santé environnementale, signe d’une justice sanitaire et sociale de notre temps.

    Marie Thibaud, fondatrice du collectif Stop aux cancers de nos enfants, membre du Collectif inter-associations pour la santé environnementale (CISE). Jean-François Corty, médecin, ancien directeur des opérations de l’association Médecins du monde, membre de l’Atécopol (Atelier d’écologie politique de Toulouse). Laurence Huc, toxicologue, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), membre de l’Atécopol.

    https://www.lemonde.fr/sante/article/2021/12/28/l-etat-doit-considerer-l-epidemie-de-cancers-pediatriques-comme-une-urgence-

    En France, le décompte des cas de cancer n’est effectué que pour 22 % de la population https://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/01/22/cancers-aucune-donnee-pour-78-de-la-population-francaise_5412764_1650684.htm

    L’introuvable explication des cancers pédiatriques en France
    https://justpaste.it/5kpgy

    Les experts estiment « possible » un lien entre lignes à très haute tension et leucémies infantiles
    https://justpaste.it/5il1m

    #Cancer_pédiatrique

  • A Lyon, la quête d’un séquençage rapide du Covid-19
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/12/21/a-lyon-la-quete-d-un-sequencage-rapide-du-covid-19_6106931_1650684.html

    Aux Hospices civils de Lyon, l’un des centres de référence sur le Covid-19, c’est le chronomètre à la main que se peaufine la filière de lecture rapide des génomes des nouveaux variants du SARS-CoV-2.

    « C’est Noël ! », s’amuse la petite troupe rassemblée autour d’un appareil dernier cri qui vient d’arriver aux Hospices civils de Lyon, ce 9 décembre vers midi. C’est un GridIon de l’entreprise anglaise Nanopore, un décodeur rapide du génome des SARS-CoV-2 que la plate-forme de séquençage de l’établissement, un des deux centres nationaux de référence sur le Covid-19, espère utiliser pour sa « filière urgence ». C’est-à-dire la voie rapide de lecture des 30 000 « lettres » des génomes suspects d’appartenir au variant Omicron, ou responsables de foyers préoccupants à l’hôpital ou ailleurs. L’ambition étant de ne pas rester aveugle face à l’évolution permanente de la pandémie.

    « Actuellement, il faut deux jours pour identifier Omicron, en prenant la place d’un autre échantillon dans la longue chaîne dite de routine, qui va du prélèvement à la machine de séquençage elle-même. Tous les centres essaient de s’organiser pour diminuer ce temps », résume Laurence Josset, virologue et responsable de la plate-forme lyonnaise qui, la veille, était encore en réunion sur le sujet avec ses collègues. Deux centres, Henri-Mondor, à Créteil, et Pasteur, à Paris, attendent leur GridIon, quand l’#IHU de Marseille l’utilise depuis début 2020.

    [...]

    Le séquençage au chevet des malades

    Le #séquençage ne sert pas qu’à traquer les nouveaux variants [sinon, nous, Français, nous en passerions tout à fait, ndc]. Il est aussi utile à l’#hôpital pour savoir quel #anticorps_monoclonal donner, en fonction de la souche virale présente, ou bien pour suivre l’apparition d’échappement thérapeutique. Ainsi, le 28 juillet, dans The Lancet Microbe, l’équipe de séquençage des Hospices civils de Lyon a alerté en urgence la communauté de l’apparition, chez une personne immunodéprimée, d’une mutation en 484e position de la spicule du #SARS-CoV-2 en sept jours, conduisant à l’échec du traitement Bamlanivimab. « Ces évolutions au sein d’un hôte peuvent aussi nous renseigner sur les évolutions possibles du virus dans ses passages entre hôtes », estime Laurence Josset, virologue, responsable de la plate-forme de séquençage au CHU de Lyon. Son service séquence ainsi chaque semaine les virus de patients immunodéprimés, dont certains malades depuis plusieurs mois, pour adapter les traitements et saisir les évolutions du virus.

  • « La pandémie pose la question fondamentale de la place du doute en science »

    La complexité des phénomènes sur lesquels les experts ont à se prononcer est telle qu’il n’est souvent pas possible de produire des faits indiscutables, expliquent les philosophes Bernadette Bensaude-Vincent et Gabriel Dorthe dans une tribune au « Monde ».

    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/12/18/la-pandemie-pose-la-question-fondamentale-de-la-place-du-doute-en-science_61

    Tribune . Alerte générale dans les milieux académiques, éducatifs et politiques qui en appellent à un contrôle de l’information afin d’éclairer le public, victime de la #désinformation, manipulé par les algorithmes des réseaux sociaux et prisonnier de ses biais cognitifs. En septembre, Emmanuel Macron confie au sociologue des croyances #Gérald_Bronner la présidence d’une commission « Les Lumières à l’ère du numérique », chargée d’enquêter sur les « #fake_news », et dont le rapport est attendu ces jours-ci.
    Il s’agit de sauver la science et la rationalité, fondements de la démocratie contemporaine, que les algorithmes des réseaux sociaux mettraient en péril. D’où la mobilisation contre le « populisme scientifique » ou l’« infodémie », à grand renfort de sondages alarmistes.
    Hésitation vaccinale, refus de la 5G ou déferlante de #complotisme, on ne compte plus les lamentations face à la montée de l’irrationalité dans le public, et la perte de confiance d’un nombre croissant de citoyens dans les experts légitimes. Nous serions entrés dans une époque qui se moque du vrai et du faux, qui confond faits et valeurs, et s’égare dans la « post-vérité ». Un monde fracturé qui ne se retrouve plus sur une perception commune de la réalité, où l’espace public se fragmente en silos partisans sur les réseaux sociaux.
    Sans prendre parti pour les uns ou les autres, nous tentons, dans nos recherches en cours, de construire une position difficile mais ferme qui échappe à cette prise en tenaille. Elle passe par une enquête sur le statut des énoncés scientifiques dans les technosciences actuelles et par une écoute attentive de la manière dont lesdits « complotistes » construisent leurs discours et leurs revendications.
    Une vision simpliste
    La division du monde en deux camps bien tranchés, arbitrés par un rapport à la vérité univoque, est problématique à plusieurs égards. D’abord, elle ne résiste pas à un examen rigoureux. Si elle séduit par son simplisme en partageant la société contemporaine entre les crédules et les sages, les fous et les détenteurs de la raison, cette vision est régulièrement démentie par les sondages d’opinion qui laissent voir des positions plus nuancées du public, en particulier durant la pandémie (voir la 8e enquête « Les Français et la science », dirigée par le sociologue Michel Dubois). Toutes les institutions ne bénéficient pas du même degré de confiance.
    En rapportant la défiance du public à l’égard des sciences et des vaccins à un problème de communication ou d’éducation, on considère implicitement qu’il existe une vérité unique, certaine et immuable, qui fonde le monde commun où nous vivons, et que toute contestation est une contre-vérité. Cette épistémologie de tribunal se retrouve de part et d’autre du champ de bataille, puisque les opposants aux mesures sanitaires ou au vaccin se revendiquent autant de courbes, de chiffres et d’une vérité que seule l’idiotie ou la malveillance empêcheraient de voir.
    Il est peut-être temps de s’interroger sur la composition d’un mode commun à l’heure où l’expertise scientifique joue un rôle de plus en plus prépondérant dans la vie sociale et politique. Et de regarder la science telle qu’elle se fait plutôt que telle qu’on la rêve ou qu’on l’apprend dans les manuels scolaires. Cette vision dichotomique qui empoisonne les débats publics assèche les nombreuses zones grises dans lesquelles se négocient en réalité la confiance et la constitution de collectifs. Et elle occulte les problèmes actuels que pose l’organisation de la recherche technoscientifique en aveuglant sur les difficultés bien réelles qu’affrontent les experts à qui est confiée la mission de « dire le vrai » pour conseiller le pouvoir.
    Sciences en question
    La confiance dans les experts comme porte-parole de vérités honnêtes (parfois inconfortables) auprès du pouvoir repose sur l’idée que la science est indépendante à l’égard des intérêts partisans ou économiques, qu’elle est autonome, autorégulée selon les quatre principes de l’ethos formulés par le sociologue Robert King Merton : universalisme, communalisme, désintéressement et scepticisme organisé. Mais l’organisation de la recherche met en danger cet idéal.
    Depuis l’agenda de Lisbonne en 2000, la recherche est officiellement pilotée par des politiques scientifiques, et au service de la compétitivité économique. Elle est financée sur programmes publics ou privés ; elle noue des liens avec les industriels, alimentant parfois le doute sur les résultats scientifiques, comme on l’a vu à propos des effets du tabac et des pesticides sur la santé. De plus, le culte de l’innovation encourage les chercheurs à faire des promesses mirobolantes pour financer leurs projets. Et la pression de compétition peut conduire à des fraudes.
    Lesdits complotistes n’ont donc pas tort de s’inquiéter des conflits d’intérêts, insuffisamment encadrés, qui empoisonnent la recherche scientifique. Ils rêvent d’une science pure et désintéressée, capable de dire le vrai et de débarrasser le monde de ses ambiguïtés. Bien qu’elle puisse parvenir, au prix d’efforts considérables, à l’objectivité et à l’impartialité, la science n’est pas neutre. Les faits sont lourds de valeurs.
    Non seulement des valeurs militaires, économiques, sociales ou environnementales orientent les programmes de recherche scientifique, mais les méthodes de validation scientifique ou technique sont elles-mêmes pénétrées de valeurs implicites et de normes partagées par les scientifiques. Or ces normes et valeurs, qui permettent l’exercice de l’esprit critique dans les communautés scientifiques, et garantissent la fiabilité des résultats, ne sont pas nécessairement prioritaires dans l’ensemble de la société, ou même connues du public.
    Les conditions de pilotage de la recherche ne sont pas seules en cause ici. La complexité des phénomènes sur lesquels les experts ont à se prononcer est telle qu’il n’est souvent pas possible de produire des faits indiscutables. Peut-on encore prôner une politique fondée sur les évidences scientifiques dans un monde où les scientifiques affrontent chaque jour l’incertitude ? Les climatologues, épidémiologistes et toxicologues, ayant appris à progressivement réduire les incertitudes et stabiliser des évidences, sont certes en mesure de lancer des alertes.
    Mais leurs arguments manquent de pouvoir contraignant sur les débats politiques, et se retrouvent pris en étau entre des pouvoirs publics en général peu enclins à approfondir les risques et des médias qui alimentent les controverses. De son côté, le public est confronté, depuis la pandémie, à un nuage d’incertitudes qui fait hésiter les experts et parfois les divise. Il peut suivre en temps réel les efforts pour réduire cette incertitude.
    Aux sources de la défiance
    Les réticences et la méfiance du public ne sont pas un simple problème de communication ou d’éducation. Elles peuvent exprimer des désaccords éthiques et politiques, qu’il semble imprudent de renvoyer à l’état de l’art. Les personnes réfractaires à la vaccination justifient leur refus en invoquant leur crainte d’effets secondaires plus ou moins avérés ; mais aussi en soupçonnant que les pouvoirs publics et les compagnies industrielles continuent de prôner la vaccination pour défendre leurs propres intérêts. Cette méfiance peut se fonder sur les scandales récents dus aux lobbies industriels du tabac, de la chimie ou de la pharmacie.
    Ces résistances expriment bien plus qu’une ignorance ou méconnaissance de la science. Elles traduisent aussi une vision différente des rapports entre médecins et patients, de la solidarité, de la liberté et des rapports de pouvoir. Dans le débat sur la 5G, les opposants, souvent renvoyés à l’irrationnel et à l’archaïque, ont une vision différente des liens entre connectivité, énergie, sécurité et développement économique. Ils expriment un désaccord profond avec le système de valeurs qui sous-tend les sciences, et avec la manière dont certaines d’entre elles sont mobilisées dans la fabrique du pouvoir.
    Renvoyer la défiance vis-à-vis des experts à des problèmes de réseaux sociaux ou l’opposition aux mesures de santé publique à des biais cognitifs est bien commode : cela permet d’éviter consciencieusement de poser les questions qui dérangent dans la situation actuelle, où sciences et expertise n’ont jamais été aussi centrales pour la vie en commun. En cherchant à imposer leur autorité, en levant une croisade de la raison contre les « fake news », on se dispense de soumettre leur robustesse à un débat politique ouvert.
    La diffusion du virus, ses mutations et ses traitements posent des questions fondamentales sur l’évidence factuelle, sur la place du doute en science, comme sur la gestion des incertitudes. Profitons de cette configuration historique inédite pour entreprendre une refonte en profondeur de l’expertise dans un monde incertain et pour apprendre à composer un monde commun dans lequel l’incertitude, plutôt qu’ennemie de la cohésion, nourrit sa créativité.

    #Bernadette_Bensaude-Vincent, historienne des sciences et philosophe, université Paris-I-Panthéon-Sorbonne ; #Gabriel_Dorthe, philosophe et anthropologue, Harvard Kennedy School, STS Program & IASS Potsdam.

    #pandémie #Covid-19 #hésitation_vaccinale #technocritique #science_et_société #expertise #débat_public #discernement

  • « L’#Amazonie, c’est un passé renié, un présent en fumée, un futur hypothéqué »
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/12/13/l-amazonie-c-est-un-passe-renie-un-present-en-fumee-un-futur-hypotheque_6105
    #terres #environnement #sciences

    ENTRETIENDans un grand entretien au « Monde », l’archéologue Stéphen Rostain explique à quel point l’Amazonie a été transformée par les #Amérindiens durant des millénaires, et pourquoi cet héritage, qui s’est discrètement inscrit dans le paysage, est ignoré, afin de poursuivre l’exploitation de ces territoires jusqu’à leur destruction.

    Stéphen Rostain est archéologue. Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) dans le laboratoire #Archéologie des Amériques, il a longtemps vécu et travaillé en Guyane et en Equateur, où il a dirigé plusieurs programmes interdisciplinaires et internationaux. Ses travaux ont radicalement changé le regard que l’on avait sur le monde précolombien d’Amazonie. Il s’est particulièrement intéressé à l’analyse du paysage à travers une approche faisant appel à l’écologie historique. Sous ses dehors sauvages, l’Amazonie est en fait une terre « domestiquée », rappelle-t-il.

    Baroudeur empruntant le plus souvent des chemins accidentés, imprévus, Stéphen Rostain est l’auteur d’une trentaine de livres pour moitié scientifiques et l’autre moitié à destination du grand public. Ses ouvrages les plus récents sont Amazonie, l’archéologie au féminin (Belin, 2020), qui a reçu le Grand Prix du livre d’archéologie, et La Forêt vierge d’Amazonie n’existe pas (Le Pommier, 268 pages, 23 euros), paru cette année. Il revient pour Le Monde sur son engagement et sa profonde admiration pour ces peuples amérindiens qui ont toujours vécu en interaction avec leur milieu naturel. Un milieu qui fait face, insiste-t-il, à une destruction systématique menée, depuis trois siècles, par les sociétés occidentales.

    Le titre de votre dernier ouvrage précède-t-il son écriture ?
    Oui, peut-être ! Ce livre est le résultat de trente-cinq ans de recherches. A chaque fois que je dis faire de l’archéologie en Amazonie, on me demande systématiquement la même chose : mais que trouvez-vous ? Cette question me laisse pantois, car elle fait forcément référence à ce que l’on trouve ailleurs. On est dans une admiration sans borne des cultures de la pierre, que l’on compare forcément à nous.

    Prenez les Incas ou les Mayas avec leurs édifices et leurs temples, ils ont fini par être perçus comme étant « presque » aussi civilisés que nous, non ? De fait, nous vivons dans un monde tellement urbanisé depuis le Moyen Age que nous avons confiné la civilisation entre les murs, et la sauvagerie, dans la forêt. Notre société naturaliste a séparé d’une barrière infranchissable le monde sauvage du monde citadin et civilisé. Entre les deux, il y a la campagne, qui n’est ni tout à fait sauvage ni tout à fait civilisée, une espèce de purgatoire de la civilisation. Cette frontière est fondamentalement inscrite dans nos gènes.

    Les Occidentaux ne comprennent pas, par exemple, que les indigènes « parlent » avec les tapirs et les jaguars. Et pourtant, ne faisons-nous pas la même chose avec nos chats et nos chiens ? Nous pensons qu’ils comprennent, qu’il y a un échange et de l’amour, non ? Et bien, c’est exactement la même chose avec les Amérindiens, sauf que les animaux ne sont pas domestiques, ils sont sauvages.

    Le constat c’est ça : une physicalité, une apparence différente, mais une âme comparable. L’Amazonie, c’est ce paradoxe permanent et hermétique à notre compréhension. C’est ça que j’ai voulu transmettre, d’une manière peut-être différente d’un énième essai sur la déforestation.

    Parce que l’urgence n’a jamais été aussi manifeste ?
    On le dit depuis près de quarante ans, mais l’Amazonie est vraiment au bord du précipice. Malade, affaiblie, exsangue, elle n’a plus sa vitalité d’autrefois. Dans certaines régions du sud et de l’est, la forêt amazonienne rejette plus de carbone qu’elle n’en absorbe. Près de 20 % de sa couverture a disparu en un siècle. Or, l’argument utilisé pour la détruire a toujours été le même, et ce, jusqu’à aujourd’hui : puisqu’elle est vierge, elle ne produit rien, elle est inutile, on peut donc y aller sans retenue.

    Dans ce livre, j’ai essayé d’inverser la proposition : l’Amazonie est culturelle, elle est anthropisée et domestiquée. J’ai abordé cet état de fait dans mes précédents ouvrages mais, cette fois-ci, je me suis davantage engagé parce que nous devons être plus militants et arrêter de prendre des pincettes, surtout face à ceux brandissant des tronçonneuses !

    Après quarante années passées dans le milieu scientifique, j’ai appris que les chercheurs ne sont pas forcément les meilleurs déclencheurs d’alerte, en tout cas sur les questions écologiques. Il y a une certaine frilosité à s’impliquer et à donner des informations définitives. La langue du bon scientifique reste le conditionnel. Et c’est cette timidité à affirmer les choses qui donne une espèce de brume au lecteur. Plutôt que d’en rester à un constat d’échec sur le grave état de santé de l’Amazonie, il nous faut donc urgemment comprendre les divers usages qui ont été faits de cette nature sylvicole et s’ouvrir les horizons face à la chronique habituelle d’une mort annoncée.

    C’est un plaidoyer ?
    Oui, ou plutôt un cri pour signifier qu’il y a deux façons de faire et que la nôtre est mauvaise. Notre attitude est inconséquente et irresponsable, alors que nous nous plaçons nous-mêmes dans une responsabilité vis-à-vis de ces peuples considérés à tort sauvages et irresponsables !

    En quoi est-ce si important pour sa préservation de savoir que l’Amazonie était occupée par des hommes il y a plus de 13 000 ans ?
    C’est important pour plusieurs raisons. En premier lieu, reconnaître qu’il y a un peuplement ancien, aussi vieux qu’ailleurs. Jusqu’à aujourd’hui, l’Amazonie est perçue comme une terre sans histoire, une simple aire géographique et non culturelle, où les Amérindiens ne sont qu’un détail de cette non-histoire. Prendre conscience de cette obsession de la stérilité tropicale qui a prévalu pendant des siècles est indispensable pour mettre en branle le statu quo et agir sur les décideurs.

    L’intervention humaine en Amazonie a commencé dès les premiers peuples paléolithiques. Ils ont manipulé des espèces végétales, ils se sont installés, déplacés, organisés. Au cours des siècles, des milliers de personnes se sont regroupées dans différentes régions d’Amazonie. Certains villages occupaient une surface de plus de 300 hectares. Il faut réellement imaginer cet immense bassin de 7 millions de kilomètres carrés comme un vaste marché, avec ses réseaux, ses bourgades et ses agglomérations, ses foires aussi où l’on venait échanger les produits de la pêche, les piments, les meilleurs curares, les outils, les céramiques, les arcs, etc.

    Des géoglyphes à Fazenda Paraná, dans la région de l’Acre (Brésil). Ils auraient été creusés à l’aide d’outils en bois ou en pierre à des fins de cérémonies, pour certains il y deux mille ans. MAURICIO DE PAIVA
    Oui, l’Amazonie précolombienne était traversée de routes permanentes et de tertres, de canaux, de fossés entrecroisés, de digues contenant des bassins et des réservoirs, des champs surélevés de toutes formes, dimensions et agencements possibles. Une terre à l’héritage architectural difficilement perceptible au premier regard, mais indéniable. Une aire gigantesque aux identités fortes, occupées par des populations diverses, parlant plus de 300 langues indigènes différentes et sans frontière physique aucune.

    C’est ce passé culturel impressionnant qui a débordé la simple échelle humaine, impactant et transformant les paysages. Ceux-ci ont été pollués par la présence humaine, mais pollués sans destruction. Ils sont devenus métis entre nature et culture, et, malgré cette pollution, ont gardé leurs pouvoirs de tempérance et de climatologie. L’Amazonie est ainsi restée pendant des siècles un acteur essentiel d’équilibre écologique mondial. Un milieu dans lequel les Amérindiens se sont intégrés tout en cohabitant parfaitement, sans tronçonnage ni tractopelle. En cela, ils nous montrent que les humains peuvent vivre avec la nature, dans un profit mutuel. N’est-ce pas un modèle d’espoir et un formidable exemple pour l’agriculture de demain ?

    Vous parlez aussi de « paradoxe amazonien »…
    Oui et même de damnation amazonienne ! Les Amérindiens étaient tellement bien intégrés et tellement en interaction intime avec la nature qu’on ne voit pas leurs traces. Cette force est devenue leur faiblesse. Qu’a dit l’Europe pendant la colonisation ? Puisque vous n’avez pas pu faire fructifier ces terres, vous n’en êtes pas propriétaires. Nier toute mise en culture notable de l’Amérique par les Amérindiens justifiait de leur refuser le statut de propriétaire des sols. En d’autres mots, laissez-nous faire. Le schéma n’a depuis pas changé, la mauvaise foi a perduré, et le résultat s’affiche, là, de manière effrayante et déplorable, devant nos yeux.

    Un des éléments centraux de votre livre est la « terra preta », terre noire en portugais, découverte il y a moins d’un demi-siècle. Expliquez-nous…
    Les Amazoniens ont concocté un sol artificiel en quelque sorte magique. Cette « terra preta », née des activités et rejets humains, n’est pas banale. C’est un sol composite, sombre et fertile, associé à des restes d’implantations, enrichi des débris d’occupation, du charbon et des cendres. Cette terre si particulière est la résultante d’occupations longues ou successives. Après des décennies d’études, elle continue d’intriguer. L’histoire même de ce sédiment hors norme est proprement fascinante : elle forme l’héritage direct des populations précolombiennes.

    On a longtemps pensé qu’il ne restait pour ainsi dire rien de ces peuples qui construisaient leurs bâtiments de bois et feuillages. C’était faux. Les Amérindiens ont clairement exercé une action déterminante sur l’environnement. Bien que le concept de propriété des terres soit absent du monde amérindien, l’espace sous le contrôle d’un groupe amazonien a toujours été minutieusement organisé et géré. Ils ont transformé l’Amazonie de manière beaucoup plus intensive que supposée auparavant : le couvert végétal, la nature des sédiments ou même le modelé des sols.

    En ce qui concerne la « terra preta », les fortes pluies tropicales ont créé un lessivage puissant qui a enfoui les charbons et les nutriments, produisant un phénomène étrange. Il semble qu’elles contaminent alors le sol indemne, en le transformant à son tour en « terra preta ». La ténébreuse fertilité artificielle s’étend progressivement et naturellement.

    Cette terre améliorée offre un potentiel appréciable pour le cultivateur. Bien avant l’arrivée des Européens, les autochtones y avaient planté du manioc et du maïs, ainsi qu’au moins trente espèces utiles, tant alimentaires que médicinales ou autres. Les savants estiment que la superficie totale de « terra preta » couvre 0,3 % du bassin de l’Amazone. Ce n’est pas rien ! C’est même absolument exceptionnel, un travail de titan.

    La découverte récente de milliers de champs surélevés est-elle pour vous tout aussi fascinante ?
    Oui, les Précolombiens ont édifié des buttes dans les savanes inondables afin de cultiver en drainant l’excès d’eau. Ces champs surélevés montrent comment les premiers peuples d’Amazonie combinaient savoir ancestral, astuce, efficacité et capacité d’interaction. Ces monticules souvent alignés avec une incroyable régularité métronomique fonctionnaient comme des écosystèmes efficaces. Agriculteurs et géomètres de génie, ils mesuraient tout, au point parfois d’être dans la totale démesure en construisant des damiers de terre gigantesques, non seulement fertiles mais aussi, une fois de plus, camouflés dans le paysage et l’environnement. Avec le matériau le plus modeste qui soit, la terre, ils ont créé des merveilles monumentales.

    Ces agriculteurs-bâtisseurs ont disparu d’un coup, pourquoi ?
    Pourquoi les habitants de l’île de Pâques ont-ils disparu ? Pourquoi les Mayas se sont-ils effondrés ? Ce sont des mystères difficiles à évaluer. Ici, en Amazonie, on est dans des paysages particuliers, des paysages de savanes inondables et donc très sensibles aux variations climatiques. On s’est aperçu que, entre 1000 et 1200, voire 1400 de notre ère, il y a de grandes transformations dans tout le bassin amazonien, avec des gens qui circulent dans tous les sens, des groupes qui apparaissent, d’autres qui disparaissent. On voit aussi des légères modifications climatiques qui coïncident avec la conquête européenne. On pense qu’il y a eu un peu plus de pluie en basse Amazonie, sur la côte des Guyanes. Et, si le niveau de l’eau augmentait dans les marais, les buttes devenaient inutilisables. En tout cas, la technique des champs surélevés s’est lentement éteinte peu avant ou aux alentours des premières années de la colonisation.

    Ensuite, l’Amazonie a été pénétrée par les colons, qui violèrent ses fleuves et semèrent la mort. La bombe microbienne venue d’Europe fut à elle seule responsable de la chute démographique de près de 90 % de la population amérindienne. Pour donner un ordre de grandeur et selon les estimations de différents archéologues, l’île de Marajo, à l’embouchure de l’Amazone, et le village de Santarem comptaient près de 20 000 habitants au moment de la conquête.

    Quels sites archéologiques sont les plus révélateurs ?
    Les premiers habitants d’Amazonie ont marqué leur présence directement dans la terre, la flore et le paysage lui-même. Deux sites archéologiques majeurs retiennent peut-être plus l’attention que d’autres. Les sites de Chiribiquete et de La Lindosa, en Colombie, sont parmi les plus extraordinaires. Ils sont hébergés dans un paysage incomparable de tepuys, plateaux de grès émergeant de la forêt pour culminer à près de mille mètres d’altitude. A leurs pieds, des dizaines d’abris-sous-roche ont été peints de milliers de dessins. Des représentations d’animaux, d’humains, de non-humains, d’esprits, de végétaux, de maîtres de la nature et d’autres êtres vivants de ce monde et de l’au-delà constituent des ensembles de pictogrammes mythologiques, témoignages de conceptions particulières du monde.

    D’autres sites démontrent avec encore plus d’évidence cette intimité entre humain et nature. Par exemple, la vallée de l’Upano, le long du piémont oriental des Andes, en Equateur, a fait l’objet de terrassements spectaculaires. Il y a plus de deux mille ans, des communautés construisirent des centaines de plates-formes symétriques disposées autour de places carrées et basses. Ils creusèrent également des chemins très larges et profonds reliant toutes ces structures. Grâce à un travail monumental, ils ont presque intégralement remodelé la superficie de leur territoire tout en initiant un véritable proto-urbanisme.

    Cette Amazonie précolombienne était donc une construction humaine réalisée en étroite interaction avec la créativité de la nature. Les Amérindiens ne s’y sont pas trompés en concevant le monde comme une continuité entre humains et non-humains, sans dresser de barrière entre la culture et la nature. Aujourd’hui, tous les voyants sont au rouge : la déforestation n’a jamais été aussi virulente, la biodiversité chute drastiquement et l’Amazonie vit une terrible pandémie [de Covid-19].

    Quel regard portez-vous sur la situation actuelle ?
    J’ai un mauvais pressentiment. Comme je l’ai écrit, l’Amazonie, c’est un passé renié, un présent en fumée, un futur hypothéqué. Le sort est atroce pour les Amérindiens qui voient leurs terres bafouées, dépouillées de leurs ressources vitales, les sols dévitalisés et les eaux empoisonnées. Et plus terrible encore, les sites sacrés – roches, collines, cascades, rivières, arbres, etc. –, fondamentaux à la cohésion sociale et spirituelle du groupe, ont été anéantis sans état d’âme, laissant planer des menaces métaphysiques et structurelles sur la communauté.

    Le Brésil, l’Equateur et tous les pays amazoniens sont tiraillés, d’une part, entre subvenir à d’énormes besoins énergétiques et maintenir leur dynamisme économique et, d’autre part, protéger le temple de la diversité du géant forestier et soutenir ses habitants, les Amérindiens. C’est l’autre grand paradoxe pour lequel je ne vois pas de solution miracle.

    Avez-vous des pistes ?
    La forêt tropicale voit chaque jour son espace se résorber, des trésors de biodiversité l’accompagnant dans sa disparition. Parallèlement, c’est un patrimoine humain irremplaçable qui est définitivement anéanti.

    Pour enrayer cette « mécanique du désastre », la prochaine étape devrait être d’inscrire au Patrimoine mondial des sites amazoniens d’exception car, aussi absurde soit-il, aucun monument précolombien d’Amazonie n’est encore protégé officiellement. Un seul a été récemment inscrit en 2018 par l’Unesco, dans le centre de la Colombie. C’est le parc de Chiribiquete, couvrant une superficie de 27 800 kilomètres carrés – presque la superficie de la Belgique – qui a été reconnu patrimoine mixte culturel et naturel de l’humanité. Malgré cela, il est encore sujet à des menaces tangibles sans que des mesures de préservation réellement efficaces soient mises en place.

    L’Equateur fut le premier à voter une Constitution, en 2008, sous la pression d’une menace alors croissante d’extraction pétrolière anarchique, pour attribuer à la forêt tropicale, aux rivières et même à l’air les mêmes droits qu’aux hommes. Pourtant, cette bonne intention a vite été oubliée quand il s’est agi de trouver de nouveaux puits de forage pétrolier. La situation est aujourd’hui redevenue catastrophique. En Nouvelle-Zélande, la rivière Whanganui a obtenu en 2012 une « voix légale », qui lui octroie les mêmes droits qu’une personne devant la justice. Là, cette loi fonctionne, pourquoi pas en Amazonie ?

    Avec le recul, on sait aujourd’hui qu’un site « protégé » n’a aucune chance de survie si ce ne sont pas les populations locales qui s’en occupent. Ce sont elles qui gèrent le mieux ces espaces. Il est grand temps d’écouter les autochtones, dont le savoir résulte de millénaires d’observations et d’apprentissage du monde tropical. Trop peu invités aux COP et autres événements où se prennent les décisions, ils se sont organisés et ont investi le monde académique occidental où ils obtiennent leur doctorat. L’Occident doit apprendre à les écouter et la concertation pourra enfin s’engager pour une meilleure justice environnementale.

    Comme le dit mon ami anthropologue Philippe Descola, l’humain est un virus pour la terre. Il faudrait qu’il apprenne à devenir un remède ! En tout cas, il faut se méfier de prescrire une cure depuis l’extérieur, sans intégrer les savoirs écologiques et culturels locaux, ce qui implique de développer une véritable justice environnementale tendant à minimiser équitablement la vulnérabilité et à répartir uniformément l’accès aux ressources. Nous en sommes loin.

  • La Russie reconnaît avoir détruit un satellite avec un missile
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/11/15/apres-un-tir-antisatellite-russe-les-etats-unis-fustigent-un-comportement-da

    Les Etats-Unis avaient accusé lundi la Russie d’avoir mené un tir de missile antisatellite « dangereux et irresponsable ». Les astronautes de l’ISS se sont préparés à une éventuelle évacuation d’urgence.

    La Russie a reconnu, mardi 16 novembre, avoir effectué un tir d’essai contre l’un de ses vieux satellites en orbite, confirmant des accusations portées plus tôt par Washington. « Le 15 novembre, le ministère russe de la défense a mené avec succès un test à l’issue duquel l’engin spatial Tselina-D, en orbite depuis 1982 et inactif, a été détruit », a écrit l’armée russe dans un communiqué.

    Les Etats-Unis avaient accusé lundi la Russie d’avoir mené un tir de missile antisatellite « dangereux et irresponsable » dans une démonstration de force ayant eu pour conséquence directe de menacer la sécurité des astronautes à bord de la Station spatiale internationale (ISS).

    « La Russie a conduit de façon irresponsable un test destructeur de missile antisatellite à ascension directe à l’encontre de l’un de ses propres satellites », avait déclaré le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, dans un communiqué.

    « Ce test a jusqu’ici généré plus de 1 500 débris orbitaux traçables, et va probablement générer des centaines de milliers de morceaux plus petits de débris orbitaux. »

    Les astronautes préparés à une éventuelle évacuation d’urgence
    La Station spatiale passe « à travers ou près du nuage [de débris] toutes les quatre-vingt-dix minutes », avait précisé la NASA dans un communiqué.

    Lors des deuxième et troisième passages – entre environ 8 heures du matin (heure de Paris) et 10 heures –, les sept personnes actuellement à bord de l’ISS se sont réfugiées dans leurs vaisseaux amarrés à la station, afin de se préparer à une éventuelle évacuation d’urgence. Il s’agit de quatre astronautes américains, un Allemand et deux cosmonautes russes. Cette mesure a été prise spécifiquement lors de ces passages sur la base d’une évaluation des risques par la NASA.

    « Je suis scandalisé par cette action irresponsable et déstabilisatrice, a déclaré dans un communiqué le patron de l’agence spatiale américaine, Bill Nelson. Il est impensable que la Russie mette en danger non seulement les astronautes américains et des partenaires internationaux dans l’ISS, mais aussi ses propres cosmonautes. »

    De nombreuses écoutilles restent actuellement fermées entre différents modules par mesure de précaution (mais pas entre le segment russe et américain).

    • Pourquoi les USA s’inquiètent des missiles anti-satellites de la Russie et de la Chine
      https://www.numerama.com/politique/330393-pourquoi-les-usa-sinquietent-des-missiles-et-des-lasers-anti-satell

      2018

      Cela étant, ce que peuvent faire la Russie et la Chine dans ce domaine, les USA peuvent aussi le faire. Leurs capacités en matière de missile balistique sont aussi très développées, sans doute les plus avancées au monde, et ils ont eux aussi testé, notamment pendant la guerre froide, divers systèmes d’armes antisatellites, comme le laser Miracl ou ce fameux tir contre un satellite présenté comme étant en perdition.

      Rien d’étonnant : une directive présidentielle prise en 1996 par l’administration Clinton a statué que le pays va poursuivre le développement de capacités de contrôle spatial pour garantir la liberté d’action dans l’espace et pour s’assurer que des ennemis ne puissent empêcher leur propre utilisation de l’espace, si besoin en contrant les systèmes et services spatiaux utilisés à des fins hostiles.

      De toute évidence, Moscou et Pékin entendent eux aussi appliquer une doctrine du même ordre.

      #états-unis

  • « Les données de santé servent l’intérêt public, il y a urgence à en faciliter l’accès »
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/10/20/les-donnees-de-sante-servent-l-interet-public-il-y-a-urgence-a-en-faciliter-

    Le retard pris dans le déploiement du Health Data Hub, infrastructure unique facilitant l’accès aux données de santé de façon sécurisée, est inquiétant, affirment les membres de son conseil scientifique consultatif dans une tribune au « Monde ».

    Tribune. La crise sanitaire a mis en lumière le rôle que jouent les données pour assurer le pilotage des mesures collectives, permettre l’amélioration des soins, et faire avancer les connaissances scientifiques. La France a tous les éléments pour utiliser aux mieux celles qui sont disponibles, grâce à l’excellence de ses bases de données administratives et la richesse de ses registres et cohortes pour la recherche. Elle a aussi une stratégie pour exploiter son Système national des données de santé, dont un des éléments est le Health Data Hub, groupement d’intérêt public créé en 2019.

    La mission de cette plate-forme est de faciliter l’accès aux données de santé sous hautes conditions de sécurité et dans le respect des droits des malades. En deux ans, les progrès ont été remarquables. Grâce à la mise en place de cette infrastructure, technique comme réglementaire, une vingtaine de grandes collections de données ont été identifiées comme étant d’intérêt général, en plus des bases administratives telles que celle de l’Assurance maladie, des établissements de santé et des causes médicales de décès.

    Un guichet unique d’analyse a été constitué, ainsi qu’un support pour une utilisation efficace de ces ressources. Quarante-huit projets innovants ont été sélectionnés par appels à projet, et d’autres ont été réalisés pour venir en appui de la gestion de la crise sanitaire. Le Health Data Hub est déjà résolument tourné vers l’Europe et participe activement aux travaux pour la mise en place, par la Commission européenne, d’un espace commun des données de santé.

    Techniquement, ces avancées sont rendues possibles par l’utilisation simultanée de données dispersées dans des bases distantes. Cela réduit les délais d’accès aux données et permet de répondre à des questions de recherche, sur les pratiques réelles et leurs conséquences. Cela favorise aussi la réalisation de projets au service des soins, pratiquement impossibles à mettre en œuvre autrement. C’est la bonne approche pour accélérer la compréhension des inégalités d’accès aux traitements, des réponses différentes des patients aux prises en charge, ou pour surveiller à long terme, par exemple, le rapport bénéfice/risque des produits de santé.

    • Multiplicité des parties prenantes

      Actuellement, le Health Data Hub accompagne un projet qui vise à prévenir les poussées d’insuffisance cardiaque en analysant les données produites par les pacemakers connectés, un autre sur un cancer rare, le sarcome, pour lequel les essais cliniques traditionnels sont impossibles, ou encore un travail de développement d’outils de prédiction de l’évolution du cancer de la prostate.

      Pourtant, nous, membres du conseil scientifique consultatif du Health Data Hub, sommes inquiets du retard pris au déploiement des services développés par cette plate-forme, en raison de délais liés à la multiplicité des parties prenantes, aux processus de délivrance des autorisations et à la résistance au partage des données de la part des différents acteurs. Ce retard met en péril le projet initial de grande infrastructure publique de recherche en santé.

      Nous avons entendu, le 29 juin, le président de la République, Emmanuel Macron, présenter une série de mesures dans le cadre du plan Innovation Santé 2030. Il a annoncé un soutien fort aux infrastructures de recherche biomédicale, des investissements dans la médecine numérique, et la volonté de simplifier et d’accélérer les systèmes d’autorisation. Le gouvernement entend décloisonner, faire travailler les acteurs ensemble, et accélérer les processus de décision. C’est très bien mais les bénéfices escomptés ne seront pas au rendez-vous si l’écosystème ne devient pas plus agile.

      La France et l’Europe tardent à construire un cloud européen. Ne faisons pas la même erreur pour les #données_de_santé. Nous pensons que notre pays est à même de réussir dans ce domaine, grâce notamment au Health Data Hub dont les outils et procédures d’accès aux données disponibles sont un bien commun.

      Le portage de ce type de grand projet stratégique devrait être garanti et renforcé. Il nous semble que la mise en œuvre, qui a été confiée à un organisme agile et innovant, le Health Data Hub, doit lui permettre d’agir en pleine responsabilité, avec le contrôle nécessaire pour garantir la conformité de ses actions avec les objectifs.

      Les technologies du numérique recèlent leur lot de dangers contre lesquels il faut se prémunir. Affronter cette complexité implique de l’intelligence collective et de la coopération, dans un climat de confiance entre opérateurs. Tous les acteurs, publics et privés, doivent pouvoir utiliser efficacement les données disponibles à des fins de recherche, pour guider les décisions individuelles et collectives, tout en protégeant les données sensibles.

      Il n’est pas éthique d’empêcher les connaissances de progresser au service de l’efficacité des soins, de leur sécurité et de leur organisation, et de retarder l’accès aux données d’intérêt général déjà disponibles.

      Les membres du conseil scientifique consultatif du #Health_Data_Hub.
      Alain Livartowski (président, Institut Curie), Ségolène Aymé (vice-présidente, Institut du Cerveau-ICM), Nicholas Ayache (Inria), Julien Bezin (CHU de Bordeaux), Thomas Bourgeron (Institut Pasteur), Pierre Brousset (CHU de Toulouse), Rémy Choquet (Roche), Laurence Devillers (Sorbonne Université), Stanley Durrleman (Inria), Martine Gilard (CHU de Brest), Bernard Hamelin (Euresis Partners), Michelle Kelly-Irving (Inserm), Nathalie Lassau (Gustave-Roussy), Bertrand Lukacs (AP-HP), Alexandre Mebazaa (hôpitaux Lariboisière et Saint-Louis), Thibault Naline (France Digitale et Lifen), Dominique Polton (EHESP), Marina Teller (université Côte-d’Azur), Nicolas Villain (Philips), Pierre Zweigenbaum (CNRS).

      #santé

  • Souriez, vous êtes photographiés

    Nouveau succès pour le lanceur européen Vega, qui place cinq satellites sur orbite
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/08/17/nouveau-succes-pour-le-lanceur-europeen-vega-qui-place-cinq-satellites-sur-o

    Un peu moins d’une heure après le décollage, le satellite Pléiades Neo 4 a été placé en orbite à 625 kilomètres d’altitude. Ce satellite optique de très haute résolution, pesant un peu moins d’une tonne, a été fabriqué par Airbus Defence and Space Intelligence, qui l’exploitera.

    Cet équipement d’avant-garde est le deuxième des quatre satellites de la constellation Pléiades Neo – le premier est en orbite depuis le 28 avril. D’une précision inégalée, il devrait permettre une résolution de 30 centimètres pour une couverture globale de la Terre. Outre cette précision, la constellation doit fournir une réactivité accrue pouvant être réduite à une demi-heure en cas d’urgence, ce qui ouvre des possibles notamment dans le domaine des applications de géolocalisation et la cartographie.

  • Les laboratoires publics français suspendent leurs travaux sur les prions en raison d’une suspicion de cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/07/27/les-laboratoires-publics-francais-suspendent-leurs-travaux-sur-les-prions-en

    Cette décision, prise au nom du principe de précaution, est motivée par la connaissance d’un possible nouveau cas de personne atteinte de la maladie de la vache folle. Cette personne travaillait dans un laboratoire de recherche sur les prions.

    Tous les laboratoires publics français ont décidé de suspendre leurs travaux sur les prions pour une durée de trois mois, après qu’un ancien employé de laboratoire a contracté la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ), ainsi qu’en fait état un communiqué commun publié mardi 27 juillet.
    La décision a été prise conjointement par les directions de plusieurs centres de recherche scientifique et organes étatiques (Anses, CEA, CNRS, Inrae, Inserm) avec le soutien du ministère de la recherche et au nom du principe de précaution. Elle est motivée par « la connaissance d’un possible nouveau cas de personne atteinte de la maladie de Creutzfeldt-Jakob et qui a travaillé dans un #laboratoire de recherche sur les prions ». L’incertitude dans le cas présent repose sur l’origine de la maladie.

    Les prions sont ce que l’on appelle des « agents transmissibles non conventionnels » (ATNC). Non doté de matériel génétique, le prion n’est ni une bactérie, ni un virus, mais une protéine pathologique. La MCJ, une des maladies à prions plus connue sous le nom de maladie de la vache folle, est rare et caractérisée par une dégénérescence rapide et fatale du système nerveux central. Elle peut être d’origine sporadique (sa forme la plus fréquente, survenant de manière aléatoire), d’origine génétique, ou d’origine infectieuse, à la suite d’une contamination.

    Une « culture de maîtrise du risque »

    Dans le cas présent, la personne atteinte de la MCJ est un agent à la retraite de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. La période de suspension des travaux en laboratoire doit permettre d’établir un lien éventuel entre sa maladie et son ancienne activité, et le cas échéant d’adapter les mesures de prévention en vigueur dans les laboratoires, selon le communiqué.

    Si ce lien était avéré, ce serait le deuxième accident de ce genre pour une personne ayant travaillé sur les prions. Une assistante ingénieure qui s’était blessée en 2010 au cours d’une #expérimentation était morte des suites de la maladie en 2019. En 2020, une étude du New England Journal of Medecine, se fondant sur son cas, avait conclu à un lien de causalité potentiel entre cet incident et sa maladie.

  • Comment les cacatoès apprennent à ouvrir les poubelles
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/07/25/comment-les-cacatoes-apprennent-a-ouvrir-les-poubelles_6089501_1650684.html


    Un cacatoès à huppe jaune ouvre le couvercle d’une poubelle domestique à Sydney, en Australie, le 20 juillet 2021.
    BARBARA KLUMP / MAX PLANCK INSTITUTE OF ANIMAL BEHAVIOR

    En Australie, l’adaptation « culturelle » de ces volatiles au mode de vie urbain se manifeste par la transmission entre pairs de techniques d’ouverture des bennes à ordures, vient de montrer une équipe d’ornithologues.

    Des mouettes ou des corbeaux s’alimentant sur des décharges ou dans des sacs-poubelle éventrés, rien ne nous semble plus banal. Mais difficile de résister à ces images-là. Filmées au portable par Richard Major, du Museum d’Australie, à Sydney, elles montrent un cacatoès à huppe jaune saisissant de son bec le couvercle d’une benne à ordures, le faire remonter puis basculer, afin de dégager l’accès au possible festin. La force, mais surtout l’adresse et l’astuce du volatile y apparaissent saisissantes. « Quand je les ai vues, j’ai su qu’il fallait que nous étudions cette innovation », raconte Lucy Aplin, biologiste du comportement au laboratoire d’écologie cognitive du Max Planck Institute, à Radolfzell (Allemagne). Au terme de quatre années de recherche participative, mêlant scientifiques et amateurs, l’équipe vient d’annoncer ses résultats dans la revue Science du 23 juillet, qui se résument aisément : l’acquisition de ce comportement se fait par apprentissage social. Dit autrement, les perroquets ont procédé à une adaptation culturelle pour mieux appréhender l’environnement urbain.

  • « Pas assez de recul sur les vaccins contre le Covid-19 » ? Ce que 3,5 milliards de doses injectées nous ont appris
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/07/16/pas-assez-de-recul-sur-les-vaccins-contre-le-covid-19-ce-que-3-5-milliards-d

    Les nombreuses campagnes massives de vaccination lancées à travers le monde ont, en sept mois, fourni de nombreuses informations aux scientifiques.

    Le 8 décembre 2020, au petit matin, Margaret Keenan, une Britannique de 90 ans, est devenue la première personne à bénéficier d’un vaccin spécialement conçu contre le Covid-19 – hors essais cliniques. Depuis, de nombreux pays ont lancé leur propre campagne de vaccination afin d’enrayer la pandémie sur leur territoire et dessiner une sortie de crise.

    En France, après une accélération continue jusqu’à l’été, la campagne a fortement ralenti ces dernières semaines en raison des hésitations et du scepticisme d’une partie de la population quant à l’efficacité et la sûreté des vaccins actuels – depuis les annonces d’Emmanuel Macron étendant l’usage du passe sanitaire, le rythme de la vaccination est reparti à un rythme inédit. A ces inquiétudes et interrogations, de nombreuses équipes de scientifiques ont tenté de répondre en étudiant leurs effets réels, en suivant et en étudiant notamment des cohortes de très grande taille (parfois des populations entières) qui permettent de mesurer avec une grande précision l’impact de la vaccination. Et après plus de sept mois de vaccination, les enseignements sont nombreux.

    Que peut-on dire de l’efficacité réelle des vaccins actuels ?
    Résistent-ils bien aux variants du SARS-CoV-2 ?
    Combien de temps dure la protection immunitaire conférée ?
    Qu’a-t-on appris de leurs effets secondaires avérés ou potentiels ?
    Des effets indésirables peuvent-ils se manifester longtemps après la vaccination ?

    1. Que peut-on dire de l’efficacité réelle des vaccins actuels ?

    En avril 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait fixé un objectif minimum de 50 % d’efficacité pour les vaccins en développement contre le Covid-19, tout en précisant qu’une efficacité de 70 % serait préférable. Après 3,54 milliards de doses injectées dans le monde, on dispose désormais de nombreuses observations qui viennent confirmer que les vaccins distribués aujourd’hui ont très nettement dépassé ces objectifs.

    Le vaccin BNT162b2 conçu par Pfizer-BioNTech est globalement celui qui a les résultats les plus positifs. Dans l’étude la plus solide, publiée en mai 2021 dans The Lancet, qui a suivi une cohorte de 1,65 million de personnes en Israël, les chercheurs concluent que celui-ci est efficace à 95,3 % pour l’infection au SARS-CoV-2, à 97,2 % pour éviter les hospitalisations et à 96,7 % pour éviter les décès chez les vaccinés ayant reçu leur seconde dose depuis au moins sept jours. L’efficacité est encore supérieure lorsqu’on attend au moins quatorze jours après l’injection de la seconde dose, puisqu’elle atteint 98,1 % pour éviter les décès dus au Covid-19. L’étude a, par ailleurs, été réalisée alors que le variant B.1.1.7 (dit variant Alpha, découvert en Angleterre), plus contagieux et entraînant plus de formes graves, composait 95 % des nouveaux cas en Israël.

    L’autre vaccin à ARN messager (ARNm), celui du laboratoire américain Moderna, obtient des résultats similaires au Comirnaty de Pfizer-BioNTech. L’essai clinique de phase 3 a montré environ 94,1 % d’efficacité contre les formes symptomatiques de la maladie. Une étude ultérieure menée sur une large cohorte au Qatar, composée de peu de personnes âgées et d’une majorité d’actifs, a conclu à une efficacité de 100 % contre l’infection au variant Alpha, et de 95,7 % contre les formes graves et les décès dus au Covid-19 (variant Alpha et Gamma confondus) lorsque le schéma vaccinal est complet (deux semaines après la deuxième dose). Les mêmes travaux ont abouti à une protection de 92,5 % contre les infections asymptomatiques, paramètre-clé pour bloquer la transmission interhumaine du virus. Le vaccin américain est également très efficace contre les hospitalisations, selon plusieurs travaux. Une étude observationnelle américaine disponible en prépublication depuis le 8 juillet estime son efficacité à 90 %, tandis qu’une équipe canadienne l’estime à 96 % pour les personnes ayant reçu leur seconde dose.

    Le troisième vaccin à avoir été autorisé en Europe et en France, celui d’AstraZeneca (nommé ChAdOx1), a également des résultats positifs, même si moins spectaculaires que ses concurrents à ARNm. L’essai clinique de phase 3 réalisé face à la souche historique du SARS-CoV-2 indiquait une efficacité de 62,1 % pour ceux qui ont reçu deux doses standards, mais de 90 % pour les sujets dont la première dose était diminuée de moitié. Il en résulte une efficacité moyenne contre les infections d’environ 70,4 %. Des études ultérieures ont mis en évidence une efficacité supérieure de 81,5 % à prévenir les infections symptomatiques par la souche historique et de 70,4 % par le variant Alpha. Si sa capacité à empêcher l’infection par le virus et donc la transmission interhumaine est moindre que les vaccins à ARNm, le vaccin d’AstraZeneca se montre d’un niveau comparable lorsqu’il s’agit de protéger des formes graves de la maladie. Une large étude écossaise publiée début mai 2021 a estimé que le ChAdOx1 atteignait 88 % d’efficacité de réduction des hospitalisations dues au Covid-19.

    Tous ces chiffres sont valables pour la population adulte. Chez les adolescents (12 à 15 ans), les chiffres sont encore meilleurs. Le vaccin Comirnaty de Pfizer-BioNTech, le seul à être autorisé pour les moins de 16 ans en France, a montré une efficacité de 100 % dans cette tranche d’âge lors des essais cliniques de phase 3 : aucun des 1 005 adolescents complètement vaccinés n’a été infecté par le Covid-19, tandis que 16 des 978 adolescents qui ont reçu un placebo ont contracté la maladie.

    2. Résistent-ils bien aux variants du SARS-CoV-2 ?

    C’est une question cruciale alors que le variant Delta du SARS-CoV-2, plus contagieux, devient majoritaire en France et qu’en conséquence la situation sanitaire se dégrade. Le vaccin de Pfizer-BioNTech résiste globalement bien à tous les variants qui ont émergé jusque-là : de l’Alpha (découvert en Angleterre) au Delta (en Inde), même si le vaccin germano-américain est légèrement moins performant contre ce dernier.

    En mai 2021, des travaux britanniques ont estimé son efficacité à 88 % contre les infections symptomatiques au variant Delta. Le mois suivant, deux équipes ont abouti à des chiffres similaires : des chercheurs écossais ont estimé cette efficacité à 79 %, tandis qu’une équipe canadienne a trouvé environ 87 % d’efficacité.

    De leur côté, les services du ministère de la santé israélien ont constaté que l’efficacité du vaccin de Pfizer-BioNTech était tombée à 64 % récemment (en ce qui concerne les infections). Attention, il convient de prendre ce chiffre avec précaution, puisque la méthodologie employée n’est pas exempte de biais, selon plusieurs chercheurs israéliens. En revanche, le vaccin est toujours aussi efficace pour réduire les hospitalisations et se maintient à 93 %, même face au variant Delta.

    Le produit de l’entreprise anglo-suédoise AstraZeneca montre, lui, moins d’efficacité au variant Delta mais fournit toujours un très haut niveau de protection contre les formes graves de la maladie et donc contre les hospitalisations et les décès dus au Covid-19. Là où le vaccin Made in UK atteignait 73 % d’efficacité contre l’infection au variant Alpha, il ne fournit « que » 60 % d’efficacité contre le variant Delta, selon des travaux écossais publiés dans The Lancet à la fin du mois de juin, un chiffre cohérent avec les conclusions d’une autre équipe britannique, selon lesquelles le vaccin d’AstraZeneca est efficace à 60 % pour prévenir les infections au variant Delta.

    En revanche, le vaccin anglo-suédois se maintient bien sur la prévention des hospitalisations et des décès, un paramètre-clé pour éviter d’engorger le système de santé. Une nouvelle analyse de Public Health England, publiée le 14 juin, conclut que celui-ci protège à environ 92 % contre une hospitalisation due au variant Delta.

    Le variant Delta affaiblit légèrement les vaccins, qui demeurent assez efficaces

    Il existe toutefois beaucoup moins de travaux sur le vaccin à ARNm Moderna, et notamment sur son efficacité face au variant Delta, qui n’a pas encore fait l’objet de travaux publiés dans une revue scientifique. Néanmoins, la société américaine a fait savoir, par voie de communiqué de presse, le 29 juin, que des travaux in vitro ont montré que le vaccin demeurait efficace contre quasiment tous les variants existants du coronavirus, même si le nombre réduit d’anticorps produits affaiblit légèrement la force de la réaction immunitaire (2,1 fois moins d’anticorps neutralisants mesurés contre le variant Delta). D’autres variants du SARS-CoV-2 altèrent plus l’efficacité du vaccin de Moderna, mais ces variants (Kappa, Eta) ne sont pas considérés comme dangereux par l’OMS.

    Même chose pour le vaccin à dose unique fabriqué par l’entreprise américaine Johnson & Johnson. On ne dispose que de très peu de données publiques, mais le laboratoire a publié un communiqué le 1er juillet affirmant que des tests ont démontré que le vaccin demeurait efficace contre le variant Delta. Collectées sur un sous-échantillon de huit patients, les données montrent une efficacité de 85 % contre les formes graves du Covid-19. La firme n’a pas communiqué de données relatives à l’efficacité pour l’infection au coronavirus.

    3. Combien de temps dure la protection immunitaire conférée ?

    Il est encore un peu tôt pour savoir exactement combien de temps les personnes vaccinées seront immunisées contre le coronavirus, mais les connaissances et observations accumulées jusque-là ont apporté des nouvelles rassurantes sur cet aspect. Une étude inédite publiée le 28 juin dans Nature, menée par l’immunologiste américain Ali Ellebedy, montre que la réponse immunitaire des personnes complètement vaccinées par le Pfizer-BioNTech est même plus durable qu’envisagée en premier lieu.

    Pour quantifier précisément cette réponse immunitaire, les chercheurs ne se sont pas contentés de mesurer la quantité d’anticorps circulant dans le sang, ils ont également extrait des échantillons des ganglions lymphatiques jusqu’à quinze semaines après la première dose sur quatorze personnes vaccinées. Le résultat principal de cette étude est que chez tous ces vaccinés les centres germinatifs étaient encore présents et actifs, ce qui signifie que le système immunitaire de ces personnes continuait à produire des lymphocytes B, lesquels synthétisent les anticorps et incarnent la mémoire immunitaire qui permet au corps de lutter contre le virus, même longtemps après la vaccination ou l’infection.

    « Habituellement, en quatre à six semaines, on n’observe presque plus rien », indique Deepta Bhattacharya, un immunologiste interrogé par le New York Times. Ces travaux montrent aussi que l’immunité conférée par le vaccin de Pfizer-BioNTech pourra probablement résister aux futures évolutions du SARS-CoV-2. Il est difficile de savoir combien de temps la protection conférée par ce vaccin durera, mais il apparaît désormais probable aux immunologistes qu’elle puisse durer plusieurs années.

    Le vaccin mRNA-1273 de Moderna confère lui aussi une protection durable, selon les observations réalisées. Un article paru dans le New England Journal of Medicine, le 10 juin, observait que les essais sérologiques pratiqués sur des personnes ayant reçu le mRNA-1273 montraient un haut niveau d’anticorps six mois après la seconde dose, ce qui est un très bon résultat, signe que cette protection est, elle aussi, durable.

    4. Qu’a-t-on appris de leurs effets secondaires avérés ou potentiels ?

    Les essais cliniques des vaccins actuellement disponibles ont fourni de très bons résultats en matière de sécurité, que les larges campagnes de vaccination des pays occidentaux ont pu en grande partie confirmer. Ainsi, on recense une grande majorité d’effets bénins, transitoires et attendus, tels que de la fatigue, de la fièvre, des douleurs musculaires au point d’injection, des maux de tête.

    Des réactions allergiques violentes, appelées « chocs anaphylactiques », ont également été observées. Ces réactions bien connues sont rarissimes mais peuvent être dangereuses et se déclenchent dans les minutes après l’injection chez des personnes ayant un fort terrain allergique. C’est pour cette raison que les vaccinés sont gardés en observation au moins quinze minutes.

    L’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) a, depuis le début de la campagne de vaccination, mis en place un suivi resserré des effets indésirables des vaccins grâce à la mobilisation en temps réel de tous les centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) du pays. L’agence publie au moins deux fois par mois des rapports dans lesquels elle fait état des signalements reçus du public et enquête ensuite sur les « signaux » enregistrés, c’est-à-dire les signalements dont le caractère nouveau ou la fréquence sont inhabituels et nécessite une investigation.

    Parmi les « signaux » confirmés, on compte actuellement :
    45 cas de myocardites rapportés depuis le début de la vaccination pour le Pfizer-BioNTech et 7 cas pour le vaccin d’AstraZeneca. La majorité des cas sont rétablis ou en passe de l’être. La fréquence dans la population vaccinée par le Pfizer-BioNTech est légèrement supérieure à celle observée dans la population générale, le rôle du vaccin est retenu mais pas encore confirmé. Il s’agit d’un effet rare d’évolution favorable ;

    plusieurs cas de réactions aiguës au site d’injection pour le vaccin de Moderna. Déjà décrites dans les essais cliniques, ces réactions locales douloureuses surviennent en moyenne huit jours après l’injection. Dans les cas les plus aigus, ces douleurs prolongées ont entraîné une perte temporaire de mobilité du bras ;

    plusieurs cas d’hypertension artérielle ont été observés pour le vaccin de Moderna ;

    des cas de syndromes pseudo-grippaux sont fréquemment rapportés pour le vaccin d’AstraZeneca ;

    53 cas de troubles thromboemboliques ont été signalés pour le vaccin d’AstraZeneca depuis le début de son utilisation en France, dont 13 décès. Ces troubles restent extrêmement rares (53 occurrences sur 6,56 millions d’injections, soit 0,0008 % des doses) ;

    plusieurs cas de la maladie de Clarkson ont été signalés au niveau européen, l’Agence européenne des médicaments considère que le vaccin d’AstraZeneca ne doit pas être utilisé chez des patients ayant des antécédents connus d’hyperperméabilité capillaire.

    Cela étant dit, la fréquence de ces effets indésirables est extrêmement faible et n’est pas supérieure à celles observées sur d’autres vaccins. Ces effets secondaires, quasiment tous temporaires et d’évolution favorable , sont assez loin d’égaler les bénéfices réels des vaccins et ne remettent donc pas en cause leur balance risques-bénéfices, qui est, de l’avis de la communauté scientifique compétente, très positive.

    5. Des effets indésirables peuvent-ils se manifester longtemps après la vaccination ?

    C’est une crainte répandue parmi les nombreuses personnes réfractaires ou hésitantes à la vaccination contre le Covid-19, qui perçoivent notamment les vaccins à ARN messager comme étant trop nouveaux pour qu’on ait de quelconques certitudes sur leur sécurité. On ne peut donc pas argumenter sur ce point avec les rapports rassurants de ces derniers mois, puisque cette crainte porte sur ce que les chercheurs ne savent pas encore.

    Outre que la technique de l’ARNm n’est pas tout à fait nouvelle https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/11/30/covid-19-la-saga-du-vaccin-a-arn-messager-dans-le-sprint-final_6061695_16506, donner du contexte historique peut aider à comprendre pourquoi cette crainte n’est pas partagée par la communauté savante. Dans la longue histoire de la vaccination, aucune maladie rare n’a jamais été détectée plus de huit semaines après la vaccination. Il existe, bien sûr, des exemples de troubles rares liés à la vaccination qui ont pu être diagnostiqués plusieurs mois après l’injection d’un vaccin, mais les symptômes de ceux-ci sont toujours apparus dans les premières semaines.

    Dans le cas présent des vaccins anti-Covid-19, la survenue à retardement de maladies rares est considérée comme un risque très faible pour plusieurs raisons scientifiques. La première étant que la surveillance actuelle autour de ces vaccins est si réactive et resserrée qu’elle a permis très tôt la mise en évidence de très rares troubles de la coagulation avec le vaccin d’AstraZeneca. Si les vaccins actuels, qui ont été distribués massivement, devaient induire des maladies graves rares, il est aujourd’hui jugé très improbable que les agences de pharmacovigilance puissent manquer leurs signaux.

    La seconde raison relève davantage de la biologie, puisque les vaccins à ARNm ne contiennent globalement que deux ingrédients relativement simples et fragiles : une capsule de lipides contenant un brin d’ARN messager, la première étant chargée de transporter le second. Or, toutes deux disparaissent très vite sans laisser de trace lorsqu’elles rencontrent une cellule humaine. La capsule de lipide va simplement se dissoudre en libérant l’ARN dans l’intérieur de la cellule. L’ARN étant par nature une molécule instable, elle va elle-même se décomposer en quelques heures, après avoir rempli sa mission. Il n’existe donc aucun mécanisme biologique susceptible d’avoir des répercussions au-delà de ces quelques semaines.

    « Les effets indésirables des vaccins surviennent dans les deux premières semaines, exceptionnellement le premier mois. Il n’y a aucune maladie clinique survenant à distance », a affirmé ainsi au Figaro Brigitte Autran, professeure émérite à Sorbonne Université et membre du comité scientifique sur les #vaccins #Covid-19.

    • Effets indésirables vaccinaux : retour sur des alertes historiques, confirmées ou non, Sandrine Cabut, Pascale Santi, Hervé Morin et Stéphane Foucart, 19 décembre 2020 (même source)
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/12/19/effets-indesirables-vaccinaux-retour-sur-des-alertes-historiques-confirmees-

      La défiance envers la vaccination s’est nourrie de plusieurs apparitions inattendues d’effets indésirables. Certains étaient dus aux injections, d’autres le fruit de fraudes, quand d’autres encore restent non résolus.

      Rougeole, tétanos, grippe, hépatite B… Les vaccinations permettent d’éviter 2 à 3 millions de décès par an, estime l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui considère que cette stratégie est l’un des investissements les plus rentables dans le domaine de la santé. L’histoire des vaccins est cependant émaillée d’épisodes où leur innocuité a été, à tort ou à raison, mise en doute. Dans ce domaine, la suspicion d’effets indésirables crée d’autant plus d’émoi qu’il s’agit de traitements préventifs, s’adressant donc à des individus en bonne santé.

      En 1955, le premier vaccin contre la poliomyélite, mis au point par l’Américain Jonas Salk, a ainsi été à l’origine d’un des plus graves événements post-vaccinaux. Testé avec succès un an plus tôt, ce vaccin inactivé a été administré en masse aux Etats-Unis, entraînant plus de 160 cas de polio avec paralysie et une dizaine de décès. Ce qui restera comme le « Cutter Incident », du nom du fabricant, était en fait dû à un processus inapproprié d’inactivation du virus de la poliomyélite au cours de la fabrication du vaccin. Les précautions et procédures nées de cet épisode historique n’ont pas toujours permis d’éviter l’apparition d’effets indésirables. Passage en revue d’exemples – avérés ou non – survenus lors de précédentes campagnes de vaccination.

      Hépatite B et sclérose en plaques

      Le gouvernement français lance en 1994 une vaste campagne de vaccination contre le virus de l’hépatite B, une maladie transmise par voie sexuelle et sanguine et pouvant entraîner des cirrhoses ainsi que des cancers du foie. Elle cible les collégiens de 10-11 ans mais va bien au-delà. Au total, près de 20 millions de Français seront vaccinés. Le nombre de cas de scléroses en plaques postvaccinales notifiées au système de pharmacovigilance est passé de 36 en 1992 à plus de 1 000 au début des années 2000, ce qui a conduit le gouvernement à suspendre la campagne de vaccination dans les milieux scolaires en 1998. Existe-t-il un lien de cause à effet ?

      Question n°1 : La justice européenne a-t-elle reconnu le lien entre sclérose en plaques et vaccination contre l’hépatite B ?

      « Les données internationales sur l’utilisation de ce vaccin ne montrent pas de surrisque de survenue d’une sclérose en plaques chez les personnes vaccinées, indique l’Inserm, ni de maladie démyélinisante. » L’Etat a toutefois indemnisé des soignants qui ont développé une maladie neurologique après avoir été vaccinés, ce qui va créer la confusion. Mais les bénéfices d’une vaccination restent très supérieurs aux risques. En France, la vaccination contre l’hépatite B est obligatoire pour tous les enfants nés après le 1er janvier 2018 et recommandée jusqu’à l’âge de 15 ans.

      La fraude d’Andrew Wakefield à propos du ROR

      La vaccination contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) peut-elle engendrer un syndrome autistique ? C’est l’hypothèse soutenue en 1998 dans The Lancet par le gastro-entérologue anglais Andrew Wakefield. Les résultats de l’étude, qui ne portait que sur 12 enfants, n’ont pas pu être reproduits par d’autres équipes. Et pour cause : en 2004, une enquête du journaliste Brian Deer, dans le Sunday Times, devait montrer que Wakefield monnayait ses conseils aux parents attaquant les laboratoires pharmaceutiques et qu’il avait déposé un brevet pour un vaccin censé être plus sûr. Une enquête subséquente de l’équivalent britannique du conseil de l’ordre des médecins lui valut d’en être radié, et aboutit à la rétractation de son étude par The Lancet en 2010. L’année suivante, Brian Deer concluait, cette fois dans le British Medical Journal, que les résultats étaient frauduleux.

      Andrew Wakefield n’en a pas moins poursuivi sa croisade contre le ROR, dans le documentaire Vaxxed (2016), contribuant à l’affaiblissement de la couverture vaccinale, qui s’est traduit par la résurgence de la rougeole : aux Etats-Unis, Donald Trump, acquis aux thèses de Wakefield, a dû en 2019 se résoudre à appeler à la vaccination. Le lien entre ROR et autisme a à nouveau été démenti par une vaste étude de cohorte en mars 2019.

      H1N1 et narcolepsie

      En août 2010, peu après la fin officielle de la pandémie de grippe H1N1, une vingtaine de cas de narcolepsie-cataplexie ont été recensés en Europe chez des enfants et des adultes qui avaient été vaccinés contre ce virus. L’alerte était partie de Suède et de Finlande. Maladie neurologique habituellement très rare, la narcolepsie-cataplexie se caractérise par des accès sévères de somnolence, et des pertes brutales du tonus musculaire. Elle peut survenir dans les suites d’une infection notamment de type grippal.

      Une association forte avec le Pandemrix, vaccin pandémique avec adjuvant, a été établie par plusieurs études. [à l’inverse de l’article des Décodeurs, https://www.vidal.fr/actualites/13356-vaccin-pandemrix-et-narcolepsie-risque-tres-faible-mais-confirme.html signale "Les délais moyens d’apparition des premiers symptômes chez les adultes étaient de 4,7 mois (2 jours à 2,5 ans), et de 3,9 mois (15 jours à 1,3 an) chez les enfants et les adolescents." ] Celui-ci pourrait servir de facteur déclenchant à la narcolepsie par un mécanisme immunitaire, la maladie survenant alors chez des sujets prédisposés génétiquement. En Europe, où le Pandemrix était le vaccin prédominant, il a été administré à plus de 30 millions de personnes. En 2017, le nombre total de cas de narcolepsie postvaccinale était estimé à 650, dont une centaine en France. Des procédures d’indemnisation sont toujours en cours au niveau de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam).

      Dengue : le fiasco de Sanofi aux Philippines

      Lancé fin 2015, le vaccin Dengvaxia, développé par l’industriel pharmaceutique français Sanofi, a dû être suspendu deux ans plus tard, car il présentait un risque chez des enfants n’ayant ­jamais contracté cette maladie tropicale avant la vaccination. Transmise par des moustiques et provoquant un syndrome de type grippal, la dengue est responsable de 10 000 décès par an dans le monde.

      Aux Philippines, premier pays au monde à bénéficier d’une vaccination de masse, 830 000 écoliers ont reçu une ou plusieurs injections dans le cadre d’un vaste programme de vaccination publique lancé en mars 2016. Des enquêtes ont été ouvertes après plusieurs décès d’enfants, qui ont pu être engendrés par un phénomène identifié de facilitation de l’infection par les anticorps vaccinaux : les individus vaccinés ne présentant aucun antécédent de dengue se retrouvent davantage à risque de souffrir de formes sévères de l’infection en cas d’exposition ultérieure au virus. Depuis, interdit aux Philippines, le vaccin est réservé aux personnes de 9 à 45 ans qui ont déjà été infectées. Il est approuvé par près de 20 pays dont l’Union européenne, les Etats-Unis.

      Le cas des vaccins contre les HPV

      Les vaccins contre les infections à papillomavirus humains (HPV), virus responsables de lésions qui peuvent évoluer vers certains cancers (col de l’utérus, anus, gorge), sont au centre d’une controverse que les essais randomisés n’ont pas suffi à éteindre. En février 2020, trois chercheurs publiaient dans la revue Systematic Reviews une réanalyse de 24 études cliniques, portant un jugement sévère sur les protocoles mis en œuvre, qui « empêchent une évaluation approfondie » des risques d’effet indésirable. Par exemple, selon Lars Jorgensen (Nordic Cochrane Centre, Rigshospitalet de Copenhague) et ses coauteurs, les groupes recevant les vaccins ont été comparés à des groupes témoins recevant les adjuvants à l’aluminium seuls ou d’autres vaccins comportant ces mêmes produits, et non un véritable placebo. En France, ces vaccins contre les HPV sont recommandés pour les jeunes filles et le seront également pour les garçons à partir de janvier 2021.

      Des doutes sur l’aluminium

      Des doutes sur l’innocuité de l’aluminium des vaccins ont été émis il y a une vingtaine d’années, principalement en France. L’équipe du professeur Romain Gherardi, de l’hôpital Henri-Mondor à Créteil (Val-de-Marne), estime en effet qu’il existe un lien entre la persistance de l’aluminium vaccinal au site d’injection et la survenue de troubles peu spécifiques cognitifs, fatigue, douleurs musculaires et articulaires, appelées myofasciites à macrophages.

      L’association Entraide aux malades de myofasciite à macrophages (E3M) estime qu’environ un millier de personnes seraient touchées. Elle demande un vaccin contre le Covid-19 sans aluminium – cet adjuvant est absent des trois vaccins les plus avancés. « Compte tenu des données disponibles à ce jour à l’échelle internationale, l’innocuité des sels d’aluminium contenus dans les vaccins ne peut être remise en cause », indique le site vaccination-info-service.fr, le portail institutionnel de Santé publique France.

    • COVID-19 Vaccine Janssen : Guillain-Barré syndrome listed as a very rare side effect
      https://www.ema.europa.eu/en/news/covid-19-vaccine-janssen-guillain-barre-syndrome-listed-very-rare-side-ef

      EMA’s safety committee, PRAC, assessed the available evidence, including cases reported to the European database for suspected side effects (EudraVigilance), and information from scientific literature. PRAC looked at 108 cases of GBS reported worldwide as of 30 June, when over 21 million people had received the vaccine.1 There was one reported death among these reports.

      Edit pour Pfizer chez les jeunes, en particuliers hommes

      https://www.liberation.fr/checknews/robert-malone-presente-comme-linventeur-des-vaccins-a-arn-messager-soppos

      un comité réuni par les centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) ont déclaré qu’il existe un « lien probable » entre une inflammation du cœur rare et ces vaccins. Aux Etats-Unis, on comptait début juin 323 cas confirmés chez des patients de 29 ans ou moins (principalement des hommes), qu’il faut rapporter aux quelque 50 millions de doses administrées à la classe d’âge des 12-29 ans. A noter que, parmi eux, neuf personnes étaient toujours hospitalisées, mais aucune décédée.

  • Vaccins : « Utiliser l’ARN messager n’est pas nouveau, c’est savoir le fabriquer qui est nouveau »
    https://www.franceinter.fr/societe/vaccins-utiliser-l-arn-messager-n-est-pas-nouveau-c-est-savoir-le-fabriq

    Alors que les vaccinations contre la Covid-19 se poursuivent, y compris en France, ces nouveaux vaccins, à base d’ARN messager, posent question. Invité du journal de 13h de France Inter, Steve Pascolo, chercheur à l’université de Zurich et ex-dirigeant du laboratoire Cure Vac, apporte des éclaircissements.

    [...] Les vaccins à ARN messager reposent donc sur une part de l’ADN du virus qui sert à « coder » des protéines. Et en réalité, cela n’est pas nouveau : « Le vaccin ROR, rougeole, oreillons, rubéole, fonctionne avec des virus à ARN atténué. Lors qu’il est injecté, les virus donnent dans vos cellules leur ARN messager, explique le chercheur. On est sur une version synthétique de choses anciennes. Les vaccins de type ROR contiennent beaucoup d’ARN, de lipides, de protéines différentes, ils sont produits dans des œufs fertilisés. Alors que les vaccins ARN nouveaux ne contiennent que la molécule d’ARN, seule, pure, et quatre lipides. Autrement dit, la version à ARN messager est beaucoup plus pure et plus sûre que les vaccins à ARN produits de façon naturelle, que vous avez eus précédemment ».

    « Si le vaccin causait des recombinaisons d’ADN, le virus le ferait aussi »

    L’avantage de cette méthode par rapport à la production « classique » des vaccins, c’est sa rapidité. « Une fois que vous avez l’infrastructure pour produire de l’ARN messager, vous pouvez produire de l’ARN messager qui code pour n’importe quelle protéine. Le processus de production est toujours le même, et il dure maximum deux mois (...) alors que les autres méthodes demandent de l’optimisation, un temps qui peut prendre plusieurs semaines à plusieurs mois », selon Steve Pascolo.

    A-t-on assez de recul pour mesurer l’impact de l’injection d’ARN messager ? « En réalité, on a des millions d’années d’expérience, explique le spécialiste. Notre corps est affecté en permanence par des virus, des bactéries, et il y a de l’ARN messager partout dans ces virus. Ils infectent votre corps et vous donnent leur ARN. Ca n’affecte pas votre ADN pour autant ». Peu de risques, également, que des échanges et recombinaisons donnent naissance à de nouveaux virus : "On ne peux jamais l’exclure, mais ces mécanismes de « Transplacing » sont très, très précis et très définis. Nous avons des millions d’ARN messagers dans nos cellules, et ils ne recombinent pas entre eux. Il n’y a pas de raison d’imaginer que l’ARN messager du vaccin puisse faire ce type de recombinaison. Et s’il le pouvait, alors le virus le ferait aussi, puisque cet ARN messager code pour une protéine du virus".

    Vers des vaccins anti-cancer ?

    [...]

    Par ailleurs, ces vaccins peuvent connaître des applications nouvelles, et notamment contre les cancers. C’est même une technologie déjà utilisée, mais de façon individuelle, selon Steve Pascolo : « Il y a beaucoup d’essais cliniques de phase 2, des essais pivots. On peut produire et développer des vaccins anti-cancer individualisés, pour chaque patient. La tumeur est analysée, séquencée, on trouve les mutations de la tumeur chez le patient et on fait de l’ARN messager vaccinal qui code pour ces mutations. Chaque patient reçoit son vaccin et totalement individualisé, et cela en moins de deux mois : c’est cela qui est en cours de développement ».

    • Frederic Lagarce, @frlagarce, Professeur de Biopharmacie/ PUPH CS PUI @chu_angers Vice-Doyen
      @FacSante_Angers /EIC @pthpjournal /Recherche #nanomedecine
      https://twitter.com/frlagarce/status/1412804385613230098

      Un peu ras le bol d’entendre certains dire qu’ils sont des cobayes pour le #vaccin. contre la covid-19 Je vous fais un mini thread pour vous expliquer pourquoi c’est faux.

      Les premiers #vaccins_ARNm ont été proposé par une équipe de l’APHP (MArtinon Eur J Immunol) en 1993, cette date est celle où l’efficacité a été démontrée chez l’animal déjà contre un virus, celui de la grippe.

      en 2018 Moderna et BioNtech avaient déjà des essais cliniques sur l’homme (phase 1) dans le domaine de la cancérologie (mélanome) ou de l’infectiologie et devinez... pour déjà des maladies virales.

      Ces vaccins on d’ailleurs eu un développement préclinique dans le cadre de MERS-COV et SARS-COV1 il y a respectivement environ 15 ans et 10 ans mais comme les épidémies se sont éteintes les développements se sont arrétés.

      Les vecteurs de ces vaccins : les nanocapsules lipidiques existent depuis plus de 20 ans, mon labo @LabMint a déposé ces premiers brevets en 2001, on travaille dessus depuis 1998. on a démontré (comme d’autres) la très bonnes tolérance de ces vaccins sur de multiples modèles

      A #Angers rien que pour @LabMint on a sorti plus de 200 publications internationales sur ce thème. une autre équipe
      @umr8612 a démontré en parallèle la tolérance en particulier sur la tox pulmonaire.

      Quand en janvier 2020 la séquence génétique du virus Sars-cov2 a été décrite, tout était prêt depuis des années pour lancer des essais de grande ampleur, seul l’argent manquait et les états ont contribué fortement à régler ce pb

      Vous le voyez, utiliser aujourd’hui un vaccin ARNm c’est profiter d’une technologie mise en place sur 25 années et testées par de multiples labo universitaires et pharmaceutiques dans le monde. Les vaccins ARNm sont l’avenir de la vaccination

      En effet ils permettent une production plus rapide, moins complexe et plus maîtrisable que les autres vaccins classiques. Les vaccins peuvent être adaptés en quelques semaines. Alors VACCINEZ VOUS !

    • Covid-19 : la saga du vaccin à ARN messager désormais dans le sprint final
      https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/11/30/covid-19-la-saga-du-vaccin-a-arn-messager-dans-le-sprint-final_6061695_16506

      ENQUÊTE Contre toute attente, c’est une technologie encore jamais éprouvée sur l’homme qui a permis de proposer le plus rapidement des solutions vaccinales contre le SARS-CoV-2, via les projets de Pfizer/BioNTech et de Moderna. Retour sur une course de vitesse lancée il y a plusieurs décennies.

      Imaginons un instant la finale olympique d’une course de fond. Ils sont douze sur la ligne de départ, dont quatre Chinois et quatre Américains, attendant le coup de feu sous le regard des caméras du monde entier. Dix d’entre eux présentent de sérieuses références : des titres, des records, un palmarès. Les deux derniers, à l’inverse, semblent sortis de nulle part. Non seulement ils n’ont rien gagné mais ils n’ont même jamais couru une finale. On les prétend doués, prometteurs, mais peuvent-ils seulement boucler les tours de piste imposés, eux qui ne se sont alignés jusqu’ici que sur des distances inférieures ? Personne n’y songe sérieusement. Pourtant, au terme d’une épreuve menée à une vitesse éclair, ce sont eux qui coupent la ligne les premiers, presque côte à côte.

      L’histoire du vaccin contre le Covid-19 n’est pas terminée. Car pour filer la métaphore athlétique jusqu’au bout, elle ressemblerait plutôt à un décathlon qu’à un 5 000 mètres. Une fois le produit mis au point, il va encore falloir le faire habiliter par les autorités sanitaires, le produire, le stocker, le distribuer, l’administrer. Autant d’épreuves nouvelles dans lesquelles nos nouveaux venus peuvent encore échouer, ou prendre du retard. Il n’empêche, l’exploit est là : les deux premiers vaccins à avoir réussi avec succès les essais cliniques – ceux du duo Pfizer/BioNTech et de Moderna –, avec dans les deux cas une efficacité annoncée d’environ 95 %, s’appuient sur la technologie dite de l’ARN messager.

      Dans le principe, rien de plus simple. Pour réaliser un vaccin, les chercheurs fabriquent habituellement un antigène qu’ils présentent au système immunitaire afin que celui-ci produise des anticorps adaptés. Différentes méthodes sont possibles : utiliser le virus entier, inactivé ou atténué, se contenter d’un fragment, ou le combiner avec un virus déjà bien maîtrisé. La nouvelle méthode laisse les cellules faire le travail : elle consiste à injecter dans l’organisme non pas l’antigène mais son mode d’emploi, son code génétique, sous forme d’ARN (acide ribonucléique).

      « Une histoire de fou »

      Les spécialistes lui promettaient un grand avenir. Elle restait pourtant cantonnée dans les laboratoires de recherche, loin des hôpitaux et des pharmacies. « C’est une histoire de fou, s’éblouit Bruno Pitard, directeur de recherche (CNRS) au centre de cancérologie et d’immunologie Nantes-Angers. Aucun produit à base d’ARN messager n’avait dépassé la phase 2 d’un essai clinique, ni en cancérologie, ni en immunologie, ni en virologie. Et là, premier essai de phase 3, jackpot ! J’ai beau vanter le potentiel de cette technologie depuis des années, je n’imaginais pas un tel scénario. Bien sûr, les données ne sont toujours pas publiées dans des articles scientifiques dignes de ce nom et tout est allé si vite qu’on manque de recul, on y verra plus clair dans quelques mois. Mais cette aventure est d’ores et déjà extraordinaire. »

      S’il fallait lui trouver un visage, nul doute qu’il aurait les traits ciselés et le sourire franc de Katalin Kariko. Franc et fatigué, à en croire l’écran de l’ordinateur à travers lequel la biochimiste répond à nos questions, depuis sa maison des environs de Philadelphie (Pennsylvanie), où elle se tient confinée. Née en Hongrie il y a 65 ans, elle a grandi dans la petite ville de Kisujszallas, où son père est boucher, et s’est tôt prise de passion pour les sciences. Décidée, la jeune femme a choisi le terrain aride de la biochimie et plus particulièrement de l’ARN. Rien de bien séduisant, de prime abord, dans ce polymère composé d’une succession de nucléotides, A, C, G et U, à l’image de notre alphabet génétique. Là où, dans chaque cellule, son cousin l’ADN conserve le code de notre vie, avec lequel il construira notre descendance, lui semble se contenter d’assurer le transport de l’information, notamment pour fabriquer les protéines. Petit copiste, en somme, que cet ARN messager.

      La réalité est bien différente. L’ARN tient de multiples rôles, catalytiques, structurels, informationnels. La chercheuse en herbe rêve d’en percer les secrets. La tâche est laborieuse. Au Centre de recherche biologique de Szeged, où elle commence sa carrière à 23 ans, « on manquait de tout », raconte-t-elle. C’est à l’abattoir voisin qu’il faut parfois aller chercher le matériel biologique nécessaire. Aussi quitte-t-elle la Hongrie, en 1985, avec son mari et sa fille de 2 ans. « Nous partions sans rien, se souvient-elle. Enfin si, un peu d’argent que la famille avait collecté. Mais nous n’avions pas le droit de sortir de devises du pays à l’époque. Nous l’avons caché dans l’ours en peluche de la petite. »

      Katalin Kariko, génie marginalisé

      Deux ans à Temple University, à Philadelphie, avant d’être recrutée par la maison voisine, la célèbre université de Pennsylvanie. Fondée en 1740, « UPenn » est une institution, un des huit établissements qui constituent la célèbre Ivy League, le gotha académique du pays. C’est là, au département de cardiologie, que Katalin Kariko découvre un article écrit par Philip Felgner, de la biotech californienne Vical, et des chercheurs de l’université du Wisconsin. Ils ont injecté de l’ADN et de l’ARN dans la cuisse d’une souris et ont constaté l’expression de la protéine correspondante. « Nous avons choisi de nous consacrer à l’ADN, se remémore l’immunologiste, aujourd’hui directeur du centre de recherche vaccinale de l’université de Californie à Irvine. C’était l’époque de la thérapie génique, on se disait qu’on pourrait ainsi corriger les anomalies génétiques. Nous avons aussi travaillé sur un vaccin contre la grippe, avec le soutien du laboratoire Merck. Mais nous n’avons jamais abouti. J’ai quand même la satisfaction d’avoir eu ma petite part dans une innovation qui va changer le monde. »

      La thérapie génique n’agite pas seulement la Californie. C’est aussi la grande affaire de UPenn : utiliser l’ADN pour transformer les cellules et s’attaquer aussi bien à la mucoviscidose qu’au cancer. Katalin Kariko poursuit le même but. La mucoviscidose constitue même la cible de ses rêves. Mais son arme à elle sera l’ARN. « Elle avait compris qu’en attaquant l’ADN, en modifiant le génome des cellules, on prenait le risque d’introduire des modifications génétiques délétères, qui peuvent se multiplier, se rappelle David Langer, jeune médecin qui travaille alors avec elle, aujourd’hui directeur du département de neurochirurgie de l’hôpital Lenox Hill, à New York. Or Kati n’est pas seulement un génie scientifique, c’est aussi une femme d’une droiture absolue. Et d’une grande franchise. Elle a donc fait savoir son opposition. »

      Elle le paye. En 1995, elle est écartée de la liste des titularisations, rétrogradée au rang de simple chercheuse. Elle est même renvoyée du département de cardiologie. « Ils disaient qu’elle n’avait pas assez de résultats, raconte David Langer. C’était ridicule. J’étais d’autant plus écœuré que toute la famille rêvait déjà d’inscrire Susan Francia, la fille de Kati, à UPenn. Elle était brillante mais ils n’avaient pas d’argent. Sa seule chance, c’était la réduction accordée aux enfants du personnel. Mon père connaissait le patron du département de neurochirurgie. Je lui ai raconté qui était Kati et de qui nous allions nous priver. Il l’a accueillie. »

      Katalin Kariko hésite. Tourner les talons ou accepter le salaire de misère de chercheuse et le bureau au sous-sol ? « J’aimais ce que je faisais. Mon mari m’a toujours dit que je ne travaillais pas vraiment puisque je m’amusais au laboratoire. Et c’est vrai. Alors j’ai continué. »

      Drew Weissman et Katalin Kariko, à UPenn, en 2015. Ils sont les premiers à avoir maîtrisé les réactions immunitaires liées à l’ARN messager. Katalin Kariko est vice-présidente de BioNTech depuis 2013.
      Drew Weissman et Katalin Kariko, à UPenn, en 2015. Ils sont les premiers à avoir maîtrisé les réactions immunitaires liées à l’ARN messager. Katalin Kariko est vice-présidente de BioNTech depuis 2013. COLLECTION PRIVÉE
      Ce splendide isolement prend fin un jour de 1998, devant la photocopieuse. C’est elle qui rejoue le dialogue :

      « Bonjour, je suis Kati, je fais de l’ARN.

      – Moi c’est Drew, je fais un vaccin contre le sida avec de l’ADN. Enfin j’essaie, ça ne marche pas. Tu crois que tu pourrais faire de l’ARN pour moi ? »

      Cape d’invisibilité

      Entre le jeune et discret médecin immunologiste Drew Weissman, tout juste sorti de l’illustre laboratoire d’Anthony Fauci au NIH (National Institutes of Health, les Instituts américains de la santé), et la chercheuse audacieuse et marginalisée démarre une collaboration qui continue aujourd’hui. « Nous étions dans deux bâtiments séparés, mais nous échangions sans cesse », se souvient-elle. Ils n’avaient pas vraiment le choix, du reste. « Personne d’autre ne s’intéressait à ce que nous faisions, poursuit-elle. La plupart des gens nous prenaient pour des dingues. Dans l’université comme à l’extérieur. Au NIH, on nous écoutait poliment mais on n’y croyait pas une seconde. Les mêmes m’appellent maintenant deux fois par semaine mais, à l’époque, il n’était pas question de nous accorder une bourse. Mon argent, je l’ai pris ailleurs et sur d’autres sujets. »

      Le travail est fastidieux. Car l’ARN pose de sérieux problèmes. Le plus épineux est cette fâcheuse tendance à affoler le système immunitaire. Convaincu d’avoir affaire à un intrus – bactérie ou virus –, le corps envoie ses troupes de défense, provoquant de sévères inflammations. Les souris y laissent au mieux leur santé, souvent leur vie. « Nous avons décidé de passer en revue les 140 modifications connues des structures de l’ARN (ajout de groupes chimiques, changement des bases, des sucres, de la structure) et nous en avons testé vingt, rapporte Drew Weissman. Deux d’entre elles se sont révélées vraiment efficaces. » Des changements subtils, qui recouvrent l’ARN d’une cape d’invisibilité. Publiée en 2005, cette découverte fait sortir Katalin Kariko de son gourbi. Mais pas du purgatoire. « Ils m’ont dit que jamais, dans l’histoire de l’établissement, un chercheur rétrogradé n’avait été titularisé. »

      Le principal verrou a sauté. Le rêve des deux chercheurs d’utiliser l’ARN comme mode d’emploi et de laisser ensuite les cellules fabriquer elles-mêmes les protéines thérapeutiques prend forme. En 2008, ils découvrent que l’ARN modifié produit même dix fois plus de protéines qu’un ARN naturel. « Cette publication, je ne l’oublierai pas. J’étais aux Jeux de Pékin, en août, avec ma fille, sélectionnée dans le huit d’aviron des Etats-Unis. Et à la fin de la journée, à l’hôtel, je regardais mes mails. » La fille, Susan Francia, diplômée en criminologie de l’université de Pennsylvanie, décroche l’or olympique. La mère rentre au bercail avec un article de plus dans sa besace. Et les publications s’enchaînent. En 2011, Kariko et Weissman purifient encore leur ARN pour éviter toute réaction immunitaire incontrôlée. En 2012, ils réussissent à faire produire par des souris et des singes de l’hormone EPO afin de les soigner de leur anémie.

      Un obstacle de taille, toutefois, demeure : si l’ARN peut tromper le système immunitaire, il reste la cible d’enzymes spécialisées, omniprésentes dans nos organismes. Les chercheurs décident de loger leur précieuse molécule dans des nanoparticules lipidiques, des sortes de sphères électriquement chargées à double pellicule de graisse qui se dissoudront une fois entrées dans les cellules. Ils publient leur résultat en 2015.

      Le début d’une nouvelle ère

      La construction théorique du duo est achevée. Les promesses d’application thérapeutiques de l’ARN messager aiguisent désormais les appétits des entreprises de biotechnologies, particulièrement aux Etats-Unis et en Allemagne. Une communauté de chercheurs est née, avec ses leaders, son congrès, l’International mRNA Health Conference : ils sont 160 en 2013, à Tübingen, en Allemagne, pour la première édition. En 2019, plus de 600 scientifiques se retrouveront à Berlin.

      Cette nouvelle ère s’est ouverte en 2010. Derrick Rossi, un médecin canadien qui a grandi à Toronto, professeur à l’université Harvard, a décelé là le moyen de fabriquer sans risque des cellules souches pluripotentes, capables ensuite de se différencier dans l’organisme pour combattre différentes pathologies. Les cellules souches sont à la mode. Son article attire l’attention. Le magazine Time le propulse dans son Top 10 des découvertes scientifiques de l’année. « Kati Kariko mérite le prix Nobel, je le dis depuis longtemps, mais sans notre travail, je ne sais pas combien de temps elle serait restée sous le radar », dit-il. Rossi flaire le filon. Il contacte son collègue de Harvard Robert Langer, star de l’ingénierie biologique et entrepreneur éprouvé, et l’homme d’affaires Noubar Afeyan. Il leur parle de cellules souches, mais aussi de protéines thérapeutiques, capables par exemple de cibler les cellules cancéreuses. « Les vaccins, on n’y pensait pas vraiment. En fait, ça n’intéressait personne car ce n’est pas un modèle économique rentable. Vous vaccinez une ou deux fois et c’est terminé. »

      Le nom de leur entreprise, c’est Derrick Rossi qui va le proposer : Moderna pour « Modified RNA », précisément l’innovation publiée en 2005 par les chercheurs de UPenn. Sauf que cette pierre angulaire du système fait l’objet d’un brevet, déposé par l’université. Katalin Kariko et Drew Weissman y figurent au titre d’auteurs. Ils proposent bien à leur établissement d’en racheter la propriété en 2010. Mais impossible pour eux de réunir les 300 000 dollars réclamés. C’est une biotech du Wisconsin, CellScript, qui rafle la mise. Gary Dahl, son patron, a compris qu’il détient de l’or et qu’on s’arrachera bientôt ses licences. L’équipe de Moderna tente d’en acquérir les droits, la négociation échoue.

      Le mercato des chercheurs

      Moderna n’a pas seulement couru après la technologie du duo de Philadelphie. L’ambitieuse start-up a aussi tenté de s’attacher leurs services, surtout ceux de Katalin Kariko. Lassée des mauvaises manières de la direction de UPenn, la chercheuse a justement décidé de partir. En 2013, elle va rencontrer l’équipe de direction dans le Massachusetts. « A la fin de l’entretien, ils m’expliquent que, même s’ils m’embauchent, ils peuvent me virer au bout de deux jours. Et que pendant deux ans, je devrai renoncer à travailler sur les ARN messagers. J’avais envie de rester aux Etats-Unis mais pas dans n’importe quelles conditions. »

      C’est donc vers l’Europe qu’elle se tourne, plus précisément l’Allemagne, ou deux start-up lui font les yeux doux. La première se nomme CureVac. Fondée en 2000 par l’Allemand Ingmar Hoerr et le Français Steve Pascolo, dans l’incubateur de la prestigieuse université de Tübingen, elle a réalisé, entre 2003 et 2006, le premier essai clinique d’un « vaccin anticancer » à base d’ARN messager. « Les médecins et les universitaires ne nous prenaient pas au sérieux, se remémore Steve Pascolo, aujourd’hui patron du laboratoire de dermatologie de l’hôpital de Zurich. Les journaux Nature et Science n’ont pas voulu de notre article, c’était trop audacieux. Finalement, nous l’avons publié en 2008 dans le Journal of Immunotherapy, une revue modeste, ce qui permet aux Américains de l’oublier et de faire comme s’ils avaient été les premiers partout. »

      Précisons toutefois que la substance, si elle a été bien tolérée par les patients et a montré sa capacité à déclencher une réponse antitumorale, n’a pas fait la preuve de son efficacité clinique. CureVac va toutefois poursuivre sa quête de thérapies anticancéreuses – « c’est ce qui intéressait les investisseurs qui nous soutenaient », se souvient Pascolo – mais aussi de vaccins.

      L’autre prétendant se nomme BioNTech. Créée à Mayence, en Allemagne, par le couple de médecins d’origine turque Ugur Sahin et Ozlem Tureci, la société a développé une approche horizontale que résume son concurrent Steve Pascolo : « Tout ce qui peut être bon pour lutter conte le cancer, on le teste et on l’optimise. Pour ça, on va chercher les meilleurs partout. Il faut dire qu’ils ont un atout : Ugur Sahin. C’est un génie scientifique, médical et entrepreneurial. » Fils d’ouvrier, arrivé en Allemagne à l’âge de 4 ans, il se rêvait médecin au chevet des patients. Mais au cours de sa thèse d’immunologie, un virus le contamine : la recherche. Cologne, Zurich, Mayence : il enchaîne les postes d’enseignant-chercheur. Mais pour mettre en œuvre ses idées et « soigner le monde », lui et sa femme se font entrepreneurs. D’abord Ganymed Pharmaceuticals, créée en 2001, revendu 1,28 milliard d’euros en 2016. Puis BioNTech, lancée par le couple en 2010.

      Les Français en éclaireurs

      Curiosité scientifique, souci sanitaire, ambition économique : Katalin Kariko est séduite. Elle raconte : « Ugur Sahin m’a invitée à donner une conférence à Mayence, le 17 juillet 2013. Il était attentif, direct, enthousiaste, simple. Je me suis sentie appréciée. Nous avons beaucoup parlé et constaté que nous avions été élevés de manière similaire. Je me souviens qu’il m’a dit qu’il aimait le fait que j’étais honnête, transparente, que je ne faisais pas semblant… A la fin de la journée, il m’a proposé d’être vice-présidente de l’entreprise. » Elle poursuit : « Il avait de vrais projets cliniques. J’avais 58 ans, je voulais que mon travail serve vraiment aux malades. J’ai accepté. »

      Le décor est posé, les acteurs en place. Une société américaine, deux allemandes, prêtes à faire de l’ARN messager une machine de guerre contre les maladies génétiques, l’hémophilie, le diabète, mais surtout le cancer. Les Français ? Comme souvent, ils ont joué les éclaireurs. Dès 1993, une équipe de chercheurs de l’Inserm et du laboratoire Pasteur-Mérieux est parvenue à déclencher une réponse immunitaire à partir d’ARN messager encapsulé dans des sphères de lipides. « Ensuite, on a essayé d’industrialiser le process, se rappelle Pierre Meulien, coordinateur de l’étude, alors directeur de la recherche de Pasteur-Mérieux, aujourd’hui directeur exécutif de IMI (initiatives pour des médicaments innovants), un partenariat entre l’Union européenne et l’industrie pharmaceutique. Ça marchait une fois sur deux, on ne comprenait pas pourquoi. J’ai pris la décision d’arrêter en 1994. »

      Deux décennies plus tard, l’histoire bafouille. Sanofi-Pasteur, l’héritier du groupe Pasteur-Mérieux, obtient en 2011 un financement de la Darpa, la division de recherche de l’armée américaine, pour développer un programme de vaccins à ARN messager. Le géant pharmaceutique a convié à bord l’ambitieuse biotech CureVac mais aussi une petite start-up française, In-Cell-Art, fondée par le Prix Nobel de chimie Jean-Marie Lehn et le spécialiste des vaccins ribonucléiques Bruno Pitard, à la pointe des systèmes de vectorisation. Mais après cinq ans de recherche « et de vrais résultats », assure Bruno Pitard, Sanofi renonce, préférant miser sur une autre technologie, les vaccins à protéine recombinante… avant de revenir sur la piste de l’ARN messager, avec la start-up américaine Translate Bio et plusieurs longueurs de retard.

      Le pari du patron de Moderna

      Si bien que lorsque, début janvier, apparaît la menace d’une pandémie que personne n’appelle encore Covid-19, ils sont trois champions de l’ARN messager véritablement dans la course au côté des tenants de stratégies vaccinales plus classiques. Et aucun Français. Le patron de Moderna, Stéphane Bancel, exhibe certes un passeport tricolore, un diplôme de l’Ecole centrale et une première carrière chez BioMérieux. Mais le projet qu’il conduit, avec le milliard de dollars accordé par l’opération « Warp Speed » du gouvernement pour trouver au plus vite un vaccin, le soutien appuyé de Donald Trump et la collaboration du NIH, apparaît 100 % américain.

      La saga de ce Frenchie semble taillée sur mesure pour nourrir le mythe de cette Amérique, terre de tous les paris. Et en cette année 2011, quitter le confort de son fauteuil de DG de BioMérieux pour se consacrer à une technologie émergente en est assurément un. « Le monde entier pensait qu’il était impossible de créer un médicament à partir d’ARN messager », résume-t-il. Pour lui, l’aventure a commencé un soir glacé de février. Noubar Afeyan, le fondateur de Flagship, l’un des fonds d’investissement les plus en vue des sciences de la vie et qu’il connaît de longue date, tient à lui montrer les résultats obtenus par des chercheurs d’Harvard. « Ils avaient injecté dans le muscle d’une souris de l’ARN messager codant pour l’EPO humaine, et montré que cette hormone circulait ensuite bien dans son sang, se souvient Stéphane Bancel. Je lui ai dit : “Ce n’est pas possible”. Il m’a répondu : “Si, si, regarde, ils ont répété l’expérience.” »

      L’homme d’affaires lui propose de monter à bord de la start-up qu’il vient de fonder avec les deux scientifiques d’Harvard Derrick Rossi et Robert Langer. « J’anticipais les centaines de médicaments qu’il serait possible de créer avec cette technologie, notamment pour des maladies incurables aujourd’hui », raconte Stéphane Bancel. Quand il sort du bureau de Noubar Afeyan, face au Massachusetts Institute of Technology (MIT) à Cambridge, il rentre à pied, songeur, en empruntant le Longfellow Bridge, qui le ramène chez lui à Boston. « Ma femme m’a demandé : “C’est risqué ?” Je lui ai dit : “Ça a 5 % de chance de réussir.” » Il signe malgré tout.

      La première année, Moderna s’efforce de rester sous le radar : rien ne filtre de ses travaux ni de ses résultats. « Nous étions méfiants, nous avions peur qu’en montrant nos progrès d’autres se mettent à courir après notre technologie », explique Stéphane Bancel. A l’époque, seuls les investisseurs, tenus au secret par un accord de confidentialité, sont informés des avancées : de premières expériences concluantes chez le singe et une étude de toxicité chez le rat, deux modèles animaux classiques. Cette preuve de concept, comme on dit dans le jargon, convainc début 2013 l’un des géants pharmaceutiques, le britannique AstraZeneca. Il signe à Moderna un chèque de 240 millions de dollars – « payés en cash le jour de la signature » – pour développer différentes thérapies à base d’ARN messager.

      Mais Moderna, nous l’avons vu, a un talon d’Achille : elle ne dispose alors pas du brevet sur la technologie conçue par UPenn pour fabriquer un ARN messager inoffensif pour l’organisme. Ses scientifiques espèrent initialement faire aussi bien, mais toutes les pistes explorées finissent en impasse. « On voyait bien que la technologie de UPenn était meilleure, mais on ne comprenait pas pourquoi », reconnaît aussi Stéphane Bancel. Il finira par débourser 75 millions de dollars en 2018 (63 millions d’euros) pour obtenir une licence, que son concurrent BioNTech acquerra aussi.

      En parallèle de ses partenariats avec des géants des secteurs – AstraZeneca, mais aussi Merck –, Moderna conclut des accords avec les institutions qui comptent dans le domaine des maladies infectieuses : la Barda et la Darpa, les services de recherche des départements de la santé et de la défense des Etats-Unis ; la Fondation Gates, au cœur de l’effort mondial sur les vaccins ; et surtout les Instituts américains de la santé, les fameux NIH.

      Le temple de la recherche médicale américaine, installé à Bethesda (Maryland), non loin de Washington, ne s’est pas fait prier pour participer à l’aventure. Il faut dire que le patron de son département des maladies infectieuses, Anthony Fauci, a guidé les premiers pas de Drew Weissman et n’a jamais perdu de vue le pionnier de UPenn. Le responsable du laboratoire de pathogenèse virale, Barney Graham, a même essayé de l’embaucher en 2000, avant de collaborer avec lui sur un vaccin contre la grippe. Au NIH, l’ARN messager est donc suivi de près.

      Une blague qui tourne au défi

      Aussi, lorsque Moderna vient trouver Barney Graham en 2014 pour lui proposer de collaborer, le chercheur n’hésite pas. Avec un partage des tâches évident : au NIH la conception de l’antigène, cette protéine qui déclenche la production d’anticorps par le système immunitaire ; Moderna s’occupera du reste, de la fabrication de l’ARN et de son acheminement vers les cellules. Un vaccin expérimental contre le virus respiratoire syncytial (RSV) est mis en chantier, puis, en 2016, un vaccin contre Zika. « Le niveau de réponse immunitaire était déjà impressionnant », se souvient Barney Graham. En 2017, enfin, les deux parties lancent un programme de préparation aux pandémies virales liées aux maladies émergentes. Parmi elles, les nipavirus mais aussi les coronavirus.

      En septembre 2019, lors de la revue annuelle des différents projets au siège du NIH, Stéphane Bancel arrive triomphant avec de nouvelles données cliniques. Il annonce : « Avec notre technologie, il nous suffit de soixante jours pour mettre au point un vaccin et démarrer un essai clinique. » « Tout le monde s’est mis à rigoler », s’amuse-t-il. La blague tourne cependant vite au défi. Sûr de lui, le chef d’entreprise propose à Anthony Fauci de lui envoyer la séquence d’un nouveau MERS, le coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient, et de « mettre en marche le chrono » jusqu’à réception des vaccins qui doivent servir à la première phase des essais cliniques. Le vétéran des maladies infectieuses lui répond « Chiche ! » et l’exercice est programmé pour le deuxième trimestre de 2020.

      L’équipe est entre-temps rattrapée par la réalité. C’est pendant ses vacances dans le sud de la France, au lendemain du réveillon, que Stéphane Bancel lit pour la première fois dans le Wall Street Journal un article sur une nouvelle maladie respiratoire en Chine. Il le photographie et l’envoie à Barney Graham. « Je lui ai demandé : “C’est quoi ce truc ? !” Et il m’a répondu : “On ne sait pas encore, cela fait deux jours qu’on est dessus.” »

      Au Forum économique de Davos, du 21 au 24 janvier, Stéphane Bancel commence à comprendre que le virus ne menace pas seulement la Chine mais toute la planète. Deux infectiologues l’alertent sur la contagiosité du virus. « Il était clair que le R0 [le taux de reproduction de base du virus] était très élevé », relate-t-il. Il tape « Wuhan » sur Google Maps, puis sur Wikipedia, alarmé de découvrir que ce nouveau coronavirus se propage sans contrôle dans cette ville industrielle de 11 millions d’habitants. La liste des vols directs depuis la capitale du Hubei vers le reste du monde ne lui laisse guère de doute : « Le virus a déjà commencé à voyager partout. »

      Une mise au point express

      Attendu au conseil d’administration de la société Qiagen en Allemagne, il s’excuse et prend un vol pour Washington, où une réunion de crise est organisée avec toute l’équipe du NIH. Les équipes de Moderna travaillent déjà depuis le 13 janvier sur un candidat vaccin, mais impossible d’avancer sans l’aide de Barney Graham, qui a conçu l’antigène à présenter au système immunitaire. Le 24 février, Moderna envoie au NIH ses premiers lots cliniques. Quarante-deux jours se sont écoulés, du jamais-vu.

      De l’autre côté de l’Atlantique, BioNTech fait vite figure de premier challenger. Parce qu’il a, contrairement à CureVac, lui aussi payé au prix fort une licence pour exploiter l’ARN modifié inventé par Katalin Kariko, mais aussi parce qu’il a réagi immédiatement. « Ugur a tout de suite pris au sérieux le virus venu de Chine, se souvient celle qui occupe désormais le poste de vice-présidente. Il a dit à tout le staff que la pandémie n’épargnerait pas l’Allemagne, que c’était une occasion mais surtout un devoir de montrer ce que pouvait faire notre technologie. Et il a basculé tout notre programme de vaccination dessus. »

      Depuis 2017, la start-up orientée sur le cancer s’est diversifiée, en même temps qu’elle se cherchait des partenaires. Ugur Sahin a acquis la conviction que l’ARN messager peut bouleverser le traitement des maladies infectieuses. Mais aussi leur prévention. Il se tourne vers Pfizer. Pour le docteur Sahin, le géant pharmaceutique américain (88 000 employés) dispose d’une solide force de frappe mais aussi d’un atout particulier : la responsable de son département vaccin, Kathrin Jansen, est allemande elle aussi. On la dit intraitable, lui apprécie son scepticisme affiché et les questions pointues qu’elle lui adresse. Le courant passe. « Cette technologie n’avait pas encore fait ses preuves, a-t-elle raconté au Wall Street Journal. Mais potentiellement, elle avait tout pour faire de meilleurs vaccins contre la grippe. » Or la grippe, avec ses mutations constantes, exige une nouvelle injection chaque année, ce qui en fait un marché de choix.

      Accord conclu août 2018. L’excellence technique de l’un, l’expérience industrielle de l’autre : le projet avance vite et un essai clinique est programmé pour 2020. Jusqu’à l’entrée en scène du nouveau virus en couronne. La moitié des 1 500 employés de BioNTech s’y consacrent. Ils étudient le génome envoyé par les Chinois, sélectionnent les meilleures cibles, celles capables de créer la réponse immunitaire la plus performante, les ARN les plus prometteurs, et retiennent vingt formules, puis quatre. Mais comment s’attaquer seul à une pandémie qui devient mondiale ? Alors Sahin rappelle Kathrin Jansen début mars et lui propose une collaboration. Partage des coûts de développement restants, partage des bénéfices, mais BioNTech conservera la propriété exclusive du produit. La réponse est immédiate et positive. L’accord est rendu public le 18 mars.

      La suite est mieux connue. Pendant tout le printemps, Moderna caracole en tête. On évoque son duel avec l’autre favori, le vaccin d’AstraZeneca et de l’université d’Oxford, conçu à partir d’une technologie qui a fait ses preuves : celle dite du vecteur viral. Pfizer s’est plié à la stratégie de BioNTech, que résume Katalin Kariko : « Ne communiquer que quand on a quelque chose à dire. Et encore… » (Ugur Sahin n’a jamais répondu aux demandes d’entretien du Monde). Le 27 juillet pourtant, le duo américano-allemand se lance dans la phase 3 de ses tests cliniques, cet examen à grande échelle de l’efficacité de son produit, le même jour que Moderna. Au terme de ces essais, ce dernier a annoncé lundi 30 novembre avoir déposé une demande d’autorisation d’urgence auprès de la FDA américaine et l’Agence européenne du médicament. Pfizer et BioNTech l’avaient devancé auprès de l’agence américaine et espèrent que les premières vaccinations pourront débuter au Royaume-Uni le 7 décembre. Adversaires, sur le terrain industriel et commercial. Mais pour la science et vraisemblablement pour la santé humaine, ils viennent d’écrire ensemble une impressionnante page d’histoire.

    • L’aventure scientifique des vaccins à ARN messager, 14 DÉCEMBRE 2020, MARC GOZLAN
      https://www.lemonde.fr/blog/realitesbiomedicales/2020/12/14/laventure-scientifique-des-vaccins-a-arn-messager

      Drew Weissman et Norbert Pardi abordent cette question dans un ouvrage intitulé DNA Vaccines (Humana Press, avril 2020). Selon eux, l’ARN n’a aucun moyen connu lui permettant de s’intégrer dans l’ADN, à moins qu’il ne soit préalablement « rétrotranscrit » en ADN. Ces experts soulignent que cette possibilité, théorique, nécessiterait que la cellule possède l’enzyme transcriptase inverse, capable de copier l’ARN en ADN, comme lors de l’infection par un rétrovirus (par exemple, le virus du sida) ou à partir de séquences d’ADN correspondant à des éléments transposables (rétrotransposons).

      Cette hypothèse impliquerait donc forcément la survenue d’une étape supplémentaire, jugée improbable, et ce d’autant plus que tout ARN est rapidement dégradé après avoir été traduit en protéine. Même si la copie ADN de l’ARN s’intégrait dans le génome, elle serait de tout façon dépourvue des séquences lui permettant de provoquer une surexpression de gènes à proximité du site d’intégration, soulignent les chercheurs. Et de conclure que des recherches sont nécessaires pour déterminer si une intégration de l’ARN dans le génome pourrait se produire en cas d’infection rétrovirale.

      le premier et le plus complet des articles publiés dans la presse (un blog...) française

      #Katalin_Karikó #vaccin_anti_cancer #infectiologie #H1N1 #Ebola

  • Le sens du toucher fait son entrée dans la réalité virtuelle
    https://www.lemonde.fr/sciences/video/2021/06/25/le-sens-du-toucher-fait-son-entree-dans-la-realite-virtuelle_6085667_1650684

    Imaginez que l’on puisse toucher et interagir avec les objets dans un environnement virtuel. L’immersion serait encore plus grande. Grâce aux recherches en haptique – la science du toucher – menées à l’Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires, à Rennes, le sens tactile devrait bientôt faire son entrée dans la réalité virtuelle qui, jusqu’ici, se contente de solliciter vue et ouïe. Une expérience à découvrir dans ce reportage diffusé avec CNRS Le Journal.

    #science #recherche_scientifique #haptique #réalité_virtuelle #toucher #vidéo #rennes #laboratoire_de_recherche #sens_du_toucher

  • Intelligence artificielle et grand capital, même combat, d’après Pablo Jensen
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/06/10/intelligence-artificielle-et-grand-capital-meme-combat-d-apres-pablo-jensen_

    Dans « Deep Earnings », le physicien français décèle un lien inattendu entre les réseaux de neurones connectés et le néolibéralisme. Et en vient à proposer une nouvelle organisation politique, exempte de leurs défauts.

    Par David Larousserie
    Publié aujourd’hui à 06h30

    Voici un livre court et stimulant, qui repose qui plus est sur une belle surprise. Le physicien Pablo Jensen tire un fil inattendu pour relier l’une des innovations techniques majeures de ces dernières années à l’une des théories économiques ayant le plus imprimé sa marque dans nos sociétés. A savoir les réseaux de neurones artificiels, ou apprentissage profond, et le néolibéralisme. En une centaine de pages, l’auteur, après avoir défini ces deux concepts, expose des analogies fécondes entre eux. Et les trouvant tous les deux limités, il esquisse des pistes tant scientifiques que politiques pour en corriger les défauts.

    A l’origine de ce rapprochement inattendu, il y a la sixième référence bibliographique d’un article paru en 1958 sous la plume de Frank Rosenblatt, décrivant le premier réseau de neurones artificiels, le Perceptron. La note pointe vers un livre de 1952 de psychologie théorique d’un futur Nobel d’économie, l’Autrichien Friedrich Hayek, considéré comme un des penseurs du néolibéralisme, qui met l’accent sur la concurrence et le marché.

    Quels rapports entre les deux ? En fait, Hayek cherchait à décrire l’émergence de nos sensations avec des lois physiques. Il voulait aussi comprendre comment un ordre peut émerger de tant de cerveaux différents. Et c’est assez proche de ce que réalise un algorithme d’intelligence artificielle, tel que le Perceptron ou ses successeurs : il se construit en ajustant ses millions de paramètres de manière à répondre parfaitement à une série de questions.

    Ordre spontané

    Cela rejoint la vision que développe Hayek des sociétés et de l’économie. Les neurones sont les agents d’un marché. L’architecture neuronale correspond à l’organisation de ce marché. Les « stimuli » sur les neurones sont les prix. Finalement, sans fixer de règles générales individuelles, il émerge dans les deux cas une réponse ou un prix qui correspond aux objectifs généraux fixés. Un ordre spontané a surgi sans que personne puisse vraiment l’anticiper et, surtout, ne puisse l’expliciter.

    Néanmoins, cela comporte quelques défauts. Par exemple, l’IA résout des questions complexes, mais n’aide pas toujours à comprendre pourquoi telle réponse est advenue, apportant finalement peu de connaissances sur le monde qu’elle décrit. Politiquement, le néolibéralisme apparaît « autoritaire » puisqu’il évacue la question centrale des objectifs généraux des marchés et soumet donc les individus à des lois qui leur échappent.

    En conclusion, Pablo Jensen, qui avait déjà décrit les difficultés à mathématiser les individus dans Pourquoi la société ne se laisse pas mettre en équations (Seuil, 2018), ose proposer une organisation politique n’ayant pas les défauts du néolibéralisme ou des IA. Un soupçon de « planification » pour disposer de règles. Une pincée de « marché » pour se sortir de situations complexes. Un brin de « communs » pour des organisations aux objectifs débattus collectivement. Et beaucoup d’intelligence pour imbriquer et relier ces trois « outils » ensemble. Facile.

    « Deep Earnings », de Pablo Jensen (C & F éditions, 98 pages, 15 euros).
    David Larousserie

    #Pablo_Jensen #Deep_earnings

  • Bras de fer judiciaire entre Didier Raoult et une spécialiste de l’intégrité scientifique
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/05/18/bras-de-fer-judiciaire-entre-didier-raoult-et-une-specialiste-de-l-integrite

    L’infectiologue marseillais et un de ses lieutenants portent plainte pour « harcèlement, tentative de chantage et d’extorsion » contre la biologiste Elisabeth Bik, qui s’est interrogée sur plusieurs de leurs travaux sur le site PubPeer.

    « Une cinglée », « une fille qui me traque », « une chasseuse de sorcière », « chercheur raté »… Tels sont les qualificatifs que le professeur à l’université Aix-Marseille et directeur de l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection, Didier Raoult, a employés ces derniers mois pour décrire Elisabeth Bik, ancienne biologiste, désormais consultante aux Etats-Unis sur les questions d’intégrité scientifique pour des universités. « Elle fait le bousier », « une mercenaire qui n’obéit qu’à l’argent », renchérit sur son compte Twitter Eric Chabrière, autre professeur d’Aix-Marseille, qui a envoyé à Elisabeth Bik par ce canal l’affiche de la comédie Les Ripoux, tout comme il traite le ministre Olivier Véran et d’autres de « Khmers blancs ».

    Ces propos peu amènes se sont accompagnés d’une plainte, déposée par les deux professeurs le 29 avril auprès du procureur de Marseille, contre Elisabeth Bik, pour « harcèlement, tentative de chantage et d’extorsion ». Par ailleurs, Boris Barbour, chercheur au CNRS, est visé pour complicité de ces chefs d’accusation, en tant que responsable du site américain PubPeer, qui publie des critiques, anonymes ou publiques, sur des articles scientifiques. Il nous a indiqué ne pas souhaiter s’exprimer à ce stade.

    « Tant que l’on reste sur les critiques scientifiques, cela est bénéfique à la science. Mais là, ça dépasse les bornes et empêche mes clients de travailler », justifie Brice Grazzini, l’avocat des deux professeurs marseillais, qui ont répondu aux questions du Monde par son truchement. Il évoque les messageries saturées de ses clients sous l’effet des mails automatiques envoyés par PubPeer et des sollicitations des éditeurs de journaux scientifiques. La tentative de chantage s’appuierait sur le fait qu’Elisabeth Bik, dans un de ses tweets publics du 27 novembre 2020 (sous le nom MicrobiomDigest), suggérait à l’IHU de la soutenir par un site de financement participatif. L’ironie du propos, soulignée par un smiley, a apparemment échappé aux chercheurs marseillais. « Cette procédure est faite pour m’intimider », considère la biologiste – qui a par ailleurs visiblement été la cible d’une attaque coordonnée sur Twitter, de nombreux comptes ayant diffusé, le 24 mars 2020 à 8h13, un message identique mettant en cause sa probité.

    Trois types d’anomalies
    Depuis mars 2020, et la publication d’articles de l’IHU à la méthodologie contestée sur les bénéfices de l’hydroxychloroquine, Elisabeth Bik a posté sur PubPeer près de 60 commentaires sur autant d’articles cosignés par Didier Raoult. D’autres contributeurs, anonymes pour la plupart, font monter le total des articles commentés à plus de 240 (sur les 3 500 environ de la production de l’infectiologue). Eric Chabrière, coauteur d’une vingtaine d’articles avec Didier Raoult, est l’objet de près de trente commentaires (dont une dizaine rédigés par Elisabeth Bik). Cette grande quantité est l’un des arguments appuyant la plainte en harcèlement.

    #paywall

  • Une fusée chinoise s’apprête à faire un retour incontrôlé sur Terre
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/05/06/une-fusee-chinoise-s-apprete-a-faire-un-retour-incontrole-sur-terre_6079279_


    La fusée chinoise Longue-Marche 5B à son décollage sur le site de lancement de Wenchang, le 29 avril 2021.
    AP

    Le Pentagone suit de près le parcours imprévisible de la fusée Longue-Marche 5B, lancée il y a une semaine. La probabilité est grande qu’elle s’abîme en mer, la surface de la Terre étant composée à 70 % d’eau.

    Le Pentagone a fait savoir, mercredi 5 mai, suivre à la trace la fusée chinoise qui doit effectuer ce week-end une rentrée incontrôlée dans l’atmosphère, avec le risque de s’écraser dans une zone habitée. Le ministre américain de la défense, Lloyd Austin, « est informé, et il sait que le Commandement pour l’espace suit à la trace, littéralement, ce débris de fusée », a déclaré le porte-parole du Pentagone, John Kirby.

    La Chine a lancé, jeudi, le premier des trois éléments de sa station spatiale, la « CSS », qui a été propulsé par une fusée Longue-Marche 5B. C’est le corps de cette fusée qui doit atterrir dans les prochains jours, et personne ne sait où. « C’est quasiment le corps de la fusée, si j’ai bien compris. Il est presque intact », a-t-il ajouté, précisant que la rentrée dans l’atmosphère est prévue « autour de samedi ».

    Après la séparation du module spatial, le lanceur s’est mis à tourner en orbite autour de la planète selon une trajectoire irrégulière, perdant lentement de l’altitude, ce qui rend toute prédiction sur son point d’entrée dans l’atmosphère, et donc son point de chute, quasiment impossible.

    Une destruction possible
    Il est possible qu’elle se désintègre à l’entrée dans l’atmosphère, ne laissant que des débris limités s’écraser. Et si elle reste entière, la planète étant composée à 70 % d’eau, il y a de fortes chances que la fusée s’abîme en mer, mais ce n’est pas sûr. Elle pourrait s’écraser sur une zone habitée ou sur un navire.

    Questionné sur la possibilité que le débris spatial soit détruit si des zones terrestres sont menacées, le porte-parole du Pentagone a répondu qu’il était « trop tôt » pour le dire. « Nous le surveillons, nous le suivons d’aussi près que nous pouvons », a-t-il dit. « Mais il est tout simplement trop tôt pour savoir où il va aller et s’il y a quelque chose à faire. »

    Ce n’est pas la première fois que la Chine perd le contrôle d’un vaisseau spatial lors du retour sur Terre. En avril 2018, un laboratoire spatial Tiangong-1 s’était désintégré à la rentrée dans l’atmosphère, deux ans après qu’il eut cessé de fonctionner. Les autorités chinoises avaient nié que le laboratoire avait échappé à leur contrôle.

  • Thomas Pesquet paré pour un nouveau décollage vers l’espace : « On sait quand ça va faire mal, quand ce sera long, quand ce sera difficile »
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/04/17/thomas-pesquet-pare-pour-un-nouveau-decollage-vers-l-espace-on-sait-quand-ca

    il faut voir que les vols habités, pour l’ESA, c’est 500 millions d’euros par an, ce qui fait environ un euro par Européen. *A titre de comparaison, les dépenses militaires des Etats-Unis, c’est 600 milliards d’euros par an, celles de la France plus de 50 milliards par an… et nos 500 millions d’euros, c’est moins que le budget annuel du PSG.* Dans l’absolu, par rapport à un SMIC, on va choquer les gens en disant que le vol habité n’est pas cher, mais si on le met en regard de choses comparables, c’est beaucoup moins coûteux que ce que l’on imagine.

    #armement #budget #armée #espace

  • Vraiment super :
    De premiers embryons chimériques homme-singe ont été créés

    Deux équipes, l’une française, l’autre sino-américaine, ont cultivé durant trois à dix-neuf jours des embryons de macaques, dans lesquels ils avaient ajouté des cellules humaines. Si ces travaux offrent, à terme, la promesse de progrès biomédicaux, notamment pour la médecine régénérative, ils suscitent un profond questionnement éthique.

    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/04/15/de-premiers-embryons-chimeriques-homme-singe-ont-ete-crees_6076911_1650684.h

    https://justpaste.it/838rd

    #pierreboulle