Ovidie : « On a intégré l’idée que la jouissance ne peut se faire que dans la domination »

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    On parle beaucoup du puritanisme du modèle anglo-saxon, mais jamais du courant du féminisme prosexe, qui vient lui aussi des Etats-Unis. Pourquoi ?

    Cette histoire de galanterie à la française - qu’on aime opposer au puritanisme américain - et de rapports de domination soi-disant indispensables à la jouissance, est ancrée dans notre culture, vraiment, depuis qu’on a réédité les textes de Sade [Juliette a été republié en 1945, ndlr], qu’ensuite Pauline Réage est arrivée avec Histoire d’O (1954), puis Bataille, de plus en plus lu dans les années 50. Toute cette période où l’on commence à s’astiquer sur la jouissance de la transgression et durant laquelle apparaît l’idée, même dans la psychanalyse, que « toute jouissance est une jouissance de la transgression ».Ce qui est vite devenu : « Toute jouissance est forcément une jouissance de la domination. » Une partie de l’élite intellectuelle s’est alors amusée à jouer à « fouette-fouette ». Grand bien leur fasse, je n’ai pas de problème avec les rapports sado-masochistes. Mais ils ont été survalorisés, intellectualisés, comme s’il s’agissait du plaisir le plus raffiné, du stade ultime de la sexualité. L’idée que les femmes se révèlent grâce à un homme est encore très présente : le succès de 50 Nuances de Grey en atteste. La révélation sexuelle d’une femme passe par les bras d’un homme, a fortiori d’un homme dominant.

    On ne veut pas en démordre. Or, le discours des féministes prosexe, ça n’était pas ça du tout. Il portait une forme de jouissance joyeuse, dans l’ouverture totale à l’autre… Et fondée sur le consentement ! C’était quand même ça, le deal du féminisme prosexe : on peut aller loin, se fister, s’attacher, mais la base de tout c’est la bienveillance et le respect de l’autre. Ce discours a longtemps été peu audible à cause des conservateurs. Et plus on a évolué vers une forme d’hyperérotisation de la société, plus on a reproduit la domination masculine, sauf que cette fois-ci elle était hyper-érotisée. C’est la raison pour laquelle le discours féministe prosexe n’a jamais été complètement audible : il participait d’un mouvement de libération et tout mouvement de libération est destiné à être étouffé, ou récupéré par le spectacle et dénaturé