On a beau savoir de quoi il va nous parler, on n’en est pas moins interdit quand David Charles Grusch, 36 ans, détaille les secrets qu’il dit avoir découverts : depuis des décennies, les États-Unis détiendraient, selon lui, des ovnis d’origine « non humaine » dont ils tenteraient d’exploiter la technologie. Le propos, qu’on entendrait plus volontiers dans la bouche d’un complotiste, émane d’un vétéran de l’armée de l’air américaine, agent du renseignement depuis quatorze ans, qui a déclenché une procédure de lanceur d’alerte après avoir transmis des informations à sa hiérarchie.
Quelques heures après être sorti de l’anonymat, lundi, David Grusch nous a accordé un entretien par vidéoconférence. Débit lent mais termes martelés : il semble autant vouloir dire beaucoup que devoir parler peu. En Amérique, le sujet, très politique, n’est plus regardé avec mépris, mais plus que jamais, il requiert une écoute empreinte de prudence.
Avez-vous hésité à parler et pourquoi l’avez-vous fait ?
DAVID GRUSCH. Bien sûr, j’ai hésité, car j’ai passé quatorze ans au sein de la communauté du renseignement américain. J’ai toujours travaillé dans l’ombre et même parfois sous couverture. Être une personnalité publique, avoir mon nom divulgué, c’est un cauchemar. Mais j’ai pensé que le public méritait de connaître certains faits. Il y a des questions que les humains se posent depuis des générations. Si les États-Unis et leurs alliés détiennent des éléments de réponse, ça me paraît mal, éthiquement, de garder ça secret.
Depuis presque quatre-vingt-dix ans, les États-Unis et leurs alliés ont récupéré des fragments d’objets et des objets exotiques, des vaisseaux endommagés ou intacts… Les analyses menées ont apporté la preuve qu’il s’agissait d’objets non humains, en particulier ceux découverts il y a quatre-vingt-dix ans. Les programmes dont je parle étaient consacrés à de la rétro-ingénierie (étude des propriétés d’un objet pour déterminer son fonctionnement interne) à des fins militaires. Et c’est malheureusement la principale utilisation…
Des objets non humains ?
Je n’étais pas sûr de leur origine non humaine, jusqu’à ce que je sois briefé sur l’analyse réalisée par les membres de ces programmes sur ces vaisseaux récupérés.
Quelle pourrait être l’origine de ces objets, s’ils n’étaient pas humains ?
Je suis diplômé de physique. Les données mécaniques et expérimentales montrent que ce n’est pas humain. Ça peut être extraterrestre ou ça peut être autre chose, venant d’autres dimensions telles que décrites par la mécanique quantique. Je n’ai pas vu assez de données pour dire que c’est une chose plutôt qu’une autre. Le gouvernement américain doit avoir plus d’informations.
Peut-on en savoir plus sur les endroits où ces « vaisseaux » ont été récupérés ?
L’un d’eux l’a été en Italie en 1933, c’est le cas le plus ancien sur lequel j’ai été briefé. Je ne peux pas parler des autres.
Que se serait-il passé ?
En 1933, un vaisseau ressemblant à une cloche, de l’ordre d’une dizaine de mètres de grandeur, a été récupéré à Magenta, au nord de l’Italie. Il a été gardé par le gouvernement de Mussolini jusqu’à ce que les agents du Bureau des services stratégiques (OSS, Office of Strategic Services, une ancienne agence de renseignement américaine) le récupèrent en 1944. L’ironie, c’est que c’est antérieur à tout ce dont le public a pu entendre parler pendant des décennies, comme Roswell, etc. J’ai été autorisé à en parler par le bureau de prépublication et d’examen de la sécurité du Département de la Défense.
Vous parlez d’informations dissimulées pendant des décennies : n’avez-vous pas peur de faire le jeu de conspirationnistes ?
Oui, il y a toujours une probabilité que cela pousse d’autres théories conspirationnistes non fondées. L’ironie est que ceci était autrefois une théorie conspirationniste qui se révèle vraie.
Avez-vous vu de vos propres yeux du matériel exotique ?
J’ai vu des choses très intéressantes dont je ne suis pas autorisé à parler publiquement pour l’instant. Je n’ai pas l’approbation.
Vous évoquez des sous-traitants de la défense impliqués dans de la rétro-ingénierie. Seraient-ils nombreux ?
Une poignée de sous-traitants américains sont impliqués, dont certains depuis le début, et ont gardé le secret. Il n’y a pas eu de mise en concurrence.
Vous parlez de rétroconception à visée militaire, mais quelles pourraient être les autres utilisations potentielles ?
Faire progresser des programmes spatiaux avancés, faire avancer la science des matériaux, ce genre de choses ! Les matériaux étudiés pourraient avoir de nouvelles propriétés en matière de conductivité, de solidité, etc. Cela pourrait se traduire par des avancées pour le climat ou encore la santé.
Quels sont les alliés des États-Unis qui auraient participé à ces programmes ?
Ce sont principalement les membres de l’alliance des Five Eyes (« Cinq Yeux »), donc le Canada, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Jusqu’où va votre liberté de parole ?
Je suis toujours lié par mon accord de confidentialité avec le gouvernement américain et je ne peux pas discuter d’informations toujours classifiées. Je peux donc parler publiquement, de manière générale, mais les détails sur les récupérations de matériel sont très limités tant qu’ils ne sont pas déclassifiés.
Vous dites dans votre plainte avoir subi des représailles après avoir alerté l’inspecteur général du Département de la Défense, en 2021. De quoi s’agit-il ?
On a essayé de s’en prendre à mon habilitation de sécurité, on a porté à mon encontre des allégations de faute, des choses comme ça. Pour protéger l’enquête en cours en mon nom, je ne peux pas donner trop de détails. Je pense que dans quelques mois, je pourrai.
Craignez-vous pour votre vie ?
À un moment, il y a eu des menaces de cette nature.
Avez-vous peur pour vous ou vos proches ?
Dans une telle situation, il y a d’abord un vrai risque à rester anonyme, parce qu’il est facile d’attaquer discrètement quelqu’un qui n’a pas de soutien public. Il y a bien sûr un risque à devenir une personne publique, mais ça vaut le coup : le peuple américain peut pousser ses représentants élus et le président à obtenir des réponses. Alors oui, je crains les paparazzis, des gens voudront peut-être m’empêcher de m’exprimer, mais je suis prêt à prendre ce risque.
Qu’allez-vous faire maintenant ?
J’ai plus d’informations que je publierai plus tard. Je veux être un leader d’opinion sur ce sujet. Je lancerai cette année une fondation à but non lucratif pour aider le milieu scientifique à démarrer des protocoles sur ce sujet, depuis les étudiants de premier cycle jusqu’aux diplômés. Ce serait utile parce qu’il n’y a pas de secret dans le système universitaire. Cela permettrait de regarder ces choses, enfin, scientifiquement.