• Michel Lussault : « Il faut favoriser un urbanisme de l’attention et du “prendre soin” »
    https://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2021/01/04/michel-lussault-il-faut-favoriser-un-urbanisme-de-l-attention-et-du-prendre-

    Au-delà des raisons socio-économiques, comment expliquer que l’impact ne soit pas le même, y compris entre deux endroits proches, voire semblables ?
    Les écosociosystèmes urbains réagissent différemment. Si l’épidémie n’est pas insensible aux inégalités sociales, les modalités d’introduction et de diffusion du virus dans un espace donné sont hétérogènes. La situation prépandémique du système de soin, de même l’état de préparation des pouvoirs publics et de la société conditionnent beaucoup le « succès » de la pandémie.
    Jouent aussi la configuration géographique d’une contrée et les modalités de fonctionnement spatial. La densité urbaine est une condition favorable à la diffusion, mais cela reste relatif néanmoins : certaines villes ou quartiers très denses ont été plus épargnés que d’autres beaucoup moins denses, fussent-ils proches.
    Le virus s’épanouit là où les interactions de proximité physique sont les plus fortes : cela prime sur le seul critère de densité. Un espace peu peuplé et peu dense, mais où les habitants sont en contact quotidien étroit, sera un terrain de jeu idéal pour le virus, tout autant, sinon plus, qu’un espace dense où il y a peu de contacts entre les habitants.En Italie du Nord, à Bergame notamment, l’intense vie intergénérationnelle où les personnes âgées sont au quotidien avec la famille, les enfants, la forte proximité de voisinage ont été, semble-t-il, des facteurs décisifs dans la diffusion brutale de cette pandémie. Y compris dans des lieux relativement éloignés du centre de Bergame, comme les vallées montagneuses du Nord. Le coronavirus prospère là où l’interaction humaine est intense.
    Le coronavirus ne vient-il pas aussi nous rappeler qu’il faut que nous repensions notre mode d’habitation de la planète ? En effet. Ne serait-ce que parce qu’il est probable que nous soyons de plus en plus confrontés à des circulations de pathogènes. Or ces circulations procèdent de la fragilisation des écosystèmes par l’urbanisation. L’arrivée de ce virus était anticipée. Depuis une vingtaine d’années, on a vu se multiplier les épizooties, à savoir de grandes pandémies animales, dont l’agriculture et l’élevage intensifs sont le terreau.
    Et on savait que ces virus circulant dans les réservoirs animaux pouvaient franchir les barrières d’espèces et atteindre les animaux domestiques, si ce n’est les êtres humains. Le bouleversement des écosystèmes lié à l’urbanisation que nous connaissons depuis quarante ans – une urbanisation très consommatrice d’espaces, toujours plus gourmande en ressources et qui favorise ainsi un entrelacement entre tous les vivants, humains et non humains – nous expose à des circulations de pathogènes.
    Aussi, cette pandémie révèle l’incroyable fragilité, vulnérabilité des aéroports les plus importants, des grands centres commerciaux, des places publiques les plus fameuses, des stations touristiques les plus prestigieuses, des stades les plus célèbres, bref de tout ce qui apparaît comme le symbole de la puissance mondiale. Il suffit d’un grain de sable, d’un battement des spicules d’un virus à Wuhan à l’automne 2019 pour que, quelques mois plus tard, toutes ces infrastructures se retrouvent à l’arrêt. Donc ne devrait-on pas réfléchir à un mode d’organisation et de fonctionnement du monde qui soit moins vulnérable, à une urbanisation moins prédatrice des écosystèmes, moins destructrice des équilibres biophysiques ?
    En somme, nous devons repenser nos équipements, nos espaces publics, nos grands projets ?
    Oui, il faut repenser l’organisation des espaces urbains, réfléchir au dimensionnement des équipements, au type d’opérations urbaines que l’on veut promouvoir. Il faut sortir de la surenchère aux mégaprojets spectaculaires et concevoir des aménagements urbains qui répondent aux besoins élémentaires des citadins ordinaires.
    Nous avons perdu de vue que les villes accueilleront en 2050 pas moins de 7 milliards d’habitants et qu’il allait falloir les accueillir dans des conditions leur permettant de mener une vie digne. Car depuis vingt-cinq ans, nous avons favorisé un urbanisme promouvant la « world city » comme unique référence, centré sur les grands projets, poussant à la compétition entre les villes.Finalement, cette pandémie peut nous être utile si nous devenons davantage attentifs à ce que nous avons négligé jusqu’alors, comme la bonne qualité des systèmes de soin, d’hébergement des personnes âgées, éducatifs, relatifs aux biens de consommation élémentaires, et de la bonne qualité de l’air… Ne peut-on pas favoriser un nouvel urbanisme de l’attention et du « prendre soin » ? Et revenir à une réflexion fondamentale sur la façon dont la ville peut servir le « bien-vivre » ordinaire de tous.

    #Covid-19#migrant#migration#france#monde#urbain#sante#ville#population#circulation#urbanisme#michellussault

  • Covid-19 : Montréal tente de sauver son centre-ville
    https://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2020/09/25/covid-19-montreal-tente-de-sauver-son-centre-ville_6053637_4811534.html

    la frénésie habituelle a laissé place à un calme « dominical » tous les jours de la semaine. Les campus des universités McGill et Concordia, qui dispensent la majorité de leurs cours en ligne, sont eux aussi désertés par les étudiants québécois et étrangers qui irriguent en temps normal la vie festive de Montréal. Dans le métro, des panneaux publicitaires « Derrière le masque, on garde le sourire » encouragent les passagers à rester optimistes, mais la moitié des usagers habituels a renoncé à y mettre les pieds.
    La fermeture des frontières a également entraîné de facto la disparition des touristes étrangers dans le vieux Montréal (11 millions en 2019), comme le ralentissement de l’activité économique, celle des hommes d’affaires. « C’est une catastrophe pour toute l’hôtellerie » témoigne Eve Paré, qui préside l’Association des hôtels du Grand Montréal. Le parc hôtelier de la ville est passé d’un taux moyen d’occupation de 90 % l’été dernier à 10 % en juin-juillet de cette année, avec des tarifs de chambre bradés. Dès le début de la crise, en mars dernier, 85 % des effectifs ont été mis à pied ; aujourd’hui, seuls quelques employés sont rappelés au compte-gouttes pour travailler pendant les week-ends. « En attendant qu’un vaccin soit disponible, on espère au moins que des tests à résultats immédiats voient bientôt le jour, seule garantie pour que les gens se remettent à voyager » estime Eve Paré.
    Montréal a été la ville la plus durement touchée au Canada par le Covid-19, déplorant près de 3 500 décès, sur les 5 800 enregistrés au Québec. Dès le printemps dernier, le gouvernement fédéral, celui du Québec ainsi que la municipalité de Montréal ont multiplié aides au loyer, prêts et subventions pour tenter de placer sous respirateur artificiel les activités commerciales du centre-ville. Mais c’est tout un écosystème à ranimer, sans savoir si les habitudes et comportements adoptés pendant la crise perdureront.

    #Covid-19#migrant#migration#canada#quebec#sante#economie#etudiant#touristme

  • A Paris, des classes moyennes en voie de disparition
    https://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2019/06/11/a-paris-des-classes-moyennes-en-voie-de-disparition_5474562_4811534.html

    Berlin tente une solution : En Allemagne les régions politiques (Land) sont compétents pour le contrôle des loyers. Afin d’arrêter leur augmentation explosive la ville de Berlin bloque les loyers pendant cinq ans. Cette mesure sera rétroactive pour éviter les augmentations abusives suite à l’annonce de la loi municipale. D’autres mesures visent à obliger les propriétaires de baisser les loyers actuels qui dépassent le seuil défini dans le Mietspiegel , un état des lieux élaboré régulièrement par le gouvernement municipal en collaboration avec les associations de bailleurs et de de locataires.

    Cette initiative est devenue possible parce que le parti social-démocrate SPD craint les élections municipales à venir. Il a donc cédé aux arguments du parti de gauche Die Linke qui forme le gouvernement aves le SPD et les écologistes Die Grünen . En même temps une intitiative très populaire revendique l’application aux grandes sociétés immobilières du paragraphe de la constitution allemande qui autorise des nationalisations d’entreprises privées. Nous nous trouvons dans une situation exceptionelle où l’introduction de mesures qui rejettent l’idéologie néolibérale est possible.

    Dans les autres régions allemandes l’emprise du néolibéralisme sur les partis politiques est totale. Seulement Die Linke fait exception à cette règle, mais il est trop faible ailleurs pour obtenir des solutions efficaces contre la résistance de tous les partis et associations majoritaires. Avec un peu de chance l’exemple berlinois encouragera quand même d’autres gouvernements régionaux à prendre des décisions comparables.

    Avec la flambée des prix immobiliers qu’elle connaît, comme beaucoup de grandes métropoles, la ville de Paris voit s’éloigner de plus en plus les familles des classes moyennes.

    Par Soazig Le Nevé Publié le 11 juin 2019 - « Paris est une ville où on laisse des plumes. Il faut se battre pour y habiter. » A 37 ans, Florence et son conjoint, Alban, ont quitté le ring « après avoir bataillé pendant des années pour y rester ». Les 5 000 euros de revenus, « dans les bons mois », de ce couple de travailleurs indépendants dans le domaine de la communication n’auront donc pas suffi.

    « Quand le propriétaire de notre appartement est décédé, on avait le choix : soit de racheter le bien au prix de 700 000 euros, ce qui était impossible pour nous, ou de repartir dans une recherche immobilière monstrueuse, vu notre profil d’indépendants, relate Florence, qui payait jusque-là 1 700 euros de loyer pour un trois-pièces dans le 9e arrondissement. Nos parents sont retraités de la fonction publique, mais ça ne suffisait pas comme garants, et parce qu’ils ont plus de 70 ans, c’était même un handicap auprès des bailleurs. » Froidement, elle en tire une conclusion : « En tant qu’enfant de la classe moyenne, je n’ai plus ma place à Paris. »
    Lire aussi « Libertés, égalité, viabilité : la ville-monde face aux défis du siècle » : une conférence « Le Monde » Cities à Paris

    Le couple vient d’emménager à Montbard (Côte-d’Or), une ville bourguignonne de 5 500 habitants située sur la ligne TGV Paris-Dijon. Un changement radical pour le couple, qui fait pourtant partie de la fourchette haute de la classe moyenne, constituée, selon l’Insee, de toutes les personnes dont le revenu disponible est situé entre 1 350 euros et 2 487 euros par mois. « Au final, c’est un vrai soulagement, j’ai le sentiment d’être descendue d’un manège infernal », souffle la jeune femme.

    Professeure de sciences de la vie et de la terre dans un collège du 14e arrondissement de Paris, Karine a déménagé dans le Val-de-Marne fin 2018. Séparée de son mari en 2016, elle a dû revendre l’appartement qu’ils occupaient avec leurs deux enfants, à quelques encablures de son établissement scolaire. « Je me suis retrouvée seule à assumer la charge de la famille, sans pension alimentaire. J’ai loué un trois-pièces 1 600 euros auprès d’un particulier, car les agences immobilières écartaient mon dossier au motif que je ne gagnais pas trois fois le montant du loyer », détaille Karine, qui gagne 2 800 euros par mois. Mais, très vite, « le reste à vivre » de la famille s’étiole.

    L’attente devient interminable pour un logement social. Après deux propositions finalement avortées, à Paris et à Issy-les-Moulineaux, c’est à Villejuif que Karine et ses enfants finissent par poser leurs valises. « Je vis une nouvelle vie. Je redécouvre ce que sont les rapports avec des gens moins favorisés que moi, mais aussi des nuisances sonores que je ne connaissais plus », confie, « aigrie », celle pour qui emménager à Paris au début de sa carrière avait été « un saut qualitatif ».
    Bientôt 10 000 euros le mètre carré

    La capitale est-elle toujours en mesure de loger des enseignants, des infirmiers, des indépendants, des commerçants ou de petits entrepreneurs ? Ni pauvre ni riche, la classe moyenne y a-t-elle encore droit de cité ? A Paris, le montant des loyers a augmenté de 1,4 % en 2018 et de 2,9 % en cas de changement de locataire, soit une hausse supérieure à celle des quatre années précédentes, souligne l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP).

    A l’achat, le coût du mètre carré s’est accru, lui, de 6,4 % en un an et atteint, en moyenne, 9 680 euros, selon les chiffres des notaires et de l’Insee publiés fin mai. D’ici au mois de juillet, il devrait même approcher des 10 000 euros (9 990 euros), en hausse de 27 % depuis mai 2015. Désormais, plus aucun arrondissement n’est à moins de 8 000 euros le mètre carré. Fait nouveau, les quartiers populaires connaissent aussi une envolée des prix : + 13,8 % dans le 19e arrondissement, + 11,4 % dans le 10e. Mais aussi la petite couronne, avec une progression de 4,2 %, voire 4,9 % en Seine-Saint-Denis.

    Avec ses 105 km², Paris intra-muros attire des populations aux profils de plus en plus contrastés, les très riches s’établissant dans « l’ancien » et les très pauvres dans des logements sociaux. L’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) de la région Ile-de-France note un accroissement significatif des ménages les plus aisés dans les 7e et 8e arrondissements.

    L’enrichissement touche également des quartiers proches, « par un effet de diffusion et de consolidation des territoires de la richesse », observe-t-il dans une étude parue début juin consacrée à la gentrification et à la paupérisation en Ile-de-France. Entre 2001 et 2015, la part des ménages très aisés s’est fortement accrue (+ 5 points) dans les 2e et 3e arrondissements, et sensiblement (de 2 à 3 points) dans les 17e, 4e et 1er arrondissements. Les ménages aisés, souvent cadres de profession, investissent aussi les quartiers populaires du nord de Paris. C’est dans le 18e arrondissement que le phénomène est le plus marqué : la part de ménages riches à très riches s’est accrue de 3,6 points et celle relevant des ménages les plus pauvres a baissé d’autant.
    « Un repaire pour super-riches »

    « Si vous faites partie de la classe moyenne, lorsque vous êtes majeur, il faudrait vous inscrire aussitôt sur la liste pour obtenir un logement social !, ironise Martin Omhovère, directeur du département habitat de l’IAU [Institut d’aménagement et d’urbanisme]. Au-delà des prix, le parc de logements parisien n’est pas fait pour les familles des classes moyennes. A 50 %, il se compose d’habitations d’une ou deux pièces, ce qui ne correspond pas aux aspirations d’un couple avec enfants. »

    « Paris est en train de devenir un repaire pour super-riches, corrobore Emmanuel Trouillard, géographe chargé d’études sur le logement à l’IAU. Des familles s’en vont, des écoles ferment dans les arrondissements du centre de la capitale… Le problème de Paris, c’est de maintenir l’accès des classes moyennes au logement intermédiaire et au logement social. »

    Une gageure, même si la ville se targue d’offrir aujourd’hui plus de 20 % de logements sociaux, contre 13 % seulement en 2001, souligne Emilie Moreau, pilote des études sociétales à l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR). Fin 2017, sur plus de 244 000 ménages inscrits comme demandeurs d’un logement social intra-muros, 134 964 étaient déjà des Parisiens. Combien parmi eux finiront-ils par s’établir en dehors de la capitale ?

    « Les très riches à Paris sont plus riches que les très riches à l’échelle du pays. Mais les classes moyennes qui touchent le smic, elles, n’ont pas de primes particulières lorsqu’elles vivent à Paris », relève Robin Rivaton, entrepreneur et auteur de La Ville pour tous (2019, Editions de l’Observatoire). Résultat : « Des professions essentielles au fonctionnement de la métropole, tels les enseignants, les infirmiers ou les policiers, se retrouvent avec de réelles difficultés pour se loger dans la capitale. Difficultés que leurs collègues en province ne rencontrent absolument pas. »

    Une nouvelle catégorie de population tire son épingle de ce jeu immobilier : les touristes. A la faveur du succès des plates-formes comme Airbnb ou Abritel, un marché parallèle s’est créé, venant assécher un peu plus l’offre locative privée. « Airbnb tue beaucoup de quartiers. En quatre ans, le marché locatif traditionnel a perdu 20 000 logements », dénonce Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris chargé du logement.

    L’élu pointe aussi les 100 000 logements vacants et les 100 000 résidences secondaires (en hausse de 40 % en cinq ans) que compte la capitale, sujet d’autant plus brûlant qu’il existe très peu de possibilités pour construire du neuf dans une ville déjà saturée. « Il faudrait réquisitionner les immeubles vides, mais ce droit relève du préfet et non du maire », précise Ian Brossat, qui appelle à une redistribution des compétences. Pour l’heure, l’élu mise sur le retour – après deux ans de suspension – de l’encadrement des loyers qui devrait « donner un appel d’air aux classes moyennes ». A condition, toutefois, que les bailleurs ne choisissent pas exclusivement les locataires aux revenus les plus élevés.

    #France #Paris #urbanisme #Stadtentwicklung #nantis #gentrification

  • « Face à l’urgence climatique, les grandes villes doivent arrêter de se faire plaisir avec des projets expérimentaux »
    https://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2019/05/30/face-a-l-urgence-climatique-les-grandes-villes-doivent-arreter-de-se-faire-p

    Canicules à répétition, risques d’inondation ou au contraire d’étiage de la Seine, pollution de l’air… En septembre 2017, Paris a adopté une stratégie globale de #résilience pour répondre à l’urgence climatique. Ce chantier est piloté par Sébastien Maire, délégué général à la #transition_écologique et à la résilience. Un nouveau métier qui a émergé dans les administrations des grandes villes du monde ces cinq dernières années.

  • Vienne, l’utopie réalisée du logement pour tous

    https://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2019/01/29/vienne-l-utopie-realisee-du-logement-pour-tous_5416087_4811534.html

    Vienne, l’utopie réalisée du logement pour tous

    Pionnière mondiale de l’interventionnisme urbain, la capitale autrichienne a misé dès 1919 sur l’habitat social. Résultat, 62 % des Viennois en bénéficient aujourd’hui.

    #vienne #otto_neurath #logement #urban_matter Autriche

  • « A #Paris, les #inégalités s’aggravent de manière abyssale », Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot
    https://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2019/01/29/michel-pincon-et-monique-pincon-charlot-a-paris-les-inegalites-s-aggravent-d

    La singularité parisienne tient à ses poches de très grande #pauvreté. Les espaces collectifs que sont la rue, le métro chauffé, les passages ou les centres d’hébergement abritent beaucoup de pauvres à Paris. Il y a plus de 10 000 personnes sans domicile. Un ménage sur vingt touche le RSA [revenu de solidarité active]. En 2015, le taux de pauvreté y était de 16,1 %.

    Comment cette cohabitation entre très riches et très pauvres s’organise-t-elle ?

    Il y a, à Paris, un phénomène spectaculaire qui s’apparente à une objectivation spatiale de la lutte des classes. On a, d’un côté, les beaux quartiers à l’ouest et, de l’autre, les quartiers les plus populaires à l’est et au nord. Cohabitent au sein même d’une surface très réduite les richesses les plus insondables et les pauvretés les plus atroces. Mais elles ne se mélangent pas. Une des conditions indispensables à la reproduction des inégalités, c’est que les riches vivent entre eux, dans un entre-soi qui doit être très pur. C’est le cas dans plusieurs arrondissements parisiens, comme le 7e, le 8e, une partie du 17e sud, le 16e, surtout au nord, où l’on voit une concentration de richesse. Qui se prolonge dans les villes limitrophes, comme Neuilly-sur-Seine, Meudon (Hauts-de-Seine) ou Saint-Germain-en-Laye (Yvelines).

    On assiste pourtant à la gentrification des arrondissements du nord-est de Paris. Cette évolution conduit-elle à plus de mixité sociale ?

    A l’est, la population est en train de changer avec l’arrivée d’acteurs investis dans les nouveaux secteurs de l’activité économique et sociale, comme le design, l’architecture, les nouvelles technologies, les médias, le monde de la mode… Ces gens gagnent bien leur vie et sont souvent d’origine populaire, attirés par d’anciens logements ouvriers ou d’anciennes usines réhabilitées.

    Mais la mise en place d’une vraie mixité sociale reste sociologiquement très compliquée et ambivalente. On s’est rendu compte, dans nos études, que la proximité physique a plutôt tendance à exacerber la #distance_sociale. Les jeunes couples avec de bons salaires qui vivent à la Goutte-d’Or (18e) ne se mêlent pas aux familles issues de l’immigration, notamment pour la scolarité. La population blanche va à l’école privée, la population noire, à l’école publique. La violence symbolique est toujours là.

    De nouveaux acteurs économiques, comme Uber et Airbnb, sont en train de transformer le travail et le logement à Paris. A qui profitent ces plates-formes ?

    Elles ne profitent certainement pas à la population. Avec ces plates-formes, on assiste, à Paris comme dans d’autres grandes villes, à une aggravation de la déréglementation des rapports entre les êtres humains, à la destruction des contrats sociaux, fruit de luttes extraordinaires pour la protection de l’humain. On a franchi, avec elles, une étape de plus dans le néolibéralisme, où des entreprises ne sont plus obligées de payer des impôts à leur juste mesure, de réglementer leur profession, de respecter les arrêts maladie… C’est le règne de la loi du plus fort. Ces plates-formes sont en réalité un processus d’« esclavagisation » de jeunes qui ne trouvent pas de travail et prennent des risques fous pour livrer des pizzas à toute allure.

    Sociologiquement, comment cela modifie-t-il Paris ?

    Ce qui se passe est très grave. Sur les conséquences économiques d’Airbnb, le livre de Ian Brossat (Airbnb, la ville ubérisée, La ville brûle) donne des statistiques sur les effets négatifs, sur le prix des logements, sur la crise des hôtels… D’un point de vue sociologique, en favorisant la location à des étrangers ou à des provinciaux de passage, Airbnb empêche l’installation de Parisiens et l’enracinement de gens sur le territoire. Or, on a besoin de racines pour créer l’identité d’une ville.

  • Paris, terrain de jeu de l’innovation, Laetitia Van Eeckhout et Claire Legros
    https://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2019/01/28/paris-terrain-de-jeu-de-l-innovation_5415624_4811534.html

    Si la capitale fait tout pour séduire les entreprises de pointe, elle doit aussi faire face aux plates-formes numériques de l’économie de partage, qui déstabilisent les politiques de la ville.

    Avec sa structure de bois et de métal, ses façades largement vitrées, ses toitures végétalisées et sa cheminée solaire, le bâtiment ressemble à une proue de navire. Il accueillera en 2022, dans le 13e arrondissement de Paris, le nouveau campus parisien de 9 700 mètres carrés de l’université de Chicago (Illinois).

    Si le fleuron universitaire américain a choisi Paris pour construire son siège pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient, c’est pour « sa concentration de pôles de recherche » et ses « sources culturelles et intellectuelles extraordinaires ». « Un signe fort de l’attractivité croissante de la métropole parisienne », se félicite Jean-Louis Missika, adjoint à la maire de Paris chargé de l’urbanisme, du développement économique et de l’attractivité.

    L’élu en a fait l’objectif de ses deux mandatures : transformer Paris en « hub mondial de l’#économie de l’innovation ». Depuis dix ans, l’équipe municipale déploie les grands moyens pour séduire chercheurs et entrepreneurs, en particulier dans le domaine du numérique. Entre 2008 et 2014, plus d’un milliard d’euros ont été investis dans l’accompagnement de start-up, selon les chiffres de la Ville de Paris. Les programmes se sont multipliés pour attirer les entreprises innovantes : fonds Paris Innovation Amorçage, lancé en 2009 en partenariat avec la Banque publique d’investissement pour offrir un financement aux start-up qui choisissent un incubateur parisien ; création en 2015 de l’agence de développement économique Paris & Co, puis de l’Arc de l’innovation pour promouvoir l’innovation au-delà du périphérique en partenariat avec une vingtaine de communes du Grand Paris…

    « Ingénieurs bien formés »
    A la course aux podiums des #métropoles_mondiales, la capitale se hisse désormais dans le peloton de tête des villes les plus attractives, de la troisième à la neuvième place selon les classements. Une dynamique dopée par le contexte international. « Le coût de la vie et le niveau élevé du prix du foncier et des salaires à San Francisco amènent des entrepreneurs à se tourner vers Paris, de même qu’avec le Brexit, beaucoup renoncent à se lancer à Londres », constate Roxanne Varza, directrice de #Station_F, l’incubateur fondé par Xavier Niel, patron de Free (et actionnaire à titre personnel du Monde). Dans ce paradis des geeks et de l’innovation, un tiers des 3 000 #start-up accueillies sont portées par des entrepreneurs étrangers, venant principalement des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, mais aussi de Chine et d’Inde.

    Le contexte international n’explique pas à lui seul le succès de la capitale. Avec son maillage d’universités et de laboratoires publics de recherche, Paris bénéficie d’atouts. « Ce qui fait l’attractivité de la métropole, ce sont ses pôles de recherche et la population des 25-45 ans qui va avec », estime Dominique Alba, directrice de l’Atelier parisien d’urbanisme, qui audite la capitale pour le compte de la Ville de Paris.

    « Pour une start-up, Paris, riche d’une culture scientifique et technique très forte, avec des ingénieurs bien formés, offre un environnement bien plus bénéfique que Londres », assure l’entrepreneur Bertrand Picard, qui a lancé en 2013 Natural Grass, une start-up de fabrication de gazon hybride pour stades de football. Cet ancien banquier chez Rothschild, à Londres, pensait initialement créer son entreprise outre-Manche, mais il a trouvé à Paris le soutien de laboratoires publics de recherche, comme le CNRS ou l’université Pierre-et-Marie-Curie.

    Incubateurs spécialisés
    Selon la dernière étude de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France, Paris compte quelque 150 #incubateurs, souvent spécialisés, dans tous les secteurs ou presque, du tourisme au sport, de l’alimentation à l’aéronautique, en passant par la santé. Peu à peu, les fonds privés ont pris le relais. Et les grandes entreprises, comme Renault ou la SNCF, viennent y frotter leurs unités de recherche et développement aux méthodes agiles des start-up, dans une démarche d’open innovation.

    Pour autant, Paris souffre aussi de faiblesses. Les sociétés d’investissement y sont moins nombreuses qu’à Londres ou New York. Si l’écosystème parisien s’est fortement renforcé en fonds d’amorçage, « il reste difficile d’y trouver des partenaires pour grandir », observe Bertrand Picard. Pour lui, « à la différence des entreprises californiennes comme Uber qui, de #levée_de_fonds en levée de fonds, peuvent étendre leurs services, les boîtes parisiennes qui atteignent un chiffre d’affaires de quelques dizaines de millions d’euros sont souvent amenées à être rachetées pour continuer de croître. » La multiplication des champs d’innovation peut conduire à disperser les forces. « On a d’excellentes boîtes mais on ne les valorise pas, confirme Stéphane Distinguin, président du pôle de compétitivité Cap Digital. Plutôt que d’investir en masse dans un domaine où l’on déciderait d’exceller, on saupoudre. On est encore très loin du modèle qui a permis à la Silicon Valley d’exister. »

    En matière d’emploi, le bilan est aussi mitigé. L’attractivité profite surtout à l’ activité non salariée, en progression de 19 % dans la métropole du Grand Paris de 2011 à 2016 . Au sein de l’Arc de l’innovation, qui concentre la moitié des lieux d’innovation de la métropole, près de 60 000 établissements ont été créés en 2017, la majorité sous le régime de #micro-entrepreneur. Des emplois pour partie portés par le développement des #plates-formes numériques de l’économie de partage.

    « En 2016, en à peine quatre ans d’existence, les sociétés de VTC [voiture de transport avec chauffeur] avaient créé 22 000 emplois en Ile-de-France, ou plutôt 22 000 autoentrepreneurs. Uber occupe le premier rang des créations d’emploi en Seine-Saint-Denis. Certes, aucune entreprise traditionnelle n’aurait été capable d’en faire autant. Mais ces nouveaux emplois d’#autoentrepreneurs posent une sérieuse question de #précarisation et de couverture sociale », relève Thierry Marcou, de la Fondation Internet Nouvelle Génération, coauteur de l’étude « Audacities », parue en avril 2018, sur le thème « Innover et gouverner dans la ville numérique réelle ».

    Crise du logement
    Car de l’innovation, Paris connaît aussi le revers de la médaille. Si son dynamisme séduit les start-up, il profite également aux plates-formes numériques, souvent d’origine américaine, qui ont transformé Paris en terrain de jeu de l’économie de partage. Créatrices de nouveaux services mais aussi d’emplois souvent précaires, celles-ci viennent déstabiliser les politiques de la ville.

    En dix ans, le nombre d’appartements entiers proposés sur le site de location de courte durée Airbnb a explosé dans la capitale, passant de 56 544 en octobre 2016 à 88 670 en mars 2018 (sur 101 873 offres totales) selon l’Observatoire-airbnb.fr, fondé par Matthieu Rouveyre, conseiller municipal de Bordeaux. Un phénomène qui accentue la crise du logement, même si, pour Airbnb, « la forte hausse de la part de logements inoccupés date en réalité de la fin du XXe siècle, bien avant l’arrivée des plates-formes de locations meublées touristiques ».
    Entre la start-up californienne et la Ville de Paris, la guerre est déclarée. Depuis le 1er décembre 2017, les règles se sont durcies : les loueurs doivent être enregistrés auprès de la mairie et ne pas dépasser cent vingt nuitées par an, faute de quoi ils encourent une amende. Mais ces mesures restent largement inappliquées : à peine 10 % des loueurs ont obtempéré.

    La collectivité s’en prend donc maintenant à Airbnb, qu’elle a assigné en justice afin qu’il supprime les annonces illégales, sous peine d’une astreinte de 1 000 à 5 000 euros par jour et par annonce. « Airbnb a des effets positifs, bien sûr. Il représente un complément de revenus pour les Parisiens et a obligé les hôtels à se réinventer mais, en même temps, il ne respecte pas les règles et représente un danger majeur pour le centre de Paris », souligne Jean-Louis Missika, tandis que Ian Brossat, le maire-adjoint au logement, va plus loin et plaide pour l’interdiction de la plate-forme dans les arrondissements du centre.

    Gouvernance de l’espace public
    Comment #gouverner_la_ville quand on ne dispose pas des leviers de régulation nécessaires ? L’irruption des services de partage de véhicules en free floating (ou « sans station ») rebat aussi les cartes de la gouvernance de l’espace public. Pas moins de six applications de partage de trottinettes se sont lancées sur le bitume parisien en 2018, offrant « une alternative à la voiture individuelle en diminuant les risques de congestion », soutient Kenneth Schlenker, directeur de Bird France, société californienne installée à Paris depuis cinq mois. Mais ces nouveaux services posent aussi de sérieux problèmes de sécurité, sur les trottoirs ou les voies de circulation.

    Contrairement à celle des Vélib’, l’activité des plates-formes ne fait pas l’objet d’une délégation de service public. « Aujourd’hui, on n’a aucun moyen d’obliger Amazon à utiliser des véhicules propres pour ses livraisons au dernier kilomètre. Dans la mesure où elle sous-traite la livraison, l’entreprise ne règle même pas ses contraventions », relève Jean-Louis Missika.

    Une charte de bonnes pratiques pour les véhicules en free floating est en chantier. La future loi d’orientation sur les mobilités, dont la présentation au Parlement est prévue fin mars, devrait aussi apporter de nouveaux leviers de régulation, que Jean-Louis Missika verrait bien aller jusqu’à la création de « licences délivrées par la Ville ». A Londres, ce dispositif a permis d’imposer à Uber des contraintes plus strictes en matière de sécurité du public. Une façon aussi d’accéder aux données et de peser sur l’impact environnemental des véhicules.

    Economie circulaire
    En attendant, des acteurs alternatifs tentent de trouver leur place dans le grand bazar parisien des plates-formes. Ils revendiquent une autre vision, non plus collaborative mais coopérative, où les données sont vraiment partagées et les revenus, plus équitablement répartis. C’est le cas de CoopCycle, une coopérative de livreurs à vélo qui vient de se lancer dans la capitale et se revendique comme une alternative à Deliveroo et Foodora.

    Selon Antoinette Guhl, maire-adjointe à l’économie sociale et solidaire (ESS) et à l’économie circulaire, il existe « une vraie demande des habitants de nouveaux modes de production, de distribution et d’entrepreneuriat ». Avec un poids non négligeable sur l’économie : toutes structures confondues (associations, entreprises, mutuelles), l’ESS contribue à 10 % du PIB de la capitale, tandis que l’économie circulaire représente 70 000 emplois directs. « L’urgence climatique nous oblige à penser l’innovation dans une logique plus locale, à taille humaine et qui répond aux grands défis sociaux et écologiques », insiste l’adjointe.

    La #Ville_de_Paris mise désormais sur la chaîne de production, source de création d’emplois, en favorisant l’émergence de fab labs et de makerspaces, dont une partie travaille dans le secteur de l’économie circulaire. En 2018, elle a intégré le réseau des fab cities qui testent de nouveaux modèles urbains pour développer les productions locales.

  • Le projet de « ville Google » prend forme à Toronto
    https://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2018/07/08/le-projet-de-ville-google-prend-forme-a-toronto_5328019_4811534.html

    Les premières expérimentations doivent débuter cet été. Le public s’inquiète de la future gestion des données. A quoi ressemblera la « Google City » de ­Toronto ? Sidewalk Labs, la filiale consacrée à l’innovation urbaine de la maison mère de Google, Alphabet, doit ­dévoiler fin juillet les premières esquisses de son ambitieux projet de smart city dans la ­métropole canadienne. Loin des visions de science-fiction, les images diffusées jusqu’à présent se limitaient à des vues génériques de rues ­piétonnes, (...)

    #Google #algorithme #capteur #domination #solutionnisme #urbanisme