• Utopie et soin psychiatrique - Au sujet de : François Tosquelles, Soigner les institutions, textes choisis et réunis par Joana Maso, L’Arachnéen
    https://laviedesidees.fr/Tosquelles-Soigner-les-institutions

    François Tosquelles est une figure mythique de la psychiatrie. Il n’a cessé d’expérimenter de nouvelles manières de prodiguer des soins et de nouvelles façons de concevoir l’hôpital. Cette anthologie rassemble des textes majeurs d’un auteur original, convaincu que la médecine devait chercher dans la poésie ses ressources.
    Il y a deux types d’hommes et de femmes. Ceux et celles qui réussissent leur folie et ceux et celles qui se retrouvent à l’hôpital psychiatrique. Dans nos sociétés enclines à distinguer clairement la frontière entre le sain et le malsain, une telle affirmation est devenue incompréhensible. Et pourtant, elle est fondamentale pour saisir l’importance de la pensée de François Tosquelles – auteur de ladite affirmation – et dont certains textes font aujourd’hui l’objet d’une édition récente en français. Des morceaux de vie et de pensée, choisis et présentés par Joana Maso, nous donnent à voir et à lire le parcours exceptionnel et la richesse intellectuelle d’une œuvre singulière.

    Le personnage fait indéniablement partie du panthéon des professionnels de la psychiatrie et est devenu une figure mythique convoquée au chevet d’une psychiatrie en crise, mais connaissons-nous vraiment Tosquelles ? Tout à la fois trublion et fondateur, fantasque et organisateur, intemporel et produit de son espace-temps, le psychiatre catalan interpelle encore et toujours par l’originalité de ses interrogations et de ses engagements. Ce livre – une « anthologie de fragments » (p. 19) - n’est évidemment pas un travail dégagé d’une admiration sans bornes, mais il représente une étape importante dans l’écriture d’une histoire de la psychiatrie du XXe siècle et particulièrement de ce que l’on a appelé la psychothérapie institutionnelle.

    « La chance de monsieur Hitler, ce con de fasciste »

    « J’ai eu une autre chance extraordinaire, la chance de monsieur Hitler, ce con de fasciste je ne peux pas m’en plaindre parce qu’une chose extraordinaire est arrivée, qui est qu’à partir de 1931 ont commencé à venir à Barcelone des juifs réfugiés, surtout d’Autriche. » Dans un entretien informel traduit du catalan (p. 76) datant de 1983 dont est extrait cette citation, Tosquelles ouvre une fenêtre sur le contexte qui a vu naître ! son projet de « foutre la psychanalyse dans les asiles psychiatriques » (p. 76). Né en Catalogne en 1912, Tosquelles était familier de la médecine et des questionnements du monde ouvrier. Avec un père trésorier de la coopérative santé des ouvriers et un oncle médecin qui écrivait sur Freud, deux de ses passions étaient déjà là. Durant ses études de médecine à Barcelone (1928-1934), il s’engage auprès du bloc ouvrier et paysan, commence une psychanalyse et lit Lacan qui vient de soutenir sa thèse en 1932. Le jeune catalan est polymathe. Il écrit sur l’anarchisme, le syndicalisme, le féminisme, la psychanalyse, la poésie et collabore déjà à diverses institutions médico-psychologiques.

    (...) dans L’enseignement de la folie en 1992 : « je ne me suis jamais engagé dans la recherche de quelque chose de radicalement neuf. Jamais je n’ai parié sur le métier d’inventeur. Je n’ai jamais pensé à construire et faire valoir quoi que ce soit qui puisse être breveté. Je penche plutôt du côté des plagiats ou, si on veut, du vol d’idées que je glane n’importe où et qui me semblent constituer de petits cailloux qui peuvent être utilisés dans ma tâche de psychothérapeute. En fait, paradoxalement, c’est dans mon travail de psychothérapeute que j’ai eu le plus fréquemment l’occasion de glaner. Mais aussi dans tous les événements de ma vie concrète »

    #François_Tosquelles #Lucien_Bonnafé #psychiatrie #chronicisation #psychothérapie_institutionnelle #livre

    • Vu cette semaine « Sur l’Adamant » de Nicolas Philibert, très touchant

      C‘est un vaisseau à quai, une péniche ancrée à l’écart des klaxons et de l’agitation urbaine, entre la grande horloge de la gare de Lyon et le clapot de la Seine qui lèche gentiment sa coque. L’Adamant (c’est son nom) est un centre de jour ouvert aux Parisiens atteints de troubles psychiques. On s’y confie, on y converse, on y cultive des relations humaines dans le cadre d’ateliers inspirés par la psychothérapie institutionnelle. Celle-là même que pratiqua le psychiatre Jean Oury à la clinique de La Borde, et dont Nicolas Philibert évoqua le quotidien dans La Moindre des choses, en 1997. Un quart de siècle après ce film qui compte parmi ses meilleurs, le documentariste revient sur la question de la santé mentale dans un triptyque en cours de production. Sur l’Adamant, distingué par un Ours d’or à la dernière Berlinale, en est le premier volet. Le deuxième nous mènera à l’hôpital Esquirol de Charenton-le-Pont ; le troisième suivra des visites au domicile de patients.

      https://www.telerama.fr/cinema/films/sur-l-adamant-1-249323025.php

  • Dancing Pina (Film documentaire) : la critique Télérama
    https://www.telerama.fr/cinema/films/dancing-pina-1-221610631.php

    Vu au cinoche aujourd’hui, une merveille 💖

    En septembre dernier, la saison du Théâtre de la Ville a débuté de façon tonitruante avec Le Sacre du printemps, œuvre phare, monumentale, de la chorégraphe allemande Pina Bausch, créée en 1975. Les murs de la Villette, à Paris, où la pièce était dansée, ont tremblé d’émotion devant la puissante interprétation de trente-six danseurs issus de quatorze pays africains. Comment transmettre l’apport de l’une des plus grandes figures de la danse contemporaine ? Le réalisateur de DANCING PINA, FLORIAN HEINZEN-ZIOB, a capté l’événement au plus près, lors des répétitions dans la prestigieuse École des Sables, au Sénégal. Sous l’œil avisé, rigoureux, parfois impatient de Josephine Ann Endicott, ancienne collaboratrice de Pina Bausch, ces danseurs venus de toute l’Afrique se familiarisent avec une œuvre qu’ils découvrent et apprivoisent en même temps. Quitte, parfois, à buter contre un souffle, un mouvement. Lorsque le Covid brise, un temps, tout espoir de représentation publique, la troupe choisit, plutôt que la résignation, de danser Le Sacre sur le sable, au soleil couchant, dans un bouleversant élan.
    Au même moment, à près de 6 000 kilomètres de Dakar, la danseuse et chorégraphe française Clémentine Deluy, membre du Tanztheatre depuis 2006, fait répéter assidûment Sangeun Lee, soliste principale du ballet de l’Opéra de Dresde. La ballerine a été choisie pour incarner le rôle principal d’Iphigénie en Tauride, créé en 1974, et résume ainsi : « Apprendre Pina, c’est comme apprendre à danser. » Et pour le spectateur, l’impression de toucher du doigt les secrets d’un univers à part, fait d’abnégation, de sueur et de patience.

    | Documentaire, Allemagne (1h52).

    https://www.pinabausch.org/fr/post/dancing-pina-premiere

    #danse #Pina_Bausch

  • Ascension, de Jessica Kingdon

    « Enquête sur la chaîne d’approvisionnement chinoise, qui révèle le fossé croissant entre les classes sociales du pays : un regard perçant sur le travail, la consommation et la richesse. » (Télérama)

    Bref : enquête sur le capitalisme chinois.

    Nommé en 2022 pour l’Oscar du meilleur documentaire étranger

    (Libération)

    Quel point commun entre une chemise, une paire de jumelles et une poupée gonflable ? Réponse : la Chine, qui en maîtrise toutes les étapes de fabrication. Ainsi commence ce beau documentaire de l’Américaine d’origine chinoise Jessica Kingdon, nommé l’an dernier aux Oscars, consacré aux chaînes d’assemblage de ces objets destinés à être vendus dans le monde entier. Le niveau zéro d’un système économique dont on va gravir un à un tous les étages.

    Tout en bas : le travail à la chaîne, dont la mise en scène, le cadrage, le montage et la durée des plans traduisent ce qu’il a d’abrutissant et de dangereux. Tout en haut : des #ultrariches, photographiés dans des hôtels de luxe. Entre les deux, c’est une logique ancestrale du capitalisme qui est à l’œuvre : plus on grimpe dans l’échelle sociale, moins le corps est mis à l’épreuve, remplacé par le langage, selon cette drôle d’idée que vendre un objet aurait plus de valeur que de le fabriquer. Avec sa succession de plans fixes sans commentaire, le film illustre brillamment ce vieux principe toujours en application. Et interroge avec intelligence, car très simplement, le « rêve chinois ». « Travaillez dur et tous vos rêves se réaliseront », martèlent les affiches de #propagande. Sans donner plus de précisions quant à cet avenir, ni à ces rêves.

    https://www.telerama.fr/cinema/films/ascension-1-195219490.php

    #capitalisme #chine #exploitation #classes_sociale #lutte_de_classe #curious_about

  • « Effacer l’historique » : trois « gilets jaunes » en guerre contre l’intelligence artificielle
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/08/25/effacer-l-historique-trois-gilets-jaunes-en-guerre-contre-l-intelligence-art


    Corinne Masiero, Denis Podalydès et Blanche Gardin dans le film « Effacer l’historique », de Benoît Delépine et Gustave Kervern.
    LES FILMS DU WORSO / AD VITAM DISTRIBUTION

    Contempteurs de la stupidité systémique, peintres de la misère techno-mentale contemporaine, apôtres d’un anarcho-surréalisme vigoureux, Benoît Delépine et Gustave Kervern partent séance tenante en guerre contre l’intelligence artificielle. Ils réunissent pour ce faire trois spécimens d’un lotissement des Hauts-de-France ayant maille à partir avec ladite réalité.

    Marie (Blanche Gardin) – divorcée, alcoolique, dépressive – victime d’un chantage à la sextape par un étudiant en business school, suivi aux confins d’une nuit d’ivresse, qui se lance de la plus belle manière dans la carrière. Christine (Corinne Masiero), chauffeur VTC, grande gueule et ex-addict aux séries qui se soigne, mais qui enrage de voir la note que lui attribuent ses clients stagner lamentablement et grever sa nouvelle carrière. Bertrand (Denis Podalydès), enfin, serrurier aux abois et à perruque rousse, proie naïve des mirages du Net, dont la fille est victime de harcèlement numérique sur Facebook.

    Les trois se sont connus de fraîche date, sur un rond-point où ils partageaient l’habit jaune, la cannette de bière au frais dans les fourrés et leur commune solitude. Ça crée des liens. Ils vont donc tenter de s’entraider et partir en guerre, rien moins, contre les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Ambitieux projet mené tambour battant par Marie, qui craint, si la sextape tombait sous le regard de son fils adolescent, dont la garde a déjà été confiée à son père, de déchoir plus encore à ses yeux. La voici à cet effet introduite par Christine – qui cherche elle-même à faire remonter sa cotation auprès de son entreprise – auprès d’un vieux geek ultime (Bouli Lanners, clandestin à pied d’œuvre à l’abri d’une éolienne).

    Avouant son impuissance devant la puissance diffractée et insaisissable du cloud, le pirate informatique évoque toutefois les data centers qu’il importerait, dans l’idéal, d’investir. Aussitôt dit, aussitôt fait. Les trois mousquetaires, à l’initiative de Marie, se chargent chacun d’une mission susceptible de résoudre leur problème particulier. Tandis qu’elle prend l’avion pour San Francisco, réclamant une « sextape des Hauts-de-France » au seuil d’un hangar mieux gardé que le Pentagone, Christine va demander des comptes à qui de droit sur la raison de sa stagnation, et Bertrand, censé se rendre en Irlande, s’envole subrepticement vers La Réunion pour se déclarer à « Miranda », dont la voix le tient sous son charme depuis des mois.

    #paywall

    • https://www.telerama.fr/cinema/films/effacer-lhistorique,n6595949.php

      Critique par Marie Sauvion
      Trois Gilets jaunes s’allient contre les géants du Net qui empoisonnent leur quotidien. Une comédie hilarante et désespérée sur l’absurdité de la société.

      Dans I Feel Good, l’antipathique et savoureux crétin joué par Jean Dujardin se rêvait en Bill Gates des Pyrénées-Atlantiques. Deux ans plus tard, les anti­héros d’Effacer l’historique nagent en plein cauchemar à cause des Gafa, ces géants de l’économie numérique régissant nos vies connectées depuis leurs forteresses californiennes. Après une nuit d’ivresse au bien nommé bar Badaboum, voilà Marie (Blanche Gardin) victime d’un chantage à la sextape (« Il faut que je paie mes études de commerce », se justifie le saligaud incarné par Vincent Lacoste). Tout surendetté qu’il est, Bertrand (Denis Podalydès), lui, ne peut rien refuser à une voix suave de démarcheuse téléphonique, au point de s’éprendre à distance de cette Miranda qui vend des vérandas. Quant à Christine (Corinne Masiero), chauffeuse VTC chez Hollywood VIP Star Car, elle encaisse jour après jour les mauvaises notes de ses clients sans savoir pourquoi.

      Pourquoi ? Mais parce que le monde marche sur la tête, répondent avec brio Benoît Delépine et Gustave Kervern dans ce neuvième long métrage, couronné par un Ours d’argent à Berlin. Les comédies les plus désespérées sont les plus belles, aussi précipitent-ils leurs trois pots de terre, déjà bien fêlés, contre un pot de fer en face duquel même Dieu semble impuissant — Dieu, ici, étant un hacker de génie (Bouli Lanners) qui opère depuis le cœur d’une éolienne. Logique, quand on veut combattre des moulins à vent.

      D’un banal lotissement de la périphérie d’Arras à la Silicon Valley, Delépine et Kervern mettent en scène une guerre perdue d’avance. Qu’importe. Leurs nouvelles recrues — Blanche Gardin en tête, tellement parfaite dans leur univers — partent la fleur au fusil et l’amitié en bandoulière. Née sur un rond-point, la réconfortante solidarité du trio de Gilets jaunes adoucit un quotidien kafkaïen où une latte de lit, commandée en Chine, se retrouve bloquée au canal de Suez, tandis qu’un bureau de poste déménage à 50 kilomètres de ses usagers suspendus au prix du gasoil.

      Forts de trouvailles hilarantes (« J’ai été obligé d’acheter un antivirus gratuit à 14 € par mois »), les auteurs du Grand Soir racontent les insomnies d’humains dépassés mais pas obsolètes. La coquetterie punk du film, le grain malpoli de sa pellicule super-16, ses angles volontairement tordus, ses provocations — le smartphone de Bertrand, taché de sperme, qui reste collé à sa joue, clin d’œil à Mary à tout prix, des frères Farrelly — portent haut la signature des zozos de Groland. Leur rire, pourtant, finit toujours par s’étrangler. En témoigne une séquence sidérante où un livreur de packs d’eau éreinté (Benoît Poelvoorde) se laisse convaincre d’accepter un café pour sa peine, puis fond en larmes à l’idée que son employeur l’apprenne. On rit, on rit, et soudain plus du tout.

  • Renault 12
    Réalisation : Mohamed El Khatib
    Année : 2017
    Disponible du 08/07/2020 au 12/09/2020
    https://www.arte.tv/fr/videos/075196-000-A/renault-12
    https://api-cdn.arte.tv/api/mami/v1/program/fr/075196-000-A/940x530

    Dans une épopée intime entre France et Maroc, rêverie et autodérision, le dramaturge Mohamed El Khatib interroge le deuil, l’identité et l’héritage. Un « road movie » documentaire en Renault 12...

    En février 2012, Mohamed El Khatib perd sa mère, Yamna, emportée par un cancer. Pendant des semaines, par le biais d’une petite caméra installée face à son lit d’hôpital, il a filmé leurs entretiens et leurs échanges. Dans les jours qui suivent, alors qu’avec son père et ses sœurs ils rapatrient le corps par avion d’Orléans à Tanger, puis retrouvent oncles, tantes et cousins à l’occasion des funérailles, le dramaturge capte aussi quelques images. Mêlés à d’autres matériaux documentaires, ces éclats d’amour et de deuil feront la texture d’un hommage scénique à la disparue (Finir en beauté, présenté en 2015 au Festival d’Avignon). Avec ce road movie dont il est le personnage principal, il en propose aujourd’hui une suite cinématographique.

    • Après les funérailles de sa mère, le dramaturge Mohamed El Khatib reçoit d’un oncle marocain un appel laconique, l’enjoignant d’acquérir une Renault 12 et de la descendre jusqu’au Rif, pour y toucher sa part d’un héritage qu’il ne soupçonnait pas. À travers une série de rencontres plus ou moins fortuites et de retrouvailles avec des proches de la défunte, cet étrange voyage lui permet d’évoquer l’absence et de comprendre mieux la femme qu’elle était, témoignant d’une pudeur et d’un humour constants qui donnent à ce documentaire — le premier qu’il réalise — une patte singulière. Mohamed El Khatib y jongle avec le réel et l’imaginaire, la temporalité et toutes sortes de fragments (prises de vues à l’hôpital, photos, notes personnelles, adresse à son enfant, interviews et péripéties plus ou moins véridiques…), conviant le spectateur à jouer avec lui tout au long de ce drôle de film exempt de mièvrerie. Un road-movie dans lequel l’émotion s’avère aussi légère que poignante, et qui n’esquive pas certaines dissonances, évoquant par exemple l’hostilité que sa démarche inspire à l’une de ses sœurs.

      Conçu à la suite d’un spectacle créé en 2015 au Festival d’Avignon (Finir en beauté : pièce en un acte de décès), Renault 12 signe l’acte de naissance d’un cinéaste d’une grande finesse et d’une grande fantaisie. Vivement le prochain film !

      https://www.telerama.fr/cinema/films/renault-12,n5790390.php

    • @vanderling : ce modèle de Renault a également eu un franc succès en Europe de l’Est avant la chute du bloc soviétique. Renault avait vendu ses chaînes de montage à la Roumanie communiste d’alors et la voiture était commercialisée sous le nom de ... Dacia. Elle ressemblait à s’y méprendre à l’original mais en version « low cost » et on n’en trouvait pas de ce côté-ci du rideau de fer. (Mais on s’égare un peu du sujet, là) ...

    • Un autre article sur le film :

      Du décès de sa mère, Mohamed El Khatib avait déjà tiré une pièce singulière, “Finir en beauté”. Avec “Renault 12”, il ravive son souvenir sous la forme d’une épopée intime entre la France et le Maroc. Un premier documentaire libre, à la fois tendre et grinçant.

      La mémoire retient durablement les traits de celles et ceux qu’on a aimés. Quand sa mère est tombée malade, le dramaturge Mohamed El Khatib n’a pas craint d’oublier son visage mais le grain de sa voix. C’est pourquoi il a pris soin d’enregistrer leurs conversations à l’hôpital. « Je me souviens m’être dit : “Si elle meurt, au moins ces traces resteront.” » Dans l’une d’elles, elle lui confie sentir sa fin imminente. « Je m’entends lui répondre : “Ne dis pas de bêtises”, puis embrayer sur tout autre chose. Pourquoi n’ai-je pas été capable de l’écouter et de lui demander ce qui lui ferait plaisir, qui elle aimerait voir ? Je regrette de n’avoir pas eu ce courage, d’avoir été dans le déni comme tout le monde, jusqu’aux médecins qui se gardaient de prononcer le mot “cancer”. »

      Préserver des moments et pointer les non-dits, quitte à « crever l’abcès » — deux préoccupations ancrées dans la vie de cet homme de théâtre, qui a grandi dans une famille où l’« on parlait très peu à table », et qui signe avec Renault 12 son tout premier documentaire. Il y évoque les péripéties consécutives aux obsèques de sa mère : la descente de son fils au Maroc, où l’attend un héritage dont la nature surprenante le cueillera au terme du voyage. Un retour à la mère envisagé après la création, en 2015, de Finir en beauté, pièce en un acte autour de sa maladie et de ses funérailles de part et d’autre de la Méditerranée. « J’ai joué ce spectacle plus de trois cents fois dans quatorze pays, au point que ma sœur me demande quand je vais arrêter de gagner ma vie sur le dos de la mort de maman. »

      On n’en a jamais fini avec sa mère. Après l’espace intime de la scène, Mohamed El Khatib redécouvre la femme qu’elle était dans ce road-movie original, facétieux et profond, comme certains films d’Alain Cavalier avec lesquels il entretient un étroit cousinage. Les deux hommes se connaissent d’ailleurs, et se livrent au théâtre, depuis un an et demi, à des conversations improvisées pour des publics restreints, presque en catimini.

      Comme son illustre aîné, Mohamed El Khatib filme ce qui l’entoure, retenant de son quotidien des images privées qu’il utilise parfois à l’intérieur de ses spectacles. « J’ai commencé avec un Caméscope acheté par mon père sur un marché. J’ai continué avec une caméra semblable à celle qu’Alain utilise dans Pater, dont la vision m’a convaincu que faire un film était un jeu d’enfant. »

      “Les contours de la réalité sont-ils si nets qu’il interdisent de cultiver l’ambiguïté, de flirter avec la fiction dans un documentaire ? ”

      Ludique, Renault 12 l’est de bout en bout, embarquant le spectateur dans une quête intime où l’humour et la désinvolture nimbent de pudeur la douleur de la perte et la force de l’amour filial. Qu’il suggère sa traversée de la France et de l’Espagne en déplaçant une miniature automobile sur une carte routière, ou singe Sancho Pança sur un âne dans le Rif après s’être attardé sur les terres du Quichotte, le novice s’octroie des libertés qui pourront agacer les ayatollahs du cinéma direct.

      Comme lorsqu’il fait passer pour sa sœur l’actrice algérienne Saadia Bentaïeb (120 Battements par minute), qui clame avec un naturel confondant son désaccord sur le projet du film. « Ç’aurait été dommage de me priver du point de vue de ma sœur pour la seule raison qu’elle ne voulait pas apparaître à l’écran », s’explique-t-il, un rien filou. Avant de se féliciter qu’un ami ait salué le talent de l’« acteur » interprétant son père — qui n’est autre que son père lui-même. « Les contours de la réalité sont-ils si nets qu’il interdisent de cultiver l’ambiguïté, de flirter avec la fiction dans un documentaire ? »

      À 40 ans, le fils de Yamna et Ahmed n’a pas fini de jouer comme un enfant. Comme Norah, sa fille de 3 ans dont il aurait aimé qu’elle connaisse sa grand-mère et à qui Renault 12 est dédié. « Je ne me lasse pas de la filmer au milieu de ses Lego. Sa capacité à s’amuser sérieusement en fait un modèle d’actrice », s’enthousiasme le fils devenu père, qui entend bien persévérer dans le cinéma du réel. Il s’apprête à tourner pour France 2 La Dispute, qui évoquera le divorce de quelques parents à travers le regard et les mots de leur progéniture. Et prépare avec l’historien Patrick Boucheron un duo théâtral autour des boules à neige. Encore un jeu d’enfant.

      François Ekchajzer

      https://www.telerama.fr/ecrans/renault-12-sur-arte-mohamed-el-khatib-sur-la-route-du-deuil-maternel-666270

  • L’écologie peut-elle être nationale ?
    https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/lecologie-peut-elle-etre-nationale


    Ils ont de drôle de question sur france-cul, peut-être que Hervé Juvin et Olivia Gesbert eurent trouvé la réponse en descendant en canoë la rivière Chattooga, en Géorgie, dans le Sud des Etats-Unis, en 1972.

    https://www.youtube.com/watch?v=p8t8uqEf6_A


    Eric Weissberg & Steve Mandell - Dueling Banjos ( Deliverance 1972 )
    https://www.telerama.fr/cinema/films/delivrance,4704.php
    Délivrance est diffusé ce soir sur France 5
    #radio #télévision #écologie

  • Chèr·es utilisateurs et utilisatrices de seenthis,

    je commence à préparer un cours universitaire (Licence 3) un peu particulier. Un cours de recherche-action participative, où on demande aux étudiant·es de co-construire un savoir avec les habitant·es concerné·es.

    J’ai décidé de axer le cours sur la thématique de l’ alimentation dans les quartiers populaires .

    Toutes idées de doc, livres, films, musique, en ce moment de défrichage du thèmes sont bienvenues.

    Les sous-thèmes auxquels je pense :
    – alimentation et #pauvreté (et comme #indicateur le taux d’#obésité)
    #justice_alimentaire
    #mal_bouffe
    #déserts_alimentaires
    #fast-food et #slow_food
    #AMAP et #agriculture_de_proximité (#agriculture_urbaine) dans les quartiers populaires
    – alimentation dans les #cantines
    #prix et #accessibilité d’une nourriture (#buget_alimentaire, #budget_alimentation)
    – la question culturelle de l’alimentation (y compris #identité)... dans des quartiers où la diversité culturelle est importante. #cultures_culinaires
    – alimentation et #lien_social
    #récupérations_des_invendus
    #Incroyables_comestibles : http://lesincroyablescomestibles.fr
    #distribution_de_repas aux plus démunis
    #spécialités_locales -vs- #spécialités_exotiques #spécialités_ethniques (oh les gros mots)
    #marchés
    #origine_des_approvisionnements
    #repas_associatifs #fêtes #convivialité
    #bio (ou pas)
    – ...

    cc @franz42, qui maintenant qu’il est à la retraite aura certainement beaucoup de temps pour bouquiner !
    Liste à laquelle a aussi grandement contribué @odilon

    #ressources_pédagogiques #RAP2019