• De l’infime tremblement d’une lèvre supérieure

    Contexte : le roi et le comte de Mirabeau (23 juin 1789) à l’Assemblée nationale https://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/grands-discours-parlementaires/le-roi-et-le-comte-de-mirabeau-23-juin-1789

    La décision du Tiers-État de se constituer en Assemblée nationale surprend Louis XVI et le pousse à faire fermer la salle où les députés se réunissent habituellement. Ces derniers se rendent alors au Jeu de paume où ils prêtent le célèbre serment de ne pas se séparer avant d’avoir donné une Constitution à la France. Le roi convoque alors les députés le 23 juin à une séance royale durant laquelle il consent quelques concessions mais annule toutes les initiatives prises par le Tiers-État et menace même l’Assemblée de dissolution.

    Après le départ du roi, les députés sont partagés entre peur et indignation mais décident de rester, alors qu’on leur demande de quitter les lieux. C’est à ce moment-là que Mirabeau, député de Provence, surnommé « l’Orateur du peuple », prononce cette phrase historique : « nous ne quitterons nos places que par la puissance des baïonnettes. »

    Passage merveilleux de Kleist à ce propos :

    Quand tu cherches à savoir une chose et que tu ne la trouves pas par la méditation, je te conseille, mon cher ami, d’en parler à la première personne venue. Il n’est pas besoin qu’elle soit douée d’une pénétration particulière et je ne veux pas dire non plus que tu doives l’interroger : point du tout ! Raconte-lui simplement de quoi il s’agit.

    Je te vois ouvrir de grands yeux et me répondre qu’on t’a appris autrefois à ne jamais parler que de choses que tu comprenais. Mais à l’époque, tu avais probablement la prétention d’instruire les autres tandis que je te demande au contraire de parler dans l’intention fort raisonnable de t’instruire toi-même – de sorte que nous pouvons admettre l’une et l’autre maximes, quoique dans des cas différents.

    L’appétit vient en mangeant, disent les Français. Cette proposition reste vraie quand on la parodie et que l’on soutient que l’idée vient en parlant. Il m’arrive souvent d’être assis à ma table, penché sur les pièces d’un procès compliqué, et de me demander par où débrouiller l’affaire. Ou de chercher, devant un problème d’algèbre, l’équation qui exprimera mes données et dont découlera ensuite un calcul simple. Si, dans ces moments-là, j’en parle à ma sœur, qui est près de moi et se livre à ses travaux d’aiguille, je trouve parfois ce qu’une rumination de plusieurs heures ne m’aurait peut-être pas livré. Non qu’elle ait formulé la solution, car elle ne connaît ni le code civil, ni les traités d’Euler et de Kästner. Ni qu’elle m’ait interrogé pour m’amener habilement au point décisif, bien que cela se soit sans doute passé ainsi plus d’une fois. Non, c’est parce que j’ai déjà une vague idée de ce que je cherche, certes encore éloignée du but, et que mon esprit, dès lors que je me décide à parler et pendant que je parle, mène à son terme la partie engagée et transforme en représentation claire l’intuition confuse du début, de sorte qu’à mon grand étonnement, j’atteins mon but au moment même où je termine ma phrase. J’y introduis des sons inarticulés, je tire des conjonctions en longueur, j’ajoute çà et là une apposition qui n’était pas nécessaire et recours à d’autres manœuvres dilatoires pour que mon idée ait le temps de se former selon les exigences de la raison. Rien ne m’est alors plus utile qu’un geste que ma sœur fait pour m’interrompre, car mon esprit déjà tendu tire de cette tentative de m’arracher la parole une excitation supplémentaire. Il réagit comme un général au milieu d’une bataille.

    Je comprends en quoi la servante été utile à Molière. (…)

    Je me souviens comment Mirabeau a foudroyé le maître des cérémonies à la fin de la dernière séance des états généraux présidée par le roi, le 23 juin [1789]. Le roi avait ordonné à l’assemblée de se disperser. Le maître des cérémonies était revenu dans la salle, où l’on s’attardait, et avait demandé si l’on avait bien entendu l’ordre du roi. « Oui », lui a répondu Mirabeau, « nous avons entendu l’ordre du roi ». Je gage qu’en commençant de cette façon courtoise, il ne sait pas encore où il veut en venir et ne pense pas à l’estocade qu’il va porter. « Oui, monsieur, nous l’avons entendu », dit-il – on voit qu’il hésite encore – « mais qu’est-ce qui vous autorise… continue-t-il, – et devant lui s’ouvre une perspective prodigieuse – … à nous donner des ordres ? Nous sommes les représentants de la nation. » Lui vient alors le mot qu’il lui fallait : « La nation donne des ordres, elle n’en reçoit pas » – puis, poussant l’audace à son comble : « Pour m’exprimer tout à fait clairement… – c’est maintenant qu’il exprime pleinement la résistance dont son âme est capable : … dites à votre roi que nous ne quitterons ces lieux qu’à la pointe des baïonnettes. » Sur quoi il s’assied, satisfait. Après cette saillie, le maître des cérémonies s’est certainement trouvé dans un état de totale banqueroute, pareil à un corps non chargé d’électricité qui est entré dans le champ d’un corps électrisé et s’est instantanément chargé de l’électricité contraire. On sait que, par un effet en retour, la charge du premier corps s’accroît d’autant. C’est ainsi que le courage de notre orateur s’est mué, quand il eut frappé son adversaire, en une extrême témérité.

    Il se peut donc que l’ordre des choses ait été renversé en France à cause de l’infime tremblement d’une lèvre supérieure ou d’un jeu de manchette ambigu. Il paraît que Mirabeau, dès que le maître des cérémonies se fut éloigné, se leva et proposa : i) que l’on se constituât immédiatement en Assemblée nationale, et ii) que celle-ci serait inviolable. Car, après cette puissante décharge, il était de nouveau dans un état neutre et, revenu de sa témérité, laissa soudain la crainte du Châtelet et la prudence prendre le dessus.

    On voit là une étrange concordance entre les phénomènes du monde physique et moral qui se vérifierait, si on la poursuivait dans les détails, dans tout ce qui s’est produit d’autre à ce moment-là. (…)

    Heinrich von Kleist, Que certaines idées nous viennent en parlant, 1805, traduit par J-F. Billeter dans Un paradigme, Allia, 2017, pp.65-68. https://www.editions-allia.com/fr/livre/618/un-paradigme

  • ne va sans doute pas essayer de le lire d’une traite, celui-ci, elle va plutôt le picorer — d’ailleurs « Lipstick Traces » n’est pas un roman, c’est davantage un essai, le siècle dernier considéré par le prisme de Dada, de l’Internationale Lettriste, du Situationnisme et des Sex Pistols.

    Petit défaut putatif puisqu’il faut bien en trouver un, cette « Histoire secrète du Vingtième siècle » semble s’arrêter plus ou moins en même temps que s’ouvre le Rideau de Fer ; il n’y aura donc probablement pas de chapitre consacré aux punkàchiennes goudous nullipares stoïco-nihilistes kimilsungistes-kimjongilistes-kimjongunistes, qui factuellement sont bien une émanation de tout cela mais dont les théories n’étaient, à l’époque, pas encore tout à fait abouties.

    Qui sait, dans l’avenir le présent flux Seenthis sera peut-être intégré à une mise à jour du bouquin ?

    Ah non, flûte, c’est vrai, la fin du monde aura eu lieu avant.

    #DécidémentCeNEstPasLaModestieQuiLÉtouffe.

  • Avoir raison avec... Günther Anders
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-avoir-raison-avec-guenther-anders

    « Anders » comme « autrement ». Le philosophe allemand Günther Stern - de son vrai nom - cherche par ce faux patronyme à annoncer une pensée critique qui s’inquiète des enjeux techniques, écologiques et politiques du 20e siècle. Retour en cinq volets sur l’œuvre de ce penseur méconnu.

    Élève d’Heidegger, premier époux d’Hannah Arendt et cousin de Walter Benjamin, Günther Anders (1902-1992) est un philosophe méconnu au cœur du 20e siècle. Il nous laisse une œuvre importante, traversant les grands enjeux de son temps, qui se trouvent être aussi les nôtres. Quelle morale face à la catastrophe écologique à venir et que devons-nous aux générations futures ? Que faire du nucléaire ? Comment ne pas nous laisser dominer par l’accélération du progrès technique ? Tant de sujets qu’il est aujourd’hui urgent d’affronter et pour lesquels la pensée de Günther Anders nous fournit une aide unique et précieuse.

    #audio #radio #France_Culture #Gunther_Anders #philosophie #nucléaire #écologie #politique

    • sur l’accélération [du progrès technique et du reste], un rapport avec Hartmut Rosa : 2eme et 3eme génération de l’école de Frankfort

      https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JOCM-06-2020-0179/full/html

      The tradition of Gunther Anders and Hartmut Rosa (second and third generation Frankfurter School) and the implications of their work for our assumptions about the relations between technology, control and organization is for a first time evidenced in this article.
      –---
      Gunther Anders in the 20th century and Hartmut Rosa in the 21st have argued that the technics of organization – that is, its physical and social technologies, have from acceleration become so uncontrollable and unpredictable that circumstances actually outstrip awareness to the degree that intentional “organizing” is more a fable than a reality, as stated in the quote from Rosa that forms the title of this article : “The very idea of organizing becomes literally meaningless”.

  • Alors histoire de bien connecter avec mes enfants, on se regarde des vieux films ensemble, et comme ça ils sont très fiers d’avoir un papa qui sait downloader des bittorrents.

    Bref, au début des vacances, comme je vois absolument partout que La folle journée de Ferris Bueller, c’est le grand film générationnel de ma génération (1986, j’avais 16 ans), et que c’est absolument génial et tout et tout, bon ben hop, bittorrent et roule ma poule on se regarde ça ensemble.

    Hé ben ah la vache : comment c’est possible encore cet enthousiasme pour une merde pareille ? (Je précise : je l’avais jamais vu.) Comment les gens continuent à dire que c’est génial en 2023 ? Le héros est un petit merdeux de gosse de riche parfaitement odieux d’un bout à l’autre. Il possède dans sa chambre un Emulator II (ça coûtait tellement bonbon ce truc que je pense que même Jean-Michel Jarre n’avait pas un Emulator II dans sa chambre), qu’il n’utilise que pour faire, littéralement, des bruits de chiotte. Ils empruntent la Ferrari de collection du papa de son pote. Évidemment ils détruisent la Ferrari de collection du papa de son pote, et la conclusion c’est que le pote il faut qu’il se laisse pousser des couilles et qu’il arrête d’avoir peur de son papa. Ils font des blagues téléphoniques quasiment rigolotes, sauf que la principale chose que cela dénote c’est qu’ils ont parfaitement intégré le fait qu’ils sont du bon côté des rapports de classe, et ils sont parfaitement odieux avec les gens. La grande sœur qui pourrait faire contrepoint (parce que moins chouchoutée que son frère), c’est une véritable tête à claque aussi. La copine de Ferris a pour unique rôle de valoriser Ferris, en étant belle à ses côtés et soulignant à quel point elle l’admire. Et ils sont tellement rebelles qu’ils sèchent l’école pour une « folle journée » qui revient à faire ce que, grosso modo, tu fais déjà avec tes gosses le week-end.

    Vraiment, j’ai vu ça, je m’attendais pas à un chef-d’œuvre, mais vraiment partout je vois des Vlogs qui expliquent que c’est le film des ados de mon temps, alors que c’est vraiment une sombre merde. C’est pas tellement marrant, et je ne comprends pas comment les gens ont pu s’identifier à des gosses de riches parfaitement odieux d’un bout à l’autre.

    A l’époque, deux ans avant, on avait déjà eu Risky Business, c’était trop trop cool, Tom Cruise incarnait un gosse de riche qui organisait un lupanar avec des prostituées pour déniaiser ses copains dans la maison de ses parents, pour rembourser la Porche de son papa qu’il avait détruite (quelle originalité dans les soucis des jeunes de mon époque…), et à la fin c’était vraiment trop trop chouette parce que la principale prostituée, elle lui proposait de coucher gratuitement avec lui, parce qu’on est tous romantiques quand on est jeune. Tu penses bien qu’on s’était tous identifiés à un gosse de riche devenu proxénète qui baise gratos avec sa prostituée pour rembourser la Porche à papa qu’il a noyée dans l’étang… Non ?

    Bon, du coup la grande m’a demandé de lui récupérer The Breakfast Club, que je n’ai jamais vu non plus, parce que tout le monde lui dit que c’est génial… Je crains donc le pire côté adolescents entitled et tête à claque. La bande annonce me semble moins violente sur la légitimation de la violence de classe, mais je n’ai aucune confiance dans les films d’ado des années 80. Enfin merde, on le sait que les belles valeurs des gosses de riche des années 80, la conclusion logique c’est American Psycho

    • On a négocié avec la grande : tous les 1ᵉ samedi du mois, c’est cinéclub à mater des vieilles daubes du patrimoine avec les darons.

      Y a eu des trucs des années 80, effectivement, ça ne peut plus passer aujourd’hui.
      Mais y a des trucs qui tiennent encore. En juillet, c’était Beignets de tomates vertes et elle a bien aimé, même s’ils se sont pris la gueule avec son père sur le fait que non, ce ne sont pas des amies, mais un couple lesbien ! Et que oui, dans notre jeunesse intolérante, fallait coder ce genre d’histoire.

      Samedi, j’ai casé Bagdad café : « On re fait bien chier la première heure, mais après, ça va ! ».

    • oh là là les darons, soit, speaking 60’s, vous êtes vachards, soit vous cachez des trucs, soit ils ont déjà tout vu. vous voulez des 80’s ? tant qu’à faire macho, proposez leur plutôt Extérieur nuit ou Full metal Jacket, sinon Gloria, Elephant man, Tchao Pantin, Paris Texas (là ils pourront dire qu’ils s’ennuient, il reverront plus tard), Brazil, Indiana Jones, Scarface, et même le Cercle des poètes disparus, un ou deux Tim Burton (je n’ai découvert que bien après, c’est beau), bref, il y des choses visibles banales mais pas trop durant cette période de merde
      et si ta fille est déjà grande @monolecte pourquoi pas Je vous salue Marie (sur arte en ce moment)

      à 16 ans en plus de ce que je voyais de ce qui sortait, j’allais loin de la maison pour voir des polars antédiluviens de série B en n&b, c’est sans les parents que l’on découvre des trucs à soi ou pas de son âge, mais n’ayez crainte, ils trouveront quand même.

    • @colporteur mes gamins sont trop jeunes pour la plupart des films que tu suggères. D’où cette période charnière où on introduit des films progressivement plus intéressant, mais c’est pas évident évident.

      Ce soir on vient de se faire Le bon la brute et le truand. Ils ont aimé. (Mais Il était une fois dans l’Ouest, il me semble par contre qu’ils sont torp jeunes par exemple. Et The mission avec la musique de Moricone, pareil ça me semble difficile.)

      Comme tu écris, je crois aussi que les films qui changent ta vie, ça se découvre sans les parents, mais encore faut-il savoir sur le cinéma ça a eut servi à changer la vie, pas juste à aller regarder une connerie avec des super héros en slip en lycra tous les 3 mois. D’où cette envie de films ensemble (mais justement, les films qui changent ta vie, c’est souvent pas des films pour les gamins). Avec la grande, déjà je pense que Les sentiers de la gloire, ça fait partie de ces films qui lui fait voir le monde autrement.

    • ok. souvent surpris de découvrir bien plus grands quelques enfants que je ne vois qu’occasionnellement, j’ai du aller trop vite. Les sentiers de la gloire, c’est déjà hard, en effet. Sinon, contre exemple, enfin illustration du fameux « qui éduquera les éducateurs », j’ai découvert, Tim Burton, en l’occurrence, Charlie et la Chocolaterie, grâce à des enfants plutôt jeunes (la plus petite avait 6 ans, si je me souviens bien). et c’est aussi grâce à elles deux que j’ai vu des Miyazake. par la suite, ça s’est en partie gâché de leur côté (conformation au goût des pairs, à l’école ; des contrepoints sont effectivement bienvenus). Elles restent fan des Demoiselles de Rochefort et autres Demy (là je me barre faire à manger, j’ai peu de goût pour les films musicaux). Sinon, du N&B, voir du muet, sans doute rébarbatif au premier abord (y a pas de rose), mais qui donne une consistance histoire longue au cinéma. avec tous les points d’interrogation de rigueur, Nanouk l’Esquimau, Buster Keaton, Le Kid, La ruée vers l’or et quelques autres, des Marx Brothers, Les 400 coups, Le Voleur de bicyclette. et puis un genre disparu sauf des Ford (et d’autres westerns, à trier ; version revue modernisée, est-ce que tous les Coen sont trop durs ? à l’humour peu adapté ? ). Allez, j’arrête la liste des mille choses auxquelles tu as du penser ou que vous avez déjà vu, d’autant que je suis pas expert, petit, pas de ciné pour moi (ouin ouin), c’était, pour ce qui est du meilleur, Skipper le dauphin, Fifi brindacier ou Zorro, puis la fenêtre ciné club de la téloche nationale, Star Trek et Colombo. Ensuite, on y revient, des plus âgés et un ciné club de lycée ont fait office de tremplin.

    • Une série qui m’a bien marqué quand j’étais ado. Sans aucune prévention parentale, d’ailleurs on regardait rarement la télévision en famille.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Holocauste_(mini-série)

      Lors de la première diffusion de la série en France (1979), les instituteurs ont créé des clubs de discussions avec les élèves, la série ayant traumatisé de nombreux élèves. Quarante ans plus tard, la série qui a permis à la génération d’après-guerre de découvrir l’horreur de la seconde guerre mondiale, reste une référence sur les grandes périodes de la seconde guerre mondiale.

      https://vodkaster.telerama.fr/series-tv/holocauste/62005

    • Globalement, le sexisme dans lequel on a baigné toute notre jeunesse se voit vachement, maintenant.

      Au rayon film qui a mal vieilli, hier soir en ciné en extérieur, on a vu Great balls of fire (1989), sur Jerry Lee Lewis, qui euphémise et excuse les pires aspects du personnage généralement présenté comme une victime : on a certes droit à une rapide scène où il tente de violer puis bat sa jeune cousine de 13 ans qu’il a épousée, puis quelques minutes plus tard le film se termine par une très joyeuse scène de danse et d’adulation (grosso modo, durant tout le film, le gars est présenté comme un génie victime de ses démons, la foutaise habituelle…).

      Le public (de vieux) a applaudit à la fin, alors que ma grande était clairement révulsée. Cette scène finale, en particulier, lui a été insupportable.

    • Le soir précédent, c’était le film-concert Hail ! Hail ! Rock n’ Roll (1987), sur Chuck Berry. Le film suggère que Berry a fait de la prison, mais on ne saura jamais pourquoi.

      Donc Wikipedia :

      But in December 1959, he was arrested under the Mann Act after allegations that he had had sexual intercourse with a 14-year-old Apache waitress, Janice Escalante, whom he had transported across state lines to work as a hatcheck girl at his club.

    • Great balls of Fire, pas vu le film à l’époque, mais pas sûr que j’aurais apprécié : bon sang, outre le fait que « Jerry Lee » cabotine en en faisant des tonnes, c’est malsain du début à la fin.

      En même temps, dans quel pays est-il possible d’épouser une gamine de 13 ans, alors que le second divorce du marié n’est pas encore terminé ?…

      Dans quel pays passe-t-on en continu de la bigoterie prêcheuse au quasi (?) inceste ? Longtemps après le film, en 2012, Jerry Lee Lewis a épousé – septième et dernière épouse – l’ex-femme du frère de Myra… Comme dit dans la notice WP du « cousin prêcheur » :

      The extended family had a complex network of interrelationships: “cousins and in-laws and other relatives married each other until the clan was entwined like a big, tight ball of rubber bands”.

      https://en.wikipedia.org/wiki/Jerry_Lee_Lewis
      https://en.wikipedia.org/wiki/Jimmy_Swaggart
      https://en.wikipedia.org/wiki/Myra_Lewis_Williams

      Et comment ne pas s’associer à la réaction de ta grande qui ne peut que s’identifier à cette jeune fille livrée sans protection à ce qui ressemble d’assez près à un monstre psychopathe. Après, que la musique de JLL déménage et rappelle quelques bons souvenirs aux « vieux », ce n’est guère étonnant.

      Pour terminer, le film n’a pas vraiment marché en salles, peut-être, justement, à cause de cet aspect franchement malsain. Comme le synthétise Rotten Tomatoes

      Great Balls of Fire ! - Rotten Tomatoes
      https://www.rottentomatoes.com/m/great_balls_of_fire

      Great Balls of Fire romanticizes the more disturbing elements of Jerry Lee Lewis’ controversial life story, but Dennis Quaid’s crackerjack performance and a soundtrack stuffed with classic songs gives this flawed biopic some smolder.

  • Raoul Vaneigem : « Contre le capitalisme, une révolution maraîchère » Par Catherine Marin - Reporterre - Entretien — Séries d’été
    https://reporterre.net/Raoul-Vaneigem-Contre-le-capitalisme-une-revolution-maraichere

    Écrivain engagé, acteur essentiel de l’Internationale situationniste, avec Guy Debord, médiéviste, Raoul Vaneigem a publié une cinquantaine de livres https://wikimonde.com/article/Raoul_Vaneigem depuis son Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations, qui participa à l’embrasement des universités en Mai 68. Un passionnant livre d’entretiens avec Gérard Berréby, Rien n’est fini, tout commence , paru en 2014 aux éditions Allia https://www.editions-allia.com/fr/livre/695/rien-n-est-fini-tout-commence , permet de mieux comprendre sa trajectoire, des milieux ouvriers du Hainaut belge à la défense du socialisme autogestionnaire.
    Parmi ses dernières publications, Rien ne résiste à la joie de vivre (éd. Grevis, 2022) et Retour à la vie (éd. L’insomniaque, à paraître en octobre). Un essai, d’Adeline Baldacchino, lui a récemment été consacré : Raoul Vaneigem — Une politique de la joie (éd. Michalon, 2022).

    Reporterre — Le 10 mai dernier https://reporterre.net/Desertons-des-jeunes-ingenieurs-appellent-a-refuser-les-jobs-destructeur , des étudiants d’AgroParisTech dénonçaient publiquement l’enseignement reçu, complices à leurs yeux des « ravages sociaux et écologiques en cours ». Après d’autres, ils appelaient à bifurquer https://reporterre.net/Comment-la-desertion-gagne-la-France pour des « vies moins cyniques », notamment à la campagne. Sont-ce là les germes d’une rébellion que vous appelez depuis longtemps de vos vœux contre le capitalisme et son mépris de la vie ?

    Raoul Vaneigem  — Quitter les centres urbains pour reprendre contact avec la nature n’est plus comparable au repli champêtre qui motiva les hippies, dans la retombée du Mouvement des occupations de Mai 68. Aux rêveurs bucoliques, les pesticides auraient tôt fait de rappeler que le profit répand ses remugles en tous lieux. Le choix de la campagne va bien au-delà d’une réaction d’autodéfense de la vie en proie à la pollution urbaine.

    L’ironie de l’histoire nous remet ici en mémoire les luttes communalistes qui, aux XIIe et XIIIe siècles, voient les villes naissantes se soulever, en Catalogne, en Italie du Nord, en Allemagne, en France occitane et picarde, contre la tyrannie des seigneurs féodaux. L’importance croissante du libre-échange, qui inaugure la lutte du capitalisme contre un immobilisme agraire, cadenassé par l’aristocratie, est alors l’élément moteur d’une lutte dressant la bourgeoisie des villes contre la puissance oppressive des féodaux https://www.mollat.com/livres/660017/raoul-vaneigem-le-mouvement-du-libre-esprit-generalites-et-temoignages-sur-l . Cependant, ce projet d’émancipation révèle très vite son ambiguïté. Dans sa Complainte des tisserandes https://www.chants-de-lutte.com/la-complainte-des-tisserandes , Chrétien de Troyes se fera l’écho de la nouvelle oppression. Pour avoir nourri les luttes communalistes, le slogan « l’air des villes rend libre » servira de tremplin à l’idéologie d’un bonheur terrestre débarrassé des dieux et de leur tutelle.

    L’attrait de la campagne tient à ce qu’elle offre de nouvelles assises aux luttes qui s’esquissent aujourd’hui, inséparablement existentielles et sociales. Car, en dehors de l’obstination des Gilets jaunes, la stagnation des combats revendicatifs est atterrante. La révolte aspire à se frayer d’autres voies. La campagne offre à la perspective d’un bouleversement collectif et individuel ce que l’on pourrait qualifier de « champ de bataille démilitarisé » , un lieu des possibles, ouvert aux gageures de la poésie créative.

    Une évidence se fait jour : le mouvement d’émancipation universelle naîtra de petites entités fédérées, de microsociétés mues par la volonté de défendre et de développer le sens humain. C’en est fini de miser sur le grand nombre des protestataires, sur les foules trop aisément manipulables, sur les nations, les ensembles surpeuplés. Si la ville peut parer à l’étouffement du surnombre, c’est en ravivant ses anciennes structures villageoises, en recréant ces solidarités de quartiers qui ont toujours été propices aux émeutes et aux insurrections — Haussmann ne s’y trompait pas, qui les quadrilla et les éventra de grandes avenues.

    En 1967 https://www.babelio.com/livres/Vaneigem-Traite-de-savoir-vivre-a-lusage-des-jeunes-genera/15798 , votre « Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations » appelait à sortir des déterminismes sociaux pour « se créer en recréant la société ». Aujourd’hui, ces jeunes adultes déserteurs qui cherchent à se réancrer dans une existence matérielle https://reporterre.net/Lola-Keraron-A-24-ans-j-ai-deserte-AgroParisTech en lien avec le vivant (boulangerie, apiculture, etc.) répondent-ils à ce mouvement ?

    Du haut de leur bureaucratie politique et syndicale, où ils gèrent les impuissances de la subversion, les rhéteurs de l’anticapitalisme ont toujours traité avec mépris ceux qui souhaitaient atténuer par des réformes une inhumanité dont ils réprouvaient viscéralement la cruauté. Les réformistes n’étaient pas révolutionnaires. Les grandes idéologies prolétariennes ne l’étaient pas davantage, si l’on en juge par le démembrement de la conscience ouvrière, dont nous leur sommes redevables. À vrai dire, il ne faut pas se leurrer, la plupart des prétendues organisations à but humanitaire — du style Kouchner https://books.openedition.org/iheid/2943?lang=fr — sont une imposture. Elles relèvent de la philanthropie, du marché caritatif, bref des bonnes œuvres du capitalisme. Mais, là comme partout, c’est à nous de poser sans relâche la question « Cui prodest ? À qui cela profite-t-il ? » Il n’est pas d’autres moyens de départager, en les passant au crible, les entreprises délétères et les initiatives salutaires.

    Ce qu’il y a d’attractif dans le projet de « se créer en recréant le monde » découvre sa pratique par l’entremise de groupes solidaires dont l’autonomie individuelle est l’élément central. Tandis que l’État et ses commanditaires multiplient les zones à détruire, un nombre croissant de collectivités lui opposent le rachat, à titre privé, de terrains qu’ils dédient à la permaculture, à l’agriculture renaturée, au maraîchage, à l’artisanat, à la recherche d’énergies non polluantes ; tout en excluant l’écologie marchande. De telles initiatives favorisent des révoltes inattendues, comme celle d’ingénieurs agronomes refusant de collaborer davantage à l’empoisonnement agro-alimentaire, de chercheurs ne supportant plus les technologies de l’inhumain, de techniciens devenus hostiles aux industries de la pollution climatique qui les emploient. Imaginez, dans la foulée, un sabotage des taxes et des impôts par les fonctionnaires devenus malgré eux les collecteurs de l’injustice !

    « La planète entière frémit du même désir d’une vie libre. »

    Sous les couleurs de l’humour et de la bonne humeur, une « révolution maraîchère » s’emploie à récupérer une terre qui est la nôtre, il faut le rappeler. Les coups qui aboliront la tutelle des États et des intérêts privés jailliront de l’existentiel et de son tissu social. Il est de la plus haute importance qu’en ces lieux de fraternité retrouvée se redécouvrent la joie de vivre ensemble, l’efflorescence des passions, le désir sans fin. Que l’apiculteur se sente au sein de ses abeilles comme au sein d’un milieu naturel et de relations véritablement humaines, c’est toute la différence avec la même occupation exercée dans le monde marchand. Ce qui s’opère sous nos yeux est un basculement radical. La résurgence de l’entraide et de l’individu autonome annonce la fin du règne de l’individualiste, de l’esclave prédateur, du petit homme au calcul égoïste. C’est le déracinement de la servitude volontaire.

    Réduire ces solidarités nouvelles à un folklore associatif, c’est oublier qu’elles peuvent être le ferment de plus amples développements. Le rejet de la barbarie a donné naissance à des zones à défendre tels le Chiapas zapatiste https://reporterre.net/Declaration-pour-la-vie-les-zapatistes-annoncent-leur-venue-en-Europe et le Rojava. La France l’illustre avec une revendication galactique d’une spécificité insolite et insolente. Si la présence imperturbable des Gilets jaunes rayonne humblement de résonances poétiques qui troublent le monde entier, ce n’est ni hasard ni magie, mais parce que la planète entière frémit du même désir d’une vie libre. Parce que partout, du Chili au Sri Lanka, le rêve d’une société radicalement nouvelle se conjugue avec l’histoire et se concrétise.

    Ces gestes forts sont l’écho d’une conscience écologique qui s’affirme. Pensez-vous que l’écologie politique, avec ses luttes contre les grands projets inutiles https://reporterre.net/La-carte-des-luttes-contre-les-grands-projets-inutiles (routiers, aériens, etc.), sa dénonciation du productivisme et du travail contraint (chez les pionniers), sa défense du vivant, peut être une chance de renaissance politique ? Dans quelle mesure ?

    Si sympathiques qu’elles soient, les manifestations en faveur du climat servent d’exutoires au sentiment d’impuissance qu’éprouvent intimement les protestataires. Comment imaginer que des mesures pratiques et un tant soit peu conséquentes contre la pollution puissent être adoptées par des États et des monopoles qui en sont la cause et les bénéficiaires ? Ce n’est pas dans les capitales que la colère est requise, c’est aux côtés des zadistes en lutte contre la propagation des nuisances, des pesticides, des inutilités rentables — on n’a même pas obtenu l’interdiction des produits qui tuent les abeilles et nous empoisonnent https://reporterre.net/Neonicotinoides-tueurs-d-abeilles-le-passage-en-force-du-gouvernement !

    De quelles vertus voulez-vous créditer la politique et le parlementarisme ? Les marchandises électorales sont interchangeables. L’envers vaut l’endroit. Le populisme fascisant réclame la liberté de ne pas se faire vacciner et le populisme gauchiste appelle à la vaccination obligatoire. Avons-nous jamais connu une telle disette de l’intelligence sensible et du sens humain ? Pendant que les pitreries médiatiques captent l’attention, les lobbies du nucléaire, du pétrole, de la pharmacie, de la 5G, du gaz de schiste, des malversations bancaires, triomphent avec le soutien d’une corruption et d’un parasitisme étatiques exhibés sans scrupules. Ce beau monde s’en donnerait à cœur joie s’il en avait un. En l’occurrence, la « totale » assurance de poursuivre son entreprise de destruction lucrative lui suffit.

    Comment passer de la désertion individuelle à l’insurrection collective ?
    L’État et ses commanditaires auraient intérêt à nous entraîner dans une guerre civile, ou du moins dans sa parodie. Ils en tireraient un double avantage. Ils nous acculeraient sur un terrain qu’ils connaissent assez pour nous écraser. Plus déplorable encore, ils nous militariseraient, ils nous mécaniseraient, nous engageant à contresens de la conscience humaine pour laquelle nous luttons. Libre à qui le souhaite de recourir à une de ces guérillas sans armes, selon le principe « ne jamais détruire un être humain, mais détruire les machines qui nous déshumanisent » .

    Néanmoins, compte tenu de l’effondrement programmé par l’écart croissant entre l’économie réelle et l’économie spéculative, mieux vaut miser sur une insurrection pacifique comme celle qu’illustrent à leur façon les zapatistes, les Gilets jaunes et ces insurgés improbables qui surgissent de partout.

    Le peuple avait fini par s’aviser que ses exploiteurs étaient des malades. Il lui apparaît maintenant que le pouvoir n’est plus assumé par des égrotants mais qu’il est géré par la terreur épidémique et l’épidémie de terreur. Le capitalisme moribond érige la morbidité en mode de gouvernement. La peur de la maladie est l’instrument d’une oppression automatisée. Une fois mise en branle, la machine fonctionne seule, elle s’accommode de dirigeants décérébrés, de créatures acéphales trébuchant de sottises en incompétences. L’État et ses commanditaires sont déchargés de toute responsabilité. Et nous, de tout devoir envers eux ! L’autodéfense sanitaire devient pour chacune et chacun la substance d’une autodéfense généralisée. Sous cet angle, l’autogestion — autrement dit l’organisation du peuple par lui-même — n’a plus rien de subversif, c’est une cure de santé parfaitement légitime !

    #raoul_vaneigem #vaneigem #gilets_jaunes #capitalisme #autogestion #état #zad #coronavirus #mai68 #zapatistes #autodéfense #anarchisme #travail #capitalisme #oppression #exploitation #effondrement #des_grands_projets..._inutiles_

    l’Internationale situationniste
    https://www.youtube.com/watch?v=jc38K2JFLDA

  • Faut-il jeter tous ses vinyles des Rolling Stones à la poubelle ? | Sylvie Tissot
    https://lmsi.net/Faut-il-jeter-tous-ses-vinyles-des-Rolling-Stones-a-la-poubelle

    Avertissement avant lecture : une fois refermé le livre de Simon Reynolds et Joy Press, vous n’écouterez plus jamais « Satisfaction » des Rolling Stones de la même manière. La lecture de Sex Revolts est dévastatrice mais, comme des enceintes d’un nouveau type qui produiraient un autre son, elle est aussi puissante, et nous la recommandons vivement. Une fois passé 200 pages à déconstruire, minutieusement et sans pitié, les deux matrices – qui semblent parfois n’en faire qu’une – où s’alimente le rock’n’roll : rébellion et misogynie, puis à explorer – avec admiration, mais non sans réserves – « l’autre masculinité » qui s’est construite contre elle dans le sillage du « Summer of Love », du « Flower Power » et des musiques « psychédéliques » ou « planantes », les auteur·e·s nous invitent à parcourir l’envers (...)

  • Deep Blues - Robert Palmer. Editions Allia - #Livre
    https://www.editions-allia.com/fr/livre/891/deep-blues

    “Les esclaves qu’on mettait au travail dans les champs du Sud provenaient de toutes les régions d’Afrique où sévissait la traite négrière. Que ce soit en chantonnant pour eux-mêmes, en criant des hollers d’un bout à l’autre du champ, ou en chantant collec­tivement pendant les heures de travail ou de culte, ils construisirent un langage musical hybride où se retrouvait la quintessence d’innombrables traditions vocales africaines­­­­.”

    #Robert_Palmer est né en 1945 et a grandi dans l’Arkansas. Très jeune il fait preuve d’un vif intérêt pour la musique populaire, aussi bien comme musicien, qu’en collaborant à différentes revues. Contributeur de Rolling Stone, il devient ensuite le premier rédacteur du New York Times à consacrer exclusivement sa plume au rock. Il enseigne par la suite l’ethnomusicologie à l’université du Mississippi, et produira des albums pour le label #Fat_Possum_Records. Il meurt en 1997.

    https://seenthis.net/messages/734920
    https://www.editions-allia.com/files/pdf_803_file.pdf

    Paul Wine Jones Kitty Kat Mule (1995)
    https://paulwinejones.bandcamp.com/track/kitty-kat


    #Blues

    • Taleur je regardais les nouveautés aux éditions Allia
      https://www.editions-allia.com/fr/livre/870/lecons-dune-pandemie

      “Inondations, famines, tremblements de terre et éruptions volcaniques ont joué leur part en matière de destruction humaine, dont l’entendement peine à mesurer l’horreur, et pourtant, jamais auparavant ne s’était produite une catastrophe à la fois aussi soudaine, aussi dévastatrice et aussi universelle. Le plus stupéfiant dans cette pandémie, c’est le mystère total qui l’entoure. Nul ne semble savoir ce qu’est la maladie, d’où elle vient, ni comment y mettre fin. Les esprits anxieux se préoccupent de la survenue d’une nouvelle vague.”

      #pandémie #livre

    • dans ce même premier numéro de la revue « Trou noir », il y a ceci :
      http://www.trounoir.org/?I-feel-love-le-son-du-futur

      Les Sex Pistols ont chanté No Future , mais il y a un futur et nous essayons de le construire.

      Allen Ravenstine, Pere Ubu, 1978

      https://www.editions-allia.com/fr/livre/333/rip-it-up-and-start-again
      1977, Donna Summer chante I feel love

      Vers cette époque, Lydon commença à dire dans la presse que la disco était la seule et unique musique d’aujourd’hui qui comptait pour lui - un changement de discours pour le moins frappant vu le dégoût que les punks éprouvaient pour ce genre. PiL, tenait-il à souligner, faisait de la musique dansante. La disco était un genre fonctionnel et utile, qui ne s’encombrait pas de toutes les conneries - les faux espoirs et la croyance aveugle en un rock contre-culturel - que le punk avait finalement entretenues. Elle avait donc son rôle à jouer dans la campagne rhétorique que Lydon souhaitait poursuivre contre un rock qui, s’il n’était certes pas mort, méritait d’être éliminé. Les membres de PiL étaient là pour ça.Fidèle à son anticléricalisme et à son personnage d’Antéchrist forgé par « Anarchy in the UK », Lydon compara le rock à « une église (...), une religion (...), une vaste farce ».

      Public Image belong to me - John Lydon et PiL
      Rip It Up and Start Again - Simon Reynolds. ALLIA 2007

      #Disco #post_punk

  • Autour de Notre-Dame, un silence de plomb
    https://www.liberation.fr/debats/2019/05/03/autour-de-notre-dame-un-silence-de-plomb_1724519

    L’image a tétanisé le monde : le 15 avril, la flèche embrasée de Notre-Dame, phare emblématique du patrimoine mondial, s’effondre. L’émotion internationale suscitée par ce dramatique incendie contraste avec le voile pudique qui est tombé sur ses possibles effets sanitaires. Si l’on s’est réjoui que le drame n’ait pas coûté une vie humaine, ce serait aller bien vite en besogne que de dire que le danger a disparu : les quelque 400 tonnes de #plomb contenues dans la toiture et dans la flèche de la cathédrale, comme les vernis et peintures servant à sa décoration, se sont volatilisées en d’immenses volutes jaunes chargées de particules toxiques. Dès le lendemain, Airparif attestait l’absence de #pollution de l’#air par le plomb… tout en précisant ne pas avoir les moyens ni le mandat d’effectuer des mesures spécifiques et locales. Pas de thermomètre, pas de fièvre. Voilà le public rassuré.

    Il y a là, pourtant, une invisibilisation du risque, que n’ont pas manqué de dénoncer plusieurs associations environnementales, telles Robin des Bois et l’Association des familles victimes du saturnisme (AFVS), forçant les autorités à sortir de leur réserve. Le 29 avril, après deux semaines d’un silence officiel assourdissant, la Préfecture de police de Paris a publié un discret communiqué de presse destiné aux riverains de la cathédrale, leur conseillant de procéder au ménage de leurs locaux « à l’aide de lingettes humides » et de s’adresser à leur médecin traitant « en cas de doute ». Réaction bien tardive, indications bien vagues et prévention bien négligente pour un risque toxique dont le périmètre géographique n’est pas non plus défini. Comment et quoi nettoyer ? Chaque boule à neige de la cathédrale sur les étagères des échoppes touristiques, chaque moulure des appartements voisins, chaque chaise des terrasses de café qui bordent le monument détruit ? Qui peut faire ce travail ? Faut-il porter un masque, des gants, un équipement particulier, faut-il faire appel à des personnels spécialisés ? Si le ménage a été fait sans précautions particulières dès le lendemain de l’incendie, que faire et quels sont les symptômes alarmants de l’intoxication saturnine, dont on ne prononce pas le nom ?
    Opacité du discours officiel

    Sur ce qui s’apparente à une nécessaire dépollution qui ne dit pas son nom, l’opacité du discours officiel est flagrante, enrobant le risque d’un halo coupable ; rien sur le danger avéré que représentent les poussières de plomb et les opérations de nettoyage pour les femmes enceintes et les jeunes enfants, particulièrement sensibles aux ravages du poison ; rien non plus sur le devenir du square Jean-XXIII, fermé « par raison de sécurité » selon le site de la mairie de Paris, alors que le square René-Viviani, au pied de Saint-Julien-le-Pauvre, à moins de 100 mètres à vol d’oiseau, voit les bambins s’égayer joyeusement, les mains dans le sable. Or, pas plus que le nuage radioactif de Tchernobyl ne s’est arrêté aux frontières vosgiennes, les retombées chargées de plomb n’ont été limitées à l’ile de la Cité.

    A l’évidence, ces deux semaines de silence ne sont que le dernier épisode en date de la longue histoire de l’invisibilité de la pollution au plomb. Car ce métal familier, utilisé depuis des siècles pour de nombreux usages (canalisations, outils, jouets, maquillage et, surtout, peintures et revêtements), est pourtant un incontestable poison pour la santé humaine, responsable du saturnisme qui atteint le système nerveux, le rein, le cerveau et dégrade l’état général jusqu’à parfois entraîner la mort. Pendant deux siècles, on a peint tous les immeubles avec la fameuse céruse, pigment de plomb qui a fait des ravages parmi les ouvriers qui le fabriquaient et ceux qui l’appliquaient.
    Consentement à l’empoisonnement

    Tous voyaient l’hécatombe. Et pourtant, une puissante entreprise d’accommodement au risque a permis le maintien de ces pratiques pendant des décennies, tolérant la présence du plomb toxique dans notre environnement de travail et de vie. Malgré l’existence de substituts inoffensifs, en dépit de mobilisations médicales, syndicales et politiques intermittentes, la société dans son ensemble a durablement consenti à l’empoisonnement par ce toxique invisible omniprésent dans nos villes. Ultime et dramatique ricochet de cette intoxication, la maladie frappe depuis la fin du XXe siècle des milliers d’enfants vivant dans des immeubles insalubres dont les peintures dégradées mettent au jour le poison sous-jacent. Malgré l’amélioration de la prévention, le plomb présent dans les logements provoque encore troubles de la croissance et retards psychomoteurs irréversibles.

    Depuis le 15 avril, contrastant avec l’enthousiasme des levées de fonds, flotte autour de Notre-Dame une chappe de silence. Les pompiers qui ont courageusement défendu la cathédrale perchés au-dessus du brasier, les riverains et les commerçants du quartier dont les locaux ont été empoussiérés, les ouvriers qui vont déblayer les gravats et démonter la gigantesque cage métallique de l’échafaudage central tordu par la chaleur, ceux qui travailleront à la reconstruction du monument, doivent être informés et protégés contre le poison, selon une procédure transparente et publique.

    Pressés par l’impatience de voir Notre-Dame reconstruite, ne laissons pas, une fois de plus, occulter les dangers du poison par un silence de plomb.

  • Avant l’insurrection de Mai 68, une bande d’artistes bohèmes hantent les rues du quartier latin. Ils refusent le travail et le conformisme de la société bourgeoise. Ils veulent faire la révolution pour changer la vie.


    http://www.zones-subversives.com/2018/12/les-jeunes-situationnistes.html
    https://www.editions-allia.com/fr/livre/316/la-tribu
    #situationnisme #Jean-Michel_Mension

  • LesInrocks - Aux origines de l’esprit de #Mai_68 : l’histoire tumultueuse de l’#Internationale_lettriste
    https://www.lesinrocks.com/2018/01/30/idees/aux-origines-de-lesprit-de-mai-68-lhistoire-tumultueuse-de-linternationa
    #debord #Internationale_situationniste

    En pleine commémoration des cinquante ans de Mai 68, cet ouvrage rappelle que le véritable terreau du mouvement des enragés était là. Maurice Rajsfus le consignait a posteriori dans Une enfance laïque et républicaine (1992) : “Un petit groupe en rupture avec Isidore Isou prit l’appellation d’Internationale lettriste. Comment imaginer alors que certaines de leurs réflexions annonçaient l’esprit de Mai 68, ainsi ce graffiti figurant sur un mur de la rue Mazarine, en 1953 : ‘Ne travaillez jamais’.”

    Répondant à “un impératif besoin de liberté”, ils échafaudent les bases d’une contre-culture à l’usage d’une génération qui ne se reconnaît ni dans le stalinisme, ni dans la bourgeoisie. Elle resurgira, moins marginale qu’on le croyait, en mars 1968 à Nanterre. “Oui. ‘Ne travaillez jamais’, c’était un mot d’ordre qui faisait absolument l’unanimité, et c’est l’un des premiers qui a réapparu à Nanterre en 68, remarque Jean-Michel Mension. Je me souviens d’un copain, René Leibé, [qui] avait des ongles de dix centimètres de long, pour bien prouver qu’il ne travaillait jamais. Guy aussi a réussi effectivement - je crois - à très peu travailler, et à maintenir toujours cette vie d’alcoolique permanent, de penseur alcoolisé, sans faille.”

    “On a effectivement renversé le monde de fond en comble en buvant parfois un litre, parfois deux”, “Guy a toujours bu d’une façon incroyable, il buvait du matin au soir par petits coups. Mais, tant que ça ne s’est pas vu, c’était très difficile de dire qu’il était alcoolique. Il était imbibé”. La ligne de crête est ténue.

    Un texte inédit rédigé par Serge Berna en 1950, dans la foulée du scandale de Notre-Dame, et reproduit dans La Tribu, éclaire peut-être de la manière la plus limpide l’esprit de mai en gestation : “C’est un besoin fou de vivre à pleines mains, à pleines dents, à plein sexe, qui nous a jetés à cette première attaque contre l’ensemble d’obsessions abrutissant l’homme actuel [...]. Le geste était nécessaire, si ce n’est que pour ce fait : tant y avaient rêvé sans jamais oser !”. Le plan de bataille n’était pas encore prêt. Mais, comme écrivait Marx, la révolution, cette vieille taupe besogneuse, “sait si bien travailler sous terre pour apparaître brusquement”...