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  • Loi anti-fake news : les juristes tirent la sonnette d’alarme - Le Point
    http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/laurence-neuer/loi-anti-fake-news-les-juristes-tirent-la-sonnette-d-alarme-02-07-2018-22324

    Plus inquiétant encore, le texte chahute nos principes juridiques. « Fondamentalement, dans notre droit actuel, la question n’est pas de savoir si une information est vraie ou fausse, mais d’abord si elle porte atteinte à la réputation, à l’intimité de la vie privée, à la présomption d’innocence, etc. Ce manichéisme du vrai et du faux paraît évident à première vue, mais en réalité, pour les juristes, il est impraticable », estime Me Le Gunehec. Et cela ne manquera pas, une fois encore, de compliquer la tâche du juge qui ne dispose (que) de 48 heures pour se prononcer sur la véracité ou non de l’information avant de décider de la mesure « proportionnée et nécessaire » à prendre : déréférencement du lien vers l’information, retrait du contenu, fermeture du compte ayant contribué à sa diffusion de ce contenu, blocage d’accès à Internet… « Cette procédure est impraticable ! Elle nécessite un débat sur les imputations litigieuses, difficile à avoir en l’absence de l’auteur des propos, pressent Me Le Gunehec. Le juge ne pourra pas statuer sur la fausseté d’une nouvelle en 48 heures et en l’absence de l’éditeur du contenu (la procédure visera l’hébergeur ou à défaut le fournisseur d’accès), sauf, peut-être, pour des fake absurdes dont la fausseté crève les yeux. Or les fake news telles qu’on les a connues pendant la dernière campagne présidentielle peuvent être assez élaborées. Il faudra que le demandeur apporte d’emblée au juge la preuve que les propos sont faux... et ce n’est pas simple… »

    Plus grave, cette procédure pourrait, encore une fois, museler le travail journalistique. « Comment apprécier la sincérité d’un scrutin qui n’a pas eu lieu ? interroge Roseline Letteron. Si l’article L97 du Code sanctionnant les manœuvres frauduleuses ayant détourné les suffrages intervient après l’élection, c’est parce que c’est à ce moment-là que le juge peut véritablement apprécier si l’altération a altéré la sincérité du scrutin. Il y a un critère essentiel qui est l’écart des voix. S’il est modeste, on peut penser qu’il aurait pu changer le sens du scrutin. Imaginez que François Fillon ait utilisé ce texte lors des révélations sur de possibles détournements de fonds publics. Il aurait pu demander au juge des référés d’enjoindre au Canard enchaîné de cesser ses investigations au prétexte qu’elles sont de nature à altérer la sincérité du scrutin ! En clair, ce texte peut être utilisé par des candidats pour bloquer le travail d’investigation », avance la juriste.

    #Fake_news #Liberté_expression #Censure