Plainte déposée contre Françoise Nyssen : peut-on vraiment parler de « racisme anti-blanc » ?

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    L’OLRA, organisation de lutte contre le racisme anti-blanc, a porté plainte contre la ministre de la Culture Françoise Nyssen après qu’elle a fustigé « les hommes blancs de 50 ans ». Mais au fait, peut-on vraiment parler de « racisme anti-blanc » ? À quelle réalité sociologique cette expression correspond-elle ?

    « Tu n’es plus seule ». En affichant, mardi 4 juin, son soutien à Delphine Ernotte, la ministre de la Culture Françoise Nyssen s’est exposée à une plainte. L’OLRA - pour organisation de lutte contre le racisme anti-blanc - a en effet décidé mardi 3 juillet de traduire en justice la membre du gouvernement, dans la foulée de sa déclaration. En cause ? Cette référence à une ancienne sortie de la patronne de France Télé, qui déplorait en 2015 le manque de diversité à l’antenne en parlant d’une « télévision d’hommes blancs de plus de 50 ans ». Le soutien est clairement affiché de la part de la ministre : « Delphine, tu as dû te sentir bien seule lorsque tu portais un constat, à la fois évident et courageux. Tu sais : ’l’homme blanc de plus de 50 ans’ ».

    L’OLRA, qui se présente comme une « association laïque et apolitique » dénonçant et condamnant « le racisme sous toutes ses formes » et dont « l’action est particulièrement centrée sur le racisme anti-blancs », a vu dans cette déclaration une stigmatisation des hommes blancs. Mais quelle est la réalité sociologique du « racisme anti-blanc » ? Cette expression en elle-même dépeint-elle une situation observable, vécue, au sein de notre société ? Pour le savoir, nous avons posé la question à deux chercheuses spécialistes de ces questions.

    Le racisme comme un système

    Pour parler de « racisme anti-blanc », disent-elles, il faut d’abord s’accorder sur la définition... du racisme. « Si on voit le racisme comme un rapport social, une relation de domination au niveau macro-sociologique, alors on ne peut pas considérer qu’en France, aujourd’hui, les personnes considérées comme ’blanches’ fassent l’objet d’inégalités statistiquement significatives en raison de ce facteur » nous explique Marie Peretti-Ndiaye, docteure en sociologie et chercheuse invitée au CREF (Centre de recherches éducation et formation) Paris Nanterre. « En revanche, si le racisme est défini comme un phénomène se jouant au niveau individuel, à une plus petite échelle, alors on peut trouver quelques situations très circonscrites de personnes considérées comme blanches dans une situation qui leur est défavorable. »

    Or, complète Charlotte Recoquillon, chercheuse à l’institut français de géopolitique, « c’est la définition étendue du racisme qui fait oeuvre dans notre société et qui est retenue dans les travaux sociologiques ». Elle ajoute : « Cette définition voit le racisme comme un système, un ordre social, dont découlent des privilèges. Personne ne nie que certaines attitudes, ponctuellement, peuvent nuire à des personnes dites blanches. Mais cela ne détermine pas leur position sociale, leur rapport aux autres. » C’est pour cela, conclut-elle, que d’un point de vue sociologique, « le racisme anti-blanc n’existe pas ».

    Le « racisme anti-blanc » n’a pas le caractère « d’une expérience de masse »

    La longue étude de l’Ined sur la diversité des populations en France, publiée en 2016, ne dit pas autre chose. Les chercheurs qui ont participé à cette enquête constatent que les personnes nées en France métropolitaine de parents français à la naissance et bénéficiant d’un certain capital économique, sont les moins concernées par l’expérience du racisme. Les chercheurs précisent ainsi : « seulement 15% des personnes de cette population déclarent en avoir été la cible au cours de leur existence, contre par exemple 60% des descendants d’immigrés d’Afrique subsaharienne. » Les manifestations de racisme à l’encontre des personnes blanches n’ont donc, selon l’étude, « pas le caractère d’une expérience de masse ».

    En outre, les chercheurs concluent : « Le racisme des minoritaires à l’encontre des majoritaires peut blesser verbalement, voire être agressif physiquement, mais il ne fait pas système et ne produit pas d’inégalités sociales. » En d’autres termes, sans remettre en cause des situations isolées qui peuvent être vécues comme injustes, l’expérience du racisme à l’égard des blancs ne constitue pas, en France, un système à part entière.
    Les privilèges existent du fait des discriminationsCharlotte Recoquillon

    Mais si le « racisme anti-blanc » est une fiction d’un point de vue sociologique, la récupération - souvent politique - de cette expression, n’a quant à elle rien de virtuel. Pour n’en citer qu’un exemple, Jean-François Copé, alors secrétaire général de l’UMP, écrivait dès 2012 dans son « Manifeste pour une droite décomplexée » : « Je sais que je brise un tabou en employant le terme de ’racisme anti-blanc’ mais je le fais à dessein, parce que c’est la vérité que vivent certains de nos concitoyens et que le silence ne fait qu’aggraver les traumatismes ».

    Rien de plus normal que cette réaction, selon Charlotte Recoquillon : « Qui a le plus à perdre dans la mise en cause du racisme, si ce n’est les personnes qui bénéficient des positions de pouvoir ? Les privilèges existent du fait des discriminations. Certains se sentent menacés par les revendications des groupes qui sont jusqu’à présent discriminés. Par exemple, si on veut une parité dans les prises de parole, cela implique que certains... laissent la parole. »

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