• Un « serment d’Hippocrate » pour les professionnels de l’intelligence artificielle
    https://www.lemonde.fr/festival/article/2018/07/05/un-serment-d-hippocrate-pour-les-professionnels-de-l-intelligence-artificiel

    Deux collectifs proposent chacun un code éthique destiné aux professionnels qui collectent des données numériques et conçoivent des algorithmes. Les professionnels de la collecte des données numériques et de l’intelligence artificielle (IA) seront-ils bientôt invités à prêter serment à la fin de leurs études, comme le font les médecins ? Face aux scandales liés à l’utilisation frauduleuse des données personnelles et à la crise de confiance des utilisateurs, les initiatives se sont multipliées ces derniers (...)

  • Macron : "Je ne peux pas accepter..."

    Pour Macron, la lutte antiterroriste au Sahel est à un tournant - Reuters
    https://fr.reuters.com/article/idFRKBN1YR0DS
    https://s3.reutersmedia.net/resources/r/?m=02&d=20191223&t=2&i=1467460363&w=1200&r=LYNXMPEFBM07O

    Je ne peux pas accepter d’envoyer nos soldats sur le terrain dans les pays où cette demande (de présence française-NDLR) n’est pas clairement assumée”, a-t-il ajouté.

    Emmanuel Macron : « Je ne peux pas accepter la haine, la violence et l’irrespect »
    https://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/emmanuel-macron-je-ne-peux-pas-accepter-la-haine-la-violence-et-l-irrespect-1

    Emmanuel Macron : « Je ne peux pas accepter la haine, la violence et l’irrespect »

    La restitution des œuvres d’art à l’Afrique en débat au Monde Festival
    https://www.lemonde.fr/festival/article/2019/10/05/la-restitution-des-uvres-d-art-a-l-afrique-en-debat-au-monde-festival_601437

    Emmanuel Macron le disait dans son discours de Ouagadougou : « Je ne peux pas accepter qu’une large part du patrimoine historique africain soit en France. »

    Macron ne peut "accepter" de voir le FN au second tour en 2017
    https://www.europe1.fr/politique/macron-ne-peut-accepter-de-voir-le-fn-au-second-tour-en-2017-2891963

    « Je ne veux pas, je ne peux pas accepter que, dans mon pays, les symboles de notre histoire commune puissent diviser la société, parce qu’on les a laissés en quelque sorte se faire prendre par le FN », et « je ne veux pas que, dans mon pays, une colère, qui est parfois justifiée, devienne le monopole d’un parti qui salit la République », a-t-il martelé.

    J’ai trouvé un nouveau trope macronien, après "je n’aime pas". J’ai tilté à propos de la restitution des œuvres, qui n’est pas une pensée singulière et individuelle du gars Macron mais qui correspond bien à un mouvement global de reconnaissance des spoliations. Mais non, le type cause comme s’il avait eu tout seul l’idée...
    #égotisme

  • La peintre Kay Sage, une surréaliste solitaire et singulière
    https://www.lemonde.fr/festival/article/2019/08/16/la-peintre-kay-sage-une-surrealiste-solitaire-et-singuliere_5500093_4415198.

    Femmes artistes oubliées (5/6). Formant avec Yves Tanguy l’un des couples de l’avant-garde culturelle en France et aux Etats-Unis dans les années 1940-1950, elle a suivi une voie très personnelle avant de finir par abandonner toute activité picturale pour se consacrer uniquement à la promotion de son époux défunt.

    Elle était la surréaliste d’Albany, l’Américaine à Paris, la femme d’Yves Tanguy. Elle était, surtout, une peintre singulière. Les manuels d’histoire de l’art ? Ils ne gardent guère de souvenirs de Kay Sage, même si ses toiles sont entrées dans les prestigieuses collections new-yorkaises du MoMA et du Whitney Museum. Une « sous-Tanguy », condamnée à rester dans l’ombre du peintre de Locronan (Finistère) ? Katherine Linn Sage commence à sortir de l’oubli, grâce à la réécriture salvatrice de l’histoire orchestrée par les théoriciennes féministes. Elle n’était pas de ces muses muettes que vénérait la clique surréaliste. Mais bel et bien une femme puissante, et une grande artiste.

    #femmes #femme_de #historicisation

  • Chronik sur Twitter : ""« Tout ce à quoi j’assiste, à #Gaza et dans les territoires palestiniens, comme témoin, c’est beaucoup… beaucoup… » Sa voix se brise. Son regard est noir et triste.". #Amira_Hass, une #journaliste israélienne, une Juste. #Palestine https://www.lemonde.fr/festival/article/2019/08/15/de-l-education-sarajevienne-a-la-cause-palestienne_5499759_4415198.html" / Twitter
    https://twitter.com/Chronikfr/status/1162304074487881731

    #sionisme

    • Lorsque son journal, Haaretz, lui demande en 1993 de couvrir l’actualité palestinienne, elle décide de partir à Gaza et de « vivre l’occupation ». Puisque Israéliens et Palestiniens vivent séparés, il lui faut être chaque jour au plus près de ceux dont elle raconte la vie. Quatre ans plus tard, elle déménage à Ramallah, la « capitale » d’une Palestine non reconnue et elle-même divisée en territoires et enclaves. Elle y vit toujours, dans un immeuble anonyme et sans charme du faubourg d’El-Bireh, au milieu de plantes vertes et de centaines de livres.

      Amira Hass a trois raisons de vivre avec les Palestiniens plutôt qu’à Jérusalem. La première est qu’elle estime que c’est « une décision normale pour une journaliste », une question de conscience professionnelle. La seconde est que c’est « une décision normale pour une fille de communistes : ce n’est pas un acte de rébellion mais la continuité de ce à quoi je crois », raconte la militante, qui récolte autant de prix internationaux de défense des droits de l’homme que de journalisme.

      pour la troisième raison : La suite est réservée aux abonnés.

    • Quand on se met en mode lecture sur les appareils “Apple” on a droit à plus de paragraphes :

      Amira Hass ne mentionne jamais la troisième raison, estimant que ni Israéliens ni Palestiniens ne la comprendraient. Elle ne les intéresserait d’ailleurs sans doute pas. Cette raison-là vient d’une culture lointaine et a une part d’irrationnel : la mère d’Amira Hass est de Sarajevo. Au-delà de ses convictions communistes et pacifistes, elle a ainsi donné à sa fille, admet la journaliste en souriant, « une éducation sarajévienne ».

      La Yougoslavie comme une « mère patrie »

      Hanna Lévy-Hass est née à Sarajevo un an avant que Gavrilo Princip, du mouvement révolutionnaire lié aux services secrets serbes Jeune Bosnie, tue d’une balle de pistolet dans le cou, le 28 juin 1914, l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’Empire austro-hongrois, déclenchant la première guerre mondiale.

      Elle est issue, comme l’immense majorité des juifs sarajéviens, d’une famille sépharade dont les ancêtres sont arrivés dans les Balkans après leur expulsion de la péninsule Ibérique par les rois catholiques en 1492. Après des études à Belgrade, elle enseigne au Monténégro lorsque la seconde guerre mondiale embrase l’Europe. Tandis que son père meurt de faim dans une cache de Sarajevo, elle est arrêtée et déportée.

    • De l’« éducation sarajévienne » à la cause palestinienne
      Rémy Ourdan, Le Monde, le 15 août 2019

      Sarajevo-Jérusalem (5/6). Fille d’une survivante sarajévienne de Bergen-Belsen, Amira Hass vit depuis vingt-cinq ans en Cisjordanie. Cette reporter et éditorialiste au quotidien « Haaretz » défend sans relâche la cause palestinienne dans les colonnes de son journal.

      Dans l’interminable et douloureux conflit israélo-palestinien, Amira Hass est l’unique Israélienne juive à avoir décidé seule, en conscience, de vivre depuis vingt-cinq ans dans les territoires palestiniens occupés.

      Lorsque son journal, Haaretz, lui demande en 1993 de couvrir l’actualité palestinienne, elle décide de partir à Gaza et de « vivre l’occupation ». Puisque Israéliens et Palestiniens vivent séparés, il lui faut être chaque jour au plus près de ceux dont elle raconte la vie. Quatre ans plus tard, elle déménage à Ramallah, la « capitale » d’une Palestine non reconnue et elle-même divisée en territoires et enclaves. Elle y vit toujours, dans un immeuble anonyme et sans charme du faubourg d’El-Bireh, au milieu de plantes vertes et de centaines de livres.

      Amira Hass a trois raisons de vivre avec les Palestiniens plutôt qu’à Jérusalem. La première est qu’elle estime que c’est « une décision normale pour une journaliste », une question de conscience professionnelle. La seconde est que c’est « une décision normale pour une fille de communistes : ce n’est pas un acte de rébellion mais la continuité de ce à quoi je crois », raconte la militante, qui récolte autant de prix internationaux de défense des droits de l’homme que de journalisme.

      Amira Hass ne mentionne jamais la troisième raison, estimant que ni Israéliens ni Palestiniens ne la comprendraient. Elle ne les intéresserait d’ailleurs sans doute pas. Cette raison-là vient d’une culture lointaine et a une part d’irrationnel : la mère d’Amira Hass est de Sarajevo. Au-delà de ses convictions communistes et pacifistes, elle a ainsi donné à sa fille, admet la journaliste en souriant, « une éducation sarajévienne ».

      La Yougoslavie comme une « mère patrie »

      Hanna Lévy-Hass est née à Sarajevo un an avant que Gavrilo Princip, du mouvement révolutionnaire lié aux services secrets serbes Jeune Bosnie, tue d’une balle de pistolet dans le cou, le 28 juin 1914, l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’Empire austro-hongrois, déclenchant la première guerre mondiale.

      Elle est issue, comme l’immense majorité des juifs sarajéviens, d’une famille sépharade dont les ancêtres sont arrivés dans les Balkans après leur expulsion de la péninsule Ibérique par les rois catholiques en 1492. Après des études à Belgrade, elle enseigne au Monténégro lorsque la seconde guerre mondiale embrase l’Europe. Tandis que son père meurt de faim dans une cache de Sarajevo, elle est arrêtée et déportée.

      L’histoire d’Hanna Lévy-Hass dans les camps nazis est connue grâce à son poignant Journal de Bergen-Belsen (Seuil, 1989). Après la Shoah, c’est sa fille qui a retracé la vie familiale dans Notes on my Mother et On my Parents, deux récits publiés en préface et postface de l’édition américaine du livre de sa mère (Diary of Bergen-Belsen, Haymarket, 2009).

      Elle écrit comment la communiste Hanna Lévy a épousé la création de la Yougoslavie. « Les juifs se sentaient bien dans la nouvelle fédération, un mélange d’identités religieuses et ethniques sous un seul régime. Peut-être se sentaient-ils bien avec le potentiel non ethnique et égalitaire d’une fédération où leur identité juive n’était qu’un élément – ni inférieur ni supérieur – d’une mosaïque riche et colorée. Elle se sentait égale parmi des égaux. » C’est ainsi qu’Hanna Lévy regarde la Yougoslavie de 1945, comme une « mère patrie », écrit sa fille, ce qu’elle aura du mal à faire pendant les décennies suivantes en Israël.

      Une errance sans fin

      La jeune communiste yougoslave émigre en 1949, un an après la création de l’Etat juif. « Après le choc des camps de concentration et comme beaucoup de survivants de l’Holocauste, elle ne s’y est pas sentie particulièrement bien accueillie », raconte Amira Hass.

      Déçue, Hanna Lévy retourne à Belgrade. Elle s’y sent certes yougoslave et communiste, en harmonie avec le projet de Tito, mais elle y est également déçue par le peu de considération envers les survivants du génocide. Elle revient en Israël où, dit Amira, « elle ne s’est jamais sentie chez elle ». Comme si l’errance ne devait pas avoir de fin. Comme s’il était devenu impossible de trouver une terre, une maison, une communauté à embrasser après Bergen-Belsen, après l’extermination.

      Hanna Lévy n’a curieusement jamais tenté de revenir dans sa ville natale. Pourtant, « elle parlait tout le temps de Sarajevo », dit sa fille. Sarajevo, la nouvelle Tolède, la ville de la coexistence communautaire, la cité où le temps s’arrête, pour privilégier la douceur de vivre et la relation au voisin – sauf lorsque l’histoire la rattrape, comme en 1941 avec l’arrivée des nazis et de leurs alliés croates oustachis, ou en 1992, avec le siège de l’armée serbe.

      La survivante de Bergen-Belsen a plaisanté toute sa vie sur ce déracinement et l’impossibilité de trouver une nouvelle maison. « Ses blagues favorites, se souvient Amira, concernaient toujours des réfugiés juifs européens. » La première est celle d’un juif qui, ayant décidé de quitter l’Europe, se rend dans une agence de voyages. On lui demande où il veut aller. En URSS ? Non, trop dictatorial. Aux Etats-Unis ? Non, trop capitaliste. En Afrique du Sud ? Non, trop raciste. En Israël ? Non, trop de guerres, et trop de juifs. Alors, finalement, le juif demande : et auriez-vous une autre planète ?

      La seconde est celle d’un juif qui, ayant décidé de quitter l’Europe, se rend en Israël. Après quelques mois, l’Europe lui manque et il y retourne. Puis Israël lui manque et il y retourne. Et ainsi de suite, en permanence, pendant des années. Alors quelqu’un lui demande où il se sent le mieux, en Europe ou en Israël ? Et le juif répond : sur la route, en chemin.

      Réfugiée en Israël, le pays où elle ne se sentira jamais chez elle, Hanna Lévy adhère au Parti communiste israélien, avec le même naturel qu’elle était membre du Parti communiste de Yougoslavie. Elle y rencontre son futur mari, Abraham Hass, un réfugié roumain.

      Le communisme israélien est très différent du communisme européen : « En URSS et en Europe de l’Est, être communiste signifiait faire partie d’une nomenklatura ; en Israël, cela voulait dire être dissident », note Amira Hass. Le parti de l’époque réunit juifs et Arabes « contre la politique coloniale israélienne ».

      Ce communisme à l’israélienne et l’« éducation sarajévienne » infusée par sa mère font que la future journaliste d’Haaretz n’a pas une enfance classique. « Un enfant israélien apprend très jeune que l’Arabe est un ennemi, un monstre. Chez nous, il y avait toujours des étudiants palestiniens qui vivaient là. J’avais davantage tendance à m’identifier à l’opprimé… »

      Après les tueries de Sabra et Chatila, au Liban, en 1982, commises par les phalangistes chrétiens libanais protégés par l’armée israélienne, sa mère décide de reprendre la route. « Elle en avait définitivement assez d’Israël », dit sa fille. Elle émigre pendant une décennie en Belgique, puis à Paris. « La blague du juif éternellement sur la route, en fait, c’est ma mère elle-même, en conclut Amira. Elle n’était venue vivre en Israël qu’à cause de l’antisémitisme génocidaire en Europe, mais elle se sentait bien dans la diaspora. Elle n’est jamais devenue sioniste. L’idée de la diaspora était pour elle une idée naturelle. »

      « Tous mes mondes se sont effondrés »

      Finalement revenue à Jérusalem, Hanna Lévy-Hass voit, un an avant sa mort, le conflit israélo-palestinien reprendre en 2000 avec la seconde Intifada. Mère et fille ne croient de toute façon pas au processus de paix enclenché en 1993 à Oslo : pour elles, l’origine du problème est dans la colonisation israélienne de la Palestine, pas uniquement dans les pics de violence d’une guerre sans fin.

      Avant de mourir, l’éternelle réfugiée juive sarajévienne confie : « Tous mes mondes se sont effondrés. » Amira explique que sa mère a perdu tour à tour « le monde juif de la diaspora, avec l’Holocauste ; le monde socialiste, avec l’échec des pays communistes ; le monde yougoslave, avec l’effondrement de la Yougoslavie ; puis le monde israélien, à cause de la politique envers les Palestiniens ».

      Lorsque la Yougoslavie s’embrase pendant la dernière décennie du XXe siècle et que Sarajevo est assiégée, Amira Hass vient de quitter Jérusalem pour Gaza. Elle sent bien qu’il se joue là-bas, dans la ville natale de sa mère, quelque chose d’essentiel pour quiconque s’intéresse au sort de la planète. « J’étais anéantie, mais je ne parvenais pas à être investie émotionnellement pour deux endroits. » Concentrée sur le reportage qui va devenir sa vie, elle fait en sorte de ne pas trop regarder vers Sarajevo.

      Amira Hass connaît chaque sentier de la Cisjordanie

      « Tout ce à quoi j’assiste, à Gaza et dans les territoires palestiniens, comme témoin, c’est beaucoup… beaucoup… » Sa voix se brise. Son regard est noir et triste.

      Un matin, à Ramallah, elle a entendu dire que des colons juifs ont attaqué le village de Jalud et brûlé des oliviers de la famille de Fawzi Ibrahim. Cela fait quelques années qu’Amira Hass ne couvre plus l’actualité quotidienne palestinienne et chaque incident lié au conflit, mais elle est toujours à l’affût d’histoires significatives pour ses trois articles hebdomadaires – un reportage et deux éditoriaux – et elle connaît cette famille depuis vingt ans.

      Elle se souvient de Fawzi Ibrahim, mort deux ans auparavant, comme d’un paysan particulièrement déterminé, ne se résignant jamais à l’incendie volontaire de ses oliviers à intervalles réguliers et n’hésitant pas à lancer des procédures judiciaires jusqu’à la Cour suprême. « Un Palestinien a besoin d’un avocat de sa naissance à sa mort », constate-t-elle amèrement.

      Amira Hass connaît chaque sentier, chaque recoin de la Cisjordanie occupée et fracturée. Elle raconte, au détour des collines, l’expansion des colonies juives. Elle remarque qu’elle doit emprunter un chemin de terre différent de celui de sa dernière visite. La carte de la Palestine n’arrête pas de changer, d’évoluer au gré de la colonisation.

      Arrivée à Jalud, elle mène son enquête. Elle rend visite aux cinq fils de Fawzi Ibrahim. Le cadet, Mahmoud, l’emmène voir l’école du village, attaquée par les colons masqués qui ont ensuite mis le feu aux champs d’oliviers. Elle récupère une vidéo de surveillance, elle compare les témoignages, les heures d’appel aux pompiers et leur intervention. Dans le reportage publié cette semaine-là, elle rappelle que les règles de l’occupation israélienne n’autorisent cette famille à se rendre dans ses champs et à récolter les olives que cinq jours par an. Elle retrace l’histoire des colonies de Shyut Rachel et d’Ahiya, établies autour de Jalud, qui demandent que l’armée israélienne interdise définitivement aux fils de Fawzi Ibrahim d’accéder à leurs champs d’oliviers, afin de pouvoir s’approprier leurs terres.

      Après le reportage suit dans les colonnes d’Haaretz son éditorial, dans lequel Amira Hass compare Israéliens et Palestiniens se masquant le visage pour mener des actions violentes. Elle frappe dur et les mots employés ne sont pas ceux que l’on entend généralement en Israël. Pour elle, les hommes masqués qui attaquent un village palestinien tel que Jalud sont « affreux et méprisables », tandis que les Palestiniens qui manifestent masqués devant la barrière de séparation de Gaza sont « beaux et touchants ». Elle note que pour les colons, n’ayant rien à craindre de la découverte de leurs identités, l’objectif de porter un masque est d’« imposer la terreur ». Elle pense, en revanche, que les manifestants palestiniens se masquent par nécessité de dissimuler leur identité à l’armée et à la police.

      Commentant l’usage de la violence, et notamment du jet de pierres devenu un phénomène commun aux jeunes colons juifs et aux jeunes Palestiniens, elle voit là aussi une différence : le colon visant les fermiers palestiniens est « un criminel qui s’inscrit dans un soutien aux crimes du gouvernement », tandis que le Palestinien visant l’armée et la police israéliennes répond à « son droit et son devoir historique de s’insurger contre un ennemi ».

      Pour Amira Hass, le premier se situe dans « la même tradition que le racisme pathologique du Ku Klux Klan aux Etats-Unis », tandis que le second s’inscrit dans « le continuum des combattants de la liberté ».

      Partisane de la coexistence intercommunautaire

      S’ensuit une liste de ces combattants ayant été forcés d’agir clandestinement et ayant marqué l’histoire avec, parmi eux – référence probablement incongrue pour un lecteur israélien ou palestinien –, le partisan yougoslave, du nom du mouvement de résistance de la seconde guerre mondiale.

      On comprend qu’Amira Hass, qui aurait certes pu développer ces convictions personnelles avec un autre héritage, n’est pas la fille d’Hanna Lévy pour rien. Contrairement à sa mère, elle n’a jamais été membre du mouvement communiste – « aucun parti, aucune Eglise », dit-elle –, mais ses vingt-cinq années de vie avec les Palestiniens font qu’un retour en arrière n’est pas envisageable.

      Cette partisane de la coexistence intercommunautaire méprise profondément ce que le sionisme et la création de l’Etat juif ont entraîné pour les autres communautés sur cette terre de Palestine. « Ce sont l’antisémitisme en Europe, l’extermination par les nazis et le refus du monde entier d’accueillir les juifs qui ont entraîné le sionisme. Si les juifs avaient eu des refuges, le sionisme aurait échoué, car l’idée de vivre comme une diaspora est très naturelle pour les juifs… », croit-elle. Tout en reconnaissant que « les Palestiniens ont tendance à idéaliser le passé », elle pense qu’« avant le sionisme, avant la déclaration de Balfour [1917] et la création d’Israël [1948], à Jérusalem, il y avait différentes communautés qui vivaient sans que l’une d’elles domine les autres ».

      « C’est de l’épuration ethnique »

      Elle en revient aux ancêtres de sa mère, expulsés d’Espagne et accueillis dans l’Empire ottoman, à Sarajevo. Elle croit que, de même que les jeunes Israéliens grandissent aujourd’hui avec « de fausses informations sur les Palestiniens », les générations précédentes ont été abreuvées d’histoires sur « la cruauté des Ottomans ». Elle note avec satisfaction qu’une nouvelle historiographie revisitant l’époque ottomane voit actuellement le jour, reconnaissant les bienfaits qu’elle a pu avoir sur Jérusalem et la Palestine. « Les gens étaient racistes, admet-elle. Mais ils vivaient ensemble, et aucune communauté ne dominait l’autre. »

      Amira Hass est aujourd’hui désespérée par la situation. Celle qui, il y a vingt-cinq ans, ne croyait déjà pas au processus de paix, voit dans la colonisation israélienne un processus irréversible. « La politique d’Israël, en résumé, c’est : le plus possible de territoires, avec le moins possible de Palestiniens. » Ayant fait son deuil de la gauche israélienne, car « il ne peut pas y avoir de gauche quand on soutient la colonisation et l’apartheid », elle pense qu’Israël « tente de pousser les Palestiniens hors de leur pays par tous les moyens ». Faisant écho aux concepts politiques de la seconde guerre mondiale, elle emploie une référence apparue pour la première fois dans le New York Times en 1992 à l’occasion de la guerre de Bosnie : « C’est de l’épuration ethnique. »

      De telles convictions, brandies au fil de ses chroniques – dont celles de la première décennie ont été publiées en France dans Boire la mer à Gaza et Correspondante à Ramallah (La Fabrique, 2001 et 2004) –, font qu’Amira Hass est parfois qualifiée de « traître » en Israël. D’autres la vénèrent pour son intégrité et son radicalisme. Et beaucoup l’ignorent tout simplement, peu intéressés par ce qu’elle a à écrire sur les territoires palestiniens, cet autre monde. « Mes articles sont, je crois, davantage lus sur le site en anglais d’Haaretz, dit-elle en souriant, que dans le journal en hébreu. »

      Imaginant mal de retourner vivre à Jérusalem après vingt-cinq ans passés en territoire palestinien, elle conclut en riant : « Finalement, je suis une juive typique : j’aime vivre en tant que minorité, j’aime vivre dans la diaspora. » Pour une minorité, elle est servie, puisqu’elle est seule.

      Amira Hass vit comme si elle avait amené les idées qu’elle partageait avec sa mère à leur paroxysme. Elle ne voit pas les descendants de son père roumain, car « ce sont des colons ». Elle ne fait aucune concession.

      A la fin de ces conversations menant de Sarajevo à Ramallah en passant par Bergen-Belsen et Jérusalem, elle murmure tout d’un coup : « Peut-être devrais-je boucler la boucle et aller finir ma vie à Sarajevo. » Elle ne connaît rien de cette ville dont sa mère lui a tant parlé. Tout juste admet-elle écouter passionnément Damir Imamovic, le maître sarajévien de la sevdalinka, la musique traditionnelle bosnienne, sans comprendre un seul mot des paroles, lorsqu’elle parcourt la Cisjordanie en voiture. Elle éclate de rire à l’idée de Sarajevo, comme si elle y puisait une énergie revigorante : « Le moment est peut-être enfin venu de m’enfuir d’ici… »

  • La cinéaste #Alice_Guy, près de mille films et cent ans d’oubli
    https://www.lemonde.fr/festival/article/2019/08/12/la-cineaste-alice-guy-pres-de-mille-films-et-cent-ans-d-oubli_5498658_441519

    La cinéaste Alice Guy, près de mille films et cent ans d’oubli

    Femmes artistes oubliées (1/6). Née en 1873, la première réalisatrice de l’histoire du cinéma, qui a travaillé, entre autres, aux côtés des frères Lumière et de Léon Gaumont, a vu son œuvre réduite à néant.

    #cinéma

  • « #Nature », la prestigieuse revue que les chercheurs adorent détester

    Actrice centrale de la recherche, l’édition scientifique traverse des turbulences. Visite des cuisines du titre de référence, qui fête ses 150 ans.

    Sous l’empire des revues (1|6). Leur #pouvoir est immense. Elles font et défont les carrières des chercheurs. Elles servent à classer les pays, les universités ou les individus. Elles génèrent de juteux #profits. Elles, ce sont les revues scientifiques. Quarante mille dans le monde (dont 33’000 en anglais), pour 3 millions d’articles de recherche publiés chaque année et près de 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2017, selon l’Association internationale des éditeurs scientifiques, techniques et médicaux. En ajoutant les livres, les bases de données professionnelles… le marché pèse près de 23 milliards d’euros, soit plus que le marché de la musique (17 milliards d’euros en 2018).

    Pourtant le secteur traverse de sévères turbulences car ses titres parfois multicentenaires, devenus des acteurs incontournables de la recherche, se voient critiqués pour leur lucrativité, les failles de leur contrôle qualité ou les barrières qu’elles mettent à l’accès à la connaissance. Au point que des alternatives éditoriales commencent à les bousculer. Avant que ces géants ne deviennent peut-être des dinosaures, Le Monde dresse cet été le portrait de six d’entre eux.

    A commencer par l’un des plus vénérables, la souvent dénommée « prestigieuse revue Nature », qui fêtera en novembre son 150e anniversaire.

    « Ceux qui débinent Nature sont les premiers à rêver d’y être publiés », tempête Philippe Froguel, professeur d’endocrinologie-diabétologie au CHRU de Lille et à l’Imperial College de Londres. Comment mieux souligner la relation amour-haine suscitée par le célèbre journal ?

    COURSE AU PROFIT
    Côté « haine », on trouve un taux de rejet de
    92 %, qui fait beaucoup de déçus et peu
    d’élus : seuls 800 articles sont publiés chaque
    année pour 10 000 reçus environ. On lui
    reproche aussi une course au profit car elle
    appartient à l’un des cinq plus gros éditeurs
    commerciaux, l’allemand Springer, qui depuis
    le rachat du journal en 2015 s’est rebaptisé
    Springer Nature. Le groupe a eu un chiffre
    d’affaires de 1,64 milliard d’euros en 2017 selon
    le quotidien Handelsblatt, pour 374 millions
    de bénéfices. « C’est regrettable que ce
    qui compte désormais c’est l’endroit où un article
    est publié et pas son contenu », peste un
    physicien… ayant déjà publié dans Nature et
    qui tient à garder l’anonymat. La recherche
    du sensationnel, que la revue réfute formellement,
    lui est aussi reproché, conduisant parfois
    à des publications de travaux pas aussi
    révolutionnaires qu’annoncé.


    https://www.lemonde.fr/festival/article/2019/07/16/nature-la-prestigieuse-revue-que-les-chercheurs-adorent-detester_5489786_441
    #science #université #édition_scientifique #prestige #pouvoir

  • En URSS, les étranges machines de jeu du pouvoir
    https://www.lemonde.fr/festival/article/2019/07/29/en-urss-les-etranges-machines-de-jeu-du-pouvoir_5494469_4415198.html


    BRUNO MANGYOKU

    série d’été apparemment bien sympathique, malheureusement derrière #paywall

    Le bloc de l’Est à fond les manettes (1/6). En 1974, le régime soviétique se lance dans la fabrication de bornes de jeux vidéo. Dans la population, ces productions atypiques suscitent un mélange de méfiance et de sympathie.

    L’URSS n’était déjà plus que grisaille et déprime, celles d’une société sclérosée par le communisme finissant. Trente ans plus tard, des Russes qui ont grandi dans les années 1970 et 1980 témoignent pourtant avec clémence et nostalgie d’un quotidien pour eux plus doux. Parmi leurs meilleurs souvenirs, un des produits les plus inattendus de l’ère soviétique : les jeux vidéo.

    Complètement inconnus de l’Occident, ils s’appellent Morskoï Boï, Repka, Magistrali ou encore Konek Gorbunok. Du temps de l’URSS, on les trouvait dans les cinémas, parfois les maisons de la culture et les parcs de loisirs. Aujourd’hui, ces productions à l’aspect délicieusement vintage font le succès du Musée des machines d’arcade soviétiques, un lieu ouvert en 2007 à Moscou.

    Chaque jour, des dizaines de trentenaires et de quadragénaires russes, baltes, biélorusses ou ukrainiens viennent glisser de vieilles piécettes de 15 kopecks dans la fente des appareils pour relancer les jeux qui, pour les plus âgés, leur rappellent leur enfance.

    A l’origine de cette production inattendue, Attraction-71, une foire professionnelle ayant réuni à Moscou, en 1971, les plus grands constructeurs mondiaux d’un marché alors en plein essor, celui des machines de jeu de type flipper. La population est enthousiaste. « En URSS, les gens avaient besoin de divertissement, de cinéma, de musique, de tout ce qui permet de s’évader… Cela permettait de se changer les idées et d’oublier un peu la lourdeur et les contraintes de la vie soviétique », explique Timour Seifelmioukov, animateur du podcast russe de jeu vidéo « Zavtracast ».

  • « Face à l’effondrement, il faut mettre en œuvre une nouvelle organisation sociale et culturelle »

    Par Agnès Sinaï, Pablo Servigne, Yves Cochet

    Le Monde du 23 juillet 2019.

    Vivre avec la fin du monde 1/6.
    Trois membres de l’Institut Momentum appellent à assumer l’effondrement systémique global qui vient pour préparer l’avènement d’une société « résiliente ».

    La fin de notre monde est proche. Une ou deux décennies, tout au plus. Cette certitude qui nous habite désormais, et qui a bouleversé nos croyances et nos comportements, est le résultat d’observations scientifiques nombreuses et variées sur l’évolution du système Terre, mais aussi de l’expression de caractéristiques banales de l’espèce humaine lorsqu’un événement extraordinaire s’annonce.
    Depuis une trentaine d’années, les études et les rapports scientifiques ne cessent d’augmenter la plausibilité d’un seuil climatique planétaire qui fera basculer le système Terre dans un état inconnu, nanti de températures moyennes plus hautes que depuis un million d’années. La probabilité d’un tel futur proche est aujourd’hui plus élevée que celle de tout autre scénario prospectif.
    Ce n’est plus une question de « si », c’est une question de « quand ». En examinant les centaines de travaux afférents, depuis le premier rapport du Club de Rome – Les Limites à la croissance – en 1972, jusqu’au récent rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) – « Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C » –, en octobre 2018, on peut estimer la date de passage de ce seuil planétaire entre 2020 et 2040.
    Trajectoire chaotique
    Ce seuil critique global est la conséquence de multiples boucles de rétroaction autorenforçantes entre éléments du système Terre, dévasté par un siècle de libéral-productivisme. Ainsi, pour le seul cycle du carbone, la fonte du permafrost sibérien, l’affaiblissement du pouvoir de séquestration du carbone par les terres et les océans, la déforestation de l’Amazonie et celle des forêts boréales constituent des boucles de rétroaction qui accélèrent le dérèglement climatique.
    Ces rétroactions s’étendent à tous les sous-systèmes de la Terre, intensifiant ainsi l’érosion de la biodiversité, et réciproquement. Cette trajectoire chaotique du système Terre conduit les sociétés humaines vers un effondrement systémique global : passé ce seuil de bascule, le chaos sera tel qu’aucun Etat ne sera plus capable de faire respecter la loi, de contrôler les armes, de lever des impôts.
    Cependant, ce basculement n’est que la composante objective de l’effondrement. Deux caractéristiques cognitives de l’espèce humaine transforment la plausibilité géobiophysique de l’effondrement en une certitude politique. La première s’énonce comme suit : l’immensité (c’est-à-dire l’imminence et l’ampleur) de la catastrophe « éco-anthropologique » est telle qu’elle excède nos capacités de compréhension, aussi bien de perception que d’imagination. Elle est irreprésentable, démesurée, supraliminaire, comme dit le philosophe Günther Anders. La seconde relève de la spécularité des croyances et des comportements : une personne informée de l’effondrement rapproché ne se demande pas si elle veut changer sa vie – c’est-à-dire diminuer drastiquement son empreinte écologique –, mais seulement si elle le ferait au cas où un certain nombre d’autres le feraient aussi.
    Ainsi, l’effondrement est inévitable non parce que la connaissance scientifique de son advenue est trop incertaine, mais parce que la psychologie sociale qui habite les humains ne leur permettra probablement pas de prendre les bonnes décisions, au bon moment. Il existe souvent plusieurs manières de résoudre un problème local ou circonscrit, mais affronter tous les problèmes ensemble et globalement rend le coût d’éventuelles solutions si élevé que seul le déni s’avère être la réponse adaptée. C’est ce déni de masse qui garantit que l’effondrement est certain.
    Stress prétraumatique
    De nombreuses populations subissent déjà les conséquences des catastrophes globales, des dérèglements écosystémiques et des pollutions diverses. Les classes sociales vulnérables et les pays pauvres (et on ne parle même pas des organismes non humains) subissent déjà des traumatismes qui commencent à être connus (stress, dépression, démence, suicides, maladies, etc.) et qui annoncent tout simplement notre avenir psychique à nous, les privilégiés.
    La prédiction même d’une catastrophe peut faire souffrir. On sait que l’annonce de dégradations à venir provoque déjà ce que les psychologues appellent le stress prétraumatique, autrement dit les effets néfastes de la peur du futur. Ainsi sommes-nous confrontés à un dilemme : comment annoncer que la maison brûle — et qu’elle sera détruite — sans faire peur à ses habitants ? Si vous étiez pompiers, que feriez-vous ? Il faut le dire, bien sûr, le crier haut et fort, avec fermeté et bienveillance. Puis, tout en se concentrant sur l’incendie, prendre soin de certains habitants traumatisés, et motiver tout le monde à sauver ce qui doit l’être.
    Prendre soin. Voilà ce qui manque cruellement à notre époque, et cela constitue une bonne partie de la réponse à la question : comment vivre la fin du monde ? Prendre soin de nous-mêmes, des autres, des non-humains. Prendre soin de notre psyché, des émotions que tout ce chaos génère, c’est-à-dire accueillir par l’écoute : tristesse et désespoir, colère et rage, inquiétude et peur. Tous ces affects sont parfaitement normaux. Pire, ils vont s’intensifier ! Il ne s’agit nullement de se complaire dans ces marais émotionnels, mais d’apprendre à les traverser individuellement et collectivement, à les côtoyer, afin de ne pas se laisser emporter, et trouver les ressources pour organiser la suite, pour résister.
    Mais comment résister à la fin du monde ? Ou plutôt, comment faire émerger un autre monde possible à partir de celui-ci ? La première piste est à rechercher du côté de la permaculture en tant que vision du monde et science pragmatique des sols et des paysages. Le néologisme « permaculture » a été forgé en Australie par Bill Mollison et David Holmgren, à partir de la contraction de deux termes : « permanent » et « agriculture », mais aussi « permanent » et « culture ». Depuis la Tasmanie, berceau de leur prise de conscience, ils formulent l’hypothèse d’un effondrement des subsides énergétiques injectés dans le système agro-industriel. Dès lors, la permaculture devient plus qu’une technique agricole : c’est une autre façon de concevoir le monde, un changement philosophique et matériel global. C’est une vision éthique des sociétés futures, qui seront confrontées à l’évolution des régimes énergétique et climatique.
    Aujourd’hui plus que jamais, il s’agit de rejeter les leurres de la croissance verte afin de revenir à une juste mesure en réduisant considérablement notre empreinte sur le monde. Ce qui veut dire mettre en œuvre immédiatement une nouvelle organisation sociale et culturelle, qui valorise la lenteur et enseigne les boucles de rétroactions, les liens de cause à effet, les mutualismes, la complexité. Dans la société permaculturelle, les réseaux ne sont plus invisibilisés, la frontière entre producteur et consommateur s’estompe dans un contexte de simplification progressive des mégasystèmes. Aussi bien par nécessité de résilience (dans la perspective d’un effondrement des sociétés industrielles) que par éthique des ressources, il s’agit de boucler les cycles, de passer d’une économie extractiviste de stocks à une économie renouvelable de flux. Le nouveau paysage permaculturel se veut directement comestible, au plus proche des habitants, qui eux-mêmes deviennent acteurs de ces nouveaux diagrammes alimentaires et énergétiques. Les paysages se déspécialisent, les fonctions se diversifient.
    Il en résulte une deuxième piste d’action, autour de nouvelles formes politiques territoriales ancrées dans le soin des paysages, œuvrant à la résilience des établissements humains face au nouveau régime climatique. Ces nouveaux territoires prennent le nom de « biorégions » et se substituent aux découpages administratifs actuels grâce à un changement général d’échelle et à une politique de décroissance. Les biorégions permettront, avant, pendant et peut-être après l’effondrement, d’organiser des systèmes économiques locaux territoriaux où les habitants, les manufactures et la Terre travailleront en coopération. La dynamique biorégionale stimulera le passage d’un système hyperefficient et centralisé à une organisation forgée par la diminution des besoins de mobilité, la coopération, le ralentissement, composée d’une multitude de dispositifs et de sources d’énergie. La civilisation automobile et l’agriculture intensive n’auront plus leur place dans cette nouvelle configuration. Les biorégions seront les territoires du ressaisissement.
    Des sociétés conviviales et de proximité
    La troisième voie de la résistance est celle d’un imaginaire social libéré des illusions de la croissance verte, du productivisme et de la vitesse, actionnées par les entreprises transnationales. La ville connectée, emblème d’une techno-euphorie totalement hors-sol, laissera la place à des bourgs et des quartiers off the grid (« hors réseau ») autoproducteurs d’énergie. Le nombre de véhicules sera réduit au strict minimum, les flottes seront administrées par les communes (libres !), tandis que les champs redessinés en polyculture pourront être traversés à pied. Des axes végétaux résorberont les infrastructures de la vitesse ainsi que les friches industrielles. Qui dit sociétés résilientes dit sociétés conviviales et de proximité. Aujourd’hui, chaque métropole occidentale requiert pour son fonctionnement une vaste partie de la planète. Demain, il en sera autrement, en raison de l’effondrement inéluctable des grands réseaux et de l’économie mondialisée, sur fond de bouleversements climatiques.
    Voilà trois pistes, mais il y en aura d’autres. Vivre avec la fin du monde passe nécessairement par un constant effort d’imagination pour arriver à dégager de nouveaux horizons, à les inventer, afin de refermer le couvercle du nihilisme, du mal absolu, du « tout est foutu ». Ce chantier politique ne peut être que collectif. Il faut un récit commun pour rester soudés. Certes, le récit de l’effondrement comporte des risques et des écueils, comme tout récit, mais il est puissant et a plusieurs mérites : il évite le catéchisme de la croissance, il réactive une vision cyclique des choses en appelant une renaissance, et surtout il dit que c’est maintenant ou jamais. Il nous rapproche de l’idée de la mort. D’ailleurs, n’est-ce pas ce que la philosophie nous enseigne depuis des siècles ? Apprendre à bien vivre, c’est apprendre à bien mourir, à prendre conscience de notre statut de mortel, radicalement vulnérable, humble, interdépendant des autres êtres vivants et de notre milieu de vie.

    Agnès Sinaï est journaliste environnementale. Chargée de cours à Sciences Po, elle a fondé l’Institut Momentum en 2011, laboratoire d’idées dont elle a dirigé les trois tomes des Politiques de l’anthropocène (parus aux Presses de Sciences Po).

    Pablo Servigne a une formation d’agronome et d’éthologue. Chercheur « in-terre-dépendant », auteur et conférencier, il est coauteur de plusieurs livres, dont Une autre fin du monde est possible (Seuil, 2018).

    Yves Cochet, militant écologiste depuis quarante ans, a été député de 1997 à 2011, ancien ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement (2001-202) puis député européen jusqu’en 2014. Depuis lors, il préside l’Institut Momentum.

    http://www.lemonde.fr/festival/article/2019/07/22/face-a-l-effondrement-il-faut-mettre-en-uvre-une-nouvelle-organisation-socia

    La phrase qui me paraît la plus remarquable est celle-ci :

    "Ainsi, l’effondrement est inévitable non parce que la connaissance scientifique de son advenue est trop incertaine, mais parce que la psychologie sociale qui habite les humains ne leur permettra probablement pas de prendre les bonnes décisions , au bon moment."

    Voilà une belle manière de naturaliser le #capitalisme ! Les structures de pouvoir, l’État, les entreprises, les institutions, les classes sociales, l’économie, l’industrie et la dynamique du marché capitaliste, etc. tout ça n’existe pas pour nos collapsologues. Non, c’est juste la #nature_humaine qui est responsable du désastre. C’est juste les individus qui ne prennent pas les "bonnes décisions".

    Comme le disait Margaret Thatcher : "la société n’existe pas, il n’y a que des individus qui poursuivent leurs intérêts..." (de mémoire).

    A un tel degré de #bêtise_politique, on peut se demander à quoi et à qui vont servir ces crétins et leurs dupes. Une chose est sûre, certainement pas à l’avènement d’une société émancipée des formes de domination dont ils ne veulent pas voir l’existence ni penser le rôle politique dans le maintien du statu quo ...

    Collapso, collabos ?

    #collapsologie, #naturalisation, #essentialisme, #pseudo-critique.

  • Face à l’effondrement, il faut mettre en œuvre une nouvelle organisation sociale et culturelle
    Yves Cochet, Pablo Servigne et Agnès Sinaï, Le Monde, le 22 juillet 2019
    https://www.lemonde.fr/festival/article/2019/07/22/face-a-l-effondrement-il-faut-mettre-en-uvre-une-nouvelle-organisation-socia

    Aujourd’hui plus que jamais, il s’agit de rejeter les leurres de la croissance verte afin de revenir à une juste mesure en réduisant considérablement notre empreinte sur le monde. Ce qui veut dire mettre en œuvre immédiatement une nouvelle organisation sociale et culturelle, qui valorise la lenteur et enseigne les boucles de rétroactions, les liens de cause à effet, les mutualismes, la complexité. Dans la société permaculturelle, les réseaux ne sont plus invisibilisés, la frontière entre producteur et consommateur s’estompe dans un contexte de simplification progressive des mégasystèmes. Aussi bien par nécessité de résilience (dans la perspective d’un effondrement des sociétés industrielles) que par éthique des ressources, il s’agit de boucler les cycles, de passer d’une économie extractiviste de stocks à une économie renouvelable de flux. Le nouveau paysage permaculturel se veut directement comestible, au plus proche des habitants, qui eux-mêmes deviennent acteurs de ces nouveaux diagrammes alimentaires et énergétiques. Les paysages se déspécialisent, les fonctions se diversifient.

    Il en résulte une deuxième piste d’action, autour de nouvelles formes politiques territoriales ancrées dans le soin des paysages, œuvrant à la résilience des établissements humains face au nouveau régime climatique. Ces nouveaux territoires prennent le nom de « biorégions » et se substituent aux découpages administratifs actuels grâce à un changement général d’échelle et à une politique de décroissance. Les biorégions permettront, avant, pendant et peut-être après l’effondrement, d’organiser des systèmes économiques locaux territoriaux où les habitants, les manufactures et la Terre travailleront en coopération. La dynamique biorégionale stimulera le passage d’un système hyperefficient et centralisé à une organisation forgée par la diminution des besoins de mobilité, la coopération, le ralentissement, composée d’une multitude de dispositifs et de sources d’énergie. La civilisation automobile et l’agriculture intensive n’auront plus leur place dans cette nouvelle configuration. Les biorégions seront les territoires du ressaisissement.

    La troisième voie de la résistance est celle d’un imaginaire social libéré des illusions de la croissance verte, du productivisme et de la vitesse, actionnées par les entreprises transnationales. La ville connectée, emblème d’une techno-euphorie totalement hors-sol, laissera la place à des bourgs et des quartiers off the grid (« hors réseau ») autoproducteurs d’énergie. Le nombre de véhicules sera réduit au strict minimum, les flottes seront administrées par les communes (libres !), tandis que les champs redessinés en polyculture pourront être traversés à pied. Des axes végétaux résorberont les infrastructures de la vitesse ainsi que les friches industrielles. Qui dit sociétés résilientes dit sociétés conviviales et de proximité. Aujourd’hui, chaque métropole occidentale requiert pour son fonctionnement une vaste partie de la planète. Demain, il en sera autrement, en raison de l’effondrement inéluctable des grands réseaux et de l’économie mondialisée, sur fond de bouleversements climatiques.

    On l’ajoute à la troisième compilation :
    https://seenthis.net/messages/680147

    #effondrement #collapsologie #catastrophe #fin_du_monde #it_has_begun #Anthropocène #capitalocène

    #Yves_Cochet #Pablo_Servigne #Agnès_Sinaï

  • https://www.lemonde.fr/festival/article/2014/05/22/le-jour-ou-le-monde-a-publie-la-tribune-de-faurisson_4422239_4415198.html

    Un article pour le coup assez équilibré qui revient sur la fameuse bourde du Monde publiant la tristement célèbre tribune de Faurisson intitulée le problème des chambres à gaz

    Robert Faurisson connaît chaque signature du Monde, guette chaque promotion ou chaque disparition dans l’ours du journal. Il est venu, au début des années 1950, trouver Hubert Beuve-Méry, à l’issue d’une conférence en Isère, pour lui expliquer que, vraiment, ses colonnes donnaient trop de place aux communistes. Il n’hésite pas à se déplacer jusqu’à la rue des Italiens, se pointe à l’accueil, monte les vieux escaliers, demande le « rédacteur en chef, Bernard Lauzanne », ou un autre.

    Et puis, évidemment, il abreuve le quotidien de courriers postés de Vichy. Des lettres tapées à la machine, avec son adresse et son numéro de téléphone, souvent précédées d’un « à publier » autoritaire. Sans succès. Les tribunes où il argue que « plus aucun institut historique ne persiste à dire qu’il a existé une seule chambre à gaz dans tout l’ancien Reich » atterrissent à la poubelle ou, au mieux, dans les archives de la « doc », comme la lettre jaunie de juin 1977. « En quatre ans, il a écrit vingt-neuf fois au Monde au sujet des chambres à gaz », recensera, en 1980, l’historienne Nadine Fresco dans un article fondateur des Temps modernes, « Les redresseurs de morts ».

  • « Tomber amoureux, cela n’arrive pas par hasard »
    https://www.lemonde.fr/festival/article/2018/07/09/tomber-amoureux-cela-n-arrive-pas-par-hasard_5328292_4415198.html

    La liste des trente-six questions élaborées par les chercheurs Arthur et Elaine Aron

    1. Si vous aviez la possibilité d’inviter n’importe qui dans le monde, qui inviteriez-vous à dîner chez vous ?

    2. Aimeriez-vous être célèbre ? Si oui, de quelle manière ?

    3. Avant de passer un coup de téléphone, cela vous arrive-t-il de répéter ce que vous allez dire ? Pourquoi ?

    4. Quels seraient les éléments constitutifs d’une journée parfaite ?

    5. Quand avez-vous chanté pour la dernière fois pour vous-même ? Et devant quelqu’un d’autre ?

    6. Imaginez que vous ayez la possibilité de vivre jusqu’à 90 ans. Si vous pouviez choisir entre garder soit l’esprit, soit le corps d’une personne de 30 ans pendant les soixante années qui vous restent à vivre, que choisiriez-vous ?

    7. Avez-vous un pressentiment secret sur la façon dont vous allez mourir ?

    8. Citez trois choses que vous et votre partenaire semblez avoir en commun.

    9. Quelle est la chose pour laquelle vous vous sentez le plus reconnaissant ?

    10. Si vous pouviez changer quelque chose dans la manière dont vous avez été élevé, qu’est-ce que ce serait ?

    11. En quatre minutes, racontez votre vie à votre partenaire, en essayant d’ajouter le plus de détails possible.

    12. Si vous pouviez vous réveiller demain en ayant acquis une qualité ou une compétence, laquelle serait-elle ?

    13. Si une boule de cristal pouvait vous révéler une vérité sur vous, votre vie, votre futur ou quoi que ce soit d’autre, que voudriez-vous savoir ?

    14. Y a-t-il quelque chose que vous rêvez de faire depuis longtemps ? Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?

    15. Quelle est la plus grande réussite de votre vie ?

    16. Quelle est la chose la plus importante pour vous en amitié ?

    17. Quel est votre plus beau souvenir ?

    18. Quel est votre pire souvenir ?

    19. Si vous saviez que vous alliez mourir subitement dans un an, changeriez-vous quelque chose à votre style de vie ? Pourquoi ?

    20. Que signifie le mot « amitié » pour vous ?

    21. Quels rôles jouent l’amour et l’affection dans votre vie ?

    22. Echangez chacun à votre tour une caractéristique positive que votre partenaire semble avoir. Partagez-en cinq au total.

    23. A quel point votre famille est-elle unie et chaleureuse ? Pensez-vous que votre enfance a été plus heureuse que celle de la plupart des gens ?

    24. Que pensez-vous de votre relation avec votre mère ?

    25. Enoncez chacun trois vérités commençant par le mot « nous ». Par exemple, « nous avons l’impression tous les deux que… »

    26. Complétez cette phrase : « J’aimerais avoir quelqu’un avec qui partager… »

    27. Si vous deviez devenir proche de votre partenaire, dites-lui ce qui serait important qu’il ou elle sache.

    28. Dites à votre partenaire ce que vous aimez chez lui ; soyez très honnête, en disant des choses que vous ne diriez pas à une personne que vous venez de rencontrer.

    29. Racontez à votre partenaire un moment embarrassant de votre vie.

    30. Quand avez-vous pleuré devant quelqu’un pour la dernière fois ? Tout seul ?

    31. Dites à votre partenaire une chose que vous aimez déjà chez lui.

    32. De quoi ne peut-on pas rire ?

    33. Si vous deviez mourir ce soir sans l’opportunité de communiquer avec qui que ce soit, que regretteriez-vous le plus de ne pas avoir dit ? Pourquoi ne pas leur avoir dit encore ?

    34. Votre maison, contenant tout ce qui vous appartient, prend feu. Après avoir sauvé votre famille et vos animaux, vous avez le temps de récupérer en toute sécurité une chose uniquement. Laquelle serait-elle ? Pourquoi ?

    35. De tous les membres de votre famille, la mort de qui vous toucherait-elle le plus ? Pourquoi ?

    36. Partagez un problème personnel et demandez à votre partenaire comment il le gérerait. Demandez également à votre partenaire de vous dire comment il pense que vous vous positionnez par rapport à ce problème.

    • « La justice ne consiste pas à se soumettre à des lois injustes, il est temps de sortir de l’ombre et, dans la grande tradition de la désobéissance civile, d’affirmer notre opposition à la confiscation criminelle de la culture publique. Lorsque nous serons assez nombreux de part le monde, nous n’enverrons pas seulement un puissant message de l’opposition à la privatisation de la connaissance, nous ferons en sorte que cette privatisation appartienne au passé. Serez-vous des nôtres ? »

      #université #édition_scientifique #articles_scientifiques #sci-hub #inégalités #partage #vidéo #film #culture_publique #désobéissance_civile #injustice #open_access #résistance #Carl_Malamud #jstor #MIT

      –-

      ajouté à la métaliste sur l’éditions scientifique :
      https://seenthis.net/messages/1036396

    • Petit message à celles et ceux qui ont mis une petite étoile à ce post (grand #merci @val_k d’avoir signalé cette vidéo !)... j’ai moi-même (et d’autres bien entendu) pas mal posté d’articles et documents sur l’édition scientifique sur seenthis, vous les retrouvez avec le tag #édition_scientifique. J’ai aussi du matériel stocké dans mon ordi, si jamais quelqu’un a envie de se pencher sur cette question qui devrait plus largement être débattue publiquement... A bon entendeur...

    • #Guerilla_Open_Access_Manifesto

      Information is power. But like all power, there are those who want to keep it for
      themselves. The world’s entire scientific and cultural heritage, published over centuries
      in books and journals, is increasingly being digitized and locked up by a handful of
      private corporations. Want to read the papers featuring the most famous results of the
      sciences? You’ll need to send enormous amounts to publishers like Reed Elsevier.

      There are those struggling to change this. The Open Access Movement has fought
      valiantly to ensure that scientists do not sign their copyrights away but instead ensure
      their work is published on the Internet, under terms that allow anyone to access it. But
      even under the best scenarios, their work will only apply to things published in the future.
      Everything up until now will have been lost.

      That is too high a price to pay. Forcing academics to pay money to read the work of their
      colleagues? Scanning entire libraries but only allowing the folks at Google to read them?
      Providing scientific articles to those at elite universities in the First World, but not to
      children in the Global South? It’s outrageous and unacceptable.

      “I agree,” many say, “but what can we do? The companies hold the copyrights, they
      make enormous amounts of money by charging for access, and it’s perfectly legal —
      there’s nothing we can do to stop them.” But there is something we can, something that’s
      already being done: we can fight back.

      Those with access to these resources — students, librarians, scientists — you have been
      given a privilege. You get to feed at this banquet of knowledge while the rest of the world
      is locked out. But you need not — indeed, morally, you cannot — keep this privilege for
      yourselves. You have a duty to share it with the world. And you have: trading passwords
      with colleagues, filling download requests for friends.

      Meanwhile, those who have been locked out are not standing idly by. You have been
      sneaking through holes and climbing over fences, liberating the information locked up by
      the publishers and sharing them with your friends.

      But all of this action goes on in the dark, hidden underground. It’s called stealing or
      piracy, as if sharing a wealth of knowledge were the moral equivalent of plundering a
      ship and murdering its crew. But sharing isn’t immoral — it’s a moral imperative. Only
      those blinded by greed would refuse to let a friend make a copy.

      Large corporations, of course, are blinded by greed. The laws under which they operate
      require it — their shareholders would revolt at anything less. And the politicians they
      have bought off back them, passing laws giving them the exclusive power to decide who
      can make copies.

      There is no justice in following unjust laws. It’s time to come into the light and, in the
      grand tradition of civil disobedience, declare our opposition to this private theft of public
      culture.

      We need to take information, wherever it is stored, make our copies and share them with
      the world. We need to take stuff that’s out of copyright and add it to the archive. We need
      to buy secret databases and put them on the Web. We need to download scientific
      journals and upload them to file sharing networks. We need to fight for Guerilla Open
      Access.

      With enough of us, around the world, we’ll not just send a strong message opposing the
      privatization of knowledge — we’ll make it a thing of the past. Will you join us?

      Aaron Swartz

      July 2008, Eremo, Italy

      https://archive.org/stream/GuerillaOpenAccessManifesto/Goamjuly2008_djvu.txt

      En français, notamment ici:
      https://framablog.org/2013/01/14/manifeste-guerilla-libre-acces-aaron-swartz

    • #Celui_qui_pourrait_changer_le_monde

      Aaron Swartz (1986-2013) était programmeur informatique, essayiste et hacker-activiste. Convaincu que l’accès à la connaissance constitue le meilleur outil d’émancipation et de justice, il consacra sa vie à la défense de la « culture libre ». Il joua notamment un rôle décisif dans la création de Reddit, des flux RSS, dans le développement des licences Creative Commons ou encore lors des manifestations contre le projet de loi SOPA (Stop Online Piracy Act), qui visait à restreindre les libertés sur Internet. Au fil de ses différents combats, il rédigea une impressionnante quantité d’articles, de textes de conférences et de pamphlets politiques, dont une partie est rassemblée ici. L’adolescent, qui était déjà un libre-penseur brillant, laisse progressivement place à l’adulte, toujours plus engagé, se prononçant sur des sujets aussi variés que la politique, l’informatique, la culture ou l’éducation, et annonçant nombre de questions débattues aujourd’hui. Tiraillé entre ses idéaux et les lois relatives à la propriété intellectuelle aux États-Unis, harcelé par le FBI à la suite d’un procès intenté à son encontre, Aaron Swartz a mis fin à ses jours à l’âge de 26 ans.

      http://editions-b42.com/books/celui-qui-pourrait-changer-le-monde
      #livre

      Avec cet intéressant débat sur seenthis : pourquoi ce livre n’est pas en open access ? Débat introduit par la question de @supergeante : « ça ne choque personne ? »
      http://seen.li/cpal

    • #Alexandra_Elbakyan, la Kazakhe pirate d’articles scientifiques

      Rebelles high-tech (4/6). L’ancienne étudiante en neurosciences a créé un site Web de mise à disposition illégale de rapports de recherche. Le monde entier y a accès, au détriment des éditeurs.

      En ce jour ensoleillé de juin, le parc boisé du -musée Kolomenskoïe, à Moscou, accueille le Geek Picnic, un festival techno artistique en plein air. Parmi la foule, une jeune femme ronde et souriante, à l’allure sage et modeste, parle devant une caméra pour une interview qui sera diffusée sur YouTube. Elle explique, une fois de plus, le fonctionnement de Sci-Hub, son site Internet de publication d’articles scientifiques gratuit et ouvert à tous. Alexandra Elbakyan, 28 ans, originaire du Kazakhstan, est inconnue du grand public. Mais sur les campus et dans les labos de recherche de nombreux pays, c’est une star.
      Avec 62 millions d’articles stockés et référencés, près de 700 000 téléchargements quotidiens et des millions de visiteurs réguliers sur tous les continents, Sci-Hub s’est imposé comme une source majeure de documentation scientifique. Dans les pays pauvres, c’est un outil quotidien pour les chercheurs qui n’ont pas les moyens de se payer les abonnements coûteux des services des grands éditeurs. Dans les pays riches, des chercheurs ayant accès aux services payants utilisent Sci-Hub car il est simple et accessible de partout, sans formalités. Seul problème : Sci-Hub est un site pirate, qui vole les articles aux éditeurs et enfreint toute une série de lois sur la propriété intellectuelle et la sécurité des réseaux. Alexandra Elbakyan est poursuivie par la justice américaine.
      La création de Sci-Hub remonte à 2011. Alors étudiante en neuro-sciences, Alexandra se fait remarquer pour ses recherches sur les ondes cérébrales, ce qui lui vaut d’être invitée à aller étudier en Europe et en Amérique. Mais lorsqu’elle rentre au Kazakhstan, elle n’a plus accès aux textes scientifiques dont elle a besoin – un seul article peut coûter entre 30 et 40 dollars (entre 25 et 35 euros). Un jour, elle s’aperçoit que des biologistes russes s’entraident discrètement et s’échangent des articles sans se soucier des problèmes de copyright. Elle décide d’étendre et d’industrialiser cette pratique en créant un serveur de stockage et de distribution pour toutes les disciplines. Très vite, elle reçoit le soutien de chercheurs occidentaux : des partisans du mouvement « Open Access », militant pour la libre circulation intégrale de l’information scientifique, ainsi que des auteurs s’estimant victimes du modèle commercial dominant (dans le monde scientifique, les auteurs donnent leurs articles gratuitement aux éditeurs privés, qui les revendent très cher aux autres chercheurs).
      Complicités et marché noir
      Parmi les admirateurs d’Alexandra, beaucoup travaillent pour des universités abonnées aux services payants, et certains décident de transmettre discrètement leurs identifiants et leurs mots de passe à Sci-Hub, qui peut ainsi récupérer des articles en se faisant passer pour eux. Quand un lecteur demande un article présent dans ses serveurs, il le reçoit aussitôt. Si Sci-Hub ne possède pas l’article, il va le chercher chez un éditeur grâce à un complice, l’envoie au demandeur, puis l’archive dans la base. Bien sûr, rien n’est simple. Alexandra Elbakyan reconnaît que « Sci-Hub se procure des mots de passe de nombreuses sources différentes », ce qui laisse supposer qu’elle s’approvisionne aussi auprès de hackeurs, qui savent subtiliser des mots de passe sans l’accord de leur propriétaire… Elle a également travaillé en liaison avec un site russe, LibGen, qui distribue toutes sortes de produits piratés, mais elle affirme que, désormais, elle est autonome : « J’ai passé un temps considérable à monter mes propres serveurs, pour stocker et envoyer les articles. »
      Une fois son site lancé, Alexandra entame des études d’économie et de droit : « Un temps, j’ai envisagé de travailler pour le gouvernement, afin de changer les lois sur le copyright. » Puis elle se tourne vers l’informatique et décroche un poste de recherche qui lui laisse le temps de se consacrer à son site : « A partir de 2014, j’ai réécrit tout le code et analysé les statistiques (…). J’ai noté quels étaient les éditeurs les plus demandés, et j’ai chargé tout leur contenu. » Côté finances, Alexandra reçoit des dons anonymes de la part de lecteurs reconnaissants. Par ailleurs, elle a découvert très tôt le bitcoin, et a su spéculer sur cette nouvelle crypto-monnaie : « J’ai acheté des bitcoins quand ils valaient 20 dollars, et, aujourd’hui, ils valent cent fois plus. Cela me permet de me financer. »
      Cela dit, Sci-Hub suscite l’hostilité de nombreux universitaires, bibliothécaires ou conservateurs qui font la chasse aux tricheurs : quand un compte se met soudain à charger de gros volumes de documents, il attire l’attention des administrateurs, qui peuvent intervenir. D’autre part, et surtout, les éditeurs ont déclaré la guerre à Sci-Hub, devenu pour eux une menace existentielle. Le plus actif est le groupe anglo-hollandais Elsevier, leader mondial du secteur. En 2015, Elsevier porte plainte contre Sci-Hub devant un tribunal fédéral new-yorkais. Sans se soucier des questions de territorialité, la justice américaine s’empare de l’affaire et accuse Alexandra de piratage, un crime puni d’emprisonnement. Le juge commence par bloquer l’adresse Sci-hub.org, qui dépend d’un prestataire américain, ce qui oblige Alexandra Elbakyan à créer une série de nouvelles adresses.
      « Proche de l’idéal communiste »
      Convoquée à New York par le juge, elle refuse de s’y rendre. Elle envoie au tribunal une lettre provocatrice, et décide de ne plus aller dans les pays susceptibles de l’extrader vers les Etats-Unis. Elle cache son lieu de résidence, délaisse les réseaux sociaux américains comme Facebook et se rabat sur le réseau russe VKontakte. En revanche, elle participe, par Skype, à des colloques organisés par des universités occidentales. Peu à peu, elle en vient à contester la propriété sous toutes ses formes : « Je me sens proche de l’idéal communiste. Chez les scientifiques, on peut clairement distinguer deux classes : ceux qui travaillent, les chercheurs, et ceux qui les exploitent, les éditeurs. La théorie communiste explique comment cela fonctionne, et pourquoi une révolution est nécessaire. »
      Le procès décuple la célébrité d’Alexandra. Des universitaires consacrent des thèses à Sci-Hub, des comités de soutien se forment sur Internet, des députés européens prennent sa défense. En décembre 2016, la revue scientifique Nature publie une liste de dix jeunes gens exceptionnels ayant fait progresser la science au cours de l’année. Alexandra Elbakyan y figure en bonne place – un effort méritoire pour Nature, qui appartient au groupe d’édition allemand Holtzbrinck, et fait partie des victimes de Sci-Hub. Dans la foulée, The Custodians, un groupe international de militants de l’Internet libre et d’artistes numériques, lance une campagne pour la nomination d’Alexandra Elbakyan au « Disobedience Award » : ce prix de 250 000 dollars est décerné par le MIT de Boston à une personne qui aura fait progresser le bien commun en désobéissant à une loi injuste, tout en restant « efficace, responsable et éthique ». Pour les admirateurs de Sci-Hub, Alexandra Elbakyan est la lauréate idéale. En face, ses détracteurs, notamment américains, élargissent le débat en lui reprochant de vivre en Russie. Ils font valoir qu’elle ne désobéit pas vraiment aux lois de son pays, et sous-entendent qu’elle bénéficie en sous-main de la protection du régime de Vladimir Poutine.
      Le 21 juin 2017, le tribunal new-yorkais condamne Alexandra Elbakyan et ses complices éventuels à verser 15 millions de dollars de dommages et intérêts à Elsevier. Il exige aussi que Sci-Hub cesse toute activité et détruise ses fichiers. En réponse, Alexandra publie, sur VKontakte, un texte sarcastique, en russe : « Encore une victoire de la liberté américaine et de la démocratie… Comment la lecture gratuite d’articles scientifiques pourrait-elle causer des dommages à la société et violer les droits de l’homme ? »
      Après six années de stockage intensif, 95 % des articles demandés par les lecteurs sont déjà dans sa base – désormais, le piratage sert surtout pour les mises à jour. -Selon une étude menée en 2017 par le bio-informaticien allemand Bastian Greshake, les plus gros utilisateurs sont désormais l’Iran, isolé par les sanctions internationales, la Grèce, toujours en faillite financière, plusieurs pays d’Amérique latine, plus l’Inde et la Chine, en bonne place à cause de la taille de leur population. Cela dit, l’Allemagne est aussi très présente : fin 2016, soixante universités allemandes ont décidé de boycotter Elsevier pour protester contre l’augmentation du prix des abonnements, et d’autres sont en passe de les rejoindre. Désormais, leurs chercheurs se procurent les articles dont ils ont besoin par d’autres moyens…
      Parfois, la machine semble s’emballer, hors de tout contrôle. Dans certains pays comme l’Iran, des serveurs aspirent des gros volumes d’articles de Sci-Hub, pour créer leurs propres bases de données à usage local. Ailleurs, des groupes organisés téléchargent tous les articles consacrés à la chimie : selon Bastian Greshake, cette discipline est désormais la plus demandée sur Sci-Hub. Le 23 juin 2017, l’American Chemical Society (ACS), qui gère les intérêts des ayants droit des articles de chimie, porte plainte à son tour contre Sci-Hub devant un tribunal de Virginie.
      Imperturbable, Alexandra répète qu’elle est à l’abri, « quelque part dans l’ancienne Union soviétique ». Elle réaffirme qu’elle n’a aucune relation avec les autorités et assure que son site n’est pas en danger : « Il a été conçu pour résister à la pression. » Elle étudie à présent l’histoire des sciences et s’intéresse à l’hermétisme médiéval, mais promet que Sci-Hub va continuer à croître et embellir.

      https://www.lemonde.fr/festival/article/2017/07/27/alexandra-elbakyan-la-kazakhe-pirate-d-articles-scientifiques_5165479_441519

    • J’ajoute ici un long texte sur #Aaron_Swatrz écrit àla suite de l’attentat contre #Charlie_Hebdo et qui fait un rapprochement important sur le sujet des dommages « collatéraux » de l’anti-terrorisme :
      #JeSuisParsNaturae
      https://pascontent.sedrati-dinet.net/index.php/post/2015/02/09/JeSuisParsNaturae

      Avant tout, j’aimerais confier ici ce qui a occupé mon dimanche 11 janvier 2015, alors que près de quatre millions de personnes descendaient dans la rue à Paris, en France et ailleurs. Sans m’étendre plus en avant sur mes sentiments personnels, ce jour-là je pleurais la mort d’Aaron Swartz, qui s’est suicidé jour pour jour deux ans plus tôt, à l’âge de 26 ans, suite aux persécutions dont il faisait l’objet de la part du département de la justice des États-Unis[1], pour avoir téléchargé, caché dans un débarras du MIT, des millions d’articles scientifiques.

      L’histoire d’Aaron Swartz est documentée dans un film que j’ai donc regardé ce dimanche et qui montre – c’est tout ce qui nous intéressera ici – comment ce jeune homme, plus impliqué que quiconque dans la défense de la liberté d’expression et l’accès à l’information, a été l’objet d’un acharnement judiciaire dont à la fois les responsables, les causes et les motivations nous ramènent au terrorisme proclamé de la tuerie à Charlie Hebdo. Bien que le mot ne soit jamais prononcé dans ce documentaire, la question du terrorisme y est omniprésente et constitue en fait la principale clé de compréhension de ce drame.