• Neutralité du Net : la fronde de la Californie contre le régulateur américain des télécoms
    https://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2018/09/18/neutralite-du-net-la-fronde-de-la-californie-contre-le-regulateur-am

    La Californie n’entend pas se plier à la fin de la neutralité du Net, et tient à le faire savoir. Le 31 août, l’Assemblée californienne a approuvé un projet de loi visant à rétablir, et même renforcer, ce principe aboli en juin à l’initiative de la Maison Blanche. Instaurée en 2015 par l’administration Obama, la neutralité du Net interdisait jusque-là aux opérateurs de télécommunications de brider le trafic de certaines plateformes très consommatrices de bande passante – comme YouTube et Netflix – ou de faire payer davantage leurs utilisateurs.

    Vendredi 14 septembre, la tension est montée d’un cran entre l’Etat californien et la Commission fédérale des communications (FCC), le régulateur des télécoms ayant voté l’abrogation de la neutralité du Net. Dans un discours prononcé devant les membres d’un think tank, le président de la FCC, Ajit Pai, a qualifié « d’illégale » la loi californienne prévoyant de restaurer ce principe. « Internet est un service qui dépasse les frontières d’un Etat américain. Il s’en suit que le gouvernement fédéral est le seul à pouvoir légiférer dans ce domaine », a martelé ce républicain nommé par Donald Trump.

    #Neutralité_internet

  • App Store, Google Play… Netflix ne veut plus passer à la caisse
    https://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2018/08/22/appstore-google-play-netflix-ne-veut-plus-passer-a-la-caisse_5345146

    Est-ce le début d’une bataille de titans, opposant Netflix à Google et Apple ? Selon l’article publié, mardi 21 août, par le site américain TechCrunch, la plate-forme de vidéo en ligne teste un nouveau parcours d’abonnement dans trente-trois pays (dont la France) à destination des nouveaux utilisateurs ayant téléchargé son application sur l’App Store d’Apple : ceux-ci sont désormais automatiquement redirigés vers le site mobile de Netflix pour finaliser leur achat.

    L’intérêt pour Netflix ? Echapper, pour ces nouveaux abonnés, à la commission de 30 % que ponctionne la marque à la pomme. Du côté de Netflix, on tente de nuancer le sens de cette initiative : « Nous faisons sans cesse des essais pour améliorer le parcours d’inscription afin de mieux comprendre ce que nos membres préfèrent. »

    La société effectue ainsi environ 250 tests par an, que ce soit sur son parcours d’abonnement ou sur l’ergonomie de sa page d’accueil. Ces essais consistent à exposer une partie de son audience à de nouvelles fonctionnalités. En fonction de l’intérêt suscité auprès des utilisateurs, ces innovations sont ou non déployées.

    #Economie_numérique #Concurrence #Netflix #App_store

  • L’ère révolue de l’acronyme « GAFA »
    https://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2018/08/21/l-ere-revolue-de-l-acronyme-gafa_5344393_3234.html ?

    Regrouper Google, Apple, Facebook et Amazon sous la même bannière n’a plus de sens, tant leurs trajectoires tendent aujourd’hui à diverger.

    Certes, leurs points communs sont nombreux : ces sociétés à forte valeur technologique, conçues comme des plates-formes, ont rapidement réussi à asseoir leur domination à l’échelle mondiale. Elles demeurent les quatre fleurons les plus rutilants de la Bourse américaine, avec des capitalisations excédant les 500 milliards de dollars. Et leur rythme de croissance est toujours insolent (+ 96 % pour Amazon sur les douze derniers mois, + 21 % pour Alphabet, maison mère de Google, + 35 % pour Apple).

    Cela dit, les défis à relever pour continuer à entretenir cette dynamique sont très différents. En outre, leur horizon paraît plus ou moins dégagé.

    Obligée de retisser un lien de confiance avec ses « clients » (utilisateurs comme annonceurs), la firme californienne s’est engagée dans un coûteux programme pour faire le ménage sur sa plate-forme. Avec pour résultat une marge appelée à être durablement rognée.

    Mark Zuckerberg peut toutefois compter sur Instagram, et dans une moindre mesure sur WhatsApp, deux sociétés acquises respectivement en 2012 et 2014, pour générer de nouveaux revenus. Avec un milliard d’utilisateurs (+ 100 % en deux ans), le réseau de partage d’images pèse déjà 20 % du chiffre d’affaires de Facebook.
    Google face à la Commission européenne

    Leader incontesté des moteurs de recherche, Google se heurte aussi à des obstacles réglementaires. A la mi-juillet, le géant de Mountain View (Californie) s’est vu infliger une amende record de 4,34 milliards d’euros pour abus de position dominante, la Commission européenne lui reprochant d’imposer ses applications mobiles par le biais de son système d’exploitation Android, qui équipe 85,9 % des smartphones dans le monde. De nouvelles sanctions pourraient suivre si des mesures correctives n’étaient pas prises d’ici à septembre.

    En juin 2017, déjà, une autre condamnation pour abus de position dominante, concernant cette fois son comparateur de prix Google Shopping, lui avait valu une amende de 2,42 milliards d’euros de la part de l’exécutif européen. Mais le niveau des sanctions reste pour l’instant trop peu significatif pour freiner une entreprise qui a réalisé 3,2 milliards de dollars de bénéfices au cours du seul deuxième trimestre et qui a vu son chiffre d’affaires encore progresser de 26 %.

    Comparativement, les perspectives paraissent plus réjouissantes pour Apple et Amazon. Malgré un marché du smartphone de plus en plus saturé, et une âpre concurrence (le chinois Huawei s’est hissé au deuxième rang des constructeurs mondiaux sur le deuxième trimestre, selon IDC), la firme à la pomme parvient à maintenir le niveau de ses ventes, tout en dégageant une marge beaucoup plus élevée que ses concurrents. Il en va de même dans le domaine des applications : le groupe accapare deux tiers des revenus de ce marché.

    De son côté, Amazon reste le champion incontesté du commerce en ligne, et ce d’autant qu’il permet, moyennant commission, à d’autres vendeurs d’utiliser sa plate-forme, voire son service de livraison. Aujourd’hui, ce service représente la moitié des ventes réalisées par la firme. Le groupe profite aussi de sa stratégie de diversification, avec des paris gagnants, telle la publicité numérique – secteur dans lequel il est parvenu à devenir en peu de temps un acteur qui compte – ou plus encore le cloud (l’informatique dématérialisée), de loin sa division la plus rentable et celle qui connaît la plus forte croissance.

    #GAFA #Google #Facebook #Amazon #Economie_numérique

  • La science française va être plus accessible
    https://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2018/07/04/la-science-francaise-va-etre-plus-accessible_5325793_3234.html

    Un plan ministériel « pour la science ouverte » oblige les chercheurs financés sur fonds publics à publier leurs travaux dans des revues ou des archives en accès libre.

    Sans que le plan n’y fasse explicitement référence, ce qui est visé est bien l’hégémonie des entreprises de l’édition scientifique, un marché mondial estimé à une trentaine de milliards d’euros pour plus de 2 millions d’articles publiés chaque année. Le plus important éditeur, Elsevier, a encore dégagé, en 2017, une marge de plus de 36 % et 1 milliard d’euros de bénéfices.

    Le futur plan national, à hauteur de 5,4 millions d’euros la première année, puis 3,4 millions ensuite, va beaucoup plus loin. Il rendra « obligatoire la publication en accès ouvert des articles et livres issus de recherches financées par appels d’offres sur fonds publics. » Idem pour les « données de recherche ». « Nous pouvons, à terme, atteindre 100 % de publications scientifiques françaises en accès ouvert », espère la ministre.

    Jusqu’à présent, cette obligation était rare. Les Pays-Bas, des universités (Harvard aux Etats-Unis), des organismes de recherche (Institut national de recherche en informatique et en automatique sur les sciences du numérique en France), ou des communautés comme celle de la physique des particules ou de l’astronomie avaient adopté ce principe de l’accès ouvert. D’autres avaient rusé. En Belgique, l’université de Liège a convaincu ses chercheurs de déposer dans l’archive locale, en décidant que seuls ces articles serviraient à l’évaluation des carrières. L’université d’Aix-Marseille accorde 25 % de moyens supplémentaires pour les équipes ayant mis toute leur production dans l’archive HAL, qui, d’ailleurs, recevra une aide technique avec le plan ministériel. Désormais, 68 % de la production de l’université est accessible gratuitement.

    #Open_access #Publications_scientifiques

  • Quand le portable sert à espionner ses proches...
    https://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2018/07/03/quand-le-portable-sert-a-espionner-ses-proches_5324844_3234.html

    Si cette famille a choisi d’utiliser cette application, beaucoup d’associations tirent la sonnette d’alarme : ce genre de système de pistage, parfaitement légal pour la surveillance d’enfants, est de plus en plus détourné dans le cadre de harcèlement ou de violences familiales. Selon une étude réalisée auprès de 700 femmes victimes de violence domestique, réalisée en 2015 par Women’s Aid, une association britannique, le tiers d’entre elles a été suivi à la trace par des logiciels espions de ce genre. « C’est très courant et ça se développe », estime Katie Ghose, sa directrice.
    Tout un écosystème économique

    Fin mai, une étude américaine des universités de New York, Cornell, Hunter College et Technion a, pour la première fois, tenté de mesurer le phénomène. Elle a identifié au moins 280 applications vendues sur Google Play Store, et 23 hors des magasins d’applications (qu’il faut télécharger sur un ordinateur avant de les transférer sur un téléphone). Et encore, les chercheurs considèrent que ce nombre de spywares (« logiciels espions ») est sous-évalué, notamment parce qu’ils n’ont recensé que ceux en anglais.

    Installer une telle application nécessite d’avoir physiquement accès au téléphone à espionner et d’en posséder le mot de passe. Mais, dans le cadre familial, une telle situation est relativement courante. Ensuite, de nombreuses applications offrent l’option de ne pas faire apparaître d’icône sur le téléphone de la personne surveillée, qui n’a donc aucune possibilité de savoir qu’elle est espionnée.

    Les logiciels espions permettent non seulement de suivre quelqu’un à distance, mais aussi d’avoir accès à ses SMS et à la liste de ses appels. Des versions un peu plus perfectionnées permettent aussi de lire les messages des réseaux sociaux WhatsApp, Facebook ou même les relations sur le site de rencontres Tinder. Dans les cas les plus extrêmes, il est possible d’activer à distance le micro et la caméra d’un téléphone, à l’insu de son utilisateur.

    Les vraies bénéficiaires économiques sont évidemment les entreprises qui créent ces applications. Si l’immense majorité affirme travailler pour protéger les enfants, leur duplicité apparaît rapidement. « Sur leurs sites, on trouve souvent des sections qui indiquent : “Comment suivre ma petite amie qui me trompe ?”, explique Periwinkle Doerfler, l’une des auteures de l’étude. J’étais surprise de voir à quel point les applications ne cherchaient pas à se cacher. »

    Se faisant passer pour une cliente potentielle, les chercheurs ont contacté onze logiciels espions, leur demandant : « Si j’utilise votre application, mon mari sera-t-il au courant que je le suis à la trace ? » Huit d’entre eux ont répondu très ouvertement que le mari n’en saurait rien. Deux n’ont pas répondu et une seule a répliqué qu’une telle action serait inacceptable.

    L’application HelloSpy est l’un des exemples les plus choquants. Pour illustrer son logiciel, le site utilise la photo d’une femme avec un œil au beurre noir, tandis que son conjoint lui attrape le bras d’un air menaçant.

    Difficile d’évaluer précisément la taille du marché, mais il y a potentiellement beaucoup d’argent à la clé. Life360, une entreprise californienne qui se dit numéro un mondial du marché, et qui est la seule à avoir répondu à nos questions pour cet article, affirme que 12 millions de familles l’utilisent. La majorité télécharge la version gratuite. La version payante coûte 45 euros par an.

    En novembre 2017, en France, le Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes mentionnait mSpy comme l’une des méthodes les plus utilisées pour espionner. Son coût : 170 euros par an. De nombreux blogs, qui semblent écrits en sous-main par cette entreprise et renvoient vers son application, expliquent comment celle-ci est invisible pour la personne espionnée : « Vous pouvez être sûr que votre petite amie ne saura pas qu’elle est suivie », note l’un d’eux.

    voir aussi : http://hellospy.com/hellospy-for-personal-catch-cheating-spouses.aspx?lang=en-US
    Mobile Spy App for Personal Catch Cheating Spouses

    One of the unpleasant truths most married individuals are blissfully ignorant of is the surprisingly high occurrence of infidelity & extramarital affairs.

    The past two decades has made infidelity more accessible than ever mostly because of the ascent of two majorly disruptive technologies: online social networks and mobile phones.

    Up to 90% of marital affairs may include the use of a mobile phone or email as a preferred means for communication.

    Good news is that technology can also be used to detect & reveal infidelity.

    #Violences_sexistes #Mobile #surveillance #Economie_numérique

  • « Dieselgate » : le PDG d’Audi arrêté en Allemagne, une décision inédite
    https://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2018/06/18/dieselgate-le-pdg-d-audi-arrete-en-allemagne_5316948_3234.html

    Fin de la trêve pour les grands patrons de l’automobile allemande. Le PDG de la marque Audi, Rupert Stadler, un des dirigeants les plus importants du pays, a été incarcéré à Munich, lundi 18 juin, dans le cadre de l’affaire des moteurs diesel truqués, le « dieselgate ». Il a été placé en détention provisoire afin d’éviter le risque de « dissimulation de preuves », a précisé le parquet.

    Le symbole est inouï. Jamais encore un magistrat allemand n’avait ordonné l’arrestation d’un patron automobile en exercice. Jamais l’industrie reine du « made in Germany » n’avait subi un tel désaveu. Audi, l’une des trois marques premium allemandes, est un des fleurons du secteur. Rupert Stadler dirigeait le constructeur d’Ingolstadt, en Bavière, depuis 2007.

    Le procureur de Munich n’est pas le seul à la manœuvre : mercredi, le groupe VW a été condamné par le parquet de Brunswick à s’acquitter de l’amende record de 1 milliard d’euros dans la même affaire des moteurs truqués. Après presque trois ans d’enquête, tous disposent désormais de suffisamment de preuves pour justifier une plus grande sévérité vis-à-vis des dirigeants automobiles.
    Fin de l’impunité

    Si la coïncidence des dates est a priori fortuite – les différentes autorités travaillant indépendamment les unes des autres – le message est clair : l’impunité qui régnait jusqu’ici au plus haut niveau de la première industrie allemande a fait son temps. Les responsables du scandale devront rendre compte de leurs manquements devant la justice.

    Et l’hypocrisie qui voulait jusqu’ici que seul le groupe VW ait fraudé est battue en brèche : Daimler, qui clame toujours n’avoir jamais manipulé ses moteurs, va devoir défendre devant la justice son intégrité, fortement mise en cause au plus haut niveau de l’Etat. Le 12 juin, le ministre des transports, Andreas Scheuer, a ordonné au constructeur le rappel de 238 000 véhicules outre-Rhin, et de 774 000 au total en Europe après que l’autorité allemande de contrôle des véhicules (KBA) a constaté la présence de logiciels de désactivation de système antipollution jugé illégal dans les moteurs diesel.

    #Dieselgate #Environnement #Culture_numérique

  • Jean-Michel Jarre : « Pour défendre la diversité des offres musicales, il faut éviter les monopoles abusifs »
    https://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2018/06/19/jean-michel-jarre-pour-defendre-la-diversite-des-offres-musicales-il

    Que demandez-vous précisément ?

    Bruxelles doit définir un cadre législatif, pour nous permettre d’entrer en négociation avec des acteurs comme YouTube, qui se définissent comme des plates-formes de stockage et d’archives, et non des plates-formes de contenu.

    Pourquoi ? Parce que la loi permet qu’elles ne paient pas de droits. Google et YouTube en jouent depuis des années. Pour n’importe qui, la première plate-forme de streaming, c’est YouTube. Seul Google ne le reconnaît pas.

    Le défi est de parvenir à lutter contre des gens qui ont développé des choses formidables il y a une vingtaine d’années dans leurs studios et ont créé des monstres, au sens étymologique du terme. Ils n’ont pas pris en compte les dommages collatéraux qu’ils pouvaient engendrer. Refuser de réglementer Internet au nom de la liberté d’expression, c’est comme refuser le code de la route au nom de la liberté de circulation.

    Comment faire pour que YouTube rémunère enfin les créateurs comme Spotify ?

    C’est extrêmement simple. YouTube doit être considéré, dans la loi, comme une plate-forme de services au même titre que Spotify ou Deezer. Or, aujourd’hui, l’écart de rémunération va de 1 à 20 entre YouTube et Spotify. La valeur de la création a été transférée à ceux qui la distribuent. C’est tout le problème.

    Paradoxalement, les industries créatives n’ont jamais été aussi prospères, en termes d’emplois et de chiffre d’affaires. Mais les créateurs – le noyau de ces industries – n’ont jamais reçu aussi peu. Il faut en finir avec cette distorsion.

    Ces deux points sont corrects... mais Jean-Michel Jarre ne dit rien sur l’article 11 (qui taxe les liens internet), ni l’article 13, qui outre la transformation du copyright en un outil robotique va limiter la puissance des licences creative commons.

    #Droit_auteur

  • Revenu de base : treize départements français veulent tenter l’aventure, Elise Barthet, LE MONDE ECONOMIE | 06.06.2018
    https://abonnes.lemonde.fr/emploi/article/2018/06/06/solidarite-treize-departements-veulent-experimenter-le-revenu-de-bas

    Ce versement automatique sous condition de ressources permettrait, selon eux, d’être plus efficace que les aides actuelles. Ils souhaitent soumettre un texte de loi d’expérimentation à l’automne.

    On le croyait moribond, presque enterré, victime collatérale de la campagne présidentielle. Mais le revenu de base, promu par Benoît Hamon, qui en avait fait sa proposition phare, bouge encore. Il pourrait bientôt, si le gouvernement le permet, se déployer à l’échelle locale dans certains territoires français.

    C’est, en tout cas, ce qu’espèrent les treize présidents de conseils départementaux (Ardèche, Ariège, Aude, Dordogne, Gers, Gironde, Haute-Garonne, Ille-et-Vilaine, Landes, Lot-et-Garonne, Meurthe-et-Moselle, Nièvre et Seine-Saint-Denis) qui devaient présenter, mercredi 6 juin à Bordeaux, une étude de faisabilité à laquelle Le Monde a eu accès. L’objectif : aboutir à un texte de loi d’expérimentation, permettant de le tester sur un échantillon de 20 000 personnes à l’automne.

    Lire aussi : Revenu de base : « C’est comme si une porte s’était ouverte »
    https://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2018/06/06/revenu-de-base-c-est-comme-si-une-porte-s-etait-ouverte_5310498_3234

    Une idée aux contours élastiques

    Ses promoteurs savent qu’ils avancent en terrain miné. Le revenu de base est une vieille idée aux contours pour le moins élastiques. Dans sa version libérale, popularisée par l’économiste américain Milton Friedman, il est pensé comme un impôt négatif se substituant aux prestations sociales. Les sociaux-démocrates, à l’inverse, l’envisagent comme un complément d’aides. D’autres, enfin, militent pour en faire un socle qui libérerait les travailleurs du salariat.

    Le point mérite d’être souligné : quand ils parlent de revenu de base, les départements prêchent, eux, pour une allocation qui, dans sa version minimale, remplacerait le RSA et la prime d’activité. Un versement mensuel automatique sans contrepartie, mais sous condition de ressources et qui ne bénéficierait donc pas à tous.

    « Inconditionnel ne veut pas dire universel, insiste Jean-Luc Gleyze, président socialiste de la Gironde. On n’imagine pas une seconde que les Rothschild touchent le revenu de base. L’idée, c’est de viser ceux qui ont peu et ceux qui n’ont rien. »
    En d’autres termes, les plus précaires et notamment les travailleurs pauvres, qui enchaînent les contrats courts, comme les aides à domicile, les saisonniers, les jeunes agriculteurs…

    Comment mieux les aider ? « Je n’ai aucun dogme, assure l’élu aquitain. Bien sûr, on va nous accuser de vouloir payer des allocations à tous les cas sociaux. Le but n’est pas de mettre en application le programme de Benoît Hamon, mais de revoir les dispositifs de lutte contre la pauvreté. Pour évaluer correctement une politique, il faut la tester. » Les départements, chargés aujourd’hui de la distribution du revenu de solidarité active (RSA), semblent le niveau idéal. Reste à savoir sur quelles bases.

    Une première en France

    C’est justement ce que l’Institut des politiques publiques (IPP) s’est efforcé de modéliser en s’appuyant, pour la première fois en France, sur les données de l’administration fiscale et les enquêtes de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

    Trois grandes variables ont été retenues pour ce revenu de base : l’élargissement du dispositif aux jeunes dès 18 ou 21 ans, la prise en compte ou non des aides au logement et, enfin, le niveau de dégressivité en fonction des revenus additionnels. Pour le directeur de l’IPP, l’économiste Antoine Bozio, qui a chapeauté l’étude, le but, quel que soit le scénario retenu, est de pallier les failles les plus béantes du système.

    Scénario 1 du revenu de base

    Scénario 2 du revenu de base


    L’automaticité des versements mensuels aurait l’avantage de réduire considérablement les #non-recours. Pour mémoire, entre 30 et 40 % des personnes éligibles au RSA « socle » n’en bénéficient pas aujourd’hui car ils n’en font pas la demande. En outre, les jeunes en sont pour l’essentiel exclus alors que la part des 18-24 ans vivant sous le seuil de pauvreté avoisine 16 %. Un taux deux fois plus élevé que celui des 25-64 ans.

    Lire aussi : Ils testent le revenu de base : « J’ai ressenti la liberté qui allait arriver »
    https://abonnes.lemonde.fr/revenu-universel/article/2018/01/19/ils-testent-le-revenu-de-base-j-ai-ressenti-la-liberte-qui-allait-ar

    Autre écueil : les aides comme le RSA et l’APL (aide personnalisée au logement) n’étant pas synchronisées entre elles dans le temps, elles ne sont pas toujours adaptées aux changements de vie des bénéficiaires. Une complexité qui plombe la lisibilité de l’ensemble et pèserait aujourd’hui sur le retour à l’emploi. « Pour une personne seule touchant le RSA et l’APL, chaque euro gagné en plus représente en moyenne 65 centimes d’allocations en moins, estime Antoine Bozio. Ça n’incite pas certains bénéficiaires à travailler, alors même que c’est le but des autorités. »

    « PARCE QUE LES CRISES ÉCONOMIQUES DES TRENTE DERNIÈRES ANNÉES ONT ENGENDRÉ UNE HAUSSE DE LA PRÉCARITÉ PHÉNOMÉNALE, IL FAUT REDESSINER LA PROTECTION SOCIALE »
    DANIEL COHEN, ÉCONOMISTE
    « Le système fonctionne d’autant moins bien, ajoute Jean-Luc Gleyze, que les travailleurs sociaux passent un temps fou à contrôler les uns et les autres. Moins de répression et plus d’accompagnement, voilà ce qu’ils attendent. »

    Au bout du compte, sur les dix-huit scénarios développés par l’IPP, deux tiennent la corde. Le premier, minimaliste, est conçu pour remplacer uniquement le RSA et la prime d’activité.
    Sur cette base, il garantirait 461 euros par mois à une personne seule et décroîtrait à un rythme de 30 % en fonction des revenus d’activité, pour s’annuler à 1 536 euros net. Automatisé et élargi aux jeunes dès 21 ans, son déploiement coûterait 9,6 milliards d’euros à l’échelle nationale (2,8 millions d’euros dans le cadre de l’expérimentation). Le chiffre grimpe à 16,2 milliards avec une éligibilité à partir de 18 ans (4,7 millions pour l’expérimentation). Des montants qui s’ajouteraient aux 16 milliards d’euros du coût actuel du RSA et de la prime d’activité.

    « Dans le sens de l’histoire »

    Plus ambitieux, le deuxième scénario englobe les aides au logement. Pour les locataires, le revenu de base monterait alors à 725 euros, et à 530 euros pour les propriétaires, avec une dégressivité de 38 %. Logiquement, les coûts finaux seraient plus élevés : 17,6 milliards en plus pour les plus de 21 ans (5,2 millions dans le cadre de l’expérimentation), et 25,7 milliards pour les jeunes dès 18 ans (7,5 millions pour l’expérimentation).

    Comment financer tout cela ? Les présidents de département n’en ont de toute évidence pas les moyens. « Mais, normalement, quand le gouvernement passe par une loi d’expérimentation, comme c’est le cas pour le programme “territoires zéro chômeur de longue durée”, il y a un fonds de dotation abondé par l’Etat », explique André Viola, président socialiste du conseil de l’Aude. « Emmanuel Macron s’est dit à plusieurs reprises favorable à ce genre de tests à l’échelle locale. Le revenu de base pourrait être la mesure de gauche de la deuxième partie de son mandat », estime l’élu.

    Lire aussi : « Et vous, que feriez-vous avec 1 000 euros par mois pendant un an ? » : une association propose de tester le revenu de base

    « Aux Etats-Unis, les rivalités entre secteurs public et privé stimulent l’innovation. En France, les collectivités locales peuvent favoriser une émulation similaire », insiste l’économiste Daniel Cohen (membre du conseil de surveillance du Monde). Pour l’enseignant, pas de doute : « Le revenu de base va dans le sens de l’histoire. »

    Les départements se donnent quelques mois pour soumettre à l’exécutif un texte de loi. Selon Gilles Finchelstein, de la Fondation Jean-Jaurès, il faudra aussi d’ici là trouver un nom au dispositif. « Revenu de base » sonnerait encore trop « ancien monde ».

    Lire aussi : Revenu de base : bilan contrasté pour l’expérience finlandaise
    https://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2018/06/06/revenu-de-base-bilan-contraste-pour-l-experience-finlandaise_5310400

    #RdB #Revenu

  • Un « risque d’#accaparement des terres agricoles » en France
    https://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2018/05/31/un-risque-d-accaparement-des-terres-agricoles-en-france_5307597_3234

    Un « risque d’accaparement des terres agricoles » en France

    Le dernier bilan des marchés fonciers ruraux de la FNSafer dénonce une « tendance à l’agglomération de grandes surfaces au sein d’un nombre limité d’exploitations ».

    LE MONDE ECONOMIE | 31.05.2018 à 14h00 | Par Laurence Girard


    Un champ de colza près de Lyon (Rhône), le 18 avril 2018.

    Les #terres #agricoles françaises sont très convoitées. Les récents exemples illustrant la pression sur ce patrimoine nourricier ont marqué les esprits. Que ce soit la bataille autour du projet Europacity, prévoyant la transformation 280 hectares de terres agricoles du Triangle de Gonesse (Val-d’Oise) en un complexe commercial et touristique. Ou la prise de contrôle de 1 700 hectares de terres céréalières berrichonnes par une société chinoise. Suivie par l’achat de deux sociétés agricoles dans l’Allier par un entrepreneur pékinois. Ou encore le grappillage de plus de 140 châteaux dans le vignoble bordelais par des investisseurs de l’ancien empire du Milieu.

    Le bilan 2017 des marchés fonciers ruraux, publié jeudi 31 mai par la Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (FNSafer), le prouve. Sur l’année écoulée, les ventes de surfaces ont atteint un niveau record. Le nombre de transactions progresse de 7,6 %, à 86 260, pour un montant qui bondit, lui, de 15,5 %, à 4,6 milliards d’euros. Au total, 381 000 hectares ont changé de mains.

    Mais dans quelles mains sont-ils passés ? Depuis l’entrée en vigueur de la loi d’avenir pour l’#agriculture, en 2016, les projets de vente de parts sociales ou d’actions de sociétés agricoles doivent être portés à la connaissance des #Safer. Des transactions qui échappaient jusqu’alors à ses radars, alors même que les formes sociétaires ne cessent de se développer. Que ce soient des sociétés de portage du foncier (GFA, SCI agricoles, etc.), d’exploitation agricole (GAEC, EARL, SCEA, SA ou SARL) ou de groupement forestier.

    @odilon