Dernier Disney en date, Les Nouveaux Héros (Big Hero 6 en anglais) a rencontré un énorme succès public et critique (il a notamment remporté l’Oscar du meilleur film d’animation, et a totalisé plus de recettes que n’importe quel autre film d’animation sorti la même année, Dragons 2 et The Lego Movie compris[1]). Je voudrais ici m’interroger sur le propos politique tenu par ce film, en me concentrant dans cette première partie sur son militarisme, son apologie de la violence militaro-policière et de la surveillance généralisée des populations (la seconde partie sera quant à elle consacrée au racisme et au sexisme du film).
Le film raconte l’histoire de Hiro, un jeune génie de la robotique qui se laisse convaincre par son grand frère Tadashi de délaisser les combats de robots illégaux pour intégrer comme lui le « San Fransokyo Institute of Technology » dirigé par le professeur Callaghan. Or, juste après avoir brillé à son examen d’entrée, Hiro assiste à la mort de son grand frère dans un incendie. Esseulé, il trouvera un nouveau compagnon en la figure du Baymax, une sorte robot médecin inventé par son frère. Avec lui, il découvrira qu’un mystérieux individu portant un masque de kabuki a volé l’invention qu’il avait présentée pour son examen d’entrée (les « microbots ») et menace la ville. Avec le Baymax et ses nouveaux amis (GoGo, Wasabi, Honey Lemon et Fred), il formera une équipe de super-héros (les « Big Hero 6 » du titre original) et parviendra à neutraliser le méchant, qui n’est autre que le professeur Callaghan.
Si ce film ne fait aucune allusion directe à la politique intérieure ou extérieure des États-Unis, il contribue cependant à légitimer tout ce que cette politique peut avoir de plus militariste, répressif et impérialiste. Comme on le verra, Les Nouveaux Héros encourage explicitement la subordination de la recherche scientifique aux intérêts militaires, et chante les louanges des armes de haute technologie américaines (dont les fers de lance sont probablement aujourd’hui les drones de combat[2]). De plus, il réaffirme la nécessité d’une surveillance des populations en la présentant comme une mesure nécessaire pour lutter contre les « terroristes », alors même que les révélations d’un Edward Snowden sur les pratiques de la NSA ont permis de faire prendre conscience à certain-e-s du caractère liberticide de cette surveillance étatique[3]. Enfin et surtout, le film fait l’apologie d’une violence policière qu’il a le culot de faire passer pour une médecine sociale, tandis que dans la réalité, la police états-unienne assassine les Michael Brown et Freddie Gray (pour ne citer que ceux-là). Bien entendu, tout cela ne concerne pas que les États-Unis. La France produit elle-aussi des drones de combat[4], elle surveille elle-aussi ses citoyen-ne-s au mépris de leur liberté[5], et sa police brutalise et tue elle-aussi de façon systémique[6], puisque telle est sa fonction[7].