• Un écrivain pédophile — et l’élite française — sur le banc des accusés - The New York Times

    https://www.nytimes.com/fr/2020/02/11/world/europe/france-gabriel-matzneff-pedophilie.html

    Cet article est un résumé détaillé et implacable de ce qu’est cette raclure d’ordure psychopathe, et on voit au passage que deux autres immenses ordures en particulier (Josianne Savigneau et Philippe Sollers) la jouent super lâche et n’assume rien...

    Cette histoire est totalement flippante, je me dis qu’il ne faudrait pas y penser et puis finalement non, c’est mieux de savoir pour éviter les encore autres grosses ordures littéraires de merde du genre de Frédéric Begbeider (entre autre).

    Lire le fil de la discussion ici : https://seenthis.net/sites/1766047

    Un écrivain pédophile — et l’élite française — sur le banc des accusés

    #Gabriel #Matzneff écrit ouvertement sur sa pédophilie depuis des décennies, protégé par des personnalités influentes des médias, de l’édition, du monde politique et du milieu des affaires. Désormais ostracisé, il attaque leur « lâcheté » dans un entretien rare.

    #pédocriminel #pédocriminalité

    • En 2005, l’éditeur d’origine des Moins de seize ans rechignait à le republier. C’est alors, selon M. Matzneff, qu’un autre de ses vieux alliés, un puissant avocat et écrivain nommé Emmanuel Pierrat, le présenta à un nouvel éditeur, qui donna une seconde vie au livre.

      La page wikipédia de Emmanuel Pierrat donne une idée de sa gravitation
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel_Pierrat
      3 signataires

      Emmanuel Pierrat a assisté et conseillé de nombreux écrivains à succès tels que Guillaume Musso, Alain Robbe-Grillet, Gabriel Matzneff ou encore Pierre Guyotat .
      (…)
      En juin 2018, il est élu secrétaire général du Musée Yves Saint Laurent Paris.
      (…)
      franc-maçon depuis le début des années 2000, membre de la loge Montmorency-Luxembourg du Grand Orient de France
      (…)
      Emmanuel Pierrat est le président du jury du Prix Sade (créé par Beigbeder).

      #collusion

    • la France a beau être un pays profondément égalitaire, son élite tend à se démarquer des gens ordinaires en s’affranchissant des règles et du code moral ambiant, ou, tout au moins, en défendant haut et fort ceux qui le font.

      Il y a dix ans, Dominique Strauss-Kahn fut éjecté de son poste à la tête du Fonds monétaire international à la suite d’une accusation de harcèlement sexuel par une femme de ménage d’un hôtel. Un de ses soutiens balaya l’affaire sous prétexte qu’il s’agissait d’un « troussage de domestique », une expression qui évoque le passé féodal de la France.

      « On est dans une société très égalitaire où il y a une poche de résistance qui effectivement se comporte comme une aristocratie, » explique Pierre Verdrager, un sociologue spécialiste de la pédophilie.

      http://verdrager.free.fr/index.htm

      L’écrivain s’est éclipsé fin décembre, juste avant la publication du témoignage de Mme. Springora.

      « Enfui », non ?

      Il se dit déconcerté par le brusque revirement culturel en France et par sa chute précipitée. Il n’exprime aucun remords vis-à-vis de ses agissements et ne renie aucun de ses écrits.

      Le président signa également un article enthousiaste dans une revue culturelle éphémère, Matulu, pour un numéro spécial consacré à M. Matzneff, en juillet 1986. Qualifiant l’homme de « séducteur impénitent », le président écrit qu’il « m’a toujours étonné par son goût extrême de la rigueur et par la densité de sa réflexion. »

      La chronique fut publiée quelques semaines à peine avant que la Brigade des mineurs ne s’intéresse à Gabriel Matzneff suite à la lettre de dénonciation.

      « Sans doute, j’avais peut-être découpé l’article dans mon portefeuille, » avance Gabriel Matzneff.

      (petit souci de trad ?)

      Récemment encore, en 2018, le gouvernement a retiré d’un projet de loi un article qui établissait une présomption de non-consentement des mineurs de moins de 15 ans.

      L’académicienne Dominique Bona, seule femme de ce jury de dix personnes, admet que les « liens d’amitié » ont joué un rôle important dans l’attribution du prix à M. Matzneff.

      « Moi qui n’ai jamais eu de prix important, elle aurait dû être heureuse pour moi. Mais ça l’a mise en colère, » s’étonne M. Matzneff depuis son refuge italien.

      « Je suis trop malheureux, » explique-t-il.

      C’est fou, qu’il ne se rendre pas compte... Heureusement, la clique qui refuse en nombre des interviews au NYT a l’air assez péteuse.

    • Le coffre de Madzneff à été retrouvé

      Dans La Prunelle de mes yeux (1993), tome du journal dédié aux années 1986-1987 et à Vanessa Springora, Matzneff écrit que la note de son hôtel était prise en charge par la Fondation Yves-Saint-Laurent.

      « Le collaborateur d’Yves Saint Laurent, ce charmant Christophe Girard que j’ai vu l’autre jour, m’a appelé ce matin pour m’annoncer que leur Fondation (cela mérite une majuscule !) allait désormais prendre en charge ma note d’hôtel », écrit-il.

      D’après son récit, Christophe Girard lui aurait dit : « Ainsi vous ne serez pas obligé de regagner votre grenier inconfortable. Restez au Taranne aussi longtemps que vous voudrez, poursuivez votre convalescence paisiblement [suite à une opération des yeux – ndlr], ne vous faites aucun souci. »
      https://www.mediapart.fr/journal/france/040320/affaire-matzneff-l-elu-christophe-girard-convoque-comme-temoin-par-la-poli

      Face aux remerciements appuyés de Matzneff, Girard aurait répondu, toujours d’après l’écrivain : « Ne nous remerciez pas, c’est peu de chose à comparaison du bonheur que nous donnent vos livres. »

      Gabriel Matzneff a confirmé au New York Times que les factures de l’hôtel étaient réglées par Yves Saint Laurent, par l’entremise de Christophe Girard (qui fut, de 1978 à 1999, secrétaire général puis directeur général adjoint de la société Yves-Saint-Laurent).

      L’écrivain se rappelle de Christophe Girard lui disant : « Nous nous occupons de tout, les repas, tout. » « Et ça a duré je crois, deux ans, à peu près », a-t-il précisé. « Pour nous, c’est une goutte d’eau, ce n’est rien, nous vous aimons beaucoup », lui aurait dit Christophe Girard, toujours d’après Matzneff.

      Questionné en janvier par Mediapart, l’élu avait expliqué que « lorsqu’[il] étai[t] secrétaire général de la Fondation Yves-Saint-Laurent, Pierre Bergé, qui avait ses œuvres, [lui] a demandé, dans les années 1990, de veiller à ce que Gabriel Matzneff puisse vivre à l’hôtel, dont la note était réglée par la fondation, entre le moment où il a vendu son petit appartement près du Luxembourg et le moment où la Ville de Paris lui a affecté un studio dans un autre quartier du Ve arrondissement ».

      .
      .
      .

      Pourtant, contrairement à ce que déclare Christophe Girard, Gabriel Matzneff possédait toujours son appartement parisien – qu’il surnomme son « grenier » –, lorsque ses factures d’hôtel ont été prises en charge.

      À la date du mardi 23 juin 1987, Matzneff écrit : « Mardi 23. Tôt le matin, je vais de l’hôtel Taranne à mon grenier. Avoir deux logis ne doit pas me faire oublier les billets d’avion pour Nice (qui se trouvent rue X). » Au Parisien, le 13 février, l’adjoint au maire a affirmé qu’il ne « savait pas » que l’écrivain « cherchait à échapper à la brigade des mineurs ».

      Des années plus tard, en 2002, c’est encore par l’entremise de Christophe Girard – devenu adjoint à la culture du maire de Paris – que l’écrivain aurait obtenu, d’après le New York Times, une allocation annuelle à vie du Centre national du livre (CNL).

      Dans son communiqué, l’élu répond qu’il ne peut « ni infirmer ni confirmer » l’information, n’en ayant « pas le souvenir ». « Cela est tout à fait possible », indique-t-il, relativisant : « Il est fréquent que les auteurs en difficulté financière sollicitent des lettres de recommandation. »

      Une telle allocation est un privilège rarement attribué. « À l’époque, il avait déposé un dossier pour demander une bourse d’écriture. Mais les écrivains retraités n’y avaient pas droit. Cette demande lui a donc été refusée, a expliqué à L’Opinion l’actuel directeur du CNL, Vincent Monadé. Il a alors remué ciel et terre pour faire pression sur le CNL, du président du CNL, Jean-Sébastien Dupuis, au ministre de la culture Jean-Jacques Aillagon, en passant par Christophe Girard et d’autres, des personnalités importantes, membres de l’Académie française ou prix Goncourt, qui sont intervenus en sa faveur. Au final, la pression a été telle qu’il a obtenu cette allocation annuelle pour les auteurs. »

    • Organisé par l’autoproclamée élite cela semble le continuum d’un boy’s club violophile multi séculaire. Ce boy’s club apparait être via Théophraste Renaudot dans la lignée de la gestion du peuple (entendez des #SANS droits, parents, dents, pouvoir …). Ce point de recherche est à poursuivre quand on investigue sur les abus perpétrés et restés impunis des plus défavorisé·es dans les affaires de pédocriminalité via les « centres de soins », où enfants, handicapé·es et orphelin·es ont été des victimes sans possibilité de se défendre.

      Théophraste Renaudot était protestant, il s’est convertit au catholicisme pour entrer au service du Cardinal Richelieu, il créé vers 1628 la première ANPE de l’histoire pour faire trimer les indigents et en qualité de médecin ordinaire de louis XIII s’occuper de leur santé mais aussi de leur argent … puisqu’il s’enrichit sur leur dos avec un mont-de-piété qu’il finit par installer au Louvre. Inscrit dans l’histoire comme #grand_homme, il serait l’inventeur de la presse alors qu’il invente surtout la restriction de la liberté de la presse, il en obtint le monopole en 1635 pour servir la propagande colonialiste de Richelieu.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Théophraste_Renaudot

      Créé en 1926, le prix Théophraste Renaudot, est intimement lié au prix de l’Académie Goncourt (créé début 1900 et présidé par Bernard Pivot de 2014 à 2019 couvert repris par Pascal Bruckner). Le Renaudot est l’invention de journalistes qui se faisaient chier en attendant les résultats du Goncourt et qui publieront chez Gallimard trois ans plus tard la biographie de Théophraste où chacun sera l’auteur d’un chapitre (Histoire de consolider leur supercherie).

      WP « Sans être organiquement lié à l’Académie Goncourt, le jury du Renaudot joue le rôle de son complément naturel, accentué par l’annonce du résultat, simultanément et dans le même cadre (premier mardi de novembre au restaurant Drouant à Paris). »
      Pour situer géographiquement Drouant et le milieu social qui le fréquente, ce grand restaurant parisien qui dispose de salons privés à l’étage, est à deux pas du ministère de la culture, du Louvre, des colonnes Buren, et au bas de l’avenue de l’Opéra Garnier.
      WP https://fr.wikipedia.org/wiki/Drouant

      Les jurés des deux prix (Goncourt et Renaudot), une fois élus, disposent d’un couvert à vie chez Drouant.

      –-----

      Pour poursuivre la géographie parisienne, concernant Matzneff, l’Hôtel Taranne payé par Bergé et YSL se trouve 153 Boulevard Saint-Germain en face du Flore et de l’église Saint Germain, tu peux pas trouver plus central en Germanocratie.
      Cf WP english (pas en français quand même)
      https://en.wikipedia.org/wiki/Hôtel_Au_Manoir_Saint_Germain_des_Prés
      Du restaurant Drouant à la rue du dragon, il y a 20mn à pied. Prends sous les arcades du Louvre puis laisse l’actuelle pyramide à ta gauche, franchi la Seine en face ce qui t’offre la vue sur le pont des arts, la cité et l’académie française sur le quai en face, traverse si tu peux les Beaux Arts, remonte à droite la rue bonaparte qui croise la rue Jacob. Tu viens de passer devant les domiciles de Montherlant (de 1942 à sa mort), la NRF de Gaston Gallimard et Gide puis de Drieu La Rochelle, Pierre Bergé (5 rue Bonaparte de 1990 à sa mort bien qu’il habitat aussi avec YSL un peu après la rue du dragon), et l’Hôtel de Matzneff (1987 - 1989).

      –-----

      Si tu veux faire des recherches sur l’exploitation de la charité et de la liberté par le pouvoir, Jean-Marc Borello peut être une piste, ancien éducateur mêlé à l’Affaire de pédophilie du centre des Tournelles (1996), proche de Bergé, directeur du Palace, condamné pour trafic de drogue, actuellement patron du groupe SOS (fondé en 1984) et considéré comme le patron de LREM et de Macron.

      https://www.leparisien.fr/faits-divers/les-victimes-des-tournelles-reclament-justice-15-03-2001-2002032919.php
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2006/05/12/robert-megel-condamne-a-12-ans-de-reclusion_771271_3224.html
      https://lemonde.fr/economie/article/2009/06/11/jean-marc-borello-un-patron-sans-but-lucratif_1205675_3234.html
      https://www.lepoint.fr/presidentielle/jean-marc-borello-le-vrai-patron-de-macron-07-03-2017-2109847_3121.php

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_SOS

      Le groupe SOS est une organisation française1 spécialisée dans l’entrepreneuriat social qui regroupe des entreprises et des associations. En 2018, il employait 18 000 salariés et générait 950 millions d’euros de chiffre d’affaires, principalement au travers de subventions publiques, à travers 550 établissements.

  • Chlordécone : les Antilles empoisonnées pour des générations, Faustine Vincent (Guadeloupe, envoyée spéciale de Le Monde)

    La quasi-totalité des Guadeloupéens et des Martiniquais sont contaminés par ce pesticide ultra-toxique, utilisé massivement de 1972 à 1993 dans les bananeraies. Une situation unique au monde.

    Il a vu ses collègues tomber malades et mourir tour à tour sans comprendre. « Cancer, cancer, cancer… C’est devenu notre quotidien. A l’époque, on ne savait pas d’où ça venait », se souvient Firmin (les prénoms ont été modifiés) en remontant l’allée d’une bananeraie de Basse-Terre, dans le sud de la Guadeloupe. L’ouvrier agricole s’immobilise sur un flanc de la colline. Voilà trente ans qu’il travaille ici, dans ces plantations verdoyantes qui s’étendent jusqu’à la mer. La menace est invisible, mais omniprésente : les sols sont contaminés pour des siècles par un pesticide ultra-toxique, le chlordécone, un perturbateur endocrinien reconnu comme neurotoxique, reprotoxique (pouvant altérer la fertilité) et classé cancérogène possible dès 1979 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

    Ce produit, Firmin l’a toujours manipulé à mains nues, et sans protection. « Quand on ouvrait le sac, ça dégageait de la chaleur et de la poussière, se rappelle-t-il. On respirait ça. On ne savait pas que c’était dangereux. » Il enrage contre les « patrons békés », du nom des Blancs créoles qui descendent des colons et détiennent toujours la majorité des plantations. « Ils sont tout-puissants. Les assassins, ce sont eux, avec la complicité du gouvernement. »

    Lire aussi : La banane antillaise veut contrer sa rivale bio
    https://lemonde.fr/economie/article/2017/03/06/la-banane-antillaise-veut-contrer-sa-rivale-bio_5089822_3234.html

    La France n’en a pas fini avec le scandale du chlordécone aux Antilles, un dossier tentaculaire dont les répercussions à la fois sanitaires, environnementales, économiques et sociales sont une bombe à retardement. Cette histoire, entachée de zones d’ombre, est méconnue en métropole. Elle fait pourtant l’objet d’une immense inquiétude aux Antilles, et d’un débat de plus en plus vif, sur fond d’accusations de néocolonialisme.

    Aux Antilles, le scandale sanitaire du chlordécone
    https://lemonde.fr/planete/article/2010/06/22/aux-antilles-le-scandale-sanitaire-du-chlordecone_1376700_3244.html

    Tout commence en 1972. Cette année-là, la commission des toxiques, qui dépend du ministère de l’agriculture, accepte la demande d’homologation du chlordécone. Elle l’avait pourtant rejetée trois ans plus tôt à cause de la toxicité de la molécule, constatée sur des rats, et de sa persistance dans l’environnement. Mais le produit est considéré comme le remède miracle contre le charançon du bananier, un insecte qui détruisait les cultures.

    Les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique en seront aspergées massivement pendant plus de vingt ans pour préserver la filière, pilier de l’économie antillaise, avec 270 000 tonnes produites chaque année, dont 70 % partent pour la métropole.

    La France finit par interdire le produit en 1990, treize ans après les Etats-Unis. Il est toutefois autorisé aux Antilles jusqu’en septembre 1993 par deux dérogations successives, signées sous François Mitterrand par les ministres de l’agriculture de l’époque, Louis Mermaz et Jean-Pierre Soisson. Des années après, on découvre que le produit s’est répandu bien au-delà des bananeraies.

    Le ministère de l’agriculture mis en cause dans un rapport sur le chlordécone
    https://lemonde.fr/planete/article/2010/08/24/le-ministere-de-l-agriculture-mis-en-cause-dans-un-rapport-sur-le-chlordecon

    Aujourd’hui encore, le chlordécone, qui passe dans la chaîne alimentaire, distille son poison un peu partout. Pas seulement dans les sols, mais aussi dans les rivières, une partie du littoral marin, le bétail, les volailles, les poissons, les crustacés, les légumes-racines… et la population elle-même.

    LE CHLORDÉCONE ÉTANT UN PERTURBATEUR ENDOCRINIEN, « MÊME À TRÈS FAIBLE DOSE, IL PEUT Y AVOIR DES EFFETS SANITAIRES »
    SÉBASTIEN DENYS, DIRECTEUR SANTÉ ET ENVIRONNEMENT DE L’AGENCE SANTÉ PUBLIQUE FRANCE
    Une étude de Santé publique France, lancée pour la première fois à grande échelle en 2013 et dont les résultats, très attendus, seront présentés aux Antillais en octobre, fait un constat alarmant : la quasi-totalité des Guadeloupéens (95 %) et des Martiniquais (92 %) sont contaminés au chlordécone. Leur niveau d’imprégnation est comparable : en moyenne 0,13 et 0,14 microgrammes par litre (µg/l) de sang, avec des taux grimpant jusqu’à 18,53 µg/l.

    Pesticides : les preuves du danger s’accumulent
    https://lemonde.fr/planete/article/2013/06/13/pesticides-les-preuves-du-danger-s-accumulent_3429549_3244.html

    Or, le chlordécone étant un perturbateur endocrinien, « même à très faible dose, il peut y avoir des effets sanitaires », précise Sébastien Denys, directeur santé et environnement de l’agence. Des générations d’Antillais vont devoir vivre avec cette pollution, dont l’ampleur et la persistance – jusqu’à sept cents ans selon les sols – en font un cas unique au monde, et un véritable laboratoire à ciel ouvert.

    Récolte dans une bananeraie de la propriété Dormoy, à Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe), en novembre 2000.
    Record du monde de cancers de la prostate

    En Guadeloupe, à cause des aliments contaminés, 18,7 % des enfants de 3 à 15 ans vivant dans les zones touchées sont exposés à des niveaux supérieurs à la valeur toxicologique de référence (0,5 µg/kg de poids corporel et par jour), selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Un taux qui s’élève à 6,7 % en Martinique. Cette situation est là encore « unique », s’inquiète un spécialiste de la santé publique, qui préfère garder l’anonymat :

    « On voit parfois cela dans des situations professionnelles, mais jamais dans la population générale. »
    La toxicité de cette molécule chez l’homme est connue depuis longtemps. En 1975, des ouvriers de l’usine Hopewell (Virginie), qui fabriquait le pesticide, avaient développé de sévères troubles neurologiques et testiculaires après avoir été exposés à forte dose : troubles de la motricité, de l’humeur, de l’élocution et de la mémoire immédiate, mouvements anarchiques des globes oculaires… Ces effets ont disparu par la suite, car le corps élimine la moitié du chlordécone au bout de 165 jours, à condition de ne pas en réabsorber. Mais l’accident fut si grave que les Etats-Unis ont fermé l’usine et banni le produit, dès 1977.

    Lire aussi : Guadeloupe : monstre chimique
    https://lemonde.fr/planete/article/2013/04/16/guadeloupe-monstre-chimique_3160656_3244.html

    Et en France, quels risques les quelque 800 000 habitants de Martinique et de Guadeloupe courent-ils exactement ? Les études menées jusqu’ici sont édifiantes – d’autres sont en cours. L’une d’elles, publiée en 2012 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), montre que le chlordécone augmente non seulement le risque de prématurité, mais qu’il a aussi des effets négatifs sur le développement cognitif et moteur des nourrissons.

    Impact de l’exposition au chlordécone sur le développement des nourrissons
    https://presse.inserm.fr/impact-de-lexposition-au-chlordecone-sur-le-developpement-des-nourrissons/3624

    Le pesticide est aussi fortement soupçonné d’augmenter le risque de cancer de la prostate, dont le nombre en Martinique lui vaut le record du monde – et de loin –, avec 227,2 nouveaux cas pour 100 000 hommes chaque année. C’est justement la fréquence de cette maladie en Guadeloupe qui avait alerté le professeur Pascal Blanchet, chef du service d’urologie au centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre, à son arrivée, il y a dix-huit ans. Le cancer de la prostate est deux fois plus fréquent et deux fois plus grave en Guadeloupe et en Martinique qu’en métropole, avec plus de 500 nouveaux cas par an sur chaque île.

    Intrigué, le professeur s’associe avec un chercheur de l’Inserm à Paris, Luc Multigner, pour mener la première étude explorant le lien entre le chlordécone et le cancer de la prostate.
    http://ascopubs.org/doi/abs/10.1200/jco.2009.27.2153
    Leurs conclusions, publiées en 2010 dans le Journal of Clinical Oncology, la meilleure revue internationale de cancérologie, révèlent qu’à partir de 1 microgramme par litre de sang, le risque de développer cette maladie est deux fois plus élevé.

    « Affaire de gros sous »

    Entre deux consultations, Pascal Blanchet explique, graphique à l’appui : « Comme les Antillais sont d’origine africaine, c’est déjà une population à risque [du fait de prédispositions génétiques]. Mais là, la pollution environnementale engendre un risque supplémentaire et explique une partie des cas de cancers de la prostate. »

    Urbain fait partie des volontaires que le professeur avait suivis pour son étude. Cet agent administratif de 70 ans, au tee-shirt Bob Marley rehaussé d’un collier de perles, reçoit chez lui, près de Pointe-à-Pitre. Son regard s’attarde sur ses dossiers médicaux empilés sur la table du jardin, tandis que quelques poules déambulent entre le manguier et sa vieille Alfa Roméo.

    « J’AI ÉTÉ INTOXIQUÉ PAR CEUX QUI ONT PERMIS D’UTILISER CE POISON, LE CHLORDÉCONE. AUJOURD’HUI JE SUIS DIMINUÉ », CONFIE
    URBAIN, OPÉRÉ D’UN CANCER DE LA PROSTATE
    Quand il a appris qu’il était atteint d’un cancer de la prostate, Urbain s’est d’abord enfermé dans le déni. « C’est violent. On se dit qu’on est foutu », se souvient-il. Un frisson parcourt ses bras nus. « J’ai été rejeté. Les gens n’aiment pas parler du cancer de la prostate ici. » La maladie fait l’objet d’un double tabou : la peur de la mort et l’atteinte à la virilité dans une société qu’il décrit comme « hypermachiste ». « Mais les langues se délient enfin », se réjouit-il.

    L’idée de se faire opérer n’a pas été facile à accepter. « Et puis je me suis dit : merde, la vie est belle, mieux vaut vivre sans bander que mourir en bandant ! » Il rit, mais la colère affleure aussitôt : « J’ai été intoxiqué par ceux qui ont permis d’utiliser ce poison, le chlordécone. Aujourd’hui je suis diminué. » Selon lui, « beaucoup de gens meurent, mais le gouvernement ne veut pas le prendre en compte. Si c’était arrivé à des Blancs, en métropole, ce serait différent. Et puis, c’est aussi une affaire de gros sous ».

    Ce qui se joue derrière l’affaire du chlordécone, c’est bien la crainte de l’Etat d’avoir un jour à indemniser les victimes – même si prouver le lien, au niveau individuel, entre les pathologies et la substance sera sans doute très difficile. Mais l’histoire n’en est pas encore là. Pour l’heure, les autorités ne reconnaissent pas de lien « formel » entre le cancer de la prostate et l’exposition au chlordécone. Une étude lancée en 2013 en Martinique devait permettre de confirmer – ou non – les observations faites en Guadeloupe. Mais elle a été arrêtée au bout d’un an. L’Institut national du cancer (INCa), qui l’avait financée, lui a coupé les fonds, mettant en cause sa faisabilité.

    La nouvelle est tombée sous la forme d’un courrier signé par la présidente de l’INCa à l’époque, Agnès Buzyn, devenue depuis ministre de la santé. Quatre ans après, Luc Multigner, qui pilotait l’étude à l’Inserm, reste « estomaqué » par les arguments « dénués de tout fondement scientifique » avancés par le comité d’experts pour justifier cette interruption. « Je les réfute catégoriquement, affirme le chercheur. Si on avait voulu empêcher la confirmation de nos travaux antérieurs en Guadeloupe, on ne s’y serait pas pris autrement », souligne-t-il.

    Lire aussi : En Guadeloupe, des bananes sans pesticides

    Cette histoire a rattrapé Agnès Buzyn depuis son arrivée au gouvernement. Interrogée en février à l’Assemblée nationale, elle a soutenu que l’étude pâtissait d’un « biais méthodologique » qui l’aurait empêchée d’être concluante. « Je me suis appuyée sur le comité d’experts pour l’arrêter », insiste auprès du Monde la ministre de la santé dans son bureau parisien. Elle assure toutefois que le gouvernement est « prêt à remettre de l’argent pour tout scientifique souhaitant monter une étude robuste » et qu’un appel à projets va être lancé.

    Luc Multigner s’en désole : « Cela renvoie tout aux calendes grecques. C’est comme si tout le travail, l’énergie et les moyens financiers mis en œuvre ces quinze dernières années n’avaient servi à rien ! » Selon lui, « l’Etat n’est pas à la hauteur de la gravité du dossier ». Un sentiment largement partagé, tant le problème est géré au coup par coup et sans véritable stratégie depuis son irruption.

    L’affaire du chlordécone surgit au tout début des années 2000 grâce à la mobilisation d’un ingénieur sanitaire, Eric Godard, de l’Agence régionale de santé (ARS) de Martinique. C’est lui qui, le premier, donne un aperçu de l’ampleur des dégâts en révélant la contamination des eaux de consommation, des sols, du bétail et des végétaux. Il est mis à l’écart pendant plus d’un an après sa découverte, mais des mesures sont prises : des sources d’eau sont fermées, d’autres traitées, et des zones entières sont interdites à la culture – étendues par la suite à la pêche.

    « L’ETAT A MIS UN CERTAIN TEMPS À PRENDRE LA DIMENSION DU PROBLÈME ET À CONSIDÉRER L’ANGOISSE QUE ÇA POUVAIT GÉNÉRER AUX ANTILLES »
    AGNÈS BUZYN, MINISTRE DE LA SANTÉ
    Après cela, l’affaire semble tomber dans l’oubli. Il faut attendre qu’un cancérologue, Dominique Belpomme, dénonce un « empoisonnement » dans la presse nationale en 2007, provoquant une crise médiatique, pour que les pouvoirs publics s’emparent vraiment du sujet. Un premier plan national d’action est mis sur pied, puis un deuxième. Leur bilan est « globalement mitigé », constate un rapport d’évaluation, qui critique la « juxtaposition d’initiatives ministérielles distinctes », l’absence de coordination et le manque de transparence auprès de la population. Un troisième plan court actuellement jusqu’en 2020. Il encadre notamment les recherches pour mieux connaître les effets sanitaires du chlordécone.

    « L’Etat a mis un certain temps à prendre la dimension du problème et à considérer l’angoisse que ça pouvait générer aux Antilles », admet Agnès Buzyn. Mais la ministre de la santé l’assure : « Avec moi, il n’y aura pas d’omerta. J’ai donné l’ordre aux Agences régionales de santé [ARS] de Martinique et de Guadeloupe d’être transparentes envers les citoyens. »

    La consigne semble être mal passée. Dans une lettre adressée à la ministre le 23 janvier, un syndicat de l’ARS de Martinique dénonce les « pressions que subissent les agents pour limiter l’information du public au strict minimum », mais aussi les « manœuvres visant à la mise à l’écart du personnel chargé de ce dossier », dont l’expertise est pourtant « unanimement reconnue ». Et pour cause : l’un des agents ostracisés n’est autre qu’Eric Godard – encore lui –, qui doit son surnom, « M. Chlordécone », à sa connaissance du dossier.

    En dire aussi peu que possible

    Contacté, le directeur général de l’agence, Patrick Houssel, dément : « Il ne s’agissait pas de faire pression, mais de mettre en place une communication plurielle, pour qu’elle ne soit plus seulement faite par M. Godard. » De son côté, le ministère de la santé voit là un simple « problème interne de ressources humaines », et non une alerte.

    En dire aussi peu que possible, de peur de créer la panique et d’attiser la colère. Pendant des années, les autorités ont appliqué cette stratégie au gré des nouvelles découvertes sur l’ampleur du désastre. Mais le manque de transparence a produit l’effet inverse. La suspicion est désormais partout, quand elle ne vire pas à la psychose : certains refusent de boire l’eau du robinet, la croyant, à tort, toujours contaminée. D’autres s’inquiètent pour les fruits, alors qu’il n’y a rien à craindre s’ils poussent loin du sol – le chlordécone disparaît à mesure qu’il monte dans la sève, ce qui explique que la banane elle-même ne soit pas contaminée.

    Lire aussi : 23 juin 2010 : William Dab lance l’alerte sur le chlordécone
    https://lemonde.fr/festival/article/2014/08/25/23-juin-2010-willam-dab-lance-l-alerte-sur-le-chlordecone_4475480_4415198.ht

    L’inquiétude et la défiance envers les autorités se sont encore aggravées après la publication, en décembre 2017, d’un rapport controversé de l’Anses. L’agence publique avait été saisie pour savoir si les limites maximales de résidus de chlordécone autorisées dans les aliments étaient suffisamment protectrices pour la population. La question est brûlante, car un changement dans la réglementation européenne en 2013 a conduit – comme le ministre de l’agriculture, Stéphane Travert, l’a reconnu en janvier – à une hausse mécanique spectaculaire des limites autorisées en chlordécone pour les volailles (multipliées par dix) et pour les viandes (multipliées par cinq).

    Or, dans ses conclusions, l’Anses estime que ces nouveaux seuils sont suffisamment protecteurs. Selon l’agence, les abaisser serait inutile, et il est « plus pertinent d’agir par les recommandations de consommation pour les populations surexposées » au pesticide. Elle le justifie par le fait que le problème ne vient pas des circuits réglementés (supermarchés), mais des circuits informels (autoproduction, don, vente en bord de route), très prisés par les habitants, en particulier les plus pauvres, mais où les aliments sont souvent fortement contaminés.

    LA CARTOGRAPHIE DES ZONES POLLUÉES, RESTÉE CONFIDENTIELLE DEPUIS SA RÉALISATION EN 2010, A ENFIN ÉTÉ RENDUE PUBLIQUE FIN AVRIL POUR LES DEUX ÎLES
    La population n’est pas la seule à avoir été choquée. Des scientifiques, des médecins, des élus et des fonctionnaires nous ont fait part de leur indignation face à ce qu’ils perçoivent comme un « tournant », « en contradiction totale » avec la politique de prévention affichée par les pouvoirs publics, visant au contraire à réduire au maximum l’exposition de la population au chlordécone.

    Plusieurs d’entre eux soupçonnent le gouvernement de vouloir privilégier l’économie sur la santé, en permettant aux éleveurs de bœufs et de volailles de vendre leurs produits avec des taux de chlordécone plus élevés. De son côté, Agnès Buzyn reconnaît qu’« on a tous intérêt à ce que les seuils soient les plus bas possible », mais se dit « très embarrassée » pour en parler puisque « l’alimentation est de la responsabilité du ministère de l’agriculture ». Celui-ci n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien.

    La polémique a en tout cas obligé l’Etat à revoir sa stratégie. Son nouveau maître-mot : la communication. « Pour restaurer la confiance, il faut être transparent, affirme Franck Robine, préfet de la Martinique et coordinateur du troisième plan national sur le chlordécone. On n’a pas de baguette magique, mais on montre aux gens qu’on s’occupe du problème et qu’on partage avec eux les connaissances. » La cartographie des zones polluées, restée confidentielle depuis sa réalisation en 2010, a enfin été rendue publique fin avril pour les deux îles. Un colloque public sur le chlordécone se tiendra également du 16 au 19 octobre en Guadeloupe et en Martinique. Une première.

    La mobilisation s’organise

    Il en faudra toutefois davantage pour rassurer la population. Depuis le rapport controversé de l’Anses, la colère prend peu à peu le pas sur le fatalisme et la résignation. La mobilisation s’organise. Des syndicats d’ouvriers agricoles de Guadeloupe et de Martinique se sont associés pour la première fois, en mai, pour déposer une pétition commune auprès des préfectures. Ils réclament une prise en charge médicale et un fonds d’indemnisation pour les victimes. Une étude cherchant à établir les causes de mortalité de ces travailleurs, qui ont été les plus exposés au chlordécone, est en cours.

    Des habitants font aussi du porte-à-porte depuis trois mois. « Même ceux qui n’ont pas travaillé dans la banane consomment des aliments contaminés, donc il faut qu’ils sachent ! », lance l’une des bénévoles. Les personnes âgées sont les plus surprises. Certains ignorent encore le danger auquel la population est exposée. D’autres sont incrédules. Harry Durimel, avocat et militant écologiste, raconte : « Quand je distribuais des tracts sur les marchés, les vieux me disaient : “Tu crois vraiment que la France nous ferait ça ?” Ils ont une telle confiance dans la République ! Mais ça bouge enfin, les gens se réveillent et prennent la mesure de la gravité de la situation. » D’autant qu’il n’existe, à l’heure actuelle, aucune solution pour décontaminer les sols.

    Lire aussi : Pollution : la France va mesurer les pesticides dans l’air sur tout le territoire à partir de 2018
    https://lemonde.fr/pollution/article/2017/11/28/pollution-la-france-va-mesurer-les-pesticides-dans-l-air-sur-tout-le-territo

    Qui est responsable de cette situation ? La question est devenue lancinante aux Antilles. Des associations et la Confédération paysanne ont déposé plainte une contre X en 2006 pour « mise en danger d’autrui et administration de substances nuisibles ». « On a dû mener six ans de guérilla judiciaire pour que la plainte soit enfin instruite, s’indigne Harry Durimel, qui défend l’une des parties civiles. Le ministère public a tout fait pour entraver l’affaire. » Trois juges d’instruction se sont déjà succédé sur ce dossier, dépaysé au pôle santé du tribunal de grande instance de Paris, et actuellement au point mort.

    Le Monde a pu consulter le procès-verbal de synthèse que les enquêteurs de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp) ont rendu, le 27 octobre 2016. Un nom très célèbre aux Antilles, Yves Hayot, revient régulièrement. Il était à l’époque directeur général de Laguarigue, la société qui commercialisait le chlordécone, et président du groupement de producteurs de bananes de Martinique. Entrepreneur martiniquais, il est l’aîné d’une puissante famille béké, à la tête d’un véritable empire aux Antilles – son frère, Bernard Hayot, l’une des plus grosses fortunes de France, est le patron du Groupe Bernard Hayot, spécialisé dans la grande distribution.

    Devant les gendarmes, Yves Hayot a reconnu qu’il avait « pratiqué personnellement un lobbying auprès de Jean-Pierre Soisson, qu’il connaissait, pour que des dérogations d’emploi soient accordées ».

    « Scandale d’Etat »

    Surtout, l’enquête judiciaire révèle que son entreprise, Laguarigue, a reconstitué un stock gigantesque de chlordécone alors que le produit n’était déjà plus homologué. Elle a en effet signé un contrat le 27 août 1990 avec le fabricant, l’entreprise Calliope, à Béziers (Hérault), « pour la fourniture de 1 560 tonnes de Curlone [le nom commercial du chlordécone], alors que la décision de retrait d’homologation [le 1er février 1990] lui a été notifiée », écrivent les enquêteurs. Ils remarquent que cette quantité n’est pas normale, puisqu’elle est estimée à « un tiers du tonnage acheté sur dix ans ». De plus, « au moins un service de l’Etat a été informé de cette “importation” », puisque ces 1 560 tonnes « ont bien été dédouanées à leur arrivée aux Antilles » en 1990 et 1991. Comment les douanes ont-elles pu les laisser entrer ?

    D’autant que, « s’il n’y avait pas eu de réapprovisionnement, il n’y aurait pas eu de nécessité de délivrer de dérogations » pour utiliser le produit jusqu’en 1993, relève l’Oclaesp. Les deux dérogations accordées par les ministres de l’agriculture visaient en effet à écouler les stocks restants en Guadeloupe et en Martinique. Or ces stocks « provenaient de ces réapprovisionnements », notent les gendarmes. La société Laguarigue a justifié cette « importation » par une « divergence dans l’interprétation de la réglementation ». Yves Hayot ne sera pas inquiété par la justice : il est mort en mars 2017, à l’âge de 90 ans.

    Contacté par Le Monde, l’actuel directeur général de l’entreprise, Lionel de Laguarigue de Survilliers, affirme qu’il n’a « jamais entendu parler de cela ». Il précise qu’il n’était pas dans le groupe à l’époque – il est arrivé en 1996 – et assure que Laguarigue a « scrupuleusement respecté les trois phases d’arrêt du chlordécone » concernant sa fabrication, sa distribution et son utilisation.

    « LES DÉCISIONS PRISES À L’ÉPOQUE ONT PRIVILÉGIÉ L’ASPECT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL À L’ASPECT ENVIRONNEMENTAL ET À LA SANTÉ PUBLIQUE »
    Les conclusions des enquêteurs sont quant à elles sans ambiguïté : « Les décisions prises à l’époque ont privilégié l’aspect économique et social à l’aspect environnemental et à la santé publique », dans un contexte concurrentiel avec l’ouverture des marchés de l’Union européenne. La pollution des Antilles au chlordécone est ainsi « principalement la conséquence d’un usage autorisé pendant plus de vingt ans. Reste à savoir si, au vu des connaissances de l’époque, l’importance et la durée de la pollution étaient prévisibles ».

    Un rapport de l’Institut national de la recherche agronomique, publié en 2010 et retraçant l’historique du chlordécone aux Antilles, s’étonne du fait que la France a de nouveau autorisé le pesticide en décembre 1981. « Comment la commission des toxiques a-t-elle pu ignorer les signaux d’alerte : les données sur les risques publiées dans de nombreux rapports aux Etats-Unis, le classement du chlordécone dans le groupe des cancérigènes potentiels, les données sur l’accumulation de cette molécule dans l’environnement aux Antilles françaises ?, s’interroge-t-il. Ce point est assez énigmatique car le procès-verbal de la commission des toxiques est introuvable. »
    http://institut.inra.fr/Missions/Eclairer-les-decisions/Etudes/Toutes-les-actualites/Chlordecone-aux-Antilles-francaises

    Lire aussi : Le débat sur le rôle du hasard dans le cancer relancé
    https://lemonde.fr/pathologies/article/2017/03/23/le-debat-sur-le-role-du-hasard-dans-le-cancer-relance_5099833_1655270.html

    Le rapport cite toutefois l’une des membres de cette commission en 1981, Isabelle Plaisant. « Quand nous avons voté, le nombre de voix “contre” était inférieur au nombre de voix “pour” le maintien de l’autorisation pour les bananiers, dit-elle. Il faut dire que nous étions peu de toxicologues et de défenseurs de la santé publique dans la commission. En nombre insuffisant contre le lobbying agricole. »

    Longtemps resté discret sur le sujet, Victorin Lurel, sénateur (PS) de la Guadeloupe, ancien directeur de la chambre d’agriculture du département et ancien ministre des outre-mer, dénonce un « scandale d’Etat ». « Les lobbys des planteurs entraient sans passeport à l’Elysée, se souvient-il. Aujourd’hui, l’empoisonnement est là. Nous sommes tous d’une négligence coupable dans cette affaire. »

    #économie #santé #pesticides #socialistes #vivelaFrance