L’impuissance satisfaite du citoyennisme a beaucoup contribué à la (re)naissance d’un courant insurrectionnaliste dans les années 2000. Beaucoup de jeunes ont été séduits par des discours qui exaltaient l’affrontement avec la police lors du contre-sommet de Gênes en 2001, les émeutes de banlieues en 2005, la casse en marge de défilés syndicaux pacifiques et répétitifs. Il en est sorti une mouvance porteuse d’une critique foisonnante de la vacuité de l’existence sous le capitalisme et qui prétend avoir trouvé la panacée pour exercer un pouvoir sur sa vie et sur le cours du monde.
Face à la vague sécuritaire, à l’omniprésence de la police, à la prolifération du contrôle électronique, imaginer des stratégies de subversion n’est pas simple. Mais ce qui est sûr c’est que l’appel à l’affrontement systématique avec les forces de l’ordre, au saccage et à l’émeute comme moyens de constituer une opposition à l’oppression actuelle, est fallacieux. S’il s’entend à la lettre comme un appel au combat physique, étant donné le déséquilibre des forces, c’est un appel au sacrifice. S’il s’entend de manière métaphorique, il dessert la révolte qu’il entend susciter car il insiste sur un moment de la lutte politique qu’il sacralise alors que ce n’est pas le plus important.
La violence est parfois une exigence morale ou stratégique. Autour du chantier TGV Lyon-Turin, des trains de déchets nucléaires, (de la ZAD de Notre-Dame des Landes), le fait de tenir tête aux forces de l’ordre et d’infliger des dommages matériels peut marquer les esprits et faire exister un rapport de forces. Comment la violence pourrait-elle être exclue par un mouvement d’opposition puisque l’Etat de son côté ne l’exclut jamais ?
Le pacifisme bêlant est exaspérant, mais la fétichisation de la violence qui figure l’affrontement avec l’appareil de répression comme une jouissance est franchement tendancieuse. Quand l’heure arrive de s’amuser dans les batailles rangées avec la police, c’est en règle générale par la grâce du travail politique accompli en amont, grâce à l’information, au débat, à des actions étayées par une parole publique, qui ont donné au combat une légitimité populaire telle que les autorités ne peuvent réprimer au-delà d’un certain point.
Adopter l’émeute comme stratégie signifie qu’il n’y a plus rien à espérer et à construire ici-bas. Bien que la configuration politique contemporaine soit, à bien des égards, désespérante, ce n’est pas notre avis.