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  • « Ces jobs sont destructeurs » : la nouvelle vie des ingénieurs déserteurs, plus alignée avec leurs valeurs
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/11/15/ces-jobs-sont-destructeurs-la-nouvelle-vie-des-ingenieurs-deserteurs-plus-al

    « Là, tu vois, je suis pieds nus, en train de marcher dans l’herbe, avec une vue sur le potager en fleurs », savoure Paul Saada, 24 ans, diplômé de l’INSA Lyon. Le jeune ingénieur rit encore de sa trajectoire improbable : lui qui a grandi dans le moule des « très bons élèves », puis étudié dans une grande école, vit désormais en collectivité, dans un château à Forges (Seine-et-Marne). Rebaptisé Campus de la transition, le lieu se veut « radical, mais pas en marge de la société », nuance-t-il. Sur place, ils sont une quinzaine : chercheurs, ingénieurs en rupture, enseignants, mais aussi cuisiniers, jardiniers, artisans, bénévoles… Tous participent de près ou de loin au même projet : transformer l’enseignement supérieur pour y intégrer les enjeux de la transition écologique.

    https://archive.ph/DGguM

    Je ne nie pas qu’il y ait un réel problème chez celles ou ceux qui ont choisi cette profession mais l’article est assez caricatural avec sa façon de présenter ces ingénieur·es un peu "solastalgiques" avec leur "retour à la terre" #baba_cool_friendly

  • #Palestine au #Collège_de_France : la protestation de #François_Héran

    _Titulaire de la chaire « Migrations et sociétés » au Collège de France, François Héran rend publique la lettre qu’il a adressée à son administrateur, Thomas Römer, à propos de l’#annulation du #colloque sur la Palestine de son collègue #Henry_Laurens._

    Paris, 9 novembre 2025

    Lettre à #Thomas_Römer,
    administrateur du Collège de France

    Cher Thomas,

    Malgré mon nouveau statut de retraité, tu as bien voulu m’inclure parmi les destinataires de ton message sur l’annulation du colloque de notre collègue Henry Laurens. Je t’en remercie.

    En lisant ton message envoyé à la presse, je découvre que, loin d’être l’apanage du #wokisme, la #cancel_culture peut aussi inspirer l’administration du Collège. Il fallait du courage pour donner des leçons d’#objectivité et d’#intégrité_scientifique à Henry Laurens, qui compte seulement à son actif quelques dizaines d’ouvrages sur la question d’Orient et les affaires de Palestine. Notre collègue, à l’évidence, ne maîtrise pas les enjeux du débat dans un domaine aussi brûlant.

    Il était bon de rappeler aussi qu’en la matière, les partis pris d’un hebdomadaire bien connu pour son traitement rigoureux des faits ont plus de #légitimité qu’un professeur occupant sa chaire depuis vingt-deux ans. On se demande comment ce dernier a osé inviter à son colloque un ancien chef de la diplomatie de l’UE ou un ancien premier ministre, aux côtés d’intervenants capables d’exprimer un large éventail de savoirs et d’opinions, alors qu’il était si simple d’inviter uniquement des intervenants validés par la #Licra.

    Ton message me suggère qu’une révision du règlement intérieur du Collège s’impose de toute urgence :

    Les professeurs qui souhaitent traiter de questions d’#actualité dans des colloques, des cours ou des séminaires risquant de donner lieu à #controverses, devront désormais soumettre la liste des participants à l’autorisation de l’administrateur.

    1. Ils devront également s’assurer de l’assentiment du ministre de la Recherche. Si l’on objecte que la détention d’un doctorat d’informatique ne donne aucune légitimité à intervenir dans des questions de science politique ou d’orientalisme (selon le principe de la séparation des ordres posé en d’autres temps par Pascal), on rappellera dûment aux professeur-es qu’il n’y a pas de plus haute autorité qu’un tweet ministériel.
    2. Le recrutement des professeur-es sera désormais soumis au tribunal de l’opinion publique et médiatique, selon une procédure à déterminer.
    3. Le règlement intérieur proclamera dans son préambule que la notion d’« #engagement », jadis inhérente au libre exercice de la recherche, est désormais désuète. Elle sera donc bannie du Collège. Il faudra effacer de la mémoire de notre institution toute référence aux grands intellectuels, littéraires ou scientifiques, qui se sont aventurés à sortir de la « #neutralité » telle qu’elle est strictement définie dans ton message et dans celui du ministre. On veillera aussi à tenir compte de cet impératif dans la préparation du 500e anniversaire de la fondation du Collège.

    Ces modifications du règlement contribueront, je n’en doute pas, à défendre le Collège. La fable se trompe : mieux vaut la prospérité du Chien que l’indépendance du Loup.

    En te renouvelant, cher Thomas, mes meilleures salutations,

    In dubio pro libertate
    François Héran*

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    Post Scriptum : l’argumentaire du colloque

    Ayant choisi de rendre publique ma lettre à l’administrateur du Collège de France, j’ajoute l’argumentaire du colloque, qui a été transmis à l’ensemble des professeurs. Comme à l’accoutumée chez Henry Laurens, c’est de la science historique de haut niveau, précise et rigoureuse. Pas une ligne, pas un mot, qui justifie le soupçon d’antisémitisme.

    Avec l’ouverture de la « question d’Orient » dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, la Palestine, qui dispose du statut particulier de Terre sainte, devient le lieu névralgique des relations internationales européennes. Durant les décennies qui précèdent la Grande Guerre, les luttes d’influence entre les puissances européennes se multiplient, chacune se présentant comme la protectrice d’une communauté religieuse. Alors que la France et la Russie étendent respectivement leur influence sur les catholiques et les orthodoxes, les Anglais se présentent comme les protecteurs des juifs en Palestine. C’est dans ce cadre que s’inscrit le mouvement sioniste.

    Si la France se voit reconnaître une primauté d’influence à l’issue des guerres balkaniques, les Britanniques profiteront de l’alliance nouée avec le mouvement sioniste lors de la Première Guerre mondiale pour s’arroger un mandat sur la Palestine. La période du mandat britannique est essentielle pour la mise en place des acteurs contemporains que sont le mouvement national palestinien et le mouvement sioniste. Pris dans une double obligation entre les uns et les autres, les Britanniques sont dans l’incapacité de trouver une solution politique satisfaisante pour les deux parties, que ce soit un État palestinien unitaire, une division en cantons ou un partage territorial. Ils doivent ainsi faire face à une révolte palestinienne, puis à une révolte juive. Non sans arrière-pensées, ils délèguent le dossier à l’ONU qui, avec le vote du plan de partage de novembre 1947, provoque une guerre entre Arabes et sionistes, puis, après le 15 mai 1948, une guerre israélo-arabe.

    Dans ce conflit de longue durée, les Européens s’identifient largement à l’État d’Israël. Dans les années 1950 et 1960, la France et l’Allemagne lui fournissent les armements qu’il demande, mais la priorité pour l’État hébreu est d’obtenir l’aide militaire américaine, qui ne devient substantielle qu’après la guerre de juin 1967.Après cette guerre, les « discussions à quatre » voient un rapprochement des positions de la Grande-Bretagne et de la France sur la nécessité d’un retrait des territoires occupés contre une reconnaissance de l’État d’Israël, mais la question de la prise en compte du facteur palestinien reste ouverte.

    S’ouvre ainsi un dialogue euro-arabe. Ce dernier mènera à la résolution de Strasbourg de 1975, appelant Israël à se retirer des territoires palestiniens occupés et à reconnaître les droits nationaux du peuple palestinien, puis à une nouvelle déclaration en 1977 appelant à la création d’une patrie pour le peuple palestinien, et marquant pour la première fois l’opposition européenne à la construction de colonies israéliennes dans les territoires occupés. L’étape la plus importante demeure la déclaration de Venise du 13 juin 1980, qui parle de solution juste et préconise l’intégration de l’OLP dans les discussions de paix.

    Deux niveaux d’action sont à considérer. Le premier est celui de la politique propre à chaque État, le second est celui de l’action collective de la Communauté, devenue Union européenne, le tout étant pris dans le jeu complexe des relations transatlantiques. De fait, la présence de l’Union est forte dans le domaine économique, aussi bien par le traité d’association UE-Israël, qui fait de l’État hébreu le premier partenaire commercial de l’Union, que par le financement des institutions palestiniennes à partir du processus d’Oslo. Néanmoins, l’Europe n’est que simple observatrice des négociations du processus d’Oslo, et si le « quartet » des années 2000 lui reconnaît un rôle, c’est dans un cadre impuissant à faire accepter une solution politique satisfaisante.

    L’Europe est ainsi prise entre le poids de son héritage colonial et impérial, son identification culturelle avec Israël, la charge représentée par sa culpabilité dans la destruction des juifs d’Europe durant la Seconde Guerre mondiale, l’importance de ses relations économiques, technologiques et scientifiques avec l’État hébreu, la montée de l’indignation d’une partie de son opinion publique, marquée par l’accusation d’apartheid et aujourd’hui de génocide dans la guerre de Gaza.

    La question est de savoir si les États européens vont, dans leur grande majorité, reconnaître l’État palestinien et exercer des pressions envers l’État hébreu, en particulier dans le domaine de l’économie, ou s’il s’agit là plutôt de faux-semblants destinés à masquer une impuissance, voireune adhésion, liées à leurs héritages historiques et à leurs engagements géopolitiques. Il n’en reste pas moins que l’Europe, dans sa globalité, est un des grands théâtres d’affrontements du conflit israélo-palestinien, en particulier dans les opinions publiques. En un sens, c’est une bonne part de l’identité européenne qui est en jeu, aussi bien dans l’interprétation de son passé que dans la définition de son identité à venir.

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    Adage juridique latin : Dans le doute, pour la liberté
    *
    François Héran explique l’immigration à Bruno Retailleau

    https://blogs.mediapart.fr/francois-heran/blog/101125/palestine-au-college-de-france-la-protestation-de-francois-heran-0

    #censure #France

    • Annulation d’un colloque sur la Palestine : lettre du conseil académique de « #Jewish_Voice_for_Peace »

      Plus de 120 universitaires représentant le Conseil académique de l’organisation américaine Jewish Voice for Peace expriment leur #inquiétude et leur #indignation face à l’#annulation par le Collège de France du colloque « Palestine et Europe ». « Lorsqu’une institution aussi prestigieuse se laisse contraindre à censurer des activités universitaires, elle risque de perdre son #indépendance et son intégrité académiques, mais elle crée également un précédent inquiétant. »

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      À Thomas Römer, administrateur du Collège de France
      et Philippe Baptiste, Ministre de l’Enseignement supérieur
      Le 10 novembre 2025

      Le Conseil académique de Jewish Voice for Peace* écrit pour exprimer son inquiétude et son indignation face à l’annulation par le Collège de France du colloque « Palestine et Europe », sur la base d’#attaques_médiatiques infondées et de #pressions exercées par le ministère français de l’Éducation.

      Nous comprenons que l’annulation du symposium, prévu depuis plusieurs mois, n’est intervenue qu’après la publication d’un article dans l’hebdomadaire conservateur français #Le_Point, le 7 novembre, qualifiant à tort le symposium de promoteur de l’#antisémitisme, ce qui a incité le ministre de l’Enseignement supérieur, #Philippe_Baptiste, à l’annuler, ce qu’il a fait. De plus, la justification fournie pour cette décision recherchait le recours à l’excuse fallacieuse de « garantir la rigueur scientifique », bien qu’aucune preuve n’ait été fournie à l’appui de cette affirmation. En effet, comme cela s’est déjà produit auparavant, cette justification s’avère être un bouclier pour commettre une #injustice, en censurant de manière injuste la #recherche_scientifique légitime et les conférences consacrées à sa diffusion.

      En tant que plus de 120 universitaires issus de diverses disciplines représentant le Conseil académique de Jewish Voice for Peace*, nous représentons un large éventail de domaines académiques liés aux études juives et l’histoire de l’antisémitisme, y compris les études sur le génocide. Nous nous opposons à toute forme d’antisémitisme, comme nous nous opposons à toutes les formes de racisme. Nous rejetons également tous les efforts visant à utiliser l’ accusation d’antisémitisme à des fins de censure ou pour supprimer des points de vue sur Israël et la Palestine qui devraient être entendus et discutés. L’accusation d’antisémitisme doit être réservée à toutes les occasions où elle est véritablement méritée. Mais l’utilisation fallacieuse et spécieuse de cette accusation pour mettre fin à des travaux universitaires légitimes et à un débat ouvert non seulement sape sa force morale, mais sert les objectifs de la censure. Au contraire, nous vous exhortons à défendre les principes largement partagés de la #liberté:universitaire : la publication et la diffusion des travaux universitaires, la libre recherche dans les #universités et le #débat_public dans les sociétés démocratiques.

      Nous connaissons bien les travaux universitaires des participants cités dans le projet de symposium et attestons de la grande qualité de leurs recherches universitaires et de leurs présentations publiques : leurs publications répondent aux normes les plus élevées en matière de #rigueur_académique, d’ #impartialité et d’#érudition. Il n’y a aucune preuve d’antisémitisme dans le programme qui a été publié, et toute allégation contraire repose sur une fausse représentation de ces universitaires et de leurs travaux. Les participants sont issus de certaines des plus prestigieuses universités d’Europe, où leurs travaux universitaires ont été entièrement examinés et approuvés. Le programme du symposium reflète à juste titre l’état actuel des discussions universitaires et des débats publics sur #Gaza et #Israël/#Palestine de manière plus générale. Nous vous exhortons à ne pas supprimer les discussions universitaires sur des questions d’#intérêt_public, même lorsque les passions s’exacerbent. Seul un engagement en faveur d’une vie intellectuelle ouverte et fondée sur des preuves peut permettre de replacer ces questions dans leur juste perspective et servir à la fois les objectifs universitaires et un débat public éclairé.

      Nous attirons votre attention sur les calomnies proférées par la LICRA, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme. Non seulement cette organisation mène une campagne diffamatoire contre le symposium , mais elle est depuis longtemps considérée comme un groupe dont la crédibilité scientifique est très limitée, concentrant ses efforts sur des campagnes visant à attiser les peurs et à enflammer la haine anti-arabe/musulmane/palestinienne. Le ministère de l’Enseignement supérieur et le Collège de France ne devraient pas se laisser influencer par un groupe dont les références scientifiques sont manifestement faibles et dont les objectifs sont polémiques, diffamatoires et incendiaires, sapant ainsi les critères mêmes des normes intellectuelles appliquées dans les universités françaises les plus prestigieuses. De plus, les établissements d’enseignement ont l’obligation, en période de tensions politiques exacerbées, d’acquérir et de diffuser des connaissances, de prendre en considération un large éventail de points de vue et de créer les conditions propices à un débat et à un jugement publics éclairés. Le #colloque que vous avez annulé proposait précisément cela.

      Lorsqu’une institution aussi prestigieuse que le Collège de France se laisse contraindre à censurer des activités universitaires, elle risque non seulement de perdre son #indépendance et son intégrité académiques, mais elle crée également un précédent inquiétant pour les universités qui luttent pour maintenir leurs normes internes et leurs procédures d’autogestion en ces temps de plus en plus autoritaires.

      Soyons clairs : la décision d’annuler cet événement important est un acte de censure, qui permet aux propos arbitraires et incendiaires circulant dans les médias de servir de base à une décision qui aurait dû être, et qui devrait être aujourd’hui, selon toute norme raisonnable, de soutenir le symposium et ses objectifs. Lorsque des sujets « sensibles » sont ouvertement abordés et débattus par le public, les points de vue scientifiques peuvent être affinés et diverses perspectives peuvent être ouvertement discutées et débattues. La communauté universitaire internationale s’est traditionnellement appuyée sur le Collège de France pour maintenir ces normes, malgré les demandes croissantes des groupes politiques et des responsables gouvernementaux. C’est ni plus ni moins que son #autonomie très admirée qui est en jeu, une autonomie qui a inspiré les collèges et les universités du monde entier. Nous appelons donc le Collège de France à maintenir ses principes les plus élevés et à revenir sur sa décision, afin de permettre au symposium de se dérouler avec son programme publié et important.

      Nous demandons également au ministère français de l’Enseignement supérieur de revoir le processus qui a conduit à une décision aussi malavisée, privilégiant une opinion publique incendiaire et mensongère au détriment de critères scientifiques. Cette décision aurait dû refléter l’autonomie de l’université. Le refus de modifier le jugement scientifique ou professionnel en réponse à une intervention extérieure aurait défendu cette autonomie et reflété à la fois les normes scientifiques du Collège et son attachement à la liberté académique et à la liberté de recherche.

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      *Le Conseil académique de Jewish Voice for Peace est un réseau de chercheurs qui se consacrent à la promotion de la vision et des valeurs de JVP https://www.jewishvoiceforpeace.org. Forts de notre engagement commun en faveur des valeurs juives progressistes et de la libération de la Palestine, nous organisons des actions de solidarité avec la lutte pour la liberté du peuple palestinien dans les milieux éducatifs et universitaires. Nous mettons à profit nos compétences en tant que chercheurs, éducateurs et écrivains pour développer une analyse critique de la censure contemporaine sur la Palestine. Nous nous opposons à l’utilisation de l’accusation d’antisémitisme pour censurer ou criminaliser les discours critiques à l’égard du traitement réservé aux Palestiniens par l’État d’Israël. Nous défendons les droits du travail, la liberté académique et les droits d’association dans l’enseignement supérieur et confirmons les valeurs fondamentales de Jewish Voice for Peace.

      https://blogs.mediapart.fr/jewish-voice-peace-conseil-academique/blog/111125/annulation-dun-colloque-sur-la-palestine-lettre-du-conseil-academiqu
      #ESR #recherche #science #enseignement_supérieur

    • Comment le Collège de France en est venu à annuler un colloque scientifique sur la Palestine

      La décision de suspendre l’événement, prise le 9 novembre par l’administrateur de l’établissement, crée un précédent. Des universitaires dénoncent le rôle joué par le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui aurait contribué à faire du colloque un « #événement_politique ».

      Pourquoi un colloque universitaire consacré à la Palestine a-t-il été annulé au Collège de France ? La question est posée après la décision prise par l’administrateur de l’établissement de déprogrammer un événement intitulé « La Palestine et l’Europe : poids du passé et dynamiques contemporaines », qui devait se tenir les 13 et 14 novembre, coorganisé par l’historien Henry Laurens et le Centre arabe de recherches et d’études politiques de Paris (Carep Paris).

      Les motivations ayant conduit à cette décision radicale – du jamais-vu depuis le Second Empire, quand le cours d’Ernest Renan fut « suspendu jusqu’à nouvel ordre » par l’empereur Napoléon III, le 26 février 1862 – interpellent dans leur enchaînement. A en croire Thomas Römer, l’administrateur du Collège de France, elle s’est imposée « en réaction à la polémique entourant la tenue » de l’événement.

      La « polémique » a démarré avec un article du Point, publié le 7 novembre. Sous le titre « Un colloque propalestinien à haut risque », le média formule l’hypothèse de « deux journées à tendance pro-Hamas ». La liste des intervenants « ne laiss[ant] aucune place au doute », « le colloque sera propalestinien, antisioniste et décolonial », décrète l’hebdomadaire. La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), interrogée, y voit même un cas d’« entrisme pur et simple ».

      « Foire antisioniste »

      Dès sa parution, l’article est posté sur X par la Licra, qui annonce « saisir » le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, car il s’agit d’un « colloque antisioniste » et d’un « dévoiement » du Collège de France. Le 8 novembre, sur Europe 1, la vice-présidente de la ligue, l’avocate Galina Elbaz, décrit les intervenants comme des « personnalités très sulfureuses qui ont toutes eu des prises de position qui flirtaient avec l’#apologie_du_terrorisme ». Une « #foire_antisioniste » où se seraient retrouvés « défenseurs du #Hamas, militants de #BDS [Boycott Désinvestissement Sanctions], éditorialistes d’#Al-Jazira », insiste la Licra.

      Ces accusations, qui insistent sur le financement du #Carep par des fonds qataris et l’accusent d’œuvrer en sous-main pour les #Frères_musulmans, indignent Salam Kawakibi, le directeur exécutif du centre de recherche. « Nous ne sommes ni des agents du Qatar ni des Frères musulmans, déclare-t-il. Nous sommes financés par un fonds privé, et nous dépendons de l’#Arab_Center_for_Policy_Studies, le plus prestigieux think tank arabe basé à Doha et qui compte des antennes à Washington, Beyrouth, Amman, Tunis, Madrid et Paris. » Le fondateur du centre, Azmi Bishara, vient plutôt de la gauche laïque. Le conseil d’orientation du Carep Paris est dirigé par Denis Bauchard, un diplomate respecté à la retraite, ayant été ambassadeur, notamment en Jordanie et au Canada.

      Le Carep a également été accusé par Le JDD d’avoir choisi à dessein le 13 novembre, qui coïncide avec le 10e anniversaire des attentats du Bataclan et des terrasses, à Paris, et du Stade de France, à Saint-Denis (Seine-saint-Denis). La date a en réalité été proposée par l’administration du Collège de France.

      Dans un communiqué annonçant l’annulation de l’événement, dimanche 9 novembre, Thomas Römer a tenu à rappeler la « stricte neutralité de l’établissement au regard des questions de nature politique ou idéologique ». En tant que « responsable de la sécurité des biens et des personnes, ainsi que de la sérénité des événements », il explique par ailleurs n’avoir d’autre choix que de renoncer « face à la polémique, mais aussi aux risques qui se manifestent autour de ce colloque ».

      Le Collège de France a indiqué au Monde, mardi 11 novembre, que le colloque « ne contrevenait pas aux règles générales en matière de #liberté_académique », mais a souligné que « la question de la pluralité des analyses a été publiquement mise en cause par différents acteurs », ce qui aurait suffi à compromettre la tenue de l’événement. « La violence des mises en cause sur les réseaux sociaux nous a fait craindre des risques liés à d’éventuels débordements aux abords et au sein de l’amphithéâtre », ajoute-t-on.

      Henry Laurens, coorganisateur du colloque au titre du Collège de France, est l’historien français le plus reconnu sur le Proche-Orient. Contacté par Le Monde, il a souhaité s’en tenir à son « devoir de réserve et aux strictes règles de la collégialité ». Des proches le disent très affecté par les accusations d’antisémitisme portées par plusieurs polémistes. Une source interne au Collège de France estime que « l’annulation du colloque est désastreuse : elle a causé plus de bruit et de dommages que n’en aurait causé sa tenue ».
      « Tout cela est assez emblématique de ce qui se passe dans le monde académique avec des approches très orientées, un regard très militant sur la question du Proche-Orient », juge, à l’inverse, Yonathan Arfi, le président du Conseil représentatif des juifs de France, qui se félicite que le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche se soit « largement fait écho du fait que cela dépassait le cadre usuel pour la #recherche_publique ». Dès l’annonce de l’#annulation du colloque, dans un tweet, le ministre, Philippe Baptiste, a en effet salué une « décision responsable d’une institution qui doit symboliser l’excellence du savoir (…) et, pour cela, être le lieu du débat dans toute sa #pluralité, ouvert à tous les courants de pensée ».

      « Je doute que vous soyez en mesure de garantir un débat »

      M. Baptiste n’a pas été un simple spectateur dans cette affaire. Au lendemain de la publication de l’article du Point, il a adressé une lettre à l’administrateur du Collège de France, que Le Monde s’est procurée. Dès les premières lignes, M. Baptiste considère que ce colloque fait l’objet d’une « vive #polémique ». « Sans préjuger des propos qui seront effectivement tenus, je ne peux que constater, à la lecture du programme, un parti pris sur un sujet délicat et fortement polémique », acte-t-il. Avant de mettre en garde M. Römer : « Au vu de ce programme, je doute que vous soyez en mesure de garantir un débat où le pluralisme des idées puisse pleinement s’exprimer. »
      Conscient que son statut de ministre « dans un Etat de droit » lui interdit d’empêcher la tenue d’une manifestation scientifique, Philippe Baptiste poursuit d’une phrase sibylline : « C’est mon rôle de le faire respecter [le code de l’éducation et le principe de liberté académique], et ce y compris dans le contexte de ce colloque, bien que je sois personnellement en profond désaccord avec l’angle retenu par celui-ci. »

      L’entourage du ministre assure au Monde que « c’est la décision exclusive du Collège de France que de choisir d’annuler le colloque » et qu’il n’y a eu « aucune pression » exercée par M. Baptiste. « Un événement comme celui-ci, avec la visibilité qu’il avait acquise au fil des jours, était porteur de risques de troubles à l’ordre public », justifie-t-on sans préciser sous quelle forme auraient pu avoir lieu ces troubles. C’est par « un écosystème de chercheurs, dont certains se sont émus du programme », ajoute-t-on, que le ministre a été informé, le 6 novembre, de la tenue de ce colloque.

      Selon nos informations, un groupe d’universitaires appelé « réseau de recherche sur le racisme et l’antisémitisme », structure fédérative associant huit universités et des associations dont la Licra, a produit de nombreux échanges entre les 8 et 10 novembre. Dans cette boucle qui compte des dizaines de membres de sensibilité plutôt pro-israélienne, on affirme que « certains collègues ont lâché la rampe et ne font plus aucune distinction entre leur expertise scientifique et leur #militantisme », qu’ils ont « pris l’habitude de se servir de leurs diplômes et de l’autorité morale qui en émane pour faire passer ce qui est tout bonnement de l’ordre de la #propagande [propalestinienne] ».

      On y évoque aussi la nécessité de prendre des « mesures coercitives pour les faire rentrer dans le cadre ». Enfin, on y raille le débat de clôture du colloque du Carep, qui prévoyait des prises de parole de l’ancien chef de la diplomatie française Dominique de Villepin, de la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, et de l’ex-haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères, Josep Borrell.

      « Accablant »

      Historienne et politiste, directrice de recherche au CNRS, Stéphanie Latte Abdallah devait intervenir au cours de l’une des tables rondes sur « Le sionisme comme projet européen d’expansion coloniale ». Elle confie être « choquée » par cette annulation et balaie tout caractère univoque dans les exposés prévus. « Il s’agit d’un colloque qui a un sujet scientifique, la Palestine et l’Europe, et des intervenants qui sont les meilleurs spécialistes de cette question, explique-t-elle. Les choix scientifiques relèvent des libertés académiques et non de la décision d’un ministre. En revanche, quand un colloque clairement politique est organisé au Sénat, le 10 novembre, par l’organisation israélienne #Elnet, financée par le gouvernement de Nétanyahou, cela ne semble poser de problème à personne. » Un autre intervenant, qui préfère garder l’anonymat, ironise : « Faudra-t-il aussi, à chaque colloque sur Israël, inviter un chercheur présentant le point de vue palestinien ? »

      Quant au panel de clôture, « il était bien séparé de la dimension purement scientifique », précise Mme Latte Abdallah. « Faire intervenir Dominique de Villepin, Josep Borrell et Francesca Albanese était un acte conclusif politico-diplomatique, centré sur des questions de #droit_international par des figures qui le portent, en plein génocide, dans un contexte où il nous oblige plus encore », décrit-elle en soulignant que « tout se passe comme si, au lieu de faire respecter le droit international, il était au contraire devenu une cible et quelque chose de dangereux ».

      Parmi les universitaires, plusieurs dénoncent une censure. D’après le politiste Fabien Jobard, directeur de recherches au CNRS et membre de l’Observatoire des atteintes à la liberté académique, « tout cela est vraiment accablant ». « Le ministre a dérogé au principe de respect de la liberté académique, et il le sait. Dans un même courrier, le ministre dit qu’il est le garant de la liberté académique, mais qu’il se garde d’agir pour la garantir. »

      Alors que le colloque était programmé depuis plusieurs mois, les organisateurs s’étonnent d’un tel revirement. « Sous couvert de garantir la #scientificité, le ministre justifie ainsi une intervention politique dans le champ de la recherche, en contradiction avec sa mission première : protéger la liberté académique », écrivent dans un communiqué, le 10 novembre, les responsables de la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe du Collège de France et le Carep.

      Appel à la démission

      Cette annulation va « créer un précédent dangereux : il suffira désormais d’un article polémique ou d’un tweet ministériel pour censurer un colloque jugé “sensible”. Accuser ces chercheurs d’antisémitisme ou de militantisme revient à disqualifier sans fondement leurs travaux, pourtant validés par leurs pairs et publiés dans les revues scientifiques les plus prestigieuses, alertent-ils. La recherche n’a pas vocation à être équilibrée politiquement : elle doit reposer sur la compétence, la méthode et la probité intellectuelle. »

      « C’est le ministre qui a transformé ce colloque en événement politique, et c’est une première, observe l’une des intervenantes, qui souhaite taire son nom. Cela brouille toute possibilité d’une réflexion scientifique, équitable et compréhensive. On voit monter ce côté trumpiste, c’est comme une restriction de notre périmètre de recherche, alors même qu’il y a une énorme incompréhension du conflit et un manque de culture générale et de connaissance de l’histoire. »

      L’association France Universités, qui réunit les chefs d’établissement, indique avoir découvert « avec stupeur » cette annulation. Dans un communiqué daté du 10 novembre, elle exprime son incompréhension et une « vive inquiétude » à l’égard des libertés académiques. Près d’un millier de chercheurs, enseignants, étudiants ont signé une pétition dénonçant « la volonté délibérée d’empêcher la recherche académique sur Israël-Palestine, dès lors qu’elle contrevient aux cadres intellectuels portés par les soutiens à la politique israélienne », qu’ils jugent « extrêmement préoccupante ». Demandant une « réponse à la hauteur des enjeux », ils appellent à la démission de Philippe Baptiste.

      https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/11/11/comment-le-college-de-france-en-est-venu-a-annuler-un-colloque-scientifique-

    • Annulation du colloque « La Palestine et l’Europe » au Collège de France : « Cette interdiction ouvre la voie à une ère de censure institutionnelle »

      Dans une tribune au « Monde », un collectif de plus de 300 universitaires, parmi lesquels Jean-François Bayart, Judith Butler et Pierre-Cyrille Hautcœur, s’élève contre l’annulation de l’événement. Ils y voient une « atteinte sans précédent à la liberté académique ».

      N ous, membres de la communauté scientifique, chercheurs, enseignants, étudiants et citoyens attachés à l’indépendance du savoir, exprimons notre profonde inquiétude face à l’annulation du colloque « La Palestine et l’Europe : poids du passé et dynamiques contemporaines », initialement prévu au Collège de France.
      Cette décision, prise à la suite d’un article polémique et de pressions directes exercées par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, constitue une atteinte sans précédent à la liberté académique en France. Sous prétexte de garantir l’intégrité scientifique, le ministère a légitimé une intervention politique dans le champ de la recherche, en contradiction avec sa mission première : protéger l’indépendance des universitaires et la pluralité des approches scientifiques.

      Issus d’universités prestigieuses telles que l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse), la School of Oriental and African Studies de Londres, l’université d’Amsterdam, l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et le Centre national de la recherche scientifique, à Paris, ou la Queen Mary University of London, les intervenants ont été injustement discrédités, sur la base d’amalgames et d’accusations infondées. Leur compétence, leur rigueur et la reconnaissance internationale de leurs travaux ne sauraient être effacées par des campagnes de dénigrement.
      Des principes mis en péril
      La recherche n’a pas vocation à plaire ni à se conformer à un « équilibre politique » dicté par le pouvoir. Elle repose sur la méthode, la critique, le débat argumenté, des principes aujourd’hui mis en péril. En confondant évaluation scientifique et contrôle idéologique, cette interdiction ouvre la voie à une ère de censure institutionnelle, où des calomnies médiatiques suffiraient à bâillonner la réflexion universitaire.

      Nous refusons que la France suive cette pente. Nous refusons que le Collège de France devienne le réceptacle d’une telle dérive. Nous affirmons que la mission des universités et des institutions de recherche n’est pas de conforter le pouvoir, mais d’éclairer la société.
      Nous appelons le Collège de France à revenir sur sa décision et à garantir la tenue de ce colloque dans le respect de la liberté intellectuelle. Nous appelons le ministère à honorer son devoir de protection de la recherche, non à en devenir le censeur. Et nous appelons la communauté scientifique tout entière, en France et en Europe, à défendre fermement le principe fondateur de toute science : le droit de penser librement.
      ¶Parmi les signataires : Michel Agier, anthropologue, directeur d’études EHESS ; Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po ; Frédéric Bauden, professeur à l’université de Liège ; Jean-François Bayart, professeur à l’IHEID (Genève) ; Sophie Bessis, historienne ; Karim Emile Bitar, enseignant à Sciences Po ; Judith Butler, professeure distinguée à l’université de Californie ; Bernard Chazelle, professeur à Princeton ; Delphine Dulong, professeure à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne ; François Héran, professeur honoraire au Collège de France ; Pierre-Cyrille Hautcœur, directeur d’études à l’EHESS ; Michel Kaplan, président honoraire de l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne ; Catherine Mayeur-Jaouen, professeure d’histoire contemporaine à Sorbonne Université ; Maurice Sartre, professeur honoraire à l’université de Tours. Liste complète des signataires à retrouver ici : https://docs.google.com/document/d/1p3GSo7mWGeE_0kWoqF_PcYMicwkzm9wK/edit

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/11/11/interdiction-du-colloque-la-palestine-et-l-europe-au-college-de-france-cette

    • Colloque annulé au Collège de France : les manœuvres d’universitaires pro-Israël

      L’interdiction du colloque « Palestine et Europe » qui devait se tenir au Collège de France les 13 et 14 novembre suscite de nombreuses réactions. Entre stupéfaction et dénégation, le temple du savoir vacille. Comment une telle décision, portant une si grave atteinte à la liberté académique et d’enseignement a-t-elle été prise ? Le Collège de France et son administrateur ont fait l’objet de pressions orchestrées notamment par un collectif d’avocats, en coordination avec un réseau de chercheurs, le #RRA (#Réseau_de_recherche_sur_le_racisme_et_l’antisémitisme), qui a largement échangé par courriels pour parvenir à ses fins. Nous avons pu consulter ces échanges, dont la lecture révèle une entreprise coordonnée de délégitimation, de délation et d’influence.

      « Nous avons adressé un courrier à l’administrateur du Collège de France, plus copie au ministre de l’Enseignement, hier par e-mail. J’imagine que notre courrier et toutes les autres initiatives ont permis cette annulation. Bravo à tous. #Déborah_Journo »

      Par ce mail triomphal, l’avocate Déborah Journo s’enorgueillit d’avoir contribué à l’annulation du colloque « La Palestine et l’Europe », coorganisé par l’historien Henry Laurens et le Centre arabe de recherches et d’études de Paris (Carep Paris), qui devait se dérouler au Collège de France les 13 et 14 novembre et qui vient d’être déprogrammé par Thomas Römer - l’administrateur de ce prestigieux établissement.

      Le message de l’avocate est adressé à une centaine d’universitaires, regroupés sous le nom de RRA, Réseau de recherche sur le racisme et l’antisémitisme. Cette structure a été créée en 2019 et a son siège et sa direction à l’université de Picardie. Elle se présente comme un « dispositif contractuel » regroupant « des unités de recherche rattachées à différents partenaires » publics et privés. La plaquette énumère : « Universités, CNRS, associations, institutions publiques ou privées. » Ce RRA se propose de fédérer « les unités de recherche et laboratoires », de renforcer « les synergies » et d’organiser des colloques. Sa direction revendique environ 500 membres, qui communiquent beaucoup entre eux.

      Dans la boucle de mails, des membres du réseau jubilent après l’interdiction du colloque du Collège de France :

      « Je ne boude pas le plaisir de voir ce colloque annulé », lâche une chercheuse (#Danielle_Delmaire, de l’université de Lille).

      « Bravo... j’ose espérer que cela puisse nous servir au sein de nos établissements pour faire jurisprudence. Vaillamment », ajoute une autre, tout aussi satisfaite (#Véronique_Benzaken, Paris-Saclay).

      D’autres encore espèrent que la punition fera office d’avertissement : « L’idée d’inviter des politiques dans un colloque académique – fût-il orienté, malfaisant et non pluraliste – tentera moins de personnes. » (#Paul_Audi, Paris-Descartes).
      Lobby

      Pour bien comprendre ce qui se joue dans ces échanges, il faut remonter au 7 novembre dernier.

      Ce jour-là, l’hebdomadaire Le Point publie un article de son rédacteur en chef #Erwan_Seznec dénonçant la tenue, « au Collège de France », de ce que ce magazine appelle un « colloque propalestinien à haut risque », qui « réunira », selon Seznec, « des personnalités aux positions radicales ».

      L’article provoque une nouvelle panique morale dans le monde politique et médiatique, mais aussi universitaire : au sein du groupe RRA, on perçoit le colloque comme « un autre signe du basculement progressif dans la légitimation et la banalisation des actions antijuives sous couvert d’antiracisme et d’anticolonialisme » - dixit le politologue retraité Pierre-André Taguieff.

      Ce samedi 8 novembre, l’avocate Déborah Journo explique aux universitaires du RRA qu’elle écrit au ministre de l’enseignement pour « dénoncer ce colloque au sein d’un établissement public sous sa tutelle ». Le colloque est annulé et, deux jours plus tard, l’avocate se félicite de l’efficacité de son action.

      Déborah Journo est avocate, elle déclare sur LinkedIn « consacrer l’essentiel de [son] activité à des actions de lobbying auprès du gouvernement, des institutions, des ONG ». Elle est également signataire d’une tribune publiée en août dernier, et sobrement titrée : « Non, il n’y a pas de génocide à Gaza. » Après le 7-Octobre, elle a fondé l’association Actions Avocats, qui mène des actions de lobbying ou des actes juridiques notamment pour défendre « toutes les victimes du racisme, de l’antisémitisme et du terrorisme ».

      Le Collège de France, temple du savoir et de la rigueur scientifique, aurait-il été influencé par l’action de l’avocate lobbyiste ? C’est en tout cas ce dont se targue l’intéressée.

      Rappelons qu’officiellement, c’est au nom de la « sérénité des débats » et du « respect de l’intégrité scientifique » que le colloque qui devait se tenir les 13 et 14 novembre a été annulé par l’administrateur du Collège de France Thomas Römer.

      Pour le chercheur à l’origine du colloque, Henry Laurens, c’est bien « la question de la liberté académique qui est en jeu ». Il exprime des réserves quant à la possibilité de pouvoir encore l’exercer à l’avenir : « Il y a déjà un colloque qui est prévu sur Gaza avec mon collègue Didier Fassin. Au mois de décembre, on verra pour ce colloque-là. »

      #Dénigrement

      Les membres du groupe d’universitaires constitué autour de RRA tiennent des propos dénigrants et calomniateurs à l’égard de leurs collègues investis dans les études autour de la Palestine. Paul Audi écrit par exemple :

      « Personnellement je crois ces gens capables de tout. Il y a un an j’ai fait une émission de radio face à Henry Laurens, et je l’ai vu accumuler des contre-vérités et des mensonges en s’abritant derrière son “autorité”. C’était ahurissant. Ce professeur n’est pas autre chose qu’un militant. »

      Le sérieux méthodologique des enseignants et chercheurs ainsi incriminés est sans cesse remis en cause. Ils sont accusés d’être avant tout des militants, au mieux négligents sur le plan scientifique, au pire antisémites. « De Didier Fassin à Henry Laurens et quelques autres, académo-militants qui occupent le terrain, le Collège de France est en passe de devenir le Collège de la France antijuive », écrit très sérieusement #Pierre-André_Taguieff.

      « Il ne faut pas se tromper de sujet. Il faut avoir balayé le programme de ce colloque […] pour mesurer à quel point il n’a rien à voir avec le périmètre académique et pourquoi il s’agit effectivement d’un meeting », estime quant à lui l’historien Emmanuel Debono.

      Délation, fichage, calomnies : la chasse est ouverte

      Dans ce climat d’insultes et de dénigrement, certains échanges entre universitaires les mieux gradés laissent apparaître une véritable #chasse_aux_sorcières visant les chercheurs travaillant sur les questions palestiniennes, au-delà du seul cas du colloque au Collège de France.

      Le samedi 8 novembre 2025, le directeur de Sciences Po Strasbourg, Emmanuel Droit, s’inquiète de l’invitation, dans son IEP, de la chercheuse Stéphanie Latte Abdallah. Ne pouvant, dit-il, « pas faire grand-chose en interne », il écrit à son réseau afin d’obtenir des informations qui lui serviraient à prévenir la présidence de l’université de Strasbourg contre cette historienne et anthropologue : « Que savez-vous à propos de Stéphanie Latte-Abdallah ? [...] Si jamais vous avez des infos sur cette chercheuse du CNRS me permettant d’alerter la présidence de l’Unistra, je vous en serai reconnaissant. »

      Les réponses aux relents nauséabonds ne tardent pas : « Clairement militante pro-palestinienne étant elle-même d’origine palestinienne Tte sa production universitaire est là-dessus Ses interventions aussi » (#Régine_Waintrater, Paris-Cité).

      La qualité de chercheuse de Stéphanie Latte Abdallah est également attaquée dans ce climat calomniateur qui règne dans le groupe RRA : « Elle fait toutes ces déclarations douteuses dans les médias, clairement pas scientifiques, a-historiques et non vérifiées », écrit #Évelyne_Chayes (CNRS).

      Enfin l’initiateur de cette traque, #Emmanuel_Droit, répond : « Merci oui en faisant des recherches, je viens de voir qu’elle n’a que le mot génocide à la bouche.... »

      Un informateur confie à Blast que ces personnes, importantes au sein de la hiérarchie du monde universitaire, exercent une influence considérable, capable de museler les voix contestataires : « Ils ont beaucoup de pouvoir. Ils ont beaucoup de moyens d’intimider les autres. Donc, il y a beaucoup de gens qui se taisent par #peur. » De plus, « ils ne veulent pas que tout ce qui est relatif à la reconnaissance du génocide puisse être audible », analyse une autre source.

      Un autre encore nous indique que « sous une apparence et des valeurs républicaines et de laïcité, il se joue beaucoup d’ostracisme et un double discours qui s’est envenimé après le 7 octobre en soutenant Israël mais sans jamais le revendiquer vraiment ».

      Dans une autre boucle de mails, un historien propose de constituer, avec l’aide du réseau RRA, des fiches sur les intervenants du colloque annulé sur la Palestine : « Je souhaite constituer un petit groupe de volontaires pour travailler sur l’épluchage des bios de ces intervenants. Il faut du pédigrée et du verbatim, et constituer la revue de presse accablante que cet aréopage mérite. Merci de me contacter si vous souhaitez réfléchir et mettre en œuvre, rapidement, ce travail de salubrité publique. Bien à vous, Emmanuel Debono. »

      Connivences politiques

      Plusieurs membres du RRA se félicitent en outre d’avoir influencé la position de ministres dans une décision aussi sensible que celle de l’annulation du colloque prévu au Collège de France.

      L’une de ces membres, #Déborah_Levy, écrit ainsi le 9 novembre : « Les ministres Aurore Bergé et Philippe Baptiste, prévenus depuis jeudi dernier (les alertes que vous faites remonter ici sont donc précieuses), ont demandé à l’administrateur du Collège de France d’annuler ce colloque, eu égard au risque élevé de trouble à l’ordre public et afin de garantir la sécurité des personnes. »

      À plusieurs reprises, les liens de proximité et de courtoisie entre ces universitaires et l’exécutif apparaissent au fil des échanges. Le 1er novembre, #Isabelle_de_Mecquenem (université de Champagne-Ardenne) évoque ainsi « une invitation à échanger avec le ministre de l’Enseignement supérieur », avant de préciser que la rencontre n’aura finalement pas lieu en raison de « l’instabilité politique ».

      À la lecture des échanges, une inquiétude sourde de voir leur #responsabilité engagée dans la décision d’interdire le colloque apparaît chez certains membres du RRA : « Chers amis, Aucun d’entre nous n’est responsable de l’annulation du colloque. A ma connaissance, en tout cas, nous n’avons pas demandé une telle chose. Comme beaucoup d’autres, nous avons fait état de notre effarement devant la programmation d’un meeting politique au Collège de France, où il ne faisait aucun doute que les échanges “scientifiques“ annoncés étaient de la poudre aux yeux. Albanese ? Villepin ? Peut-être en invitée surprise aurions-nous vu monter à la tribune Rima Hassan… »

      On retiendra de cette histoire qu’un colloque organisé avec et par des personnalités et des scientifiques confirmés et respectés, tels que Salam Kawakibi - directeur du Centre arabe de recherches et d’études politiques de Paris - ou encore Henry Laurens, a pu être interdit entre autres sous la pression d’un #lobbying d’universitaires aux positions ouvertement favorables au gouvernement d’Israël.

      D’autre part, cet événement confirme la volonté d’empêcher la tenue de manifestations scientifiques consacrées à l’histoire de la Palestine, lorsqu’elles ne sont pas agréées par les milieux pro-israéliens. Plus grave encore, les participants font l’objet de manigances et malveillances susceptibles d’affecter leur carrière universitaire.

      La LDH, (Ligue des droits de l’Homme) dans un communiqué publié hier soir, résumait la situation en ces termes : « Cette décision interroge sur l’exercice de la liberté académique et la nécessaire diffusion auprès des citoyens du travail scientifique. (...) Les chercheurs doivent pouvoir librement, indépendamment de toutes pressions directes ou indirectes, organiser des événements scientifiques sur le thème, sous le format et les modalités qui leur paraissent appropriés. »

      Contactée ce mardi 11 novembre au sujet de l’implication du RRA dans l’annulation du colloque, #Céline_Masson, la directrice de la structure universitaire, n’a pas souhaité répondre à nos questions : elle a tenu à préciser que le RRA n’avait aucun lien avec l’annulation du colloque.

      https://www.blast-info.fr/articles/2025/colloque-annule-au-college-de-france-les-manoeuvres-duniversitaires-pro-i

    • Le colloque scientifique sur la Palestine connaît un succès inédit en ligne

      Annulé par le Collège de France, l’événement consacré à la relation entre la Palestine et l’Europe se tient les 13 et 14 novembre dans les locaux du Centre arabe de recherches et d’études politiques de Paris, devant un public très nombreux, mais à distance.

      Entrera ? N’entrera pas ? Sur un trottoir parisien, jeudi 13 novembre à 8 h 15, une cinquantaine de personnes patientent dans une file d’attente devant le Centre arabe de recherches et d’études politiques de Paris (Carep). Les locaux sont exigus, 35 places maximum, et tout le monde ne pourra pas y pénétrer, prévient un agent de sécurité. Par petits groupes, on se questionne, pour savoir qui dispose ou non d’une invitation nominative pour assister au colloque scientifique « La Palestine et l’Europe : poids du passé et dynamiques contemporaines ».

      Les entrées se font au compte-goutte. Arrive Henry Laurens, titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe au Collège de France, suivi de plusieurs intervenants. A quelques exceptions près, tous sont des chercheurs représentant des institutions universitaires prestigieuses à Londres, Madrid, Amsterdam, Montréal, Rome ou encore Bruxelles.
      L’incompréhension se lit sur les visages, l’inquiétude aussi. Comment le Collège de France a-t-il pu en venir à annuler cette rencontre académique ? Comment ce lieu du savoir ouvert à tous a-t-il pu « se refermer comme une huître sous la pression d’un article du Point puis du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ? », interroge un couple de retraités, dans la file d’attente.
      « Conditions dégradées »
      L’administrateur de l’établissement, Thomas Römer, avait annoncé l’annulation de l’événement, le 9 novembre, « face à la polémique, mais aussi aux risques qui se manifestent autour » – tels que « d’éventuels débordements aux abords et au sein de l’amphithéâtre », avait-on précisé au Monde. Dans un courrier adressé le 8 novembre à M. Römer, le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Philippe Baptiste, avait confié être « personnellement en profond désaccord avec l’angle retenu » par le colloque tout en rappelant l’« entière responsabilité » de l’administrateur s’il décidait de le maintenir.
      L’événement a lieu malgré tout, ces 13 et 14 novembre, mais « dans des conditions très sensiblement dégradées, au regard, notamment, de la taille de la salle, par rapport à celles initialement prévues », a convenu le juge du tribunal administratif de Paris, saisi en référé de cette annulation par plusieurs collectifs de chercheurs et associations, le 12 novembre. Du fait de cette réorganisation dans un autre lieu et de la transmission des échanges en visioconférence, il a estimé que les libertés académique, d’expression et de réunion n’étaient pas atteintes, rejetant ainsi les pourvois formés contre le Collège de France.

      « Bienvenue dans la seule salle parisienne qui a osé accueillir ce colloque », démarre Salam Kawakibi, le directeur exécutif du Carep, co-organisateur de l’événement. Le petit auditoire, qui se tient pour partie debout, est décuplé à distance, plus de 500 personnes suivant les échanges en direct sur YouTube.
      En guise d’introduction, le chercheur en sciences politiques évoque un souvenir remontant à 2002, à Alep, en Syrie : « J’organisais à l’Institut français un colloque scientifique sur la pensée religieuse et la réforme dans le monde musulman. C’était l’époque où le pouvoir autoritaire de Bachar [Al-Assad, l’ex-président syrien] était à son apogée, voulant surveiller les respirations avant même les idées. Pourtant, le colloque a eu lieu. Les agents de sécurité sont venus, ils ont posé des questions, ont pris des notes, fait leur rapport. Mais personne n’a empêché le colloque avant qu’il ne commence. »
      « Droit de penser sans tutelle »
      En France, en 2025, « certains imaginent la recherche comme un débat télévisé », regrette le chercheur : « Ils n’ont pas compris que la science ne cherche pas l’équilibre entre les opinions mais la vérité (…). Nous revendiquons, le droit de penser sans tutelle, de discuter sans permission et de chercher sans peur. On peut interdire les colloques mais on ne peut pas interdire les questions. »
      « Malgré les pressions, les censures, le colloque se tient et nous ne pouvons que nous en féliciter », souligne l’ex-ambassadeur Denis Bauchard, président du conseil d’administration du Carep, avant de lancer les travaux, avec un exposé d’Henry Laurens. « Nous sommes en train de vivre une atteinte en règle contre les libertés académiques et l’indépendance de la recherche, renchérit auprès du Monde Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po et vice-président du conseil d’administration du Carep. On est dans un moment incroyable, où l’on juge de la recherche à partir de traits qui sont prêtés à certains chercheurs de façon mensongère, au lieu de juger un travail sur la qualité et la rigueur scientifique de ce qui est produit. Aujourd’hui nous n’allons pas parler de “la Palestine”, mais de “la relation entre l’Europe et la Palestine”. Et c’est un vrai sujet de recherche qui a été très peu pratiqué. »
      Josep Borrell, ex-haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères, dont l’intervention est prévue en clôture des échanges, confie également sa « surprise » : « En Espagne, on ne peut pas imaginer qu’un ministre dise à une université ce qu’elle doit faire ou pas. »

      https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/11/13/annule-le-colloque-scientifique-sur-la-palestine-connait-un-succes-inedit-en

  • Dans les #écoles_d’ingénieurs, l’emprise grandissante des multinationales
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/11/04/l-emprise-grandissante-des-multinationales-dans-les-ecoles-d-ingenieurs_6651

    A CentraleSupélec, les élèves ingénieurs peuvent suivre des cours dans l’auditorium Michelin, ou pratiquer l’escalade et le handball dans le gymnase EDF, aménagé dans le bâtiment Francis-Bouygues. A Télécom Paris, leurs camarades s’aèrent les neurones dans le jardin « Patrick-et-Lina-Drahi », du nom de la fondation du patron d’Altice, « premier grand mécène de la Fondation Mines-Télécom et de Télécom Paris », peut-on lire sur le site Internet de l’établissement. Le milliardaire franco-israélien est aussi en vue à Polytechnique, où un incubateur de start-up technologiques (le Drahi X-Novation Center) lui rend hommage.

    Dans les #grandes_écoles d’ingénieurs ont fleuri ces dernières années de nouveaux bâtiments, salles ou espaces communs baptisés du nom de généreux donateurs, souvent d’anciens élèves, comme les trois industriels susmentionnés. Une illustration de parrainage parmi d’autres alors que les partenariats entre ces établissements – pour la plupart publics – et le secteur privé se multiplient, sous diverses formes.

    Parmi les financements dans l’air du temps : les chaires, cofinancées par des industriels pour développer un programme de recherche sur des sujets spécifiques. Le mastodonte Polytechnique en compte trente-cinq actives à ce jour ; l’Ecole nationale supérieure de techniques avancées (Ensta) Paris, vingt-sept, les Mines Paris Tech et IMT Atlantique, seize ; CentraleSupélec, quinze, etc. Des poids lourds de l’économie française y sont associés : Dassault, EDF, TotalEnergies, Renault, Airbus, Thales, Safran, Vinci, L’Oréal ou encore BNP Paribas.

    [...]

    Ces chaires pluriannuelles sont le plus souvent financées par du mécénat, la plupart du temps à travers les fondations des écoles, qui permettent de récolter l’argent des entreprises. « Ces financements orientent indirectement la recherche car l’entreprise désigne un domaine de recherche qui, ensuite, empêche d’autres domaines de recevoir des fonds », dénonce Romain Poyet, membre du collectif Entreprises illégitimes dans l’enseignement supérieur (EIES), qui revendique une cinquantaine de contributeurs, étudiants et anciens étudiants.

    EIES a mis en ligne, le 17 septembre, une cartographie recensant la présence, dans l’enseignement supérieur, de multinationales françaises. « Les données accumulées montrent que les influences du secteur privé, qui pouvaient apparaître comme ponctuelles, sont en réalité systémiques », contextualise Romain Poyet. Selon l’ancien élève de Polytechnique, « le problème des intérêts privés est d’autant plus flagrant dans les grandes écoles d’ingénieurs qu’elles sont supposées avoir une mission de service public, laquelle n’a jamais été redéfinie au regard des nouvelles orientations avec les partenariats privés ».

    [...]

    Autre sujet qui questionne sur les liens poreux entre les grands groupes et les écoles : la présence de dirigeants dans les instances de gouvernance, notamment les conseils d’administration (CA), chargés de définir les grandes orientations des écoles et de valider leurs projets. Le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, siège au CA de Polytechnique depuis 2019. Il y siégeait en 2020, au moment où cette institution symbole d’excellence académique fut le théâtre d’une fronde contre sa multinationale.

    A l’époque, TotalEnergies s’apprête à implanter un centre de R&D de 10 000 mètres carrés sur le campus. L’arrivée du pétrolier suscite l’inquiétude chez une partie des élèves, qui créent le collectif Polytechnique n’est pas à vendre ! Total renonce à son projet à l’X, déplacé à quelques centaines de mètres, à l’est du plateau de Saclay. En 2021, trois associations ont porté plainte contre Patrick Pouyanné, le suspectant d’avoir « abusé de sa position » de membre du conseil d’administration lors des discussions sur l’implantation dudit centre de recherches, plainte finalement classée sans suite par le Parquet national financier en 2024.

    Toujours à l’X, le groupe LVMH a souhaité monter, en 2020, un centre de recherche sur le « luxe digital et durable ». Devant la levée de boucliers des étudiants et alumni, dénonçant notamment « le manque d’impact pour l’intérêt général », Bernard Arnault a dû à son tour faire marche arrière.
    Lire aussi l’analyse : Article réservé à nos abonnés Derrière la contestation du partenariat entre Polytechnique et LVMH, une nouvelle génération d’étudiants

    A AgroParisTech, c’est le directeur des relations institutionnelles de l’assureur mutualiste Groupama, Pascal Viné, qui préside le CA – dont fait aussi partie Christiane Lambert, l’ancienne présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), principal syndicat agricole. Du côté du CA des Ponts ParisTech, Benoît de Ruffray, son président, est également PDG du groupe Eiffage.

    Adrien Delespierre, chercheur au Centre européen de sociologie et de science politique, spécialisé dans les écoles d’ingénieurs, décrit « une sorte de prédation d’institutions financées par l’Etat au profit d’intérêts privés, que ce soit ceux des entreprises ou ceux des corps d’anciens élèves ».

    Le ruissellement du grand capital se manifeste jusque dans le sponsoring de… la vie étudiante elle-même. Le bureau des étudiants (#BDE) des Ponts et Chaussées a un partenariat avec Société générale, celui de Centrale Lyon vit de la générosité de BNP Paribas. D’autres ont fait le choix de ne plus contracter de partenariat avec des entreprises « jugées trop polluantes, comme l’industrie de la pétrochimie, des banques et de la finance », précisent les élèves de la Kès, le BDE de l’X, dont le partenariat avec BNP, LCL et Société générale a cessé à la mi-2024.

    [...]

    Les collectifs qui mènent la fronde contre la politique de partenariats avec le privé en dénoncent aussi l’opacité. Les conventions de mécénat ou les conventions partenariales, parfois assorties de clauses de non-dénigrement prohibant toute communication susceptible de porter atteinte à l’image de l’entreprise partenaire, sont rarement – sinon jamais – publiques ou disponibles sur le site Internet des écoles d’ingénieurs.

    « Les opérations de mécénat permettent aux entreprises des réductions d’impôts à hauteur de 66 % du montant versé, car le mécénat est censé être un acte désintéressé. On n’est pas du tout dans le champ des opérations commerciales et concurrentielles [qui pourrait justifier que le secret des affaires s’applique] », avance Matthieu Lequesne, ancien élève de l’Ecole polytechnique, qui préside Acadamia, l’association pour l’accès citoyen aux documents administratifs dans le milieu académique et culturel.

    • « Sur les 20 entreprises les plus présentes dans notre échantillon d’établissements, cinq produisent des armes [Thales, Safran, Dassault, Naval Groupe, Airbus], deux du pétrole [TotalEnergies, Vinci], trois sont des banques françaises extrêmement polluantes [BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale], sept sont dans l’industrie lourde [Safran, Thalès, Bouygues, Vinci, Saint-Gobain, Dassault, Airbus] », liste le rapport [du collectif Entreprises illégitimes dans l’enseignement supérieur (EIES)].

      [...]

      [À Polytechnique] les entreprises financent principalement des chaires de recherche et d’enseignement, qui orientent le travail des chercheur·ses. Ainsi, la chaire « Défis technologiques pour une énergie responsable », du centre Energy for Climate (E4C), est financée à hauteur de 3,8 millions d’euros par TotalEnergies ; et la chaire « Integrated urban mobility » (mobilité urbaine intégrée) est soutenue par la plateforme Uber.

      https://vert.eco/articles/edf-totalenergies-thales-les-entreprises-etendent-leur-emprise-sur-lenseigneme

  • Des universitaires appellent à la reprise des évacuations de chercheurs et étudiants gazaouis
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/10/19/des-universitaires-appellent-a-la-reprise-des-evacuations-de-chercheurs-et-e

    Des universitaires appellent à la reprise des évacuations de Par Soazig Le Nevé et Julia Pascual
    Depuis trois mois, aucun étudiant ou chercheur gazaoui n’a pu être accueilli sur le territoire français. Tout est pourtant prévu pour une centaine d’entre eux, après examen de leur candidature par un comité d’experts scientifiques : une place dans un cursus universitaire ou dans un laboratoire de recherche et un logement. Aucune réponse ne leur est apportée en retour.
    Tout remonte au 1er août. Le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, décidait de suspendre les opérations d’évacuation, à la suite de l’affaire Nour Atallah. La jeune femme, arrivée le 11 juillet en France, devait intégrer Sciences Po Lille à la rentrée. Mais la découverte de ses publications en ligne appelant à tuer les juifs avait entraîné sa désinscription ainsi que l’ouverture d’une enquête judiciaire pour apologie du terrorisme et d’une enquête administrative.
    Depuis, « les procédures interministérielles ont été renforcées pour examiner les candidatures », indique une source diplomatique. Toutefois, affirme-t-elle, cela n’entraîne aucune remise en cause des visas « Talent » pour les lauréats du programme national d’accueil en urgence des scientifiques et des artistes en exil (Pause), ni des bourses octroyées aux étudiants. Si tout est au point mort, c’est parce que les services français seraient « tributaires des autorisations » émises par les autorités israéliennes, explique cette
    D’après nos informations, la réalité serait cependant plus complexe. L’arrêt des évacuations reste aussi une conséquence de l’affaire Nour Atallah, d’autres Etats ayant pu bénéficier d’évacuations autorisées par Israël sur lesquelles la France a délibérément choisi de ne pas se positionner. « Tout le monde est crispé sur les Gazaouis », analyse une source au ministère de l’intérieur. Au point que la France a refusé, en septembre, d’accueillir des Palestiniens sur son territoire dans le cadre de l’accord migratoire franco-britannique dit « one in, one out », qui permet notamment à Londres de renvoyer en France des migrants arrivés sur son territoire en traversant la Manche à bord de canots pneumatiques.
    « On est dans quelque chose de complètement kafkaïen, commente la professeure de sociologie Nacira Guénif-Souilamas, membre du collectif Universitaires avec Gaza. Nous continuons à instruire des dossiers, à réunir des pièces, à prévoir des inscriptions à l’université, on nous laisse entendre que tout cela va être examiné… mais on a l’impression de travailler dans le vide. On ne sait plus si cela a encore du sens. » De son côté, le Quai d’Orsay s’interrogerait aussi sur la pertinence de poursuivre les évacuations dans le contexte d’entrée en vigueur du cessez-le-feu, le 10 octobre. Face à cette inertie, Laura Lohéac, directrice du programme Pause, lance « un cri d’alarme auprès des pouvoirs publics ». « Depuis janvier 2024, nous avons soutenu 72 Palestiniens lauréats et leurs familles, soit à peu près 350 personnes, retrace Laura Lohéac. Mais 24 d’entre eux sont encore bloqués à Gaza. Les autres ont bénéficié d’opérations d’évacuation ou avaient pu quitter Gaza pour Le Caire avant mai 2024, moyennant un visa au coût prohibitif avec une structure égyptienne. »
    A la suite de la fermeture totale de l’enclave, en mai 2024, les autorités israéliennes ont soumis toute sortie à une autorisation individuelle. « Il suffisait qu’un membre de la famille ne l’obtienne pas pour tout bloquer », poursuit Laura Lohéac. L’un des lauréats du programme, l’architecte Ahmed Shamia, est mort en mai 2025 à la suite d’un bombardement israélien. Entre avril et juillet, une vingtaine de lauréats ont été évacués et, depuis le 1er août, seul un a pu sortir, grâce à une opération menée par l’Italie, en septembre.
    Lire aussi | Article réservé à nos abonnés « Nous, étudiants qui apprenons le français à Gaza, lançons un appel à la France »
    Lors du dernier appel à candidatures qui s’est clos fin septembre, 107 dossiers supplémentaires ont été acceptés, en grande majorité des Palestiniens toujours à Gaza. Face à une telle ampleur, le défi est aussi financier. Pour la première fois, Pause ne pourra pas faire face, n’ayant « une capacité de financement que pour 15 personnes sur 107 », alerte Laura Lohéac.
    Pour réunir d’ici à mi-novembre un total de 3 millions d’euros nécessaires à sauver ces scientifiques et artistes en danger et leurs familles, et à préserver le patrimoine scientifique et culturel de Gaza, la directrice du programme en appelle aux ministères des affaires étrangères et de la culture, ainsi qu’au ministère de l’enseignement supérieur. Ce dernier s’était engagé à verser un financement complémentaire de 2 millions d’euros, qui « devrait intervenir d’ici à la fin 2025 », assure l’entourage du ministre, Philippe Baptiste.
    Le président de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), Jean-François Huchet, affiche son soutien au programme Pause « pour qu’il ne soit pas oublié ». « Il y a une implication très forte des collègues qui prennent en main directement cet accueil, souvent en hébergeant eux-mêmes les chercheurs », relève-t-il. Lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, « une mobilisation sans précédent » avait permis à Pause de réunir 5 millions d’euros supplémentaires de la part des pouvoirs publics. Cette fois, le programme sollicite également le grand public et les mécènes, en ouvrant un appel au don, par l’intermédiaire de la Fondation de France.

    #Covid-19#migrant#migration#france#gaza#palestine#universitaire#PAUSE#sante#politiquemigratoire#asile#sante

  • « Les retards chroniques des préfectures sont bien le résultat d’une politique de non-accueil des personnes étrangères »
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/10/01/les-retards-chroniques-des-prefectures-sont-bien-le-resultat-d-une-politique

    « Les retards chroniques des préfectures sont bien le résultat d’une politique de non-accueil des personnes étrangères »
    Propos recueillis par Eric Nunès
    Existe-t-il une contradiction entre le message du programme « Bienvenue en France », qui a pour objectif d’accueillir 500 000 étudiants étrangers en 2027, et les difficultés que rencontrent un grand nombre d’entre eux à faire renouveler leur titre de séjour, une fois en France ?
    Les ambitions du programme « Bienvenue en France » nous semblent très axées sur le nombre d’étudiants accueillis et sur leurs profils. Or il faut bien entendre ceci : accueillir, c’est mettre ces étudiants en capacité d’arriver en France, certes, mais aussi d’y vivre pendant la durée de leurs études. Les obstacles au renouvellement de leur titre de séjour entraînent des pertes de droits qui les plongent dans la précarité la plus totale. Donc, oui, il y a une contradiction entre l’ambition affichée par « Bienvenue en France » et la réalité de la vie en France.
    “Bienvenue en France” une “révolution” discriminatoire et xénophobe à l’université est une bien lourde décision »
    Les retards chroniques des préfectures sont-ils le résultat d’une politique ou d’un manque d’agents susceptibles de traiter les demandes dans un délai raisonnable ?
    En Ile-de-France et sur le reste du territoire, il est évident que les préfectures manquent d’agents pour traiter les demandes dans le délai qui leur est imparti. Or ce manque de moyens humains est le résultat d’une politique plus large menée par l’Etat : la suppression des postes en préfecture s’est accélérée depuis 2020, avec la dématérialisation des procédures administratives concernant les personnes étrangères. Les retards chroniques sont bien le résultat d’une politique de non-accueil des personnes étrangères. La mise en place de solutions alternatives est difficile, malgré de nombreux contentieux gagnés enjoignant aux préfectures de mettre en place des actions pour permettre effectivement aux personnes d’accéder à leurs locaux et à leurs services, notamment pour renouveler leur titre de séjour.
    Dans son rapport publié en mars, la Cour des comptes propose de modifier le système de visas pour les étudiants en donnant accès à une carte de séjour valable quatre ans. Est-ce la solution ?
    La Cimade se positionne en faveur de la délivrance de titres de séjour le plus durables et stables possible. Un titre de séjour plus pérenne permet d’éloigner le cycle infernal des ruptures de droits. Le rapport que vous mentionnez précise que 60 % des titres délivrés actuellement le sont pour moins de douze mois. Or, la plupart du temps, les études durent plus d’un an. Disposer d’une carte de séjour de quatre ans permettrait aussi aux étudiants concernés de ne pas être sous pression et stressés chaque année, au moment du renouvellement de leur titre de séjour, avec des conséquences sur leur concentration, sur le suivi des études et sur leurs examens. Néanmoins, il faut veiller à ce que cet allongement ne soit pas synonyme d’un durcissement des conditions pour accéder au titre.

    #Covid-19#migrant#migration#france#etudiant#titredesejour#politiquemigratoire#droit#sante

    • Pendant ce temps, le Minilecte apparait dans une émission de TV locale au Japon où est vanté la bonne qualité de l’accueil des étrangers.

      Et c’est vrai  : depuis mars, une personne payée uniquement pour l’intégration des étudiants étrangers dans la fac d’accueil l’aide quasi au quotidien pour préparer le voyage, faire les démarches et tout.

      Elle est venue le lendemain de son arrivée avec un collègue de la fac qui a une voiture pour l’accompagner dans les magasins et la conseiller sur ce dont elle a besoin pour vivre tous les jours.

      Quand il s’est avéré que le futon était trop mince, elle a insisté pour l’accompagner un dimanche en prendre un plus confortable.

      Et donc, elle l’a accompagnée aussi pour les démarches d’inscription à la Sécu du coin… où elles ont été filmée.

      Là, ils travaillent à un emploi du temps aménagé pour qu’elle puisse à la fois valider ses crédits au Japon et avoir du temps pour l’immersion et ils lui conseillent des activités ou des sorties, comme la «  fête des étrangers  » du campus d’à côté, cette semaine.

      Bien sûr, le Japon a aussi des problème démographiques aigus ainsi que le début du retour des fachos comme c’est déjà bien avancé partout dans le monde.

      Mais quand même  : le contraste est violent et absolument honteux pour nous.

  • Précarité étudiante : l’urgence d’une réforme des bourses soulignée dans un rapport parlementaire
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/10/01/precarite-etudiante-l-urgence-d-une-reforme-des-bourses-soulignee-dans-un-ra

    La députée communiste Soumya Bourouaha dénonce les archaïsmes et les incohérences des aides allouées aux étudiants, dans un rapport présenté, mercredi 1ᵉʳ octobre, à l’Assemblée nationale. Elle préconise, à terme, de substituer aux bourses un revenu étudiant.

    [...]

    « Près du tiers des boursiers reçoivent mensuellement moins de 150 euros. A l’autre bout de l’échelle, seuls 8,2 % d’entre eux perçoivent 633,50 euros par mois, détaille le rapport. Dans ces conditions, la sortie de la précarité relève de la gageure, d’autant plus que les étudiants recevant ces montants sont les plus précaires par nature, ayant les parents les plus défavorisés. »

    [...]

    « La demi-part fiscale est en profonde contradiction avec les objectifs de redistribution sociale des aides sur critères sociaux, soutient l’élue. Elle ne bénéficie, par nature, qu’à des foyers acquittant l’impôt sur le revenu, [soit] seulement 44 % des ménages aujourd’hui. Elle est, en outre, fort coûteuse pour les finances publiques, avoisinant un montant de 2 milliards d’euros, à mettre en regard du budget de 2,3 milliards d’euros aujourd’hui consacrés aux bourses sur critères sociaux. »

    [...]

    Dans les familles qui appartiennent aux 20 % les moins aisées, environ 35 % des jeunes de 18 à 24 ans sont en études, diplômés du supérieur, ou ont atteint un niveau d’enseignement supérieur. Ils sont près de 90 % dans les familles parmi les 10 % les plus aisées.

    https://justpaste.it/4gkig

    (le boom de l’#apprentissage dans le supérieur a reposé et repose sur la demande de salaire / revenu)

    #étudiants #revenu_étudiant #université

  • « J’ai perdu tous mes droits ! » : les étudiants internationaux suspendus au renouvellement de leur titre de séjour
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/09/30/j-ai-perdu-tous-mes-droits-les-etudiants-internationaux-suspendus-au-renouve

    « J’ai perdu tous mes droits ! » : les étudiants internationaux suspendus au renouvellement de leur titre de séjour
    Par Eric Nunès
    Malgré des discours officiels valorisant l’attractivité de la France pour les étudiants étrangers, des milliers d’entre eux se retrouvent chaque année suspendus au renouvellement incertain de leur titre de séjour, qui conditionne logement, emploi et poursuite d’études.
    La rentrée universitaire a bien commencé pour Reina. L’étudiante libanaise de 21 ans a validé sans encombre son admission en troisième année de licence en mathématiques et informatique à l’université de Paris-Saclay. Et décroché une bourse d’études de la Fondation Jacques Hadamard, qui soutient les meilleures mathématiciennes. Puis elle a trouvé un logement, et un travail alimentaire pour régler le loyer – 750 euros par mois. « C’est toujours une fierté de voir des jeunes du monde entier choisir la France pour leurs études », soulignait, dans un communiqué publié en juillet, le ministre de l’enseignement supérieur démissionnaire, Philippe Baptiste. Comme Reina, ils sont 443 500 étudiants étrangers à avoir choisi la France pour suivre leurs études. Les plus importantes cohortes (230 000) proviennent d’Afrique et du Moyen-Orient. Les étudiants venant d’Asie, d’Océanie ou des Amériques sont moins de 90 000. Tous ont l’obligation de renouveler chaque année leur titre de séjour étudiant.
    Un matin de septembre, Reina prend rendez-vous au GATE, le service de son université destiné à faciliter les démarches des étudiants étrangers dans le dédale des administrations françaises. Face à une conseillère, elle confie son extrême détresse : « J’ai perdu tous mes droits ! » Sans réponse de la préfecture de l’Essonne concernant le renouvellement de son titre de séjour, l’étudiante libanaise n’est légalement plus autorisée à travailler, elle pourrait donc ne plus être en mesure de payer son loyer et de poursuivre son cursus. Reina a pourtant bien déposé sa demande sur la plateforme d’administration numérique pour les étrangers en France (ANEF), au début du mois de juin.
    Interrogée par Le Monde, la préfecture de l’Essonne révèle avoir reçu 4 585 demandes de titre de séjour d’étudiants étrangers entre mai et août. « 3 039 ont été traitées », assure l’administration. En septembre, 1 546 étudiants sont donc toujours dans l’expectative pour ce seul département francilien, et des témoignages similaires affluent de plusieurs métropoles. En 2024, 11 579 demandes de titre de séjour étudiant ont été déposées en Seine-Saint-Denis, « le premier département de France en termes d’activité relevant du séjour », rappelle le ministère de l’intérieur.
    Le délai de traitement d’une demande de renouvellement de titre de séjour est aléatoire en fonction des préfectures. Dans un rapport intitulé « Une évaluation de l’attractivité de l’enseignement supérieur français pour les étudiants internationaux », publié en mars, la Cour des comptes a mesuré dans six préfectures le temps d’instruction des demandes. En Seine-Maritime, il faut en moyenne huit semaines pour traiter un dossier, trois fois plus dans l’Essonne. Selon les magistrats, le manque d’effectifs « pénalise » certaines préfectures, « en particulier lors du pic annuel de renouvellement ». Soit, chaque année, de mai à octobre. Interrogé par Le Monde, le ministère de l’intérieur reconnaît que « l’augmentation des flux étudiants complique le travail des préfectures, ce qui peut malheureusement entraîner parfois des ruptures de droits ».
    Un autre facteur important de l’allongement des traitements est dû à l’augmentation du nombre de dossiers envoyés incomplets. Depuis 2020, le traitement des demandes est réalisé exclusivement par le biais de la plateforme ANEF. La procédure est dématérialisée, laissant les étudiants étrangers seuls face à une interface de l’administration française. Auparavant, les universités supervisaient la complétude des dossiers. « Les préfectures adressent en moyenne trois demandes de complément d’information aux étudiants. Dans 22 % des cas, plus de cinq itérations sont nécessaires et allongent le délai de traitement », relève la Cour des comptes. « Les préfectures s’étonnent que des jeunes soient à la peine avec la plateforme, alors qu’elle fonctionne de manière verticale. Il est extrêmement difficile pour les usagers d’interagir avec l’administration », souligne Pauline L’Hottellier, vice-présidente chargée de la défense des droits de la Fédération des associations générales étudiantes. Il n’existe pas de dialogue, juste une vérification verticale de l’administration et, en cas de non-conformité, un rejet.
    Aujourd’hui titulaire d’un master de droit social de l’université de Cergy, Vann Bellonne (qui préfère témoigner de façon anonyme), originaire de la République du Congo, a passé plusieurs années à se battre pour s’extirper de l’engrenage kafkaïen de l’administration. En 2022, alors qu’il est étudiant en second cycle, la préfecture de l’Essonne, engorgée, ne lui renouvelle pas son titre de séjour, mais lui accorde une « attestation de décision favorable provisoire ». Le document fait office d’autorisation en attendant le titre de séjour officiel. Les mois passent sans que l’administration s’exécute. Quand il refait une demande de renouvellement, la machine lui répond que l’administration n’a pas connaissance de la délivrance d’un précédent permis de séjour, et pour cause. Le système se referme sur l’étudiant.
    Malik (le prénom a été changé), 23 ans, d’origine malienne, est arrivé en France à 12 ans avec ses parents. Recueilli par ses grands-parents (naturalisés français) après la mort de sa mère, le garçon suit une scolarité exemplaire. Bachelier, il intègre le bachelor universitaire de technologie métiers du multimédia et de l’Internet de l’Institut universitaire de technologie (IUT) de Vélizy (Yvelines) et obtient un contrat d’alternance auprès du ministère de la justice pour la rentrée universitaire 2025. Mais, sans titre de séjour et face au mutisme de la préfecture de Nanterre, il doit se résigner à poursuivre ses études sans employeur. Sans une période de plusieurs mois en entreprise, il ne pourra pas valider académiquement son cursus. Son cas n’entre dans aucune case prévue par l’ANEF.
    L’ANEF n’a pas été créée pour être souple, même si elle instruit des dossiers qui décident de la vie d’hommes et de femmes. Il n’y a pas de suivi des parcours des requérants, les traitements sont dépersonnalisés. « Un agent de préfecture ayant commencé l’instruction d’une demande a une faible probabilité d’achever son instruction avant que son dossier ne soit aléatoirement attribué à un autre agent le lendemain », souligne la Cour des comptes. Une réorientation, un déménagement, un changement d’établissement, une année de césure, autant d’éléments banals dans le parcours d’un étudiant qui deviennent des risques de grippage pouvant être sanctionnés par l’administration par un non-renouvellement et, possiblement, une obligation de quitter le territoire français. « La dématérialisation de la procédure a rendu plus compliqué le traitement des cas particuliers, observe Pierre Bodeau-Livinec, vice-président chargé des relations internationales de l’université de Nanterre. Il l’a déshumanisé. »
    En 2023, Vann Bellonne a passé une dizaine de matinées devant les murs de la préfecture d’Evry pour renouveler son titre de séjour. « Les portes ouvrent à 9 heures. Il faut arriver trois à quatre heures plus tôt pour espérer être entendu. J’ai fait des dizaines d’heures de queue pour finalement ne pas être reçu. Les fois où j’ai pu passer le sas d’entrée, c’est pour m’entendre dire que mon dossier était en cours d’instruction et qu’il fallait attendre. » Chargée de projet sur le droit de séjour au Comité inter-mouvements auprès des évacués (Cimade), Marie Barbarot constate que « l’administration délivre avec un retard important des documents qui sont obligatoires pour travailler, se loger, se transporter ».
    Des milliers d’étudiants internationaux passent une grande partie de leur scolarité en attente de leurs papiers, sous le régime d’autorisations provisoires. Ces dernières « peuvent être perçues avec réticence par les bailleurs ou les employeurs et compliquer la recherche de logement et l’insertion professionnelle », poursuit la Cour des comptes. Après un non-renouvellement, la perte d’un travail entraîne souvent celle du logement, et hypothèque la possibilité de poursuite d’études. « L’engrenage est ultrarapide », témoigne Marie Barbarot. Ensuite, « selon la sensibilité de l’étudiant et l’urgence de sa situation, l’attente d’un titre de séjour est un élément anxiogène qui peut avoir des conséquences sur la réussite académique », observe Elisa Pekelder, responsable du pôle accueil international de Paris-Saclay.
    Pour accueillir en nombre, mais également en qualité et sur la durée les étudiants internationaux, la Cour des comptes recommande notamment la mise en place d’une stratégie globale qui ne concernerait pas seulement le ministère de l’enseignement supérieur et celui des affaires étrangères, mais également ceux de l’économie, du travail et de l’intérieur. « Si nous voulons qu’une réforme de la politique d’attribution des visas soit efficace, notamment dans le contrôle des dossiers des candidats, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et le ministère de l’intérieur devraient certainement revoir à la hausse les effectifs alloués à cette mission », souligne Emmanuelle Garnier, présidente de l’université Toulouse-Jean-Jaurès et présidente du conseil des relations internationales et européennes de France Universités. Il est, d’après elle, « impératif de simplifier les procédures administratives ».
    Enfin, la Cour des comptes recommande de donner accès à une carte de séjour pluriannuelle et de mettre ainsi un coup de frein à la quête sisyphéenne de renouvellement de titre de séjour des étudiants internationaux. En attendant, Malik est toujours sans solution. Il poursuit son année d’études à l’IUT de Vélizy sans savoir s’il la validera, faute de stage. Reina, la mathématicienne libanaise, s’est vu promettre une attestation de demande de carte de séjour qui lui donnera trois mois de répit. Quant à Vann Bellonne, il a su mettre à profit sa formation de juriste reçue dans les universités françaises. En janvier, il a lancé une procédure en référé auprès du tribunal administratif de Versailles, pour enjoindre à la préfecture d’Evry de lui délivrer un titre de séjour. Le 19 février, la préfecture s’est vu commander de lui délivrer son titre dans les quinze jours.

    #Covid-19#migrant#migration#france#etudiant#prefecture#droit#sante#titredesejour

  • « chasse aux wokes : comment les polémiques de ces dernières années ont épuisé les universitaires »

    « Coupes de subventions, cabales médiatiques… En France aussi, les universitaires sont attaqués par des forces conservatrices. Au point de créer un climat d’usure et d’autocensure dans les campus et les laboratoires. »

    https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/09/16/chasse-aux-wokes-comment-les-polemiques-de-ces-dernieres-annees-ont-epuise-l

    #liberté_académique #science #université #woke

  • https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/09/19/le-debat-sur-changer-le-systeme-de-l-interieur-ou-deserter-n-en-est-pas-un-c
    Jeanne Mermet, ancienne élève de Polytechnique, appelle à la « désertion collective »
    Dans un ouvrage à paraître le 24 septembre, l’ingénieure de formation veut politiser sa désertion du marché du travail. Son récit éclaire certains des angles morts de ces bifurcations médiatisées ces dernières années, comme la lutte des classes, la question coloniale ou la guerre militaire.

    • Les refuzniks de la civilisation thermo-industrielle (?) :
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Refuznik
      où l’on lit :

      Le terme refuzniks (ou « tech-refuzniks ») désigne aussi les opposants aux nouvelles technologies qui se multiplieront inévitablement selon certains auteurs et commettront des actes violents, de sabotage, voire de terrorisme lorsque celles-ci seront ressenties comme trop envahissantes[1].

      Je pointe donc sur la note 1 et j’obtiens un <code d’erreur 410 Gone>, ce qui voudrait dire que la page a été supprimée.
      Sur le lien <archive> chez WP, j’obtiens

      Le délai d’attente est dépassé

      Le serveur à l’adresse archive.wikiwix.com met trop de temps à répondre.

      Le site est peut-être temporairement indisponible ou surchargé. Réessayez plus tard ;
      Si vous n’arrivez à naviguer sur aucun site, vérifiez la connexion au réseau de votre ordinateur ;
      Si votre ordinateur ou votre réseau est protégé par un pare-feu ou un proxy, assurez-vous que Firefox est autorisé à accéder au Web.

      C’est devenu systématique sur Wikipedia.

    • Effectivement ça mouline du côté du serveur. Voici l’article :
      La face obscure de l’essor d’Internet
      Les Echos n° 19789 du 08 Novembre 2006 • page 13

      Aquoi ressemblera Internet en 2020 et quelle influence aura le Web sur notre vie quotidienne ? Pour répondre à ces questions, le Pew Internet & American Life Project a interrogé 742 experts spécialisés dans les technologies de l’information, des analystes et futurologues, des chefs d’entreprise et des responsables politiques. L’intérêt de cette enquête (« 2020 : The Future of Internet ») réside d’abord dans le choix de ces spécialistes. Lors d’une enquête précédente, certains avaient émis des prédictions justes. En pronostiquant, par exemple, la naissance de sites comme Second Life, sur lequel les internautes peuvent choisir des identités virtuelles et se livrer à des activités sociales de plus en plus complexes.
      D’autres avaient prévu que l’association du réseau et du système de localisation par satellite (GPS) permettrait de suivre pas à pas le déplacement de personnes équipées de capteurs adéquats. Sans surprise, la plupart des avis issus de la nouvelle enquête estiment qu’Internet n’a pour l’instant montré qu’une « infime partie de son potentiel ». Mais le consensus s’arrête là. « Ils sont bien d’accord pour dire que cette technologie va changer notre vie, mais ils divergent sur l’impact social et politique de ce changement », souligne Janna Anderson, auteur principal du rapport.

      Il y a d’abord les inquiets. Paul Saffo, directeur de l’Institute for The Future, à Palo Alto, fait partie de ceux-là. Dépassant le cadre d’Internet proprement dit, il redoute qu’en 2020 « nos machines soient devenues vraiment intelligentes et surtout capables d’évoluer rapidement. Au point de finir par nous traiter comme de simples animaux domestiques ». Sans aller jusque-là, Hal Varian, de l’University of California-Berkeley, prévoit la fin pure et simple de la vie privée : « Technologiquement parlant, cette notion sera devenue obsolète ». Un avis partagé par Marc Rotenberg, directeur de l’Electronic Privacy Information Center : « Nous sommes en train de construire des architectures de surveillance dont nous perdrons le contrôle », pense-t-il. Tous ne sont pas si alarmistes. « Nos agents intelligents vont nous libérer de nombreuses servitudes », pronostique Robert Atkinson, du Progressive Policy Institute. Plus optimiste encore, Alik Khanna, de Smart Analyst Inc., prévoit que « les réseaux deviendront la source générale d’apprentissage, une plate-forme commune auprès de laquelle tous les citoyens seront égaux »...

      Une nouvelle forme de violence
      Au-delà des avis libres qu’ont pu émettre ces personnalités, l’intérêt de l’étude porte sur le fait que le Pew Internet & American Life Project cherchait réellement à définir le paysage global d’Internet d’ici à la fin de la prochaine décennie. Pour y parvenir, l’organisme de Washington a soumis à ses sondés 7 scénarios sur le futur. Une majorité des personnes interrogées est d’accord avec quatre d’entre eux. Le premier concerne le fait que le réseau, d’ici à quinze ans, sera devenu universel, regroupant tous les réseaux existants, y compris ceux des communications sans fil. L’authentification et la facturation auront été banalisées et sécurisées et l’accès à cet Internet à très haut débit sera devenu extrêmement bon marché. Près de 56 % des 742 participants à l’enquête partagent cette analyse.

      Autre hypothèse largement partagée : le fait que le Web abritera assez de mondes virtuels suffisamment sophistiqués pour permettre une productivité professionnelle grandement améliorée. Revers de la médaille : l’efficacité de ce nouvel outil de travail augmentera encore la « dépendance » d’un nombre croissant d’internautes, vivant de plus en plus immergés dans ces univers virtuels...
      Dans la même logique, ces spécialistes d’Internet anticipent également le fait que nombre d’individus seront capables de s’associer professionnellement de façon virtuelle et de proposer leurs services à l’ensemble de la planète. Ce scénario prévoit que le flot d’informations disponibles sur Internet va conduire à l’affaiblissement des frontières entre Etats, des ensembles progressivement remplacés par des villes-Etats, des groupes réunis par une culture d’entreprise commune et, plus généralement, une recombinaison d’organisations humaines regroupées cette fois en fonction de leurs affinités électroniques...

      Le quatrième scénario qui recueille la plus forte approbation (58 %) est aussi le plus inquiétant. Ainsi, ces observateurs s’attendent à ce qu’en 2020 une frange importante de la population qui aura été laissée de côté par ces cyber-technologies ou choisi de les ignorer deviendront des « refuzniks » technologiques, rejetant la société de l’information.

      Les plus radicaux d’entre eux seront capables de commettre des actes de violence, voire de terreur, pour s’opposer à l’émergence d’une telle société. Une nouvelle forme de violence qui ne fera que s’ajouter à celles déjà connues, liées aux conflits religieux, économiques ou politiques. « En devenant une infrastructure de valeur, Internet en lui-même va devenir une cible », prédit ainsi Thomas Narten, de l’Internet Engineering Task Force d’IBM. « Pour certains, la motivation sera une façon de montrer leur force, pour d’autres il s’agira d’essayer d’en interrompre le fonctionnement, précisément pour montrer l’impact d’Internet sur la société ». Plus généralement, même si les nuances sont importantes, la plupart des personnes interrogées ne semblent pas croire que les technologies de réseau apporteront « un monde où il fera mieux vivre ». En revanche, elles ne redoutent pas autant les effets pervers de la technologie. Par exemple, 42 % des sondés sont d’accord pour estimer que les agents intelligents couplés aux techniques de surveillance et de suivi des activités humaines échapperont à tout contrôle et provoqueront des dangers et des dépendances tels qu’il sera impossible de revenir en arrière. « Il y a certainement un risque, mais l’automatisation des tâches réalisées jusqu’à maintenant n’a pas provoqué de telles dépendances », souligne, confiant, Robert Kraut, du Human Computer Interaction Institute à l’université Carnegie Mellon. Aveuglement scientifique ?

      MICHEL KTITAREFF

  • Chasse aux « #wokes » : comment les polémiques de ces dernières années ont épuisé les universitaires
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/09/16/chasse-aux-wokes-comment-les-polemiques-de-ces-dernieres-annees-ont-epuise-l

    « Un moment de folie. » C’est ainsi que Gilles Bastin, directeur adjoint de l’Institut d’études politiques (IEP) de Grenoble, qualifie l’affaire qui a secoué l’école il y a quatre ans. Nous sommes alors le 4 mars 2021 : à l’IEP, des affiches accusent deux enseignants d’être islamophobes. L’action est aussitôt condamnée par l’établissement. Mais l’un des professeurs, Klaus Kinzler, se rend dans plusieurs médias, dont CNews. Il critique l’IEP, un « institut de rééducation politique » où des enseignants « endoctrineraient » les étudiants avec des théories « woke ». L’événement, qui aurait dû relever d’une enquête voire de sanctions gérées par l’école et la justice, prend alors des proportions inédites.

    La fachosphère s’en empare. Sur les réseaux sociaux, la situation devient hors de contrôle. « A l’université, on a l’habitude des débats contradictoires, mais là, c’était très différent. On s’est retrouvés au centre d’une arène, visés par des centaines de messages menaçants », témoigne M. Bastin. En décembre 2021, le pouvoir politique embraye : fustigeant ce qu’il présente comme une « longue dérive idéologique et communautariste » de l’établissement, Laurent Wauquiez, alors président Les Républicains (LR) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, annonce couper tous les financements à l’IEP – 400 000 euros, destinés à la mobilité internationale des étudiants.

    Si, du côté de la justice, la polémique désenfle – les étudiants mis en cause seront relaxés –, l’IEP doit consentir à signer en 2023 un « contrat d’engagement républicain » pour recouvrer sa dotation régionale. « Comme si nous n’étions pas, nous aussi, la République ! », commente M. Bastin, amer. En interne, la fatigue engendrée par cet emballement a laissé des traces. « Nous nous efforçons aujourd’hui de rétablir un climat de confiance. »

    Depuis, plusieurs établissements du supérieur et enseignants-chercheurs se sont retrouvés embarqués dans une lessiveuse médiatique, marquée par des vagues de harcèlement, de menaces et de pressions politiques. En toile de fond, cet épouvantail agité par une galaxie de forces conservatrices : les universités françaises seraient gangrenées par une pensée « wokiste » et « islamo-gauchiste » – termes suffisamment flous pour jeter l’opprobre sur ces institutions sans avoir à étayer précisément le stigmate.

    « Ces attaques, fondées sur des #caricatures, sont de plus en plus fréquentes. Elles ont pour objectif de fragiliser l’institution universitaire », s’inquiète Lamri Adoui, à la tête de l’association qui regroupe les présidents d’université, France Universités. Depuis le printemps, le contexte international accroît la vigilance du monde académique, tout en galvanisant ses détracteurs : Donald Trump a donné le « la » en s’en prenant frontalement aux grandes universités des Etats-Unis et au savoir scientifique.

    « Reconnaissance médiatique »
    L’Hexagone est loin de connaître des assauts d’une même ampleur. « Toutefois, si, en quelques semaines, Trump a pu s’attaquer à des décennies d’une culture américaine très empreinte de liberté académique, c’est parce que le terrain était préparé, alerte M. Adoui. Quand vous déniez le rôle de la science, que vous propagez de la désinformation à l’encontre des universités, vous en minez la légitimité. Et au moindre basculement politique, le champ est libre pour décréter de mettre au pas la communauté scientifique. »

    En France, la charge est alimentée par un nouveau marché de l’édition. Dernier éclat en date : la publication par les Presses universitaires de France (PUF), en avril, de Face à l’obscurantisme woke, dirigé par les universitaires Emmanuelle Hénin, Xavier-Laurent Salvador et Pierre Vermeren. Ses auteurs y critiquent une « pseudo-science militante » qui, « née dans les départements de sciences humaines », ferait régner une « terreur idéologique ». En ligne de mire, ce qu’ils décrivent comme une submersion des études liées au genre ou aux questions raciales, et de la « censure » qui en découlerait.

    « On voit bien dans nos mails la multiplication des sujets de thèse et des annonces de colloques consacrés à ces sujets », déclare au Monde Pierre Vermeren, qui évalue leur nombre à « des centaines et des centaines » : « Que de nouveaux sujets émergent, c’est normal. Mais leur nature pose problème. Les biais d’analyse ne sont pas sérieux, voire fantasmagoriques. »

    Dans le cadre d’une étude qu’il conduit sur les attaques aux libertés académiques, Pierre-Nicolas Baudot, maître de conférences en science politique à Rouen, a dénombré plus de 70 livres consacrés à la « menace wokiste », publiés entre 2020 et 2023. « Si tous ne se vendent pas très bien, ils disposent d’une couverture médiatique très importante », soulève-t-il. Et c’est ce que recherchent leurs auteurs, conclut M. Baudot, après avoir analysé leurs profils : « Il s’agit souvent d’universitaires en perte de vitesse, en quête d’une reconnaissance médiatique qu’ils n’ont pas dans le champ académique. » Ce que M. Vermeren balaie d’un revers de main : « Chaque jour, je refuse des propositions pour écrire des livres, participer à des émissions. »

    « Ces ouvrages se réfèrent tous aux mêmes anecdotes, rementionnées à l’envi pour donner l’impression d’un phénomène de masse », observe Thibaud Boncourt, professeur de science politique à Lyon-III, responsable d’un groupe de recherche sur la liberté académique. Ces anecdotes, poursuit-il, sont aussi « ressassées » sur le site de l’Observatoire d’éthique universitaire, dont sont membres les directeurs de l’ouvrage des PUF. Cet observatoire a été soutenu par l’entrepreneur Pierre-Edouard Stérin, qui œuvre à travers son projet Périclès à la victoire électorale de l’extrême droite. « Nous avons bénéficié d’un financement du Fonds du bien commun [créé par M. Stérin en 2021] pendant trois ans, mais les donateurs n’ont eu aucune influence sur notre projet », se défend M. Vermeren, qui affirme aujourd’hui fonctionner sans ces fonds.

    Si la dénonciation d’une supposée « submersion woke » a pris de l’ampleur, c’est aussi parce qu’elle a été confortée par des déclarations politiques au plus haut niveau de l’Etat. En octobre 2020, Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l’éducation nationale, accusait « l’islamo-gauchisme » de faire « des ravages » à l’université. M. Vermeren rappelle d’ailleurs le soutien de la première heure du ministre : « Pour notre premier colloque à la Sorbonne, il nous a ouvert les portes de l’université. »

    En février 2021, Frédérique Vidal, alors ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, avait annoncé diligenter une enquête sur « l’ensemble des courants de recherche » en lien avec « l’islamo-gauchisme ». Deux ans plus tard, le ministère révélait qu’aucune demande en ce sens n’avait, en réalité, été formulée.

    Et pour cause : il n’existe pas d’obsession « wokiste » dans les sciences sociales en France. C’est ce que démontre, en 2025, une équipe dirigée par le sociologue Etienne Ollion, professeur à Polytechnique. D’après son enquête, la place tenue par la question du genre dans les publications scientifiques est passée de 9 %, en 2001, à 11,4 % du total en 2022. Quant au chiffre avancé par l’Observatoire d’éthique universitaire dans son rapport 2023 – 234 colloques, articles ou thèses pouvant être rangés, selon ses auteurs, dans le camp des sujets « woke » –, il est dérisoire quand on sait que l’université compte chaque année, en sciences humaines et sociales, plus de 30 000 doctorants.

    Instrumentalisation
    Mais peu importe les faits : montrer du doigt les universitaires a, historiquement, toujours constitué une tactique politique efficace, rappelle le chercheur franco-canadien Francis Dupuis-Déri, auteur de Panique à l’université (Lux, 2022). « Depuis des siècles, les campus sont accusés d’être des repaires d’insurgés. S’en prendre à ces espaces d’élite est un moyen facile de gagner des points auprès des opinions publiques, pointe-t-il. Les effets recherchés sont plutôt situés à l’extérieur des universités : c’est de l’agitation politique, adressée à un électorat. »

    Plus seulement de la part de l’extrême droite, « mais aussi désormais de la droite voire du centre », dont l’instrumentalisation des subventions est « devenue une pratique normalisée », observe Alex Mahoudeau, autrice de La Panique woke (Textuel, 2022). L’exemple de l’Ecole Kourtrajmé, à Marseille, qui forme des jeunes défavorisés aux métiers du cinéma, a marqué les esprits : en avril, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, présidée par Renaud Muselier (Renaissance), annonçait lui retirer une subvention de 75 000 euros pour usage de l’écriture inclusive, reprenant une revendication récurrente des élus Rassemblement national de cette région.

    Aujourd’hui, c’est l’université Lyon-II qui fait sa rentrée avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Au printemps, un groupe d’individus perturbe le cours de Fabrice Balanche, l’accusant de racisme et de sionisme. L’enseignant entame une tournée médiatique où il dépeint une université gangrenée par « l’entrisme islamiste ». La présidente de l’établissement, Isabelle von Bueltzingsloewen, qui avait saisi le parquet après l’interruption « intolérable » de ce cours, fustige les « paroles complotistes » de l’enseignant. Elle est alors l’objet de menaces de mort, qui poussent le parquet à ouvrir une deuxième enquête, et à la placer sous protection. Protection renforcée quand la machine s’emballe à nouveau, après qu’a été déterré un post Facebook d’un des vice-présidents de l’université, Willy Beauvallet-Haddad, accusé d’y rendre hommage à l’ex-chef du Hezbollah Hassan Nasrallah – il présente sa démission en mai.

    Au même moment, Laurent Wauquiez, alors candidat à la présidence des Républicains, déclare suspendre les subventions régionales à l’établissement – près de 19 millions d’euros –, pour cause de « dérive islamo-gauchiste ». Coup d’éclat dans une campagne où il dispute à Bruno Retailleau le terrain conservateur, la menace n’a pas encore été appliquée, mais elle renforce le sentiment d’usure qui touche la communauté académique.

    « On part d’un exemple et on le monte en épingle pour dire que l’islam radical imprègne toute l’université. Les enseignants se retrouvent alors à devoir s’en défendre constamment : même au Canada, en colloque, on m’a interrogé sur cela », se désespère M. Baudot, qui donnait des cours à Lyon-II en 2024. « On ne parle plus de Lyon-II que par le prisme de ces micro-aspects qui ne correspondent en rien au travail effectué par l’ensemble des collègues au quotidien », abonde Hervé Goldfarb, chef du département de science des données et membre du syndicat Snesup-FSU. La présidente de l’université a décliné nos demandes d’entretien, par « prudence », en attente des réponses de financement.

    Comme d’autres de ses collègues, Françoise Orazi, professeure de civilisation britannique, doyenne de la faculté des langues, est « démoralisée ». « On est attaqués de l’intérieur, on subit les pénuries de financement, et, en plus de ça, on vient nous dire qu’on est islamo-wokistes !, s’exclame-t-elle. La nuit, je repense à ce que je croyais être mon métier et ce qu’il est devenu. A refaire, je choisirais une autre profession. » Pour Thibaud Boncourt, l’objectif de ces « cabales » est de « dilapider les énergies » : « C’est un travail de sape. »

    S’exiler pour mener ses recherches
    Des noms d’universitaires dits « woke » sont régulièrement jetés en pâture dans les médias, parfois épinglés avec leur photographie. « Créer des listes et mettre des cibles dans le dos, ce sont initialement des méthodes de l’ultradroite », s’alarme la professeure Vanessa Codaccioni, coprésidente de l’Observatoire des atteintes à la liberté académique. Entre 2023 et 2024, les demandes de protection fonctionnelle ont d’ailleurs bondi de 52 % chez les enseignants, chercheurs et agents non titulaires, selon le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

    « Dans nos laboratoires, on nous propose des formations de défense au niveau juridique, ou pour éviter de se retrouver exposés sur les réseaux sociaux », raconte Françoise Orazi. Elle regrette de devoir parfois verser dans une forme d’autocensure : « Je n’ai pas envie de me retrouver à la place de ma présidente et de recevoir des menaces de mort. S’il ne faut plus parler de certains sujets, liés au genre par exemple, je le fais. »

    Le chercheur Mehdi Derfoufi, un des responsables pédagogiques du master d’études de genre de Paris-VIII, remarque que les revues de recherche se montrent plus frileuses à monter des dossiers autour des questions raciales ou de genre. « Plus encore quand ces travaux proviennent de chercheurs et chercheuses minorisés », dénonce-t-il. Des colloques sont parfois aussi annulés au dernier moment, ajoute-t-il, « en raison de menaces directes de groupuscules d’extrême droite ».

    Face à ce climat, certains décident de s’exiler pour mener leurs recherches. « On voit arriver des doctorants et doctorantes français au Québec, ou encore en Belgique ou en Suisse, parce que l’ambiance ne leur semblait pas propice », observe Francis Dupuis-Déri. Mais c’est aussi le cas d’enseignants-chercheurs installés, qui avaient accédé au « graal » du poste fixe, soulève M. Baudot. Une fuite des cerveaux qui entraîne, déplore-t-il, « un gâchis de talents irréparable ».

    Charlotte Bozonnet et Alice Raybaud

  • Chasse aux « #wokes » : comment les polémiques de ces dernières années ont épuisé les universitaires

    Coupes de subventions, cabales médiatiques… En France aussi, les universitaires sont attaqués par des forces conservatrices. Au point de créer un climat d’usure et d’autocensure dans les campus et les laboratoires.

    « Un moment de folie. » C’est ainsi que Gilles Bastin, directeur adjoint de l’Institut d’études politiques (IEP) de Grenoble, qualifie l’affaire qui a secoué l’école il y a quatre ans. Nous sommes alors le 4 mars 2021 : à l’IEP, des affiches accusent deux enseignants d’être islamophobes. L’action est aussitôt condamnée par l’établissement. Mais l’un des professeurs, Klaus Kinzler, se rend dans plusieurs médias, dont CNews. Il critique l’IEP, un « institut de rééducation politique » où des enseignants « endoctrineraient » les étudiants avec des théories « woke ». L’événement, qui aurait dû relever d’une enquête voire de sanctions gérées par l’école et la justice, prend alors des proportions inédites.
    La fachosphère s’en empare. Sur les réseaux sociaux, la situation devient hors de contrôle. « A l’université, on a l’habitude des débats contradictoires, mais là, c’était très différent. On s’est retrouvés au centre d’une arène, visés par des centaines de messages menaçants », témoigne M. Bastin. En décembre 2021, le pouvoir politique embraye : fustigeant ce qu’il présente comme une « longue dérive idéologique et communautariste » de l’établissement, Laurent Wauquiez, alors président Les Républicains (LR) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, annonce couper tous les financements à l’IEP – 400 000 euros, destinés à la mobilité internationale des étudiants.
    Si, du côté de la justice, la polémique désenfle – les étudiants mis en cause seront relaxés –, l’IEP doit consentir à signer en 2023 un « contrat d’engagement républicain » pour recouvrer sa dotation régionale. « Comme si nous n’étions pas, nous aussi, la République ! », commente M. Bastin, amer. En interne, la fatigue engendrée par cet emballement a laissé des traces. « Nous nous efforçons aujourd’hui de rétablir un climat de confiance. »
    Depuis, plusieurs établissements du supérieur et enseignants-chercheurs se sont retrouvés embarqués dans une lessiveuse médiatique, marquée par des vagues de harcèlement, de menaces et de pressions politiques. En toile de fond, cet épouvantail agité par une galaxie de forces conservatrices : les universités françaises seraient gangrenées par une pensée « wokiste » et « islamo-gauchiste » – termes suffisamment flous pour jeter l’opprobre sur ces institutions sans avoir à étayer précisément le stigmate.

    Ces attaques, fondées sur des caricatures, sont de plus en plus fréquentes. Elles ont pour objectif de fragiliser l’institution universitaire », s’inquiète Lamri Adoui, à la tête de l’association qui regroupe les présidents d’université, France Universités. Depuis le printemps, le contexte international accroît la vigilance du monde académique, tout en galvanisant ses détracteurs : Donald Trump a donné le « la » en s’en prenant frontalement aux grandes universités des Etats-Unis et au savoir scientifique.
    « Reconnaissance médiatique »
    L’Hexagone est loin de connaître des assauts d’une même ampleur. « Toutefois, si, en quelques semaines, Trump a pu s’attaquer à des décennies d’une culture américaine très empreinte de liberté académique, c’est parce que le terrain était préparé, alerte M. Adoui. Quand vous déniez le rôle de la science, que vous propagez de la désinformation à l’encontre des universités, vous en minez la légitimité. Et au moindre basculement politique, le champ est libre pour décréter de mettre au pas la communauté scientifique. »
    En France, la charge est alimentée par un nouveau marché de l’édition. Dernier éclat en date : la publication par les Presses universitaires de France (PUF), en avril, de Face à l’obscurantisme woke, dirigé par les universitaires Emmanuelle Hénin, Xavier-Laurent Salvador et Pierre Vermeren. Ses auteurs y critiquent une « pseudo-science militante » qui, « née dans les départements de sciences humaines », ferait régner une « terreur idéologique ». En ligne de mire, ce qu’ils décrivent comme une submersion des études liées au genre ou aux questions raciales, et de la « censure » qui en découlerait.
    « On voit bien dans nos mails la multiplication des sujets de thèse et des annonces de colloques consacrés à ces sujets », déclare au Monde Pierre Vermeren, qui évalue leur nombre à « des centaines et des centaines » : « Que de nouveaux sujets émergent, c’est normal. Mais leur nature pose problème. Les biais d’analyse ne sont pas sérieux, voire fantasmagoriques. »
    Dans le cadre d’une étude qu’il conduit sur les attaques aux libertés académiques, Pierre-Nicolas Baudot, maître de conférences en science politique à Rouen, a dénombré plus de 70 livres consacrés à la « menace wokiste », publiés entre 2020 et 2023. « Si tous ne se vendent pas très bien, ils disposent d’une couverture médiatique très importante », soulève-t-il. Et c’est ce que recherchent leurs auteurs, conclut M. Baudot, après avoir analysé leurs profils : « Il s’agit souvent d’universitaires en perte de vitesse, en quête d’une reconnaissance médiatique qu’ils n’ont pas dans le champ académique. » Ce que M. Vermeren balaie d’un revers de main : « Chaque jour, je refuse des propositions pour écrire des livres, participer à des émissions. »
    « Ces ouvrages se réfèrent tous aux mêmes anecdotes, rementionnées à l’envi pour donner l’impression d’un phénomène de masse », observe Thibaud Boncourt, professeur de science politique à Lyon-III, responsable d’un groupe de recherche sur la liberté académique. Ces anecdotes, poursuit-il, sont aussi « ressassées » sur le site de l’Observatoire d’éthique universitaire, dont sont membres les directeurs de l’ouvrage des PUF. Cet observatoire a été soutenu par l’entrepreneur Pierre-Edouard Stérin, qui œuvre à travers son projet Périclès à la victoire électorale de l’extrême droite. « Nous avons bénéficié d’un financement du Fonds du bien commun [créé par M. Stérin en 2021] pendant trois ans, mais les donateurs n’ont eu aucune influence sur notre projet », se défend M. Vermeren, qui affirme aujourd’hui fonctionner sans ces fonds.

    Si la dénonciation d’une supposée « submersion woke » a pris de l’ampleur, c’est aussi parce qu’elle a été confortée par des déclarations politiques au plus haut niveau de l’Etat. En octobre 2020, Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l’éducation nationale, accusait « l’islamo-gauchisme » de faire « des ravages » à l’université. M. Vermeren rappelle d’ailleurs le soutien de la première heure du ministre : « Pour notre premier colloque à la Sorbonne, il nous a ouvert les portes de l’université. »
    En février 2021, Frédérique Vidal, alors ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, avait annoncé diligenter une enquête sur « l’ensemble des courants de recherche » en lien avec « l’islamo-gauchisme ». Deux ans plus tard, le ministère révélait qu’aucune demande en ce sens n’avait, en réalité, été formulée.
    Et pour cause : il n’existe pas d’obsession « wokiste » dans les sciences sociales en France. C’est ce que démontre, en 2025, une équipe dirigée par le sociologue Etienne Ollion, professeur à Polytechnique. D’après son enquête, la place tenue par la question du genre dans les publications scientifiques est passée de 9 %, en 2001, à 11,4 % du total en 2022. Quant au chiffre avancé par l’Observatoire d’éthique universitaire dans son rapport 2023 – 234 colloques, articles ou thèses pouvant être rangés, selon ses auteurs, dans le camp des sujets « woke » –, il est dérisoire quand on sait que l’université compte chaque année, en sciences humaines et sociales, plus de 30 000 doctorants.
    Instrumentalisation
    Mais peu importe les faits : montrer du doigt les universitaires a, historiquement, toujours constitué une tactique politique efficace, rappelle le chercheur franco-canadien Francis Dupuis-Déri, auteur de Panique à l’université (Lux, 2022). « Depuis des siècles, les campus sont accusés d’être des repaires d’insurgés. S’en prendre à ces espaces d’élite est un moyen facile de gagner des points auprès des opinions publiques, pointe-t-il. Les effets recherchés sont plutôt situés à l’extérieur des universités : c’est de l’agitation politique, adressée à un électorat. »
    Plus seulement de la part de l’extrême droite, « mais aussi désormais de la droite voire du centre », dont l’instrumentalisation des subventions est « devenue une pratique normalisée », observe Alex Mahoudeau, autrice de La Panique woke (Textuel, 2022). L’exemple de l’Ecole Kourtrajmé, à Marseille, qui forme des jeunes défavorisés aux métiers du cinéma, a marqué les esprits : en avril, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, présidée par Renaud Muselier (Renaissance), annonçait lui retirer une subvention de 75 000 euros pour usage de l’écriture inclusive, reprenant une revendication récurrente des élus Rassemblement national de cette région.
    Aujourd’hui, c’est l’université Lyon-II qui fait sa rentrée avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Au printemps, un groupe d’individus perturbe le cours de Fabrice Balanche, l’accusant de racisme et de sionisme. L’enseignant entame une tournée médiatique où il dépeint une université gangrenée par « l’entrisme islamiste ». La présidente de l’établissement, Isabelle von Bueltzingsloewen, qui avait saisi le parquet après l’interruption « intolérable » de ce cours, fustige les « paroles complotistes » de l’enseignant. Elle est alors l’objet de menaces de mort, qui poussent le parquet à ouvrir une deuxième enquête, et à la placer sous protection. Protection renforcée quand la machine s’emballe à nouveau, après qu’a été déterré un post Facebook d’un des vice-présidents de l’université, Willy Beauvallet-Haddad, accusé d’y rendre hommage à l’ex-chef du Hezbollah Hassan Nasrallah – il présente sa démission en mai.
    Au même moment, Laurent Wauquiez, alors candidat à la présidence des Républicains, déclare suspendre les subventions régionales à l’établissement – près de 19 millions d’euros –, pour cause de « dérive islamo-gauchiste ». Coup d’éclat dans une campagne où il dispute à Bruno Retailleau le terrain conservateur, la menace n’a pas encore été appliquée, mais elle renforce le sentiment d’usure qui touche la communauté académique.
    « On part d’un exemple et on le monte en épingle pour dire que l’islam radical imprègne toute l’université. Les enseignants se retrouvent alors à devoir s’en défendre constamment : même au Canada, en colloque, on m’a interrogé sur cela », se désespère M. Baudot, qui donnait des cours à Lyon-II en 2024. « On ne parle plus de Lyon-II que par le prisme de ces micro-aspects qui ne correspondent en rien au travail effectué par l’ensemble des collègues au quotidien », abonde Hervé Goldfarb, chef du département de science des données et membre du syndicat Snesup-FSU. La présidente de l’université a décliné nos demandes d’entretien, par « prudence », en attente des réponses de financement.
    Comme d’autres de ses collègues, Françoise Orazi, professeure de civilisation britannique, doyenne de la faculté des langues, est « démoralisée ». « On est attaqués de l’intérieur, on subit les pénuries de financement, et, en plus de ça, on vient nous dire qu’on est islamo-wokistes !, s’exclame-t-elle. La nuit, je repense à ce que je croyais être mon métier et ce qu’il est devenu. A refaire, je choisirais une autre profession. » Pour Thibaud Boncourt, l’objectif de ces « cabales » est de « dilapider les énergies » : « C’est un travail de sape. »
    S’exiler pour mener ses recherches
    Des noms d’universitaires dits « woke » sont régulièrement jetés en pâture dans les médias, parfois épinglés avec leur photographie. « Créer des listes et mettre des cibles dans le dos, ce sont initialement des méthodes de l’ultradroite », s’alarme la professeure Vanessa Codaccioni, coprésidente de l’Observatoire des atteintes à la liberté académique. Entre 2023 et 2024, les demandes de protection fonctionnelle ont d’ailleurs bondi de 52 % chez les enseignants, chercheurs et agents non titulaires, selon le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
    « Dans nos laboratoires, on nous propose des formations de défense au niveau juridique, ou pour éviter de se retrouver exposés sur les réseaux sociaux », raconte Françoise Orazi. Elle regrette de devoir parfois verser dans une forme d’autocensure : « Je n’ai pas envie de me retrouver à la place de ma présidente et de recevoir des menaces de mort. S’il ne faut plus parler de certains sujets, liés au genre par exemple, je le fais. »
    Le chercheur Mehdi Derfoufi, un des responsables pédagogiques du master d’études de genre de Paris-VIII, remarque que les revues de recherche se montrent plus frileuses à monter des dossiers autour des questions raciales ou de genre. « Plus encore quand ces travaux proviennent de chercheurs et chercheuses minorisés », dénonce-t-il. Des colloques sont parfois aussi annulés au dernier moment, ajoute-t-il, « en raison de menaces directes de groupuscules d’extrême droite ».
    Face à ce climat, certains décident de s’exiler pour mener leurs recherches. « On voit arriver des doctorants et doctorantes français au Québec, ou encore en Belgique ou en Suisse, parce que l’ambiance ne leur semblait pas propice », observe Francis Dupuis-Déri. Mais c’est aussi le cas d’enseignants-chercheurs installés, qui avaient accédé au « graal » du poste fixe, soulève M. Baudot. Une fuite des cerveaux qui entraîne, déplore-t-il, « un gâchis de talents irréparable ».

    https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/09/16/chasse-aux-wokes-comment-les-polemiques-de-ces-dernieres-annees-ont-epuise-l
    #ESR #université #wokisme #chasse_aux_sorcières #France #attaques #autocensure #censure #fachosphère #recherche #ensignement_supérieur #Laurent_Wauquiez #harcèlement #menaces #pression #islamo-gauchisme

  • Florence Ihaddadene, sociologue : « Le travail gratuit des jeunes les prépare à une forme de docilité vis-à-vis du marché du travail »
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/09/06/florence-ihaddadene-sociologue-le-travail-gratuit-des-jeunes-les-prepare-a-u

    Stages, expériences de volontariat ou d’apprentissage, « contrat d’engagement » ou autres services civiques prennent désormais une place prépondérante dans les CV des candidats en quête d’un emploi. Avec l’augmentation du nombre de diplômés et l’allongement de la période d’insertion professionnelle, les jeunes sont lancés dans une course à la distinction. Dans Promesse d’embauche. Comment l’Etat met l’espoir des jeunes au travail (La Dispute, 2025, 200 pages, 20 euros), Florence Ihaddadene, sociologue à l’université de Picardie Jules-Verne et spécialiste du service civique, fustige une accumulation de dispositifs dérogatoires au droit du travail, tenant lieu de politique de la jeunesse, qui ne seraient pas sans conséquence sur le rapport des jeunes au travail. Entretien.

  • Le succès controversé des écoles privées de science politique, « avec des stratégies qui vont de la confusion organisée à la publicité mensongère »
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/07/08/l-experience-montre-que-ces-etudiants-ont-une-formation-de-qualite-inferieur

    Car l’un des arguments de vente est de positionner leurs admissions en dehors des plateformes Parcoursup et Mon master. Un avantage, selon les élèves interrogés. « J’ai fait un refus d’obstacle devant les candidatures aux masters publics », déclare une ancienne élève de l’Ileri, entrée en master. « J’ai eu une réponse rapide, j’ai été soulagée de quitter Parcoursup », souligne une autre, entrée en bachelor.

    « Ce sont des écoles marchandes, avec des stratégies semblables qui vont de la confusion organisée à la publicité mensongère », résume Mathis d’Aquino, doctorant en science politique à l’université de Bordeaux, auteur d’un mémoire sur le sujet. Pour HEIP, l’Ileri, Egora, l’EGE ou Imagine Campus, à Bordeaux, toute demande de brochure d’information en ligne est suivie d’appels et d’e-mails, en provenance soit des centres d’appels pour les grands groupes, soit de responsables de la formation, qui proposent des rendez-vous pour discuter, avec des relances régulières. « Tout est fait pour rendre les étudiants et leurs familles captifs », explique le chercheur.

    https://archive.ph/YkW9x

    #concurrence #privatisation #lycéens #étudiants #Parcoursup #Mon_master #enseignement_supérieur_privé

  • La France en retrait des initiatives européennes pour dénoncer les partenariats avec les universités israéliennes
    Posted on juin 25, 2025 | Soazig Le Nevé | Le Monde – Aurdip
    https://aurdip.org/la-france-en-retrait-des-initiatives-europeennes-pour-denoncer-les-partenari

    Des étudiants devant un drapeau palestinien, le 9 avril 2025, bloquent l’entrée de l’Institut d’études politiques (IEP-Sciences-Po), à Strasbourg, pour protester contre le renouvellement du partenariat avec l’université israélienne Reichman. FREDERICK FLORIN/AFP

    Les recteurs belges, rejoints par 4 500 universitaires européens, appellent à ne plus financer les projets de recherche israéliens, lorsque les établissements ont des liens avec l’armée. En France, les présidents d’université se tiennent à l’écart du débat.

    La discrétion absolue : c’est la politique adoptée depuis vingt mois par l’enseignement supérieur français au sujet des partenariats académiques et de recherche avec les universités israéliennes. Aucun directeur d’école ou président d’université ne s’est ainsi exprimé publiquement, compte tenu de la situation à Gaza, pour annoncer le réexamen des accords passés avec des institutions impliquées dans la recherche militaire de l’Etat hébreu.

    Les recteurs des universités belges, pour leur part, viennent d’adresser le 21 juin un « appel urgent » à l’Union européenne (UE) et aux Etats membres pour que soit retiré à Israël son statut de membre du programme européen de recherche et d’innovation, Horizon Europe.

    L’initiative est appuyée par quelque 4 500 universitaires européens, qui ont signé lundi 23 juin une pétition, remise à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Ils dénoncent le financement de ces recherches par l’UE qui contribue, selon eux, « au développement de technologies de pointe à double usage et de sécurité, susceptibles d’être utilisées pour tuer des civils, détruire des infrastructures civiles et contrôler et réprimer le peuple palestinien dans les territoires occupés ».

    En Espagne, dès le 9 mai 2024, la Conférence des recteurs d’université avait appelé au boycott des relations académiques avec Israël. En juin 2025, le Trinity College de Dublin et l’université de Genève en ont fait autant. (...)

    https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/06/25/la-france-en-retrait-des-initiatives-europeennes-pour-denoncer-les-partenari

  • Face à un marché locatif bouché, la détresse des jeunes actifs : « Mais qui arrive à trouver un appart sans frauder ? »
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/06/18/face-a-un-marche-locatif-bouche-la-detresse-des-jeunes-actifs-mais-qui-arriv

    Explosion de la fraude sur les dossiers de candidatures pour des locations.

    Face à ces difficultés croissantes pour se loger, certains plaident pour des mesures structurelles. Pour Barbara Gomes, la solution est simple : il suffirait de relever significativement la taxe sur les logements vacants, à l’image de la ville de Vancouver, au Canada, où une taxe équivalente à 4 % de la valeur du bien a été mise en place.

    Je m’étonne que l’article ne parle pas de l’élargissement de la garantie de cautionnement par l’État, sans parler de mesures de contrôle des loyers

    • Avec des loyers d’autant plus élevés (avec ou sans « plafonnement ») qu’ils doivent pour partie compenser le fait que les logements concernés ne sont pas valorisés en « location touristique » et qu’ils concernent des biens raréfiés (quasi arrêt de la construction), des logements « sociaux » en nombre insuffisant (construction en berne), les proprios et leurs gestionnaires choisissent leurs locataires dans l’arbitraire le plus complet (à preuve, ces intermittents du spectacle à 3000 balles par mois dont on attend un CDI).

      Il n’y a par ailleurs aucun « contrôle des loyers » dès lors qu’il s’agit d’un nouveau bail. Le « plafonnement » ne fait qu’entériner un « prix de marché » dont on fait ... baisser la hausse.

      entre juillet 2019 et juin 2024, l’effet de modération de la hausse des loyers imputable au dispositif d’encadrement à Paris est de -5,2 % par rapport à la hausse qui serait intervenue à Paris en l’absence d’encadrement.

      https://www.apur.org/fr/nos-travaux/effets-encadrement-des-loyers-paris

      Le tourisme est le premier secteur économique de ce pays mais on ne se préoccupe guère des conditions de vie de qui, de la restauration au ménage, de la culture à la logistique, travaille directement ou pas pour ce secteur.

      le #tourisme donne le la, et pas seulement en matière de logement.

    • Dans un groupe FB local, j’ai vu passer une offre de job d’un peu plus de 600 balles pour 30h/sem.

      « oui, mais bon, un service civique, c’est pas un vrai boulot (30h/sem quand même), c’est pour tester si on veut le faire (genre, comme une période d’essai de droit commun, mais en moins long et sans possibilité de payer sous le SMIC ?) » et sachant que ces jobs tournent plus qu’en service civique et que jamais tu auras un SMIC pour ça ?

      J’ai répondu par un laconique : pas facile de se loger à ce prix-là.

      Parce que même dans mon bled pas cher et pas trop sous tension, c’est le prix d’un studio.

    • Deux gamines de 19 ans à Toulouse, serveuses 2 mois à plein rendement en soit disant CDI car les patrons exploitent le turnover des périodes d’essai. (STP évite la brasserie Black Lion à Toulouse). Pour le taf, elles se sont aussi retrouvées une nuit dans une boite de striptease dont l’annonce était sur France Travail où leur a été proposé un studio à 4 et où leur passeport a été confisqué jusqu’à la sortie à 4h du mat.
      Pour le logement, après des visites de souplex sentant le moisi et autres studios crades, elles ont finalement trouvé un 2 pièces de 38m2 pour 700€ dans un quartier éloigné du centre. Heureusement la mère de l’une d’elle veillait la nuit et a téléphoné pour insister auprès du proprio et faire valoir moult arguments en leur faveur dont tout ceux inconscients (jeunes/travailleuses/blanches/famille aisée et soudée). Lors de la visite, le proprio nous a montré son annonce le boncoin et en 2 jours il avait reçu 120 demandes …

    • @colporteur certes, on peut trouver insuffisant le dispositif de contrôle des loyers. Néanmoins, il semble que son efficacité s’accroit :

      Il en ressort qu’entre juillet 2019 et juin 2024, l’effet de modération de la hausse des loyers imputable au dispositif d’encadrement à Paris est de -5,2 % par rapport à la hausse qui serait intervenue à Paris en l’absence d’encadrement. L’effet s’accentue dans le temps (-2,5 % entre mi-2019 et mi-2020, -5,9 % entre mi-2022 et mi-2023 et -8,2 % entre mi-2023 et mi-2024) et bénéficie davantage aux petits logements qu’aux grands.
      L’analyse élargie à 5 autres villes régulées démontre par ailleurs l’efficacité du dispositif au-delà du seul cas parisien.

      https://www.apur.org/fr/nos-travaux/effets-encadrement-des-loyers-paris
      peut être cette amélioration ne reflète elle d’ailleurs que la baisse des prix (environ -10%) sur le marché immobilier ?

    • Ce pseudo encadrement n’est pas un contrôle. Il limite tout au plus certains abus, qui ne sont pas rares, sans toucher au prix. Comme le prix des petites surfaces (studios) est le prix le plus élevé au mètre carré, c’est principalement là que cela a des effets (ce n’est pas rien : les débrouillards prévoyants et suffisamment dotés peuvent même falsifier leur dossier pour obtenir le bail en prévoyant de faire baisser le loyer ensuite).

      À Paris, les colocations pouvaient être un moyen de vivre autrement qu’isolé, et surtout de ruser avec la cherté. Il y a quelques années, ça démarrait à 450€. Aujourd’hui, il n’est pas rare que ce soit 750€. Après tout c’est moins cher et mieux équipé qu’un studio. Il y a d’ailleurs des proprios qui organisent eux-mêmes des colocations (lit par lit, la rentabilité est supérieure à ce qu’elle serait pour l’entièreté de l’appart, pourtant déjà élevée).
      On s’est d’ailleurs mis à viser là-aussi le haut du panier avec un coliving qui permet d’obtenir à l’année des revenus au mètre qui tendent v ers ceux de RbnB
      https://seenthis.net/messages/1115517

      Les multipropriétaires possèdent une grande partie des logements privés des centres-villes. Point.
      https://archive.ph/z95R5#selection-2011.9-2011.105

      Et le premier propriétaire venu tâche d’adopter un comportement. Perso, y compris comme « propriétaire » d’un bail à Paris (ceux qui ne sont rien ont malgré tout souvent quelque chose, par exemple des vielleuse à vendre en ligne, jusqu’à ce que la CAF le leur fasse payer), tout incite à le rentabiliser par de la sous loc.
      Cette « violence économique » est fonctionnelle. Elle fabrique une subjectivité diffuse : tous propriétaires, partout mordus par les chiens de Guizot, tous commerçants jusqu’à être biffin de soi-même en auto entrepreneur.

      Municipaliser un logement touristique repensé (c’est sortir le fusil contre l’hôtellerie et les bailleurs), taxer le patrimoine (histoire connue), fixer le prix des loyers, construire des logements qui soient réellement sociaux (qui veut revaloriser les « cassos » et autres « victimes »), non, on fera rien de structurant, si ce n’est la loi Kasbarian.

      Y a pas de réformes sans qu’une menace sociale, révolutionnaire leur ouvre un espace, par crainte, par calcul. Donc pas de réformes, mais bien sûr cette fonctionnalité politique (déterminer les formes de vie) de la violence économique, faut quand même la réguler chouïa. Avec la VP on est dans la gestion d’une « attractivité » qui suppose de faire quelque chose comme une ville, malgré tout, donc éviter que le tourisme qu’on favorise et finance bouffe tout, donc garder des habitants, et pas que des jeunes célibataires ou des vieux, et maintenir la possibilité d’être Parisien, au moins quelque années.

      (rassurons-nous, les zoos humains ont été abolis)

    • A Paris, la pénurie de logements à louer s’aggrave
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/06/20/a-paris-la-penurie-de-logements-a-louer-s-aggrave_6614736_3224.html

      « Immobilier, une crise européenne ». Chaque année, 8 000 appartements disparaissent du parc locatif privé parisien. Au grand dam des jeunes actifs, des étudiants et des ménages aux revenus modérés. Un assèchement qui contribue à la muséification de la capitale.

      prix moyen du mètre carré à la location 27 euros (plus cher en petite surface).
      de bons graphiques
      fun fact, l’Apur invente des logements sociaux pour présenter des quantités flatteuses pour la Ville.
      https://archive.ph/6yoou

    • partout mordus par les chiens de Guizot,

      @colporteur : ?

      Est-ce parce que :

      Pour certains, c’est en 1840, peu après que Guizot fut devenu le chef effectif du gouvernement, qu’il prononça ces mots : « Éclairez-vous, enrichissez-vous, améliorez la condition morale et matérielle de notre France. » La formule figure dans un discours prononcé par Guizot devant la Chambre des députés en 1843.

       ?

  • « Un impérialisme des maths s’est imposé dans le système éducatif » | Entretien avec la sociologue des sciences #Clémence_Perronnet
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/05/29/un-imperialisme-des-maths-s-est-impose-dans-le-systeme-educatif_6609090_4401

    Avec le nouveau bac [où les filières S, L, ES disparaissent, remplacées par des « spécialités »], la focale s’est déplacée : là où auparavant on sélectionnait sur toute la filière scientifique, désormais la sélection se fait essentiellement par les maths. La réforme, bien que voulant s’en défendre, a aggravé la hiérarchisation des disciplines. Car la valorisation que l’on fait de telle ou telle discipline, loin de découler de leur autorité naturelle, résulte toujours de choix politiques et sociaux et change en fonction de ce que l’on veut faire de l’école.

    [...]

    En France, il y a une double tension entre des inquiétudes exprimées autour d’une décrue des mathématiques dans le secondaire, avec une baisse de niveau, et en même temps des maths qui deviennent toujours plus importantes pour accéder aux études supérieures. Comment analysez-vous ce paradoxe ?

    La France se distingue aussi par une histoire d’excellence dans la recherche mondiale, avec beaucoup de médaillés Fields [une des deux plus prestigieuses récompenses en mathématiques] et, en parallèle, par son statut de championne de la chute de niveau et des inégalités qui se creusent face aux maths.

    Mais, à bien y regarder, ce n’est pas tant un paradoxe : c’est parce qu’on a fait progressivement au fil des années le choix d’une politique très élitiste en mathématiques, en en faisant un critère de sélection pour l’excellence, qu’on parvient en bout de course à former des chercheurs stars… et que, en cours de route, on laisse tomber autant de jeunes.

    La réforme du lycée s’inscrit dans cette optique. Face aux difficultés de recrutement d’enseignants de mathématiques, les lycées commençaient à avoir des problèmes pour assurer toutes les heures de maths obligatoires en S et en ES. Elles sont devenues optionnelles, avec la volonté au fond de réduire le nombre d’élèves qui auront accès à cet enseignement : peu de jeunes feront finalement des maths à haut niveau, permettant de continuer à former une petite élite qui ira loin ensuite, au détriment des autres.

    Le seul fait qu’on qualifie un de ces enseignements de « maths expertes » [en enseignement optionnel en terminale] me frappe : seule cette discipline a eu le droit de se voir attribuer ce qualificatif d’expert.

    Pourquoi la manière dont le tri scolaire est aujourd’hui réalisé à partir des maths exacerbe-t-elle les inégalités ?

    Plusieurs études ont permis de se rendre compte que les parcours en mathématiques sont parmi les plus élitistes socialement. En bout de chaîne de l’enseignement, plus de 70 % des personnes qui font de la recherche en mathématiques (pendant ou après le doctorat) viennent de catégories très favorisées, alors que cette proportion est de 60 % en physique, discipline proche, et de l’ordre de la moitié des chercheurs et chercheuses en général. On retrouve aussi énormément d’enfants de matheux dans ces parcours, avec donc une forte reproduction sociale. C’est le fruit de ce qui se joue en amont : dans le secondaire déjà, très peu des jeunes qui font des mathématiques sont issus de classes populaires.

    Pas parce que ces jeunes n’auraient pas de qualités ou d’appétence pour les maths. Les études montrent que, au début du primaire, le désir et la curiosité pour cette matière sont très également répartis. Les écarts se creusent par la suite, en fonction des préjugés reliés à cette discipline. On la présente comme particulièrement ardue, et les familles qui en sont éloignées ne vont donc pas forcément pousser leurs enfants dans cette voie. Les grandes figures des maths qu’on nous offre sont aussi quasi exclusivement celles d’hommes blancs, représentés sous les traits d’une élite, empêchant la possible identification. La deuxième inégalité structurelle est genrée : les filles sont plutôt découragées, par le poids des stéréotypes comme par les processus d’orientation et les conseils des adultes, à s’imaginer réussir en maths.

    Pour ces raisons, le groupe d’élèves qui se retrouve à faire des maths à la fin du lycée a donc largement été trié. En sélectionnant par cette discipline à l’entrée du supérieur, on renforce alors l’exclusion des classes populaires comme des femmes des filières les plus prestigieuses, qui ouvrent aussi aux meilleurs salaires par la suite.

    #lycée #mathématiques #filles #orientation

  • « Les anciens ont connu un management similaire à leur époque, donc ils te font endurer la même chose » : chez les jeunes avocats, la robe pèse plus lourd

    https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/05/25/les-anciens-ont-connu-un-management-similaire-a-leur-epoque-donc-ils-te-font

    Sexisme, conditions de travail éprouvantes… depuis plusieurs années, la parole des élèves avocats et des jeunes collaborateurs se libère, une partie de la nouvelle génération refusant de subir la culture de la profession. Les instances représentatives commencent elles aussi à réagir.

    Mais, cette fois, on la traite comme une collaboratrice, sans la formation ni le salaire. Elle croule sous les dossiers hors de son champ de compétences et devient la cible de critiques incessantes : « On pointait ma façon de m’habiller, de me tenir, de parler… La moindre de mes interactions laissait place à des reformulations. S’il y avait une tâche ingrate, c’était pour moi, J’étais leur larbin ! » Très vite, son corps lâche : plus d’appétit, plus de sommeil. Soutenue par son compagnon et une amie, elle craque : « Ce sont eux qui m’ont dit : “Arrête là, ça suffit.” » Un matin, Oriane annonce son départ et affronte ses supérieures. « Elles m’ont répondu qu’il fallait que je m’estime heureuse d’avoir des fenêtres à mon bureau. Elles m’ont averti qu’il y aurait des conséquences… »

    Et le cas d’Oriane est loin d’être une exception. Déjà, en mai 2018, une enquête nationale sur les conditions de travail dans la profession, réalisée par le Défenseur des droits, révélait que 72 % des avocates et 47 % des avocats avaient été témoins de discriminations envers leurs collègues. Les motifs ? Le sexe (39,3 %), l’âge (23,4 %) et la maternité (19,7 %) .

  • « Le deuxième mandat de Trump introduit de l’incertitude sur la question des visas et des conditions de séjour pour les étudiants étrangers »
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/05/22/le-deuxieme-mandat-de-trump-introduit-de-l-incertitude-sur-la-question-des-v

    « Le deuxième mandat de Trump introduit de l’incertitude sur la question des visas et des conditions de séjour pour les étudiants étrangers »
    A l’occasion de la publication des chiffres de la mobilité étudiante dans le monde, la directrice générale de Campus France, Donatienne Hissard, décrypte, dans un entretien au « Monde », la concurrence accrue pour capter les cerveaux et les frais de scolarité.
    Propos recueillis par Charlotte Bozonnet

    Campus France, l’agence chargée de promouvoir l’enseignement supérieur français à l’étranger, publie chaque année les chiffres-clés de la mobilité étudiante dans le monde, un indicateur parmi d’autres des dynamiques et équilibres internationaux. Si son rapport 2025, qui porte sur les évolutions enregistrées entre 2017 et 2022, confirme un retour à la normale après le coup d’arrêt lié à la pandémie de Covid-19, il pointe des changements de fond parmi les flux traditionnels d’étudiants étrangers. Entretien avec Donatienne Hissard, directrice générale de l’agence.
    Quelles sont les tendances marquantes de l’année 2025 ?
    – Cette édition confirme le rebond post-Covid déjà observé les années précédentes. La pandémie n’a été qu’un accident de parcours dans la mobilité étudiante internationale (+ 27 % entre 2017 et 2022) qui est un trait de fond de la mondialisation. Ce qui est nouveau, et intéressant à noter, ce sont les évolutions dans les rangs des grands pays d’accueil. On observe ainsi une échappée du Royaume-Uni, dont l’écart avec les Etats-Unis n’a jamais été aussi bas (quelque 200 000 étudiants de différence), et de l’Allemagne, devenue le troisième pays d’accueil au monde.
    Du côté des régions d’envoi d’étudiants, on note l’émergence de l’Inde et de tout le sous-continent indien (+ 32 % sur cinq ans). Plus globalement, la compétition internationale pour attirer les étudiants s’est renforcée, avec l’arrivée, depuis une dizaine d’années, de nouveaux acteurs sur le marché de la mobilité étudiante internationale. A titre d’exemple, la Turquie est le huitième pays d’accueil au monde, juste derrière la France.

    Comment la France fait-elle face à cette compétition accrue ?
    –La France a accueilli 430 000 étudiants étrangers en 2023-2024, ce qui la place au septième rang mondial et devrait lui permettre d’atteindre l’objectif fixé de 500 000 étudiants accueillis en 2027. Cette population se caractérise depuis longtemps par une grande diversité géographique : aucun pays d’envoi ne regroupe plus de 10 % des étudiants étrangers. La mise en place de droits d’inscription différenciés pour les étudiants internationaux depuis 2019 n’a pas eu de conséquence : même à 3 800 euros l’année, un master en France reste en deçà des tarifs pratiqués dans d’autres pays. Ce qui a changé en revanche, c’est l’érosion de la place des universités (63 % des effectifs en 2023-2024 et une hausse de + 7 % entre 2018 et 2023) et la forte progression d’autres types d’établissements, notamment les écoles de commerce (15 % des effectifs actuels et une évolution de + 70 % entre 2018 et 2023).

    Le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Canada ont connu une hausse particulièrement forte du nombre d’étudiants entre 2017 et 2022 (de l’ordre de 50 %). Comment l’expliquer ?
    Ces trois pays ont en commun de mettre en avant les possibilités -d’insertion professionnelle après les études. Le Canada est traditionnellement un pays d’immigration professionnelle et jouit d’une excellente image dans le monde.Au Royaume-Uni, une politique très agressive a été menée après le Brexit pour attirer les étudiants internationaux. Il s’agissait de compenser l’amoindrissement des flux en provenance d’Europe en accueillant plus d’Asiatiques. Le sujet est existentiel pour les grandes universités britanniques dont le financement dépend en grande partie des droits de scolarité perçus grâce aux étudiants étrangers. Concrètement, le Royaume-Uni a mis en place une politique de visa très favorable jusqu’en 2023, dite « graduate route visa » [visa de parcours d’études supérieures], avec des durées de séjour post-études de deux voire trois ans (contre un an après diplomation en France).
    En Allemagne, l’objectif est de faire face au manque de main-d’œuvre qualifiée lié au déclin démographique de l’Allemagne. Le pays a infléchi sa politique pour faciliter la venue d’étudiants étrangers et les inciter à rester.
    Depuis 2023, le Royaume-Uni et le Canada sont un peu revenus sur les mesures existantes mais il n’y a pas de remise en cause de fond de leur politique. Il s’agit plutôt de mesures de refroidissement d’un système qui était en surchauffe et posait des problèmes de qualité du recrutement.

    Quelles sont les raisons du recul enregistré aux Etats-Unis ? Peut-on voir d’ores et déjà un « effet Trump » sur les flux d’étudiants étrangers ?
    –Les Etats-Unis gardent leur position dominante (quelque 800 000 étudiants sont en mobilité étudiante diplômante, 1 million avec ceux qui sont en échange) mais connaissent un déclin de leur attractivité depuis plusieurs années : moins 15 % entre 2017 et 2022. C’est lié à la montée en qualité d’autres systèmes qui prennent des parts de marché. Pour le moment, il est difficile de dire s’il y a un « effet Trump ». On ne peut pas le voir dans les statistiques. Ce qui est sûr, c’est que ce deuxième mandat introduit de l’incertitude sur la question des visas et des conditions de séjour pour les étudiants étrangers, ce qui n’est pas bon pour la mobilité. Pour une partie des étudiants, il y a certainement aussi un impact en termes d’image, par exemple avec le traitement des mobilisations pro-palestiniennes sur certains campus.
    Ce que l’on observe comme éventuels signaux faibles d’une perte d’attractivité, c’est le fait que les Américains, comme nos homologues de l’agence Institute of International Education, mènent à nouveau des opérations de promotion et de publicité à destination des étudiants étrangers, ce qu’ils ne se donnaient même plus la peine de faire. Sur certains sites, comme Studyportals, qui recueille les vœux des étudiants dans le monde, on observe aussi une baisse d’un tiers de doctorants se déclarant désireux d’aller aux Etats-Unis sur les premiers mois de 2025. Pour le moment, il y a de l’inquiétude mais on verra si elle se traduit dans les chiffres.

    Qui sont les nouveaux acteurs sur ce marché de la mobilité étudiante internationale ?
    – La Chine a été précurseur sur ce sujet : depuis vingt ans, elle a compris que c’est un outil d’influence et s’est dotée de moyens conséquents (bourses, salons internationaux, lancement du classement de Shanghaï, création des instituts Confucius). L’Inde a aussi des ambitions et une influence régionale. La Turquie a connu une progression de 126 % de ses effectifs sur cinq ans. C’est lié à la crise syrienne mais aussi à la mise en place d’une vraie politique de bourses et d’accueil d’étudiants, notamment africains.
    Des acteurs du Golfe ont aussi des ambitions, notamment les Emirats arabes unis, devenus le neuvième pays d’accueil. L’Arabie saoudite commence à s’y intéresser. Certains dragons asiatiques comme la Malaisie, la Thaïlande, Singapour. Mais aussi les trois pays du Maghreb qui ont des ambitions régionales pour attirer les étudiants d’Afrique subsaharienne. Avec le Brexit, un certain nombre de pays au sein de l’Union européenne (Pays-Bas, Irlande) se sont positionnés sur le créneau des études anglophones.

    Dans la compétition mondiale pour attirer les étudiants étrangers, et notamment les doctorants, où l’Europe se situe-t-elle ?
    –Lorsqu’on fait le total, les pays de l’Union européenne (UE) sont la première destination des mobilités étudiantes dans le monde : elles ont crû de 28 % entre 2017 et 2022. C’est aussi une région qui a la particularité d’avoir une très forte mobilité intrazone.
    En ce qui concerne l’accueil de doctorants, certains pays restent très forts. Ils sont ainsi 136 000 aux Etats-Unis, toujours premiers à l’échelle mondiale. Mais si on regroupe tous les pays de l’UE, on atteint le nombre de 152 500 doctorants. Avec des différences importantes entre les pays très prescripteurs au plan scientifique, comme la France, et les autres. Ainsi, la part de doctorants étrangers dans les pays de l’OCDE est en moyenne de 12 % contre 38 % en France, quatrième pays du monde pour l’accueil de doctorants. Ces doctorants étrangers sont une ressource irremplaçable pour les laboratoires de recherche en France.

    #Covid-19#migrant#migration#france#etudiant#etatsunis#visas#mobiliteetudiante#sante

  • https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/05/20/au-royaume-uni-les-universites-au-regime-managerial-elles-se-sont-muees-en-f

    Au Royaume-Uni, les universités sacrifiées sur l’autel de la rentabilité : « Elles se sont muées en fournisseurs de prestations éducatives »
    Les établissements ont accentué l’approche entrepreneuriale de l’enseignement supérieur mise en place par les conservateurs à partir de 2010. Des départements entiers et des postes d’enseignants-chercheurs sont supprimés.

  • Immobilier : les revers du « coliving », nouvelle industrie de la colocation
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/05/16/les-revers-du-coliving-nouvelle-industrie-de-la-colocation_6606311_3234.html

    Très rentable, la location de chambres au sein d’appartements rénovés prospère sur fond de crise du logement dans les métropoles.


    OLIVIER BONHOMME

    Le modèle économique de cette industrie est tout ce qu’il y a de plus simple. Il s’agit de doubler voire tripler les revenus d’un appartement en y logeant, après rénovation, un maximum de chambres, de salles de bains et une grande cuisine. Le #propriétaire sous-loue son bien à une société – plus d’une vingtaine déjà créées – qui s’occupe des locataires. La décoration est soignée. Les plateformes font leur marge sur les services intégrés au #loyer, lequel s’approche souvent du millier d’euros. « Le Wi-Fi, le gaz, l’électricité, tout ce qu’un locataire aurait de toute façon pris », détaille Axelle Baillet, responsable de Joivy France. « L’assurance, le ménage des parties communes et un fond de course par mois », complète Victor Augais, fondateur de La Casa, qui parvient à louer 12 à 15 chambres par pavillon de banlieue à moins de 1 kilomètre d’une station de métro, de tram ou de RER. Il en exploite déjà une cinquantaine en Ile-de-France et se développe aussi à Lille.

    [...]

    Une trentaine de couples ou de familles bien moins fortunés qu’eux vivaient là depuis toujours ou presque. Un matin, une lettre les a informés que l’immeuble était vendu. Deux mois plus tard, des affichettes les invitaient à prendre rendez-vous pour évoquer les travaux et l’avenir. « “Le ravalement, la réfection de toiture vont affecter votre qualité de vie”, nous a-t-on dit, “on peut vous accompagner dans un nouveau projet” », rapporte l’un des #locataires encore présents, qui, comme ses anciens voisins, a préféré rester anonyme.

    Bien sûr, officiellement, il n’a jamais été question de déloger qui que ce soit. En 2023, au moment où les premiers curages commencent, Lucas, 73 ans, locataire, depuis 1984, d’un 42 mètres carrés pour 516 euros par trimestre (loyer loi de 1948), faisait déjà le décompte. « La dame du bâtiment C est toujours dans le quartier, mais ils l’ont fait partir, détaille-t-il. La dame âgée du E et son mari ont été relogés au A pour vider le E. Moi, ils ont proposé de me trouver un logement ailleurs. J’ai refusé. Avec ma retraite d’ouvrier mécanicien de 1 200 euros, je ne peux pas me le permettre. »

    Elisabeth, 49 ans, régulatrice médicale, qui était née là et n’avait jamais quitté l’appartement – « deux studios réunis du E et du D » –, où ses parents, femme de ménage et manœuvre à la SNCF, s’étaient installés en 1974, a dû, elle aussi, quitter les lieux. Son nom n’était pas sur le bail. Ses parents retraités multipliant les allers-retours en Espagne, le propriétaire a considéré qu’elle était sans droit. « Je venais de faire un AVC [accident vasculaire cérébral], ils ne voulaient pas me croire. Ils m’ont relancée pendant des mois. Avec 1 500 euros [de revenus], comment voulez-vous ? J’ai fini par trouver un appartement avec la cuisine et la salle de bains dans la même pièce. » Ses parents ont reçu une compensation, explique Elisabeth. Deux agences d’architectes et celle des designers Bouroullec ont également quitté les lieux.

    « KV Paris X, un beau projet financé (…) par Anaxago, 4 000 mètres carrés au cœur du 10e arrondissement (…) pour faire une résidence mixte qui mêle coliving et coworking. Maximiser le rendement dans le but de le vendre, sur la base d’un taux de capitalisation en investisseur institutionnel. C’est une opération qui va cibler un taux de rentabilité qui est supérieur à 12 %. » Tout était dit dans cette conférence en ligne donnée par Anaxago, spécialiste de l’investissement immobilier, au printemps 2021.

    Mais de tout cela, Lucas, Elisabeth et la poignée de locataires qui résistent n’en ont rien su. (...)

    https://archive.ph/YyvAs

    edit précédemment
    https://seenthis.net/messages/1071804

    #coliving #logement #racket #rente_foncière

    • Paris, Lyon, Montreuil lancent la bataille contre le « coliving »
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/10/24/paris-lyon-montreuil-lancent-la-bataille-contre-le-coliving_6649174_3234.htm

      Derrière coliving, cet anglicisme se cache un concept protéiforme, sans définition juridique claire qui renvoie à la fois à cette #industrialisation_de_la_colocation avec des appartements ou maisons réaménagés pour y loger autour d’une cuisine commune un maximum de chambres, réservables en un clic. Mais aussi à ces résidences gérées produites dans le neuf ou après la transformation de bureaux vacants. Une réponse « à un vrai besoin » des étudiants, jeunes actifs, cadres de passage en quête de « convivialité », « lien social », « flexibilité », jurent les professionnels. Un filon développé sur fond de crise du logement, pour contourner les règles, sauver des actifs tertiaires, rétorquent leurs détracteurs. Dans le dossier complet qu’il publie ce mois d’octobre sur le sujet, le cabinet d’études économiques Xerfi recense 24 000 unités en France en 2025 (contre 2 600 en 2020), et en annonce 33 000 en 2028.

      Dans la capitale, c’est la première version qui a commencé par faire parler d’elle. L’histoire d’un îlot d’immeubles, racheté rue du Buisson-Saint-Louis, dans le Xe arrondissement, où les habitants ont été priés de partir pour laisser place à du coliving et des meublés touristiques, est devenue l’une des plus emblématiques. Puis, durant l’été, la municipalité a tiqué lorsque, au détour d’une réunion sur l’aménagement du quartier Hébert, dans le XVIIIe arrondissement, elle a compris que le programme hôtelier annoncé devenait 30 000 mètres carrés de coliving avec des loyers supérieurs à la limite imposée dans le secteur. Le groupement a été prié de revoir sa copie. Dans le XIIIe arrondissement, la Ville a mis son veto sur d’anciens bureaux en bord de Seine promis au même avenir et pousse pour qu’y soit créé du logement social étudiant.

      Appel à une intervention de l’Etat et du législateur
      Lorsque le projet est conditionné à l’obtention d’une autorisation d’urbanisme, le rapport de force est encore possible. A Montreuil, Gaylord Le Chequer, le premier adjoint au maire (PCF), a lui aussi refusé net la proposition d’un promoteur qui proposait de remplir deux immeubles anciennement occupés par les services de la ville par 150 chambres en coliving. « On veut y maintenir de l’activité. Par ailleurs, un loyer à 1 000 ou 1 500 euros ne correspond pas aux besoins d’un Montreuillois qui voudrait décohabiter », justifie l’élu. En revanche, poursuit-il, le coliving développé dans du logement existant, à l’image de cette grande maison à cinq minutes du métro qu’un particulier a racheté plus d’1 million d’euros pour y loger une dizaine de chambres, est autrement plus complexe à freiner.

      https://justpaste.it/chxlr

      Le « coliving », nouvelle marotte des investisseurs sur laquelle l’encadrement des loyers ne s’applique pas
      https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/04/23/le-coliving-nouvelle-marotte-des-investisseurs-sur-laquelle-l-encadrement-de

      Selon une étude du cabinet Xerfi, parue en 2024, en quelques années, le nombre d’exploitants de résidences atteint près de 60 opérateurs : « Le nombre de chambres exploitées a parallèlement augmenté de 70 % entre 2021 et 2023. L’intérêt des investisseurs institutionnels pour ce type d’actif est particulièrement important et ne s’essouffle pas. Ainsi, en 2023, les volumes investis sur ce segment ont dépassé 430 millions d’euros en France. »

      https://justpaste.it/c204a

      Une société de la séparation sait faire marché de la solitude.

      #crise_du_logement #loyers #racket #logement #résidences_gérées #rente_foncière #investisseurs #ville #Paris