• Parcoursup, coulisses d’une réforme précipitée - Libération
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    Au moment où sont dévoilés les résultats du bac, plus de 300 000 jeunes sont sans affectation définitive. Avec l’impression de faire les frais d’une stratégie bulldozer visant à éviter toute contestation.

    C’était le 8 juin. Un article, publié sur le site internet de l’Etudiant. « Exclusif. 857 candidats ont été victimes du premier tirage au sort en première année commune aux études de santé (Paces) en Ile-de-France. » Le ministère embraye dans la seconde. Un communiqué, daté du 9 juin au matin, annonce une réunion de crise. Les doyens des sept facs de santé franciliennes sont convoqués fissa pour « trouver une solution ». Jean-Luc Dumas, doyen de la fac de médecine de Bobigny jusqu’à peu, raconte : « Il y a eu un vent de panique. Quand je suis arrivé au ministère, j’ai d’emblée proposé d’accueillir 250 élèves supplémentaires, je pouvais le faire, les locaux le permettaient. » Les autres doyens suivent. « En un quart d’heure, le problème était réglé. » Rien que d’y repenser, cette histoire le met en pétard : « On a fait porter à la médecine le chapeau du problème des capacités d’accueil saturées. Or, il n’en était rien. Nous avions la place. On a utilisé l’émotion d’un possible tirage au sort en médecine pour justifier l’urgence de cette réforme. » L’histoire de Parcoursup ressemble à un coup politique de maître. Ou de chance. Ou les deux.

    Un proche de Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education, abonde : « On va dire qu’il y a eu une utilisation exagérée d’un épisode pour présenter une réforme comme nécessaire, alors que des ajustements à l’ancien système auraient peut-être suffi. Le discours a pris dans l’opinion. Ils ont foncé, il ne fallait pas louper le coche. » Une fenêtre d’opportunité en or, comme on dit dans les amphis de sciences politiques où l’on décortique l’action publique. En plus, coup de bol pour Macron, pile à ce moment-là, l’Unef, deuxième syndicat étudiant, est empêtré dans des histoires internes de harcèlement sexuel, donc tout à fait incapable d’organiser la rébellion. La mise en demeure de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), qui reproche à l’algorithme APB de déterminer le sort des élèves « sans intervention humaine », est le coup de grâce.

    « L’opinion publique ne l’a pas mesuré, mais aucune analyse de convergence n’a été faite en amont. Aucune modélisation des données », assure un observateur. Dans les colonnes de Libé, le 5 juin, le think-tank Terra Nova s’étonnait qu’on ose ce genre « d’expérience grandeur nature ». Effectivement, 810 000 jeunes citoyens, ça fait beaucoup de cobayes.

    #Politique_France #ParcoursSup #Magouille