Yougoslavie perdue – Le grand continent

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  • YOUGOSLAVIE PERDUE.
    RETRANSCRIRE LA MÉMOIRE D’UNE HISTOIRE RESTÉE SANS AUTEUR.
    https://legrandcontinent.eu/2017/10/13/yougoslavie-perdue

    Presque partout dans la littérature qui analyse le Brexit et l’arrivée de Trump au pouvoir, on retrouve constamment le thème de la chute de l’époque dorée de la fin de la guerre froide, de la nostalgie d’un temps où la victoire inexorable de la démocratie et de l’économie néolibérale était certaine et où le capitalisme libéral représentait le sommet des réussites humaines.

    Ce genre de récits m’a toujours mis mal à l’aise. C’est en partie parce que je n’y ai jamais cru et parce que mon expérience personnelle a été assez différente. Plutôt que de croire à la fin de l’Histoire, j’ai vu la fin de la guerre froide comme un événement ambivalent : bon pour de nombreuses personnes à qui il a apporté la libération nationale et la promesse de meilleures conditions de vie, mais traumatique pour d’autres à qui il a offert la montée d’un nationalisme féroce, guerres, chômage et un effondrement catastrophique du revenu.

    Je sais que cette conception a été influencée par la certitude que, une fois que le mur de Berlin était tombé, la guerre civile en Yougoslavie était inévitable (je me rappelle un dîner plutôt sombre avec ma mère ce jour de novembre) et par l’expérience directe de la misère soudaine qui a envahi la Russie au début des années 90 lorsque j’y ai voyagé pour la Banque mondiale [où B. Milanovic était lead economist de 1993 à 2001, ndlr]. J’étais donc conscient que mon malaise avec le triomphalisme pouvait être expliqué par ces circonstances rarement combinées. C’était peut-être un malaise idiosyncrasique.

    Mais en lisant d’autres livres et notamment le livre tant vanté de Tony Judt, je me suis rendu compte que le malaise était plus profond. Dans le déluge de la littérature écrite ou publiée après la fin de la guerre froide, je ne pouvais tout simplement rien trouver qui rendait compte de mes propres expériences dans la Yougoslavie des années soixante et soixante-dix.