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  • Migrants : comment Frontex a alimenté de manière illicite les polices européennes avec les données personnelles de milliers de personnes
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    Migrants : comment Frontex a alimenté de manière illicite les polices européennes avec les données personnelles de milliers de personnes
    Par Apostolis Fotiadis, Lola Hierro et Ludek Stavinoha
    « Toute ma vie était dans ce dossier de police : mes proches, mes appels à ma mère, même des détails inventés sur ma vie sexuelle. Ils ont voulu me présenter comme une femme débauchée, une lesbienne, en utilisant la morale pour me rendre suspecte », raconte Helena Maleno, une militante espagnole pour les droits humains, qui avertit les autorités lorsque des migrants sont en détresse en mer, lors de leurs traversées vers l’Europe.
    Lorsqu’elle s’est présentée devant un tribunal de Tanger (Maroc), en 2017, accusée de trafic d’êtres humains et de facilitation de migration clandestine, Helena Maleno a été stupéfaite d’entendre le juge évoquer des détails issus de trois rapports de Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières.
    Ces rapports ont suivi un parcours complexe : ils figuraient dans le dossier que la police espagnole a transmis – en dehors de toute procédure régulière – aux autorités marocaines, après qu’un procureur espagnol a classé une affaire distincte la visant, ne trouvant rien de criminel dans ses activités. Ils avaient initialement été remis aux autorités espagnoles par Europol, l’agence de coopération policière européenne, qui les avait elle-même obtenus de Frontex. Les rapports avaient été rédigés par des agents de Frontex après qu’ils ont interrogé des migrants arrivés par bateau en Espagne en 2015 et 2016.
    Si le tribunal marocain a acquitté Helena Maleno en 2019, son affaire révèle, pour la première fois, l’implication de Frontex et d’Europol dans la criminalisation d’activistes au moyen de collectes de données opaques et juridiquement fragiles.La militante espagnole fait partie des milliers de personnes dont les données personnelles ont été collectées par Frontex ces dernières années. En décembre 2024, le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) a conclu que, entre 2019 et 2023, Frontex avait « illicitement » transmis à Europol des données personnelles, qui ont ensuite été stockées dans des fichiers de renseignement criminel pour être utilisées dans des enquêtes menées par les autorités policières des Etats membres de l’Union européenne (UE).
    Au cœur de l’enquête au long cours menée par le CEPD se trouvaient les « entretiens de débriefing » menés par l’agence, qualifiés par certains experts d’« interrogatoires secrets ». Des points de débarquement de Lampedusa et d’Espagne jusqu’aux camps des îles grecques, ces « débriefeurs » – plus de 800 agents en 2024 – mènent chaque année des milliers de ces entretiens, en coordination avec les autorités policières nationales. L’agence a donné pour consigne à ses agents d’interroger les migrants le plus tôt possible après leur interception ou leur arrivée, malgré leur situation de vulnérabilité. Leurs questions portent aussi bien sur les raisons de leur départ et leur parcours que sur le mode opératoire des réseaux de passeurs.
    « Ces entretiens se déroulent dans une boîte noire, en l’absence de procédures pénales normales ou de garanties juridiques qui pourraient limiter le risque de criminalisation de migrants vulnérables », dénonce Daniel Arencibia, avocat spécialisé dans les affaires de trafic dans les îles Canaries.Bien que Frontex présente ces entretiens comme entièrement volontaires et affirme ne pas collecter activement les données personnelles des migrants interrogés, le CEPD souligne que Frontex n’a aucun mandat légal pour collecter de manière proactive « quelque information que ce soit sur des suspects de crimes transfrontaliers ». C’est pourtant exactement ce qu’elle a fait. Un rapport préliminaire du CEPD, publié en mai 2023, a révélé que l’agence avait l’habitude d’étiqueter comme « suspecte » toute personne mentionnée au cours d’un entretien, y compris « des personnes que l’interviewé aurait vues, entendues, sans pouvoir vérifier la crédibilité du nom donné, ou qu’il mentionne sous la peur ou dans l’espoir d’obtenir des avantages ».
    Loin d’être anecdotiques, les témoignages des migrants sont utilisés par les agents de Frontex pour collecter des renseignements sur les personnes soupçonnées d’avoir facilité leur parcours. « Les entretiens de débriefing font pleinement partie d’un système qui envoie des gens en prison », estime Daniel Arencibia.Les conséquences sont d’autant plus sérieuses que les données ne restent pas dans les ordinateurs de Frontex, mais sont directement intégrées aux systèmes d’Europol. Le Monde a pu confirmer que, aux côtés des données de véritables passeurs, les activités de Tommy Olsen, un militant norvégien à la tête l’ONG Aegean Boat Report, ainsi que celles de Natalie Gruber, la cofondatrice autrichienne de Josoor, y figuraient.
    Le mandat actuel de Frontex n’autorise l’agence à partager ces données avec Europol qu’après une évaluation au cas par cas. Le CEPD a pourtant découvert que, entre 2016 et mi-2023, Frontex transmettait automatiquement chaque rapport à ses collègues basés à La Haye, dans le cadre du programme PeDRA (Processing of Personal Data for Risk Analysis). Bien que le gendarme européen de la vie privée n’ait déclaré ces transferts illicites que pour la période 2019-2023, Niovi Vavoula, experte en droit de la protection des données à l’université du Luxembourg, estime qu’ils « n’ont jamais été légaux ».
    Le rapport final du CEPD, obtenu par Le Monde grâce aux lois de transparence européennes, révèle l’ampleur de ces transferts de données : sur la seule période 2020-2022, l’agence a envoyé 4 397 rapports de débriefing – contenant notamment des noms, numéros de téléphone, identifiants Facebook. Sur la base de ces rapports, le centre de lutte contre le trafic de migrants d’Europol a traité les données personnelles de 937 « suspects » et produit 875 « rapports de renseignement », destinés à alimenter les enquêtes des autorités nationales contre le trafic de migrants.
    Données couvrant la période 2016-2021. Frontex a refusé de communiquer des données plus récentes, jugées « sensibles » dans le contexte de ses « activités opérationnelles ».Graphique utilisant des données, utilisez les options d’accessibilité pour voir les données brutes ou renforcer les contrastes.Le CEPD met en garde contre les « conséquences profondes » de ces transferts de données pour les personnes innocentes, qui risquent « d’être à tort associées à une activité criminelle à l’échelle de l’UE, avec tous les dommages possibles pour leur vie personnelle et familiale, leur liberté de circulation et leur emploi ».
    Frontex et Europol continuent de défendre l’idée que la collecte de larges volumes de données peut aider à analyser le mode opératoire des réseaux de passeurs, et contribuer à leur répression. Mais pour Gabriella Sanchez, chercheuse à l’université de Georgetown (Etats-Unis) et ancienne enquêtrice spécialisée dans le trafic de migrants, « cela crée l’illusion que ces données sont fiables ou utiles ; or, nous savons qu’elles ne le sont pas ».L’enquête du CEPD a contraint Frontex à réduire sa coopération avec Europol. Quatre jours seulement après que l’autorité de protection des données a signalé de graves irrégularités, en mai 2023, l’agence de garde-frontières a suspendu les transferts automatiques de données vers son homologue policier.
    Selon Wojciech Wiewiorowski, directeur du CEPD, la notification de ces transferts illégaux par le directeur de Frontex, en janvier 2025, aurait dû obliger Europol à « évaluer quelles données personnelles ont été transmises et à procéder à leur suppression ou à leur restriction ». Mais Europol a refusé d’indiquer au Monde si elle allait effectivement supprimer ces données. Le fait que le CEPD ait réprimandé Frontex « ne signifie pas que le traitement des données par Europol était non conforme », déclare son porte-parole Jan Op Gen Oorth.En réponse à l’enquête du CEPD, Frontex a revu ses protocoles : de nouvelles garanties ont été introduites pour les entretiens de débriefing, et les données personnelles ne sont désormais transmises à Europol qu’à la suite de demandes « spécifiques et justifiées ». Sur les 18 demandes soumises avant mai 2025, seules quatre ont été acceptées par Frontex. « L’agence a tiré des leçons claires de cette expérience et continue d’adapter ses pratiques internes en conséquence », déclare son porte-parole, Chris Borowski. Mais ces efforts se heurtent à des résistances de certains Etats membres. Selon des rapports internes de Frontex consultés par Le Monde, les problèmes sont particulièrement aigus en Espagne, où les autorités font pression sur les agents de Frontex pour qu’ils recueillent un maximum d’informations auprès des migrants nouvellement arrivés. Parallèlement, Europol insiste pour conserver un accès élargi aux données issues des entretiens de débriefing de Frontex.

    #Covid-19#migrant#migration#UE#frontex#politiquemigratoire#europol#donnees#parcoursmigratoire#sante

  • #Glyphosate et #cancer : un cas d’école de la « fabrique du doute »
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2025/06/27/glyphosate-et-cancer-un-cas-d-ecole-de-la-fabrique-du-doute_6616084_4355770.

    Glyphosate et cancer : un cas d’école de la « fabrique du doute »
    Une récente étude confirmant le potentiel cancérogène de l’herbicide a fait l’objet de virulentes critiques. Mais elles reposent sur des bases #scientifiques erronées.

    Par #Stéphane_Foucart

    La publication récente d’une étude indiquant une élévation du risque de différentes tumeurs sur des rats de laboratoire exposés à du glyphosate a suscité de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux et dans la presse, visant à relativiser ou dénigrer ces travaux. Ces résultats, publiés le 10 juin dans la revue Environmental Health, ne font pourtant que confirmer les conclusions du Centre international de recherche sur le cancer (#CIRC), qui estimait en 2015 que les études disponibles à l’époque offraient des « preuves suffisantes » de #cancérogénicité du glyphosate chez l’animal.

    Les attaques contre cette étude pilotée par l’Institut Ramazzini de Bologne (Italie) offrent un éventail exemplaire des tours de passe-passe de la « fabrique du doute », cette rhétorique visant à miner la confiance dans les résultats scientifiques, souvent utilisée dans le but de retarder ou de combattre des décisions réglementaires.

    « La revue est inconnue, l’étude est donc bancale »
    Eric Billy, un chercheur en immuno-oncologie, a fait partie des critiques les plus virulents contre l’étude de l’Institut Ramazzini, qu’il juge « bancale ». Dans une série de messages publiés le 14 juin sur ses comptes X et Bluesky, qui a bénéficié de nombreux relais, ce salarié de la firme pharmaceutique Novartis a d’abord accusé ses auteurs d’avoir « choisi un journal plus indulgent pour éviter des critiques », expliquant qu’il se serait plutôt attendu à lire cet article dans les revues « Nature, Science ou Cell », gages selon lui de plus grande qualité.

    POURQUOI C’EST PEU PERTINENT
    Environmental Health, publiée par le groupe SpringerNature, compte en réalité au nombre des revues les plus influentes de son domaine. Son taux de citation la situe au 32ᵉ rang des 687 journaux indexés couvrant les champs de la santé publique, la santé environnementale ou la santé au travail, selon le classement 2024 de l’éditeur scientifique Elsevier.

    Les journaux prestigieux comme Nature ou Science ne publient généralement pas de tests comme celui piloté par l’Institut Ramazzini. « Un certain nombre d’études de toxicité fiables et de grande qualité, comme celle que vous nous partagez, sont publiées dans des revues spécialisées, explique Meagan Phelan, porte-parole des publications éditées sous la bannière de la revue Science. Bien qu’il s’agisse d’éléments essentiels de l’évaluation des substances, ces tests ne sont pas considérés comme des avancées conceptuelles et, à ce titre, Science ne les publie généralement pas. »

    « Les animaux exposés vivent aussi longtemps que les autres »
    L’étude du Ramazzini ne met pas en évidence de différence significative de mortalité entre les rats exposés au glyphosate et les rats témoins, non exposés. Cet élément est mis en avant par M. Billy afin de relativiser les conclusions de l’étude. Et il fait mouche : on le retrouve plus tard dans Le Figaro, qui y voit le « premier enseignement » de ces travaux.

    POURQUOI C’EST PLUS COMPLIQUÉ
    Le fait que l’étude ne fasse pas apparaître de différences significatives des taux de survie entre les deux groupes n’est pas présenté par les chercheurs du Ramazzini comme un résultat en soi. Leur protocole est en effet conçu pour détecter le potentiel cancérogène d’un produit, pas son effet sur la survie des animaux : ceux-ci sont tous sacrifiés aux deux tiers de leur vie, à l’âge de 104 semaines. Or, on comprend aisément que si des humains fumeurs étaient comparés à des non-fumeurs, les différences de mortalité seraient minces si tous les individus étaient euthanasiés à l’âge de 50 ans.

    En réalité, l’absence de différence de mortalité entre les groupes d’animaux sur la durée du test est surtout un gage de la qualité de l’étude, pour des raisons statistiques. Un animal mort prématurément aura été exposé moins longtemps à la substance testée, et la probabilité que des tumeurs se développent dans son groupe en sera ainsi diminuée. Son poids statistique dans l’analyse sera ainsi différent. Un taux de survie élevé dans chaque groupe, traité et témoin, est garant du « maintien de la puissance statistique » de l’expérience, selon les guides de bonnes pratiques en toxicologie (conservés par l’OCDE).

    « La souche de rongeurs choisie n’est pas appropriée »
    Plusieurs commentateurs ont par ailleurs critiqué le choix par les chercheurs de l’Institut Ramazzini de la souche de rats dite « Sprague-Dawley ». Eric Billy fait ainsi valoir que le recours à ce type de rats « a déjà été fortement critiqu[é] par la communauté scientifique en raison d’une fréquence anormalement élevée de lésions tumorales spontanées comparé à d’autres souches de rongeurs », en rappelant que cette souche avait été utilisée par Gilles-Eric Séralini dans sa fameuse étude controversée sur les OGM.

    POURQUOI C’EST INEXACT
    En réalité, les taux élevés de tumeurs spontanées observés sur la souche « Sprague-Dawley » ne concernent que certains sites (tumeurs de la glande mammaire, de l’hypophyse, etc., retrouvées à des taux comparables dans les groupes traités et témoin). En outre, les chercheurs ont à leur disposition une abondante littérature pour tenir compte des particularités de cette souche.

    Non seulement la souche « Sprague-Dawley » n’est pas problématique en elle-même, mais elle est la plus utilisée. En 2024, des chercheurs ont montré que plus de 55 % des 263 études de cancérogénicité de principes actifs menés ces dernières années sur des rats ont utilisé cette souche. La cancérogénicité du Ruxolitinib, une substance médicamenteuse commercialisée par Novartis, a par exemple été testée sur cette souche.

    Quant à l’étude de M. Séralini (publiée en 2012, avant d’être rétractée, puis republiée), le choix de la souche ne comptait pas, en soi, parmi les reproches formulés. Comme l’ont résumé en 2015 les experts du CIRC, c’est l’ensemble du protocole mis en œuvre qui était critiqué.

    Un rat de laboratoire de la souche « Sprague-Dawley », développée spécialement pour les études de toxicologie en laboratoire. CC-BY-SA-2.0
    « Les doses testées ne sont pas réalistes »
    Comme plusieurs autres voix critiques, Eric Billy s’étonne des doses élevées de glyphosate auxquelles les rats ont été exposés dans le cadre de d’étude de l’Institut Ramazzini, affirmant que « même la dose la plus faible testée dépasse largement l’exposition [alimentaire] humaine réelle » et que « les deux autres doses sont donc cent et mille fois supérieures à cette exposition humaine ». Même argument et même chiffre dans Le Figaro.

    POURQUOI C’EST PEU PERTINENT
    Cet argument est fréquemment soulevé pour contester la pertinence des résultats des études animales. Or, des millions d’humains exposés pendant des décennies ne peuvent être comparés à une centaine de rats exposés pendant 24 mois. Le but de ces tests est de caractériser le potentiel cancérogène des substances, et non d’évaluer les risques courus par la population aux niveaux réels d’exposition (parfois très supérieurs à l’exposition alimentaire, pour les riverains d’exploitations, les travailleurs agricoles, etc.).

    En fait, le glyphosate est déjà associé chez les agriculteurs à une élévation du risque de certains lymphomes dans quatre méta-analyses et une étude poolée – les plus hauts niveaux de preuve en épidémiologie (ici, ici, ici, là et là). Les études animales permettent d’interpréter ces résultats, en suggérant que ces associations sont indicatrices d’un lien causal.

    Et même en prêtant foi à l’argument de « la dose trop élevée », l’objection ne tient pas la route. L’étude du Ramazzini a en effet étudié l’effet du glyphosate à des doses considérablement plus faibles que toutes les études analogues précédentes. Dans les sept études retenues par les autorités européennes lors de leur dernière évaluation de la molécule herbicide, les plus faibles doses testées étaient 12 à 420 fois plus élevées que dans l’étude du Ramazzini, et les plus fortes expositions 10 à 33 fois supérieures.

    « La voie d’exposition n’est pas adéquate »
    Dans l’étude du Ramazzini, les animaux ont été exposés au glyphosate par le biais de l’eau de boisson, et non la nourriture. M. Billy assure que c’est inadéquat, au motif que les humains sont plutôt exposés par l’alimentation.

    POURQUOI C’EST PEU PERTINENT
    Parmi les études animales sur le glyphosate soumises aux autorités sanitaires ou évaluées par le CIRC, aucune n’a été jugée irrecevable parce qu’elle avait opté pour une exposition analogue. L’eau de boisson est d’ailleurs considérée comme acceptable pour évaluer les « produits chimiques alimentaires ou environnementaux, notamment les pesticides », au même titre que le régime alimentaire, selon le guide de bonnes pratiques nᵒ 451 de l’OCDE.

    Cette fausse controverse est un argument classique. En 1953, les premiers travaux du Sloan Kettering Institute sur le potentiel cancérogène du tabac avaient consisté à observer le développement de tumeurs sur la peau rasée de rongeurs après l’avoir tartinée d’extraits de goudrons tirés de la cigarette. L’American Tobacco Company avait alors critiqué l’utilisation par les scientifiques d’une « forte concentration d’extraits de fumée – entièrement différente de la fumée qu’une personne peut tirer d’une cigarette », tout en affirmant que « tous les scientifiques s’accordent à dire qu’il n’existe aucune relation connue entre cancers de la peau chez les souris et cancers du poumon chez les humains ». Comme les chercheurs du Ramazzini, ceux du Sloan Kettering Institute ne cherchaient pas à mimer exactement l’exposition humaine à l’agent testé (personne ne se tartine de goudrons de cigarette), mais à tester son potentiel cancérogène.

    « Le nombre d’animaux est insuffisant »
    Dans son fil critique, Eric Billy se livre à un calcul estimant que, pour atteindre une plus grande robustesse statistique, les chercheurs du Ramazzini auraient dû utiliser au moins trois fois plus de rats, soit 160 à 220 individus par groupe.

    POURQUOI C’EST INEXACT
    De telles exigences sont fantaisistes. Aucune étude de toxicité chronique ou de cancérogénicité du glyphosate conduite sur des rats n’a jamais enrôlé autant d’individus. Toutes les études analogues à celles du Ramazzini comportent environ 50 rats par groupe. Et pour cause, c’est le seuil recommandé par le document-guide de l’OCDE.

    « Dans le cas présent, il est complètement ridicule d’exiger plus d’animaux par groupe », appuie le biostatisticien américain Christopher Portier, ancien directeur du National Toxicology Program américain, dont les travaux font autorité sur le sujet. Selon ce spécialiste, expert-témoin de plaignants dans plusieurs procès en cours aux Etats-Unis, les chercheurs du Ramazzini « sont parvenus à mettre en évidence une tendance statistiquement significative à l’augmentation de certaines tumeurs chez les animaux traités, quand bien même ils ne sont que 50 par groupe. Pourquoi faudrait-il refaire l’expérience avec plus d’animaux, pour avoir plus de puissance statistique ? »

    En réalité, c’est lorsqu’on ne trouve pas d’#effet_statistiquement_significatif qu’il est possible d’objecter que le nombre d’animaux est trop faible, et qu’il peut être utile d’augmenter la puissance statistique. « Le seul inconvénient d’avoir 50 rats par groupe et non 160 ou 220, c’est de “rater” un effet, certainement pas de voir un effet qui n’existe pas », conclut M. Portier.

    Cet article a bénéficié d’échanges avec les chercheurs de l’Institut Ramazzini et de la relecture critique de trois chercheurs (Inrae et Inserm), associés à des travaux de toxicologie impliquant des études animales.

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    Qu’est-ce que la « #fabrique_du_doute » ?
    Comme l’ont montré les historiens des sciences Naomi Oreskes (université Harvard) et Erik Conway (NASA) dans un livre de référence (Les Marchands de doute, 2012), la « fabrique du doute » a été mise au point dans les années 1950 par les industriels du tabac, afin de nier ou relativiser les effets de la cigarette.

    Cette rhétorique retourne la science contre elle-même, en dévoyant les instruments intellectuels au coeur de la démarche des scientifiques (doute méthodique, exigence de rigueur, méfiance devant les affirmations perçues comme spectaculaires, etc.). Elle est ainsi très efficace sur les membres des communautés scientifiques et médicales qui ne travaillent pas directement sur les sujets visés, de même que sur les publics attachés à la rationalité et la défense des valeurs de la science, ou encore des journalistes qui reprennent parfois sans recul de tels arguments mis en circulation.

    Technique de propagande très efficace, la « fabrique du doute » nécessite parfois de longs développements pour être démasquée, d’autant qu’elle mêle parfois des critiques légitimes à d’autres, fondées sur des contre-vérités, des contre-sens ou des considérations simplement erronées. Elle constitue une boîte à outils constamment utilisée depuis des décennies par une diversité de secteurs industriels désireux de protéger leurs activités de toute régulation sanitaire ou environnementale.

  • Combien d’épisodes de canicule votre département a-t-il connus en vingt ans ?
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2025/06/25/combien-d-episodes-de-canicule-votre-departement-a-t-il-connus-en-vingt-ans_

    La compilation de l’ensemble de ces bulletins de vigilance canicule montre une exposition intense d’une large moitié de la France, s’étendant au sud de la diagonale Agen-Strasbourg, avec pour épicentre le département du Rhône.

    https://archive.ph/PofPC

    #canicule #climat

    décidément La Manche en tête de mon tiercé perso

    edit en faisant l’hypothèse d’une corrélation entre montant des loyers et prix du mètre carré, il faut dire Cotentin...

  • Gouvernement Bayrou : plus de la moitié des ministres sont millionnaires, selon leur déclaration de patrimoine
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2025/06/12/gouvernement-bayrou-plus-de-la-moitie-des-ministres-sont-millionnaires-selon

    La tendance ne fait que s’accentuer depuis 2017 : sous la présidence d’Emmanuel Macron, les ministres sont de plus en plus riches. Le gouvernement actuel compte 22 millionnaires sur 36 membres, d’après leurs déclarations d’intérêts et de patrimoine, rendues publiques, mardi 10 juin, par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Par comparaison, en 2022, 19 millionnaires figuraient dans le gouvernement d’Elisabeth Borne, qui comptait quatre membres supplémentaires.

    Les ministres de François Bayrou se placent quasiment tous parmi les 5 % des Français avec les revenus les plus importants, selon les données de la World Inequality Database.

    https://archive.ph/wiFfm

    Pour et par les #riches.
    #propriétaires de l’entreprise France.

  • De toute urgence, à Mayotte, ne pas reconstruire ?
    https://www.gisti.org/spip.php?article7493

    Prétexter la lutte contre l’habitat indigne, insalubre, et surtout « informel », pour démolir les abris que parviennent à se constituer les pauvres, et ainsi les renvoyer à la rue, les disperser, les rendre invisibles, voilà un mécanisme qui ne date pas d’hier, et a été déployé dans maints endroits. À Mayotte, après le passage du cyclone Chido, le gouvernement a décidé de profiter de l’occasion pour en finir avec l’« immigration clandestine », fléau de l’île dénoncé comme la cause du désastre. Le premier ministre a dit vouloir « empêcher la reconstruction des bidonvilles », promettant « une refonte complète de la géographie des quartiers prioritaires de la ville ». Source : (...)

    • On aurait pu espérer, dans une telle situation d’urgence humanitaire, que les autorités fassent preuve d’un peu de dignité. Las… L’urgence a été, aux yeux du préfet, de publier, le 3 janvier 2025, un arrêté destiné à réserver la vente de « tôles bac acier » aux professionnels dûment inscrits au registre du commerce et aux particuliers en mesure de présenter un document national d’identité et un justificatif de domicile !

      Le Gisti, la Fasti et la LDH ont déposé, le 7 janvier, un recours en annulation de cet arrêté devant le tribunal administratif [4]. Car, outre que l’exigence de produire des documents, dans un territoire frappé par vents et inondations, a quelque chose d’hallucinant, tout est fictif dans cette affaire. L’arrêté réalise le vœu du premier ministre d’empêcher la reconstruction de bidonvilles déjà remontés. Il fait mine de s’inscrire dans la « lutte contre l’immigration clandestine », mais vise l’ensemble des habitant·es des bangas, dont un quart sont des Mahorais·es, victimes, comme leurs voisins étrangers, de l’absence de toute réelle politique du logement. Ce que confirme le préfet de Mayotte dans son mémoire en réplique au recours engagé : « Selon les données de l’Insee, en 2017, 25% des Français nés à Mayotte ou à l’étranger et 3% des Français nés en métropole ou dans un autre département d’outre-mer habitaient dans une maison en tôle. Les personnes de nationalité étrangère étaient certes présentes puisque 65% d’entre elles habitaient une maison en tôle, mais il n’en demeure pas moins que l’habitat précaire à Mayotte concerne tous les types de situations. »

      Le 28 janvier, le tribunal a refusé de suspendre l’arrêté préfectoral, reportant sa décision sur le fond. Depuis, les députés ont adopté, le 12 février 2025, la « loi d’urgence pour Mayotte » qui, dans son article 4 bis, reprend à l’identique les termes de l’arrêté « anti-tôles ».

      Ainsi, à Mayotte, peut-on déroger aux lois et règlements, sur la discrimination, sur le refus de vente, sur les droits de l’enfant , etc. « Mayotte, le département français des exceptions légales », a titré, le 7 février, le site « Les décodeurs » du journal Le Monde, qui recense les innombrables dérogations par lesquelles l’île sort du droit commun. https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2025/02/07/mayotte-le-departement-francais-des-exceptions-legales_6171286_4355771.html

  • Visualisez les 380 sites industriels qui rejettent l’essentiel des PFAS en France
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2025/04/01/visualisez-les-380-sites-industriels-qui-rejettent-l-essentiel-des-pfas-en-f

    Enquête« Le Monde » révèle la liste des principaux émetteurs français de « polluants éternels ». Ces sites industriels rejettent dans l’eau des PFAS à des niveaux qui inquiètent les experts.

    C’est un enjeu crucial de la lutte contre les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS). Voire son point de départ : identifier les sites industriels qui émettent ces composés chimiques indestructibles dans l’environnement et associés à de nombreuses maladies.

    Jusqu’à récemment, personne n’avait de visibilité sur la présence de PFAS dans les rejets industriels – pas même les services de l’Etat. Ce n’est qu’en juin 2023 que le ministère de la transition écologique a imposé aux sites industriels les plus sensibles, regroupés dans la catégorie des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), d’analyser les PFAS dans leurs rejets aqueux.

    Grâce à ces tests, le gouvernement a commencé à recenser, au cours des derniers mois, une liste de sites « prioritaires » du point de vue du risque que représentent les PFAS, sans toutefois consentir à la rendre publique. Après avoir eu accès aux critères de sélection du ministère, détaillés dans notre méthodologie, Le Monde a pu reconstituer, à partir de données publiques, une liste de près de 300 sites préoccupants.

    #Pollution #Environnement #PFAS #Pesticides

  • PFAS : un nouveau site « super-émetteur » identifié à Mourenx dans les Pyrénées-Atlantiques
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2025/04/01/pfas-un-nouveau-site-super-emetteur-identifie-a-mourenx-dans-les-pyrenees-at

    Les résultats de la campagne, publiés progressivement ces derniers mois par les autorités régionales et analysés par Le Monde, révèlent l’existence d’un nouveau « #super-émetteur » de #PFAS : l’usine #Finorga de #Mourenx, aujourd’hui détenue par le groupe Axplora (ex-Novasep), qui n’a pas répondu aux sollicitations du Monde. En activité depuis trente ans, le site synthétise des principes actifs pour l’industrie pharmaceutique.

    Les prélèvements réalisés par l’industriel entre mai et juillet 2024 ont rapidement attiré l’attention de l’inspection des installations classées. Cette dernière relève, dans un courrier de septembre 2024, des « rejets significatifs » de fluor organique absorbable (#AOF) – une méthode indiciaire pour estimer la quantité totale de PFAS présente dans les rejets. Jusqu’à 181,9 kilos de fluor organique ont été évacués en un jour vers la station de traitement des effluents industriels, soit une concentration de 10 700 000 microgrammes par litre d’eau. A titre de comparaison, l’ultratoxique PFOS, le seul PFAS réglementé dans les rejets industriels, ne doit pas excéder 25 microgrammes par litre d’eau.

    https://justpaste.it/h2dky

    #TFA #le_mystère_reste_entier #criminels

  • Plus de 120 000 #refoulements de migrants aux #frontières de l’#UE en 2024, selon un rapport de plusieurs ONG

    Selon un rapport de neuf organisations de défense des droits de l’Homme, présentes dans plusieurs pays européens, plus de 120 000 refoulements de migrants ont été enregistrés aux frontières extérieures de l’UE en 2024 (https://www.cms.hr/system/publication/pdf/210/Pushed__Beaten__Left_to_Die_-_European_pushback_report_2024.pdf). Ces « pushbacks » sont devenus « une pratique systématique dans le cadre de la politique migratoire de l’UE », dénoncent les ONG.

    C’est un nouveau document qui tend à mettre en lumière l’ampleur des refoulements opérés aux frontières extérieures de l’Union européenne (UE). Un rapport, publié lundi 17 février, qui regroupe neuf organisations de défense des droits de l’Homme actives dans plusieurs pays européens - dont We Are Monitoring en Pologne, la Fondation Mission Wings en Bulgarie et le Comité hongrois d’Helsinki en Hongrie - affirme qu’"au moins" 120 457 « pushbacks » ont été enregistrés en 2024 en Europe - des refoulements à la frontière sans laisser à la personne concernée la possibilité de demander l’asile.

    Cette pratique est pourtant illégale au regard du « principe de non-refoulement » consacré par l’article 33 de la Convention de Genève sur le droit des réfugiés : « Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera […] un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée », exige le texte. Le principe de non-refoulement est également réaffirmé par l’Union européenne dans sa Charte des droits fondamentaux.

    Pour parvenir à ce chiffre record, les militants se sont appuyés sur des rapports d’ONG et de groupes de recherche ainsi que sur les données des services gouvernementaux. À noter que ce chiffre ne concerne que les refoulements survenus dans un pays européen vers des États tiers et ne prend pas en compte les expulsions aux frontières intérieures de l’UE. Par ailleurs, une personne peut avoir été refoulée plusieurs fois.
    La Bulgarie, en tête du classement

    Selon les données du rapport, la Bulgarie figure en tête du classement des États de l’UE qui refoulent le plus de migrants. En 2024, les autorités de Sofia ont mené 52 534 « pushbacks » vers la Turquie, indique le texte.

    Cette première place s’explique en partie par la nouvelle adhésion pleine et entière à l’espace Schengen, fin novembre. La Bulgarie est soumise à une forte pression de la part des autres États membres de l’UE dans sa capacité à gérer les flux migratoires. Les questions de sécurité aux frontières figuraient parmi les principales préoccupations qui ont retardé l’entrée de la Bulgarie à l’espace Schengen - l’Autriche et les Pays-Bas ayant dans un premier temps opposé leur veto à une adhésion (https://balkaninsight.com/2024/11/22/austria-signals-shift-in-veto-on-bulgaria-romania-joining-schengen).

    Ainsi ces derniers mois, les témoignages de refoulements dans le pays se multiplient. Lors d’une série de reportages en juin dernier en Bulgarie, InfoMigrants avait rencontré dans la petite ville de Svilengrad, toute proche de la frontière avec la Turquie, un groupe de quatre jeunes Marocains (https://www.infomigrants.net/fr/post/57689/la-police-a-pris-nos-telephones-nos-affaires-notre-argent--les-refoule). Amine*, 24 ans avait dit avoir été refoulé cinq fois. Les autres, âgés de 22 à 30 ans, ont vécu deux, parfois trois « pushbacks ». Lors de ces expulsions, « à chaque fois, la police a pris nos téléphones, nos affaires, notre argent », dénonçait Amine. « Ils prenaient aussi nos vêtements et nos chaussures ».

    Les récits des exilés font également état de violences perpétrées par les autorités. Demandeurs d’asile « obligés de retourner en Turquie à la nage », déshabillés de force ou sévèrement mordus par les chiens des gardes bulgares : dans cette région, une violence considérable est exercée par les gardes-frontières. Des agissements dénoncés à de nombreuses reprises par les ONG, et dont même l’agence européenne de protection des frontières Frontex a eu connaissance (https://www.infomigrants.net/fr/post/55503/ils-mont-jete-dans-le-canal--les-pushbacks-en-bulgarie-sont-bien-connu), selon une enquête du réseau Balkan Investigative Reporting Network (BIRN).

    Ces refoulements peuvent parfois mener à des drames. Selon une étude de la branche viennoise de la Fondation ARD (https://bulgaria.bordermonitoring.eu/2023/12/02/almost-100-people-died-on-their-way-through-bulgaria-withi), en coopération avec Lighthouse Reports, et plusieurs médias, au moins 93 personnes transitant par la Bulgarie sont décédées en 2022 et 2023.

    Début janvier 2025, l’organisation italienne Colletivo rotte balcaniche (collectif de la route des Balkans) et l’association No name kitchen avaient accusé Sofia d’être responsable de la mort de trois migrants égyptiens (https://www.infomigrants.net/fr/post/62203/bulgarie--trois-adolescents-egyptiens-retrouves-morts-de-froid-pres-de). Agés de 15 à 17 ans, ces exilés avaient été retrouvés morts de froid dans la forêt bulgare, à quelques kilomètres de la frontière turque. « L’absence d’aide des autorités et leurs obstructions systématiques aux opérations de sauvetage menées par les activistes ont conduit à la mort des adolescents », avait conclu les militants.

    La police des frontières bulgare avait nié les allégations de négligence délibérée et prétendait avoir « réagi immédiatement à tous les signaux reçus, mais les alertes du 27 décembre contenaient des informations erronées ou trompeuses ».

    De manière générale, le gouvernement bulgare nie pratiquer des « pushbacks », selon Le Monde (https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/02/26/comment-l-ue-a-ferme-les-yeux-sur-le-refoulement-illegal-de-migrants-par-la-). En 2023, Ivaylo Tonchev, un des chefs de la police des frontières bulgare, s’était aussi défendu contre les accusations des ONG. « Il n’y a pas de violence contre les migrants », avait-il déclaré à Euronews (https://fr.euronews.com/2023/07/20/incidents-aux-frontieres-la-bulgarie-est-elle-prete-a-rejoindre-l-espac). « Les seuls cas où la force physique est utilisée, cela se fait conformément à la législation de notre pays. Mais il y a des groupes agressifs [de migrants] qui nous lancent des pierres. »
    La Grèce condamnée par la CEDH

    D’après le rapport des neuf ONG européennes, la Bulgarie est suivie par la Grèce, avec 14 482 refoulements enregistrés à ses frontières en 2024. Depuis des années, Athènes est accusée de « pushbacks » violents en mer Égée et près du fleuve Evros.

    InfoMigrants a récolté de nombreux témoignages d’exilés victimes de ces expulsions illégales. En mai 2020, Samuel*, un Africain avait filmé et raconté son refoulement à la rédaction (https://www.infomigrants.net/fr/post/24690/videotemoignage--les-gardecotes-grecs-ont-repousse-notre-bateau-vers-l). Le jeune homme avait expliqué avoir été repéré dans la nuit par la marine grecque alors que son embarcation approchait de l’île de Lesbos. « Les gardes-côtes nous ont demandé de leur donner notre bidon d’essence. Puis, ils nous ont lancés une corde. Nous pensions qu’ils nous dirigeaient vers Lesbos mais en fait ils nous ont emmenés en plein milieu de la mer. Ils nous ont laissés là et sont repartis. »

    Quelques mois plus tard, au mois de décembre 2020, la rédaction avait publié un témoignage similaire d’un Guinéen de 17 ans, racontant comment des gardes-côtes grecs avaient percé l’avant de son canot, en mer Égée (https://www.infomigrants.net/fr/post/29148/mer-egee--des-hommes-en-uniforme-ont-perce-notre-embarcation). En 2021, InfoMigrants avait même rencontré un ex-policier grec aujourd’hui à la retraite qui a confirmé l’existence de « pushbacks » dans la rivière de l’Evros, entre la Turquie et la Grèce. « Les ’pushbacks’ existent, j’ai moi-même renvoyé 2 000 personnes vers la Turquie », avait-il déclaré sous couvert d’anonymat.

    En mai 2023, une vidéo accablante du New York Times montrait des gardes-côtes grecs remettre des migrants à l’eau, direction la Turquie (https://www.infomigrants.net/fr/post/49036/pushback--une-video-accablante-du-new-york-times-montre-des-gardecotes).

    Cette même année, dans un rapport du mois de novembre, l’ONG Médecins sans frontières (MSF) affirmait déjà que les refoulements illégaux de migrants étaient « devenus la norme », de même que « l’absence criante de protection pour les personnes qui cherchent la sécurité en Grèce » (https://www.infomigrants.net/fr/post/53007/en-grece-les-refoulements-de-migrants-en-mer-sont-devenus-la-norme-acc).

    Pire encore, selon une enquête de la BBC menée en juin 2024, en trois ans, 43 exilés sont morts en mer Égée après avoir été refoulés par les autorités grecques. Neuf d’entre eux ont été directement jetés à l’eau par les gardes-côtes, et se sont noyés.

    Le 7 janvier 2025, la Grèce a été condamnée pour la première fois par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) dans une affaire de refoulement de demandeurs d’asile. La requérante, une Turque, avait été expulsée le jour-même de son arrivée en Grèce vers la Turquie - puis arrêtée et emprisonnée par les autorités turques. La CEDH a condamné la Grèce a lui verser 20 000 euros.

    D’autres États de l’UE pourraient bientôt connaître une sentence similaire. Début février, la CEDH a commencé à examiner trois affaires contre la Pologne, la Lettonie et la Lituanie concernant des allégations de refoulement vers la Biélorussie.

    Malgré les preuves qui s’accumulent, Athènes n’a pourtant jamais reconnu l’existence de ces refoulements et a toujours nié les pratiquer.

    Contactée par InfoMigrants, la Commission européenne rappelle qu’il « appartient aux États membres de gérer et de protéger leurs frontières extérieures dans le cadre juridique de l’UE » et qu’il est de leur « responsabilité d’enquêter sur toute allégation d’actes répréhensibles ». « Dans le cadre de nos activités de gestion des frontières, les États membres doivent veiller à ce que leurs obligations en vertu du droit européen et international soient respectées, y compris la protection des droits fondamentaux ».
    Hausse des interceptions au large de la Libye

    Après la Bulgarie et la Grèce, championnes des « pushbacks », on retrouve dans le rapport la Pologne (13 600 refoulements), la Hongrie (5 713), la Lettonie (5 388), la Croatie (1 905) ou encore la Lituanie (1 002). Plusieurs de ces pays, qui accusent la Biélorussie de vouloir déstabiliser l’Europe en laissant passer les migrants, ont d’ailleurs légalisé ces dernières années les refoulements à leurs frontières, en dépit du droit international.

    L’étude couvre également le Liban et la Libye car, notent les auteurs, les interceptions en mer ont été effectuées avec le soutien « direct et étendu » de l’Italie, de Chypre et plus généralement des instances européennes. Ainsi l’an dernier, 21 762 interceptions ont eu lieu en mer Méditerranée, au large de la Libye, contre 17 000 en 2023.

    En 2017, l’UE a signé un accord avec la Libye dans le but d’empêcher les migrants de traverser la Méditerranée et de rejoindre l’Italie. À travers ce partenariat, sans cesse renouvelé, l’Europe donne concrètement aux autorités libyennes la charge de la coordination des sauvetages au large de leurs côtes (tâche qui incombait auparavant au centre de coordination de sauvetage maritime de Rome ou de La Valette, à Malte). L’Italie équipe et forme aussi les gardes-côtes libyens pour intercepter les exilés en Méditerranée.

    Cette collaboration controversée est régulièrement dénoncée par les ONG et les instances internationales, en raison des dérapages, menaces, intimidations des autorités libyennes en mer contre les migrants et les humanitaires.

    Par ailleurs, lorsqu’ils sont interceptés en mer et renvoyés sur le sol libyen, les migrants sont transférés dans des centres de détention, gérés par le Département de lutte contre l’immigration illégale (DCIM), où ils subissent des tortures, des violences sexuelles, de l’extorsion, et sont soumis à du travail forcé.
    Les refoulements, « une pratique systématique » au sein de l’UE

    L’ensemble de ces refoulements, « en forte augmentation », observés aux frontières extérieures de l’Europe « sont devenus une pratique systématique dans le cadre de la politique migratoire de l’UE », estiment les ONG. « Les rapports continus sur les refoulements montrent l’échec de l’UE à faire respecter les droits de l’Homme ».

    Les humanitaires et les chercheurs regrettent le manque de réaction des institutions européennes qui donne, de fait, un blanc-seing aux pays pointés du doigt. « Il y a quelques années, la Commission européenne, garante du respect des traités de l’UE en matière d’asile, condamnait ces pratiques. Aujourd’hui, on entend beaucoup moins de réprobations de sa part, elle a perdu beaucoup de son influence sur ses membres », avait déclaré en octobre Matthieu Tardis, chercheur spécialisé sur l’immigration et co-directeur de Synergie Migrations.

    *Les prénoms ont été modifiés.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/63062/plus-de-120-000-refoulements-de-migrants-aux-frontieres-de-lue-en-2024
    #Europe #union_européenne #chiffres #statistiques #2024 #migrations #réfugiés #push-backs #rapport #Bulgarie #Grèce #Libye #DCIM #Méditerranée #mer_Egée #Evros

    • Pushed, Beaten,Left to Die - European pushback report 2024

      17.02.2025 Asylum and integration policies
      Pushed, Beaten,Left to Die - European pushback report 2024
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      Pushed, Beaten,Left to Die - European pushback report analyzes data on pushbacks from EU member states to third countries in 2024, highlighting ongoing violations of international and EU law.

      It draws from NGO reports, research groups, human rights organizations, UN agencies, government services and interviews with organizations active in Hungary, Latvia, Lithuania, Greece, Poland, Croatia, Finland, and Bulgaria. In total, 120.457 pushbacks were recorded, underscoring the persistence of this practice.

      Overall, the trend of normalizing pushbacks persists, requiring stronger enforcement and greater accountability from both member states and EU institutions. The report concludes with recommendations for the EU, its member states, and Frontex to address these ongoing human rights violations.

      This report is a collaboration between:
      11.11.11 (Belgium), Hungarian Helsinki Committee, We Are Monitoring Association (Poland), Centre for Peace Studies (Croatia), Lebanese Center for Human Rights (CLDH), Sienos Grupė (Lithuania), Centre for Legal Aid – Voice in Bulgaria (CLA), Foundation Mission Wings (Bulgaria), I Want to Help Refugees/Gribu palīdzēt bēgļiem (Latvia).

      https://www.cms.hr/en/azil-i-integracijske-politike/protjerani-pretuceni-ostavljeni-da-umru
      #rapport

  • La pollution aux PFAS plonge la Flandre dans un désastre dystopique
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2025/01/15/excaver-les-sols-changer-l-eau-des-lacs-ne-pas-jouer-dehors-la-pollution-aux

    Enterrer la terre, remplacer les jardins, changer l’eau des lacs, se méfier du sel marin venu se déposer sur ses lèvres. Il est même arrivé d’incinérer de l’eau polluée. Et partout dans le monde, de la banlieue paisible de Zwijndrecht au lointain plateau tibétain, il pleut des PFAS. Sans que nos sociétés aient encore répondu à la question centrale : dans un monde où tout doit être présumé contaminé, qui paiera pour tout dépolluer ?

  • Grippe : des EHPAD vont accueillir des patients afin de désengorger les hôpitaux
    https://www.bfmtv.com/sante/grippe-des-ehpad-vont-accueillir-des-patients-afin-de-desengorger-les-hopitau

    L’épidémie de grippe continue de s’intensifier dans l’Hexagone. Pour y faire face, certains #EHPAD vont accueillir des patients plus âgés atteints de la #grippe afin de désengorger les service d’urgences des hôpitaux.

    Pour éviter les brancardages de longue durée, faciliter les épidémies éclair.
    L’eugénisme est un altruisme (d’façon, ils vont mourir).
    Etcétéra.

    #Santé #Honte

  • Les #PFAS, une famille de 10 000 « polluants éternels » qui contaminent toute l’humanité
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2025/01/14/les-pfas-une-famille-de-10-000-polluants-eternels-qui-contaminent-toute-l-hu

    #mal_barré #sans_scrupules #plastique #tefal

    extrait

    Vingt usines de fabrication de PFAS, dont seize sont toujours actives, ont été localisées en Europe pour la première fois en 2023 par le Forever Pollution Project, une enquête collaborative internationale menée par Le Monde et seize médias partenaires. La France en compte cinq à elle seule – deux à Pierre-Bénite (Rhône), une à Villers-Saint-Paul (Oise), une à Tavaux (Jura) et une autre à Salindres (Gard), dont la fermeture a été annoncée en octobre 2024 par Solvay.

    Comme la chimie du fluor nécessite un savoir-faire complexe et des infrastructures spécifiques, peu d’entreprises la maîtrisent. Parmi les plus importantes : AGC, Arkema, Daikin, Gore ou Syensqo (Solvay). Les plus célèbres, DuPont (aujourd’hui Chemours) et 3M, sont aussi celles qui ont créé ces substances. Leurs pratiques ont fait l’objet de nombreuses enquêtes journalistiques et universitaires qui ont révélé une connaissance en interne de la toxicité des PFAS depuis 1961 et de leur persistance dans le sang depuis 1975 . Dans le film Dark Waters (Todd Haynes, 2019), l’acteur Mark Ruffalo incarne l’avocat Rob Bilott, à l’origine de la découverte du scandale de la pollution éternelle autour de l’usine DuPont de Parkersburg (Virginie-Occidentale, Etats-Unis) à la fin des années 1990. Une découverte qui a, depuis, engendré de nombreux procès aux Etats-Unis et coûté à la firme des milliards d’euros de compensations financières.

  • Comment la surveillance par drone s’est généralisée en 2024 : plus de 1 800 autorisations dans toute la France
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2025/01/13/comment-la-surveillance-par-drone-s-est-generalisee-en-2024-plus-de-1-800-au


    Un gendarme français change la batterie d’un drone lors d’une opération de surveillance à un barrage routier, à Saint-Louis (Nouvelle-Calédonie), le 23 septembre 2024. SÉBASTIEN BOZON / AFP

    Selon les données collectées par « Le Monde », les préfectures ont délivré au moins 1 800 arrêtés d’autorisations de survol destinées aux policiers, gendarmes et douanes.

    Les 4 000 habitants de la cité de Fourchevieilles, à Orange (Vaucluse), savent-ils que tout au long de l’année 2024, leurs va-et-vient ont pu être discrètement observés par la police, de jour comme de nuit ? Dans ce quartier, point de dispositif « voisins vigilants », mais un drone équipé d’une caméra de vision nocturne. Il est difficile de repérer la présence de l’engin volant, quasi invisible dans le ciel, et encore plus de discerner ce qu’il filme, sauf à se trouver aux côtés des policiers qui le télécommandent.

    Chaque mois, le préfet du Vaucluse a renouvelé l’autorisation administrative de survol par ce drone, toute la journée sauf entre 2 heures et 6 heures du matin, pour sécuriser ce quartier, où « des trafics de stupéfiants et des troubles à l’ordre public sont fréquents », selon l’explication des forces de l’ordre.

    Les drones sont utilisés par la police ou la gendarmerie depuis une quinzaine d’années, mais ce n’est que depuis le 19 avril 2023 qu’un décret encadre leur usage pour des missions de police administrative, c’est-à-dire pour empêcher les troubles ou la commission d’infractions. Les forces de l’ordre doivent à chaque fois demander des autorisations à la préfecture. De premiers décomptes locaux des arrêtés préfectoraux d’autorisation réalisés par Le Monde, Libération, Mediapart ou encore La Marseillaise ont déjà montré le succès grandissant de cette pratique nouvellement légalisée.

    https://archive.ph/FPBRM

    #drones #surveillance #droit_administratif #police

  • PFAS : le coût vertigineux de la dépollution de l’Europe
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2025/01/14/pfas-le-cout-vertigineux-de-la-depollution-de-l-europe_6496686_4355770.html

    Alors que le Vieux Continent prend peu à peu conscience de l’ampleur de son empoisonnement par ces substances chimiques toxiques et ultrarésistantes produites par l’industrie, « Le Monde » et vingt-neuf médias partenaires ont pu, pour la première fois, calculer le prix qu’atteindrait la décontamination.

    (...)

    « Ce qu’il est essentiel d’avoir en tête, c’est qu’il nous reviendra toujours moins cher de cesser d’émettre des PFAS que de décontaminer », résume Hans Peter Arp.

  • Dix-sept sujets de dispute pour animer votre réveillon : dissolution de l’Assemblée, Mbappé, SUV…
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/12/24/dix-sept-sujets-de-dispute-pour-animer-votre-reveillon-dissolution-de-l-asse

    Dix-sept sujets de dispute pour animer votre réveillon : dissolution de l’Assemblée, Mbappé, SUV…

    Gaza/Israël ne fait pas partie de la liste... Quel courage ces décodeurs !

  • Scandale « CumCum » : le gouvernement français refuse de bloquer des techniques de contournement de l’impôt sur les dividendes, révélées en 2018 par « Le Monde »
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/12/02/scandale-cumcum-le-gouvernement-francais-s-aligne-sur-les-banques-face-aux-t

    Des élus tentent de profiter des discussions sur le budget 2025 pour éliminer définitivement cette fraude fiscale sophistiqué, qui rapporterait entre 1,5 et 3 milliards d’euros de rentrées fiscales supplémentaires par an. Mais le gouvernement s’oppose à ces solutions.

  • Violences conjugales : le nombre de victimes enregistrées en hausse de 10 % sur un an
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/11/06/violences-conjugales-le-nombre-de-victimes-enregistrees-en-hausse-de-10-sur-

    Selon le ministère de l’intérieur, les deux tiers des violences conjugales (64 %) consistent en des violences physiques. Trente-deux pour cent des victimes ont subi des violences verbales ou psychologiques, dont du harcèlement moral (17 %), des menaces (12 %), des atteintes à la vie privée (1 %) ou des injures et diffamations (1 %). Quatre pour cent ont été victimes de violences sexuelles.
    Pour 2 % des victimes de harcèlement moral, les faits ont mené au suicide ou à une tentative de suicide, précise le SSMSI.

    Violences conjugales : comment expliquer le doublement des plaintes en six ans ?
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/11/25/violences-conjugales-comment-expliquer-le-doublement-des-plaintes-en-six-ans

    Au total, l’enquête Genese estimait qu’en 2021 3,6 millions de femmes âgées de 18 à 74 ans (soit 15,9 % des femmes de cette tranche d’âge) avaient subi au moins une fois depuis l’âge de 15 ans des violences physiques ou sexuelles commises par un partenaire.

    trumpisme par en bas

    #famille #couple #violences_conjugales #femmes #hommes

  • Qui sont les morts de la chaleur au travail ?


    Des ouvriers sous 39 °C, lors d’une vague de chaleur, à Ajaccio, en Corse, le 21 juin 2023. PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP

    Depuis 2018, au moins [du moins] 48 travailleurs sont morts dans des #accidents_du_travail liés aux fortes chaleurs. Ouvriers du BTP, vendangeurs, intérimaires… le climat représente un nouveau risque pour des salariés de tous âges déjà soumis à des conditions de travail éprouvantes ...

    [...]

    Dans la quasi-totalité des affaires, les #travailleurs ont été victimes de #malaises_cardiaques ayant entraîné la mort. Quelques-uns font état d’autres formes d’accidents que l’IMT a reliés à une problématique de chaleur. Le 11 août 2022, un homme d’une quarantaine d’années fait une chute fatale alors qu’il élague un arbre chez un particulier, dans la Vienne. Le 19 juillet 2023, un ouvrier de 51 ans se sectionne la carotide avec la tronçonneuse thermique qu’il manipule sur le chantier de la ligne ferroviaire Lyon-Turin.

    La #chaleur peut augmenter les risques d’accidents car « elle induit une baisse de la vigilance et une augmentation des temps de réaction », rappelle l’Institut national de recherche et de sécurité. L’institut estime qu’un risque peut apparaître à partir de 30° C pour une activité sédentaire, et de 28° C pour un travail physique. Le début des périodes chaudes est réputé plus dangereux, car le corps n’y est pas accoutumé.

    [...]

    Sept des victimes identifiées par la DGT travaillaient dans les « services administratifs et de soutien aux entreprises », c’est-à-dire pour des #sous-traitants ou des agences d’#intérim. Dans cette catégorie d’emploi connue pour ses #conditions_de_travail dégradées, notamment en matière de sécurité, la précarité des contrats dissuade les salariés de faire valoir leurs droits. Depuis juin, les salariés du #BTP ont la possibilité d’être indemnisés au titre du congé intempérie si leur chantier s’arrête pour cause de canicule. Mais ce dispositif reste à l’initiative de l’employeur, qui n’a aucune obligation d’y recourir.
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/11/01/qui-sont-les-morts-de-la-chaleur-au-travail_6371108_4355770.html

    https://justpaste.it/erm4q

    #travail #agriculture #morts_au_travail #climat

  • « Je n’ai jamais eu le fin mot de l’histoire » : pourquoi la CAF est une boîte noire pour ses allocataires
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/09/19/je-n-ai-jamais-eu-le-fin-mot-de-l-histoire-pourquoi-la-caf-est-une-boite-noi

    Ainsi, de nombreux allocataires du RSA et de la prime d’activité ignorent qu’ils sont censés déclarer l’intégralité des dons de leurs proches, mêmes modiques et ponctuels, afin qu’ils soient déduits de leurs allocations. Juliette, une mère de famille du Var, racontait par exemple au Monde en 2023 avoir dû rembourser à la CAF les 1 500 euros de dons envoyés par ses frères et sœurs pour l’aider à rendre visite à leur père malade. En 2021, le Conseil d’Etat a recommandé d’« exclure les aides modestes des proches » du calcul des ressources, dans un souci de simplification et pour ne pas « aggraver des situations sociales déjà difficiles ». Mais cette idée est restée lettre morte, comme la plupart des propositions de son rapport consacré à la simplification et à l’harmonisation des pratiques en matière de prise en compte des ressources.

    #Vacherie_Ordinaire.

    • Et donc, on apprend que c’est du logiciel privatif qui a été choisi …

      Les dysfonctionnements des CAF renvoient aussi à un système informatique vieillissant et disparate : une grande partie du code source des logiciels qui calculent le montant des allocations est écrit dans le langage Cobol, qui « n’est plus enseigné depuis une vingtaine d’années », relèvent des chercheurs de l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), dans un article publié en janvier sur la transparence et l’explicabilité des algorithmes publics. Confrontée à une pénurie d’informaticiens maîtrisant cette technologie, la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), qui regroupe l’ensemble des CAF, peine à moderniser les blocs de code les plus anciens. Ce qui rend le système d’autant plus difficile à comprendre et à maintenir.

      La CNAF tente tout de même de le moderniser progressivement. En 2023, elle a annoncé vouloir « limiter le nombre de technologies utilisées » et en abandonner certaines, comme celles de SAS, encore utilisées dans son algorithme de ciblage des contrôles antifraude. Plutôt que de tout développer en interne, l’organisme a fait le choix de se tourner vers des prestataires, comme le géant du logiciel Oracle, qui lui fournit des solutions pour le calcul des APL. Ce qui pourra, à terme, poser un autre problème : la captivité vis-à-vis de systèmes « propriétaires » onéreux, difficilement remplaçables en cas de changement de prestataire.

      #pignoufs #gougnafiers #l'informatique_a_bon_dos

    • Utiliser les services d’Oracle pour reprendre le contrôle de son informatique... tout un... programme. #lol #énorme

      Ce qui est drôlatique, c’est d’imaginer les factures de licencing et de consulting, sans jamais aucune facture d’évaluation du roi ni de retex.

      Et après, ça se permet de râler sur la fraude aux prestations, ça te crée des procédures de restitution d’indus avec 12 mois de retard, cette sorte de droit à l’erreur inversé, où l’administration te file du pognon, puis te le reprend quand elle s’aperçoit qu’elle n’aurait pas du te le filer, non parce que tu as fait une erreur de déclaration ou une fraude, mais juste parce qu’ils se sont trompés, eux, avec leurs logiciels trop anciens.

    • C’est quand même assez remarquable de la politique macroniste que de refiler systématiquement la gestion des données françaises aux américains. C’est aussi vraiment cracher sur les compétences françaises.

      Et c’est l’information scandaleuse la plus importante de l’article, que lemonde se garde de mettre en avant dans son titre.

    • Trump - « They’re Eating the Dogs » Matched Up Perfectly to the Peanuts Theme Song - YouTube
      https://www.youtube.com/watch?v=9SeMHr-sYuM

      quasiment en direct, certains internautes pointait la prosodie des déclarations de DJT et lui cherchait des équivalents

      Trump’s “They’re Eating the Dogs” moment from last night’s debate lines up almost perfectly with the song “Linus and Lucy,” from A Charlie Brown Christmas.

      Credit to @NoahGarfinkel on Twitter for sharing the original video, although I’m not sure if he made it himself or found it somewhere else. I decided to tighten up the audio a little bit to make it match up even better.

    • a contrario :

      Présidentielle américaine 2024 : l’IA au service de l’humour et l’absurde, le redoutable contre-pied de l’équipe de campagne de Donald Trump, William Audureau
      https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/09/13/presidentielle-americaine-2024-l-ia-au-service-d-un-humour-decale-le-redouta

      Les observateurs redoutaient une explosion de la désinformation liée à l’utilisation d’algorithmes de génération d’images. Mais le camp trumpiste s’en sert surtout comme un instrument comique, capable de séduire la jeunesse.


      Compilation d’images générées par intelligence artificielle par des supporteurs de Donald Trump, en référence à la rumeur xénophobe des migrants haïtiens mangeurs de chats.

      Donald Trump posant dans Air Force One (l’avion présidentiel), entouré de chats et de canards. Un félin vêtu d’une tenue militaire, arme d’assaut en main, casquette MAGA (« Make America Great Again ») sur la tête. Le 45e président, une portée de chatons dans les bras, qu’il protège derrière une épée de feu. Le candidat à la présidentielle, vêtu d’un costume de Superman, vole en portant un canari, ou qui chevauche fièrement un chat tigré géant devant le drapeau américain… Depuis le 8 septembre, et la diffusion dans les sphères pro-Trump de la rumeur d’Haïtiens mangeurs d’animaux domestiques, d’innombrables vidéos et images générées par intelligence artificielle (IA) sur ce thème ont déferlé sur les réseaux sociaux, parfois partagés par Elon Musk et Donald Trump en personne. Avec un point commun : au lieu de chercher à prouver les allégations, par exemple par des pseudophotos de migrants pris sur le fait, toutes mettent en scène Donald Trump dans des situations à l’évidence absurdes. Pour le plus grand régal des supporteurs du candidat républicain, exaltés par le ton irrévérencieux et décalé de la séquence.
      Sur son réseau Truth Social, dans les cercles militants sur Facebook ou encore sur X, plate-forme aujourd’hui quasi acquise au trumpisme, les internautes ne cachaient pas leur plaisir : « Kamala tremble. Trump poste des mèmes de chat avant le débat », s’amuse un internaute. « Le prompt [la consigne à donner à un algorithme de génération d’image] est plus fort que l’épée », savoure un autre. « Plus Harris et les démocrates seront énervés, plus il y aura de ces images et mèmes faits par IA, estime un troisième. Pas besoin de payer pour que les gens remplissent Internet avec des images de chat drôles et positives ! »

      Fierté de faux grossiers
      De fait, la rumeur a donné lieu à une explosion visuelle aussi créative que déstabilisante. S’appuyant majoritairement sur #Grok, l’algorithme lancé par Elon #Musk, la démarche prend le contre-pied d’une des craintes que faisait peser la démocratisation des images générées par #IA en temps de campagne.
      Inutile de chercher des productions destinées à tromper visuellement les internautes : ces #mèmes assument au contraire l’esthétique IA et en jouent, à l’image de certains ratés fièrement partagés. Ainsi de croisements loufoques entre la chevelure du candidat républicain et le pelage d’un félin, ou de pseudophotos montrant des canards à trois pattes – l’IA est réputée faillible quant au nombre de doigts des humains, elle l’est manifestement aussi pour l’anatomie des animaux, et la sphère trumpiste en joue. Elle ne dit pas : regardez, c’est vrai, à propos d’images fausses ; elle se vante de produire des images grotesquement fausses.

      Les promoteurs de Trump l’associent aux mèmes d’Internet les plus célèbres, dans des montages musicaux foutraques remplis de clins d’œil pour initiés. Ce déchaînement de créations ubuesques, volontiers humoristiques et décalées, n’est pas sans rappeler l’appropriation par l’« alt-right » (une mouvance de l’#extrême droite américaine) du personnage de Pepe the Frog, en 2016 : déjà, les sphères militantes d’extrême droite, biberonnées à la culture irrévérencieuse du forum 4chan, s’étaient attelées à présenter Donald Trump comme un candidat à l’univers jeune, caustique et transgressif, loin de l’image jugée policée et castratrice des démocrates. Comme le dit un slogan trumpiste sur Internet : « The left can’t meme » (« La gauche ne sait pas faire de mème ), expression de cette #guerre_culturelle menée par l’extrême droite sur les réseaux sociaux, où le rire est perçu comme un rempart contre l’esprit de « censure » des démocrates.

      Derrière l’humour, des stéréotypes colonialistes
      Si, en pleine crise du Covid-19, la campagne de 2020 était marquée par un ton tragique et millénariste, l’écosystème de 2024 se prête idéalement au retour de l’humour carnassier. Sur X, depuis son rachat en 2022, son nouveau patron Elon Musk a fait revenir les comptes trumpistes les plus radicaux : il promeut un mélange de positions d’extrême droite, pro-Trump, avec un ton rigolard assumé, et cet été il a lancé Grok, l’algorithme de génération par IA présenté comme « anti-woke ». Ultime avatar du combat culturel de Musk, cet outil est censé pouvoir générer les images les plus radicales ou improbables possibles, comme Mickey Mouse une cigarette au bec, Elon Musk avec un fusil d’assaut dans une école, ou Kamala Harris et Donald Trump en couple sur une plage. Le patron de Tesla a donné le ton de la campagne en postant lui-même une vidéo volontairement décalée, le montrant en train de danser aux côtés du candidat républicain.

      Cet usage essentiellement #comique et #transgressif de l’IA est pour Donald Trump l’occasion inespérée de reconquérir un électorat jeune bien plus attiré par Kamala Harris. Mais c’est aussi un véhicule beaucoup plus sournois pour la désinformation. L’œil attiré par les positions loufoques de Donald #Trump sur ces pseudophotos, ou les bizarreries anatomiques de ces animaux en apparence si mignons, combien d’internautes resteront vigilants concernant la violence et la fausseté du message véhiculé ? A l’image des caricatures antisémites d’antan, sous couvert d’#humour, ils font commerce de stéréotypes xénophobes déshumanisants, en montrant en arrière-plan des Haïtiens, toujours des hommes, menaçants, pieds nus, caricatures aux accents colonialistes. En 2016 comme en 2024, l’humour trumpiste demeure le faux nez d’un racisme décomplexé.

    • More than Just Collateral Damage: Pet Shootings by Police [The University of New Hampshire Law Review, 2018]
      https://scholars.unh.edu/unh_lr/vol17/iss1/18

      The Department of Justice estimates that American police officers shoot 10,000 pet dogs in the line of duty each year. It is impossible to ascertain a reliable number, however, because most law enforcement agencies do not maintain accurate records of animal killings. The tally may be substantially higher, and some suggest it could reach six figures.

    • La chanson a été ajoutée à l’excellent site web antiwarsongs, qui a aussi un compte sur seenthis : @antiwarsongs :

      Eating the Cats

      Durante il dibattito presidenziale dello scorso 10 Settembre tra Kamala Harris e Donald Trump quest’ultimo ha dichiarato che a Springfield, cittadina dell’ Ohio, gli immigrati stanno prendendo il controllo della città. Ha inoltre affermato testualmente: “They’re eating the dogs. They’re eating the cats. They’re eating the pets of the people that live there”.
      Il suo sodale, il candidato repubblicano alla vicepresidenza J.D. Vance, si è affrettato a precisare poco dopo che è possibile che le voci sui migranti haitiani che rapiscono animali domestici si rivelino false.
      La strabiliante minchiata del candidato alla presidenza degli Stati Uniti è diventata oggetto di una parodia virale da un paio di giorni realizzata da The Kiffness ( nello slang sudafricano vuol dire fantastico, figo)

      Non possiamo tuttavia fare a meno di osservare che la percentuale a favore di Trump rilevata nei sondaggi non é mutata significativamente rispetto alla situazione precedente. Se poi pensiamo anche alla sola ipotesi che lo sparaminchiate a ruota libera possa avere nelle sue mani la leva della politica estera del primo attore mondiale…
      [Riccardo Gullotta]

      https://www.youtube.com/watch?v=3BrCvZmSnKA&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fwww.antiwarsongs.or



      https://www.antiwarsongs.org/canzone.php?id=68420&lang=it

  • En Bulgarie, les gardes-frontières de Frontex contraints de fermer les yeux face aux abus
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/09/06/en-bulgarie-les-gardes-frontieres-de-frontex-contraints-de-fermer-les-yeux-f

    En Bulgarie, les gardes-frontières de Frontex contraints de fermer les yeux face aux abus
    Par Maria Cheresheva et Ludek Stavinoha
    Des documents internes de l’agence européenne des frontières, Frontex, révèlent les pressions exercées par les gardes-frontières bulgares sur leurs homologues européens pour ne pas signaler des violences et des expulsions illégales de migrants à la frontière turque. « Il m’a regardé dans les yeux et a tiré. Je n’ai pas pu voir son visage, car il portait un masque noir. » Moustapha (son prénom a été modifié) se souvient avec effroi de sa rencontre avec un policier bulgare, au début du mois de mai. Après six jours d’errance dans les forêts turques, ce jeune Syrien de quinze ans avait enfin réussi à franchir la frontière bulgare. Mais l’espoir a été de courte durée : au bout de quelques heures de marche, le groupe d’une vingtaine de migrants avec lequel il voyageait a été intercepté par une patrouille de gardes-frontières.

    « Ils ont commencé à tirer partout. Pas en l’air, mais sur nos pieds », se souvient le jeune homme, originaire de Deir ez-Zor, lui-même visé par trois balles non létales alors qu’il était à terre – « une fois, intentionnellement, dans ma jambe, et deux fois, près de mes jambes ». Son récit, recueilli par Le Monde dans le cadre d’une enquête entreprise par le réseau Balkan Investigative Reporting Network (BIRN), est confirmé par son dossier médical.
    Sollicitée, la police aux frontières bulgare confirme qu’un policier a bien tiré ce jour-là « une balle non létale dans la région de la jambe droite » d’un migrant irrégulier, mais affirme que l’officier a agi « en état de légitime défense », après que le jeune homme a « tenté de [le] frapper avec une pierre » et de partir en courant. L’institution assure avoir mené une enquête interne sur l’incident, dont les conclusions ont été communiquées à la police militaire, sans préciser si des suites ont été données. Après quelques jours à l’hôpital et un passage en centre de détention, Moustapha a été emmené à Harmanli, dans le plus grand centre d’accueil de réfugiés du pays. « Je veux porter plainte contre la police, a-t-il alors déclaré à Yahia Homsi, psychiatre au sein de l’ONG bulgare Mission Wings, l’une des rares à travailler en première ligne avec les migrants. Ils m’ont tiré dessus, et je ne veux pas rester silencieux. » Il a pourtant fini par y renoncer pour poursuivre son chemin d’exil vers l’Europe.
    Le silence est en effet la réponse la plus fréquente aux abus commis par les forces de l’ordre bulgares le long des 259 kilomètres de sa frontière terrestre avec la Turquie. Et ce, malgré la présence massive sur place d’agents de Frontex, l’agence européenne de gardes-frontières, chargée depuis plusieurs années d’aider la Bulgarie à appréhender les migrants qui tentent d’entrer irrégulièrement dans l’Union européenne (UE). Leur présence devait permettre d’accroître le respect des droits fondamentaux – comme le non-refoulement, le droit à la sécurité ou le respect de la dignité humaine – et le signalement des actes répréhensibles.
    Des documents obtenus par le BIRN grâce aux lois de transparence européennes révèlent pourtant que les agents de Frontex sont régulièrement les témoins d’abus commis par les forces de l’ordre bulgares, qui font pression sur eux pour qu’ils gardent le silence.
    Le « harcèlement » et les menaces de représailles subis par les gardes-frontières européens sont détaillés dans huit « rapports d’incidents graves », qui constituent le principal outil de l’agence pour enregistrer et enquêter sur les allégations de violations des droits dans le cadre de ses opérations. Basés sur les comptes rendus de six agents issus de trois équipes différentes déployées entre septembre et décembre 2023, ces rapports décrivent avec force détails les abus – passages à tabac, menaces avec des armes à feu… – commis lors des patrouilles conjointes avec les gardes-frontières bulgares le long de la frontière où Moustapha a été pris pour cible.
    Extrait traduit d’un rapport d’incident de Frontex.
    Lors d’une mission en septembre 2023, les agents de Frontex ont ainsi vu un groupe, constitué d’environ 25 migrants qu’ils avaient précédemment appréhendés, « s’agenouiller en présence de deux agents bulgares » près de la clôture de la frontière. Cinq d’entre eux ont été contraints de se déshabiller, « leurs effets personnels ont été confisqués et brûlés ». A la fin de la mission, « l’équipe [de] Frontex a été abordée par un chef d’équipe bulgare qui a (…) indiqué qu’il serait préférable de ne rien signaler ».
    Les agents ont obtempéré et n’ont rapporté l’incident au Bureau des droits fondamentaux (FRO), l’organe de surveillance interne de Frontex, qu’après la fin de leur déploiement en Bulgarie, plusieurs semaines plus tard. Les règles opérationnelles leur commandent pourtant de signaler « immédiatement » toute violation présumée des droits de l’homme. En se rendant sur place trois mois après, les enquêteurs ont conclu que les 25 migrants avaient « probablement » fait l’objet d’une « expulsion collective » illégale.
    En décembre, une autre équipe d’agents de Frontex a assisté, lors d’une patrouille de nuit, au refoulement de cinq migrants appréhendés près de la frontière. L’agent bulgare qui les accompagnait a confisqué les effets personnels et les vêtements de ces migrants avant de leur ordonner de ramper à travers un trou dans la clôture pour retourner en Turquie. Les quatre hommes ont obtempéré, mais une « jeune femme [qui] s’était cachée dans les bois (…) suppliait, appelait à la pitié et demandait directement de l’aide ». « Ne me mettez pas en colère », a répondu le policier bulgare.
    Un peu plus tard, dans la voiture, le garde-frontière a confié qu’il était désolé pour la femme, mais qu’il avait reçu l’ordre de son supérieur de repousser tous les « talibans » – un terme répandu au sein de la police aux frontières bulgare pour désigner les migrants et les réfugiés. Malgré la demande de leur collègue de « ne rien signaler », les agents de Frontex ont fait remonter l’incident au FRO. Mais ils ont exprimé des « craintes pour leur sécurité », en raison de la « mentalité de chasseur » de leurs collègues bulgares, désireux de confondre les délateurs. La situation est devenue si « dangereuse » que Frontex a dû retirer les agents de la zone opérationnelle, « pour leur propre protection ».
    Le FRO a estimé que « leur signalement n’enlève rien au fait qu’ils ne sont pas intervenus au moment où ils ont été confrontés à des actes répréhensibles ». Tous les agents de Frontex sont « obligés d’agir ou de refuser un ordre » qui met en danger les droits de l’homme des migrants, mais « ils ne sont pas suffisamment préparés par l’agence à de tels cas », conclut le FRO, qui regrette que « la présence ou l’implication d’agents de Frontex dans un événement » ne soit « pas nécessairement une garantie de respect des droits fondamentaux ».Sollicitée, la direction de la police aux frontières bulgare assure avoir mené « des contrôles sur tous les rapports d’incidents graves reçus » de Frontex. « Aucun agent de la police des frontières bulgare n’a été sanctionné dans le cadre de ces rapports, car il n’y a pas eu d’excès de pouvoir avéré », assure l’institution, qui ajoute que, « depuis le 1er janvier 2024, il n’y a pas eu d’incidents graves liés à des violations des droits de l’homme par la police des frontières bulgare ».
    La sous-déclaration participe de la stratégie bulgare de dénégation des allégations d’actes répréhensibles à la frontière. « Nous avons une tolérance zéro pour les personnes qui ne respectent pas les droits de l’homme », a ainsi déclaré en avril Anton Zlatanov, le chef de la police aux frontières bulgare, devant le Parlement européen. Lorsqu’ils sont interrogés, les dirigeants bulgares soulignent souvent le fait qu’il n’existe aucune trace de ces incidents dans les bases de données officielles de la Bulgarie ou de Frontex.
    Extrait traduit d’un rapport d’incident de Frontex. La traduction et les exergues en jaune ont été réalisés par « Le Monde », les occultations par Frontex avant la transmission du document.
    Extrait traduit d’un rapport d’incident de Frontex. La traduction et les exergues en jaune ont été réalisés par « Le Monde », les occultations par Frontex avant la transmission du document. BIRN / FRONTEX
    Jonas Grimheden, le chef du FRO, a pourtant expliqué à Anton Zlatanov en décembre 2023 avoir recueilli « de nombreux témoignages crédibles concernant les pressions exercées par les gardes-frontières bulgares sur les agents déployés par Frontex pour qu’ils ne signalent pas leurs observations » de telles violations, selon une lettre obtenue par le BIRN. Jonas Grimheden s’attache également depuis plus d’un an à alerter les institutions européennes sur la « pratique tacite de non-signalement d’actions mettant gravement en danger les droits fondamentaux des migrants » à laquelle se livre la Bulgarie. En février 2024, dans un mémo confidentiel adressé au directeur exécutif de Frontex, le Néerlandais Hans Leijtens, il a détaillé les instructions données par les autorités bulgares à ses agents pour ne pas signaler les refoulements systématiques de migrants.
    Le règlement de Frontex prévoit que l’agence suspende ses opérations en cas de « violations graves des droits fondamentaux ». C’est pourtant le contraire qu’a décidé de faire Hans Leijtens en annonçant, quelques jours plus tard, un triplement des effectifs déployés par l’agence dans le pays. « Nous ne gardons pas seulement les frontières, mais aussi les valeurs de l’UE », a déclaré le haut fonctionnaire lors d’un déplacement dans le village bulgare de Kapitan Andreevo, le plus grand point de passage frontalier d’Europe. Hans Leijtens, qui a placé la fin des refoulements illégaux au cœur de son mandat, a exprimé son soutien total à l’adhésion à l’espace Schengen de la Bulgarie, « un partenaire très important ».
    « Nous pensons qu’en restant engagés nous pouvons apporter des améliorations significatives et soutenir nos partenaires dans le maintien de la sécurité et des droits fondamentaux, déclare au Monde Chris Borowski, un porte-parole de Frontex. « Notre approche consiste à faire face aux défis et à travailler en collaboration pour trouver des solutions, plutôt qu’à abandonner notre mission commune au premier signe d’adversité. »
    En 2022, le prédécesseur d’Hans Leijtens, Fabrice Leggeri, avait démissionné peu après avoir été mis en cause par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), pour avoir encouragé et couvert des refoulements de bateaux de migrants par les garde-côtes en mer Egée. Deux ans plus tard, l’agence est donc toujours confrontée à une sous-déclaration des violations des droits de l’homme dans le cadre de ses opérations.Au cours de l’année écoulée, les défaillances du mécanisme de remontée des incidents, les pressions exercées sur les personnes qui signalent des incidents et le manque de coopération de certaines autorités nationales avec les enquêtes indépendantes du FRO ont fait l’objet d’intenses délibérations au sein du conseil d’administration de Frontex.
    En mars, Jonas Grimheden a dit au conseil d’administration de l’agence qu’il « reçoit régulièrement des rapports faisant état de craintes de répercussions pour les agents de Frontex qui prévoient de signaler des incidents graves ». Une note confidentielle qui a circulé en janvier au sein de la Commission européenne reconnaît qu’« un mécanisme de signalement crédible est au cœur de la crédibilité de l’agence elle-même [et] de l’argument selon lequel une présence accrue de Frontex peut améliorer la situation sur le terrain ».

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