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  • Comment le capitalisme de surveillance “transforme notre intimité en matière première”
    https://www.telerama.fr/idees/comment-le-capitalisme-de-surveillance-transforme-notre-intimite-en-matiere

    … et pourquoi il faut lutter contre. Dans “L’Âge du capitalisme de surveillance”, enfin traduit, Shoshana Zuboff, professeure émérite à la Harvard Business School, sonne l’alerte contre les géants du numérique qui nous dépossèdent de nos vies pour mieux les soumettre au marché.

    Au temps du tube cathodique, Jacques Ellul, l’un des grands penseurs de l’aliénation contemporaine, se posait déjà la seule question qui vaille vraiment à propos du pouvoir de la technique : « Une des illusions qu’on cherche à développer dans l’homme moderne, c’est de lui faire croire [qu’elle] le rend plus libre. […] Libre de quoi ? » À l’heure des réseaux sociaux et de la toute-puissance technologique, Shoshana Zuboff, professeure émérite à la prestigieuse Harvard Business School, prend le relais. Et sonne l’alerte. Nous sommes dépossédés de nos propres vies dans des proportions « indéchiffrables pour le cerveau humain ». Pire, plus nos spoliateurs en savent sur nous, moins nous en savons sur eux.

    Dans L’Âge du capitalisme de surveillance, un pavé de plus de huit cents pages sorti début 2019 aux États-Unis et enfin traduit en français (aux éditions Zulma), l’universitaire décrit minutieusement une société dystopique – mais bien réelle – dans laquelle les Google, Facebook et consorts capturent sans vergogne notre « surplus comportemental », raffinant le moindre atome de nos intimités numérisées pour leur seul profit. « C’est une double agression, contre notre autonomie et contre la démocratie », s’inquiète-t-elle, en livrant ce qui s’apparente à un opportun manuel de résistance.

    Celui-ci est d’autant plus notable qu’il n’émane pas d’une dangereuse radicale, bien au contraire : à la fin des années 1990, Shoshana Zuboff, prise dans une crise identitaire, a quitté son campus pour partir vivre dans une ferme. À l’époque, persuadée de faire partie du problème plus que de la solution, elle fait face à un choix : « Trouver un nouveau champ de recherche, ou chausser de nouvelles lunettes. » Ainsi a mûri sa charge – à mort – contre les tenants de ce « capitalisme renégat » qui nous traque tous, en permanence. Vous n’avez rien à cacher ? « Alors, vous n’existez pas. »

    Vous avez popularisé le terme « capitalisme de surveillance » depuis quelques années. Comment fonctionne-t-il ?

    L’effrayante spécificité du capitalisme de surveillance, c’est qu’il capture l’expérience personnelle pour la soumettre aux impératifs du marché. On pourrait même parler d’un marché de l’avenir humain. Ce capitalisme dévoyé transforme notre intimité en matière première qui, raffinée sous la forme de données, alimente une chaîne d’approvisionnement complexe. Dans ces usines d’un nouveau genre, on ne fabrique plus des produits mais des prédictions, individuelles et collectives. Ces conjectures, tirées de nos vies, émanent de nous, mais ne nous appartiennent pas. Elles nous concernent, mais ne nous reviennent pas.

    De la même manière que Ford aurait révolutionné le capitalisme en 1913, avec sa chaîne de production, vous posez le postulat que Google a inventé le capitalisme de surveillance au tournant du millénaire. Dans quelles circonstances ?

    Je situe sa naissance dans la Silicon Valley pendant l’éclatement de la bulle Internet, entre 2000 et 2001. À l’époque, de jeunes gens très intelligents dirigent des entreprises prometteuses, à l’intérieur desquelles ils inventent toutes sortes de services en ligne. Problème : ils ne gagnent pas d’argent. Là où le capitalisme industriel a réussi à transformer les ressources naturelles en énergie, les fleurons de cette nouvelle économie se révèlent incapables de répéter l’opération. Par conséquent, les investisseurs se retirent, et ils commencent à faire faillite les uns après les autres. Dans ce tableau, Google est perçu comme une pépite, mais même chez eux, il y a urgence.

    À vous écouter, ils n’étaient pas très doués pour le capitalisme !
    Jusqu’à ce qu’ils n’aient plus le choix, Sergey Brin et Larry Page, les fondateurs de Google, étaient publiquement opposés à la publicité ciblée. Quand ils ont commencé à regarder de plus près les données stockées sur leurs serveurs, des historiques de recherche, des miettes, des restes, ils ont réalisé qu’ils avaient à disposition un gisement gigantesque. C’est à ce moment-là qu’ils ont décidé d’exploiter notre surplus comportemental, que je nomme ainsi car il dépasse largement leurs besoins réels.
    “Au lieu de l’âge de l’information dont nous rêvions, fondé sur le partage de la connaissance permis par Internet, nous sommes renvoyés à un système féodal dans lequel des entreprises gigantesques peuvent influencer et contrôler nos comportements.”

    On touche ici une différence fondamentale. Le capitalisme industriel était une division du travail ; le capitalisme de surveillance, écrivez-vous, est une division de la connaissance. C’est-à-dire ?

    Il nous a fallu des décennies pour mesurer les conséquences du capitalisme industriel, pour déterminer par exemple que la dépendance aux énergies fossiles accélérait le réchauffement climatique. Aujourd’hui, nous sommes capables d’identifier les répercussions négatives du capitalisme de surveillance, à savoir la production secrète, effroyablement asymétrique, de savoir. C’est son effet le plus profond et le plus pernicieux, et il est indissociable d’un événement : le 11 Septembre. Au Capitole, juste avant que les tours jumelles s’effondrent, les parlementaires discutaient des contours d’une législation destinée à protéger la vie privée.

    En l’espace de quelques heures, George W. Bush a déclaré la « guerre contre la terreur », nous sommes entrés dans l’ère de l’information totale et dans une quête de certitudes. « Puisque nous n’avons pas su connecter les points, nous avons besoin de tous les points de tout le monde », ont dit les services de renseignement. Le département de la Défense, la CIA ou la NSA œuvrant sous les auspices de la Constitution américaine et obéissant à l’État de droit, il a fallu trouver une solution. Puisque Google et consorts n’étaient pas soumis aux mêmes contraintes, les autorités ont décidé de les laisser amasser richesse et pouvoir, afin qu’ils se chargent de connecter les points. Ainsi s’est forgée la symbiose entre la sphère publique et la sphère privée, entre la sphère du marché et celle du gouvernement.

    Pendant vingt ans, nous avons ensuite été aveuglés par notre optimisme sur le pouvoir libérateur de la technologie. Au lieu de l’âge de l’information dont nous rêvions, fondé sur le partage de la connaissance permis par Internet, nous sommes renvoyés à un système féodal dans lequel des entreprises gigantesques peuvent influencer et contrôler nos comportements. C’est une double agression, contre notre autonomie et contre la démocratie.

    Le pouvoir que vous décrivez est aussi immense qu’effrayant. Mais est-il vraiment effectif ?
    En 2001, Larry Page, le patron de Google, se référait à la capacité de calcul de ses serveurs en parlant de « [leur] intelligence artificielle ». Aujourd’hui, quand Google utilise cette expression, il s’agit d’un pouvoir sans commune mesure avec ces premières déclarations. Avec le capital qu’elles possèdent, ces entreprises visent le long terme. Pour entraîner son intelligence artificielle, Facebook ingère des trillions (milliards de milliards) de données chaque jour, afin de produire 6 millions de prédictions sur nos comportements par seconde. C’est une échelle inimaginable, indéchiffrable pour le cerveau humain.

    Pendant très longtemps, nous n’avions pas conscience de ce qui se jouait en arrière-plan. Puis le scandale Cambridge Analytica [du nom de cette officine britannique spécialisée dans le conseil politique qui a siphonné 87 millions de comptes Facebook au profit des campagnes du Brexit et de Donald Trump, ndlr] en 2018 a ouvert les yeux de l’opinion publique.
    “En 2016, le camp républicain a eu recours au micro-ciblage psychologique pour manipuler des comportements numériques qui ont des effets dans le monde réel. C’est ça le gagne-pain du capitalisme de surveillance.”

    Un récent rapport des autorités britanniques a tout de même montré que Cambridge Analytica a très largement survendu ses compétences…
    Mais personne ne peut nier que la campagne de Trump en 2016 a utilisé la technologie publicitaire de Facebook plus efficacement que quiconque. Le camp républicain a eu recours au micro-ciblage psychologique pour manipuler des comportements numériques qui ont des effets dans le monde réel. C’est ça le gagne-pain du capitalisme de surveillance.

    Vous estimez que le capitalisme de surveillance est « tyrannique », mais qu’il ne requiert « ni le fouet du despote, ni les camps ou les goulags du totalitarisme ». Avec l’omniprésence de nos smartphones, nos applications intrusives, nos objets connectés qui mouchardent, nous sommes devenus les agents consentants de notre propre enfermement. Plus que la manipulation cognitive, n’est-ce pas la plus grande victoire du phénomène que vous décrivez ?
    Nous nous sommes enchaînés nous-mêmes et c’est une intolérable tragédie. Dans nos sociétés libérales contemporaines, nous ne sommes pas éduqués à nous opposer au progrès technologique. Face à la dictature de l’inévitabilité, nous avons pourtant cruellement besoin d’alternatives et d’apprentissage citoyen. C’est d’autant plus problématique que les réseaux sociaux ont été inventés par des adolescents. Nous savons que ce moment de la vie désigne un soi inachevé.

    On construit sa personnalité et son libre-arbitre en se confrontant à l’altérité, au questionnement, à la dissonance. Or ces plateformes ne renvoient pas à des questionnements intérieurs – « Qui suis-je ? » – mais à des logiques de groupe. Des légions de pré-adolescents et de jeunes adultes sont profondément investis dans une machinerie conçue par d’autres adolescents et sont coincés dans un monde où ils sont constamment jugés par les autres. On parle souvent d’une économie de l’attention [qui consiste, dans la surabondance d’informations, à capter l’attention du public pour la valoriser économiquement, ndlr], mais c’est une confusion trompeuse. L’attention n’est que l’effet d’une cause, et cette cause, c’est un impératif économique qui demande une implication permanente.

    Craignez-vous que la pandémie, pendant laquelle nos vies se déroulent massivement en ligne, n’accélère cette dynamique ?
    À cause du coronavirus, l’Unesco estime que près de 300 millions d’enfants n’ont pas pu aller à l’école. C’est un chiffre sans précédent. Dans le même temps, Classroom, la plateforme d’apprentissage de Google à destination des enseignants, a multiplié par deux le nombre d’utilisateurs. Contrairement à ce que pensent les dirigeants des géants du numérique, cette consolidation n’est pas liée à un soudain afflux d’amour.

    Au contraire, deux enquêtes réalisées cet été montrent un renforcement du techlash (contraction de technology et backlash, ce mot-valise désigne le retour de bâton subi par les oligopoles de la Silicon Valley depuis deux ou trois ans, NDLR). La première dévoile que 75 % des Américains accordent plus d’importance à leurs données personnelles qu’au service offert par les plateformes ; 77 % pensent que ces entreprises ont trop de pouvoir ; 84 % ne leur font pas confiance. Dans la seconde, on apprend que la seule industrie moins populaire que Mark Zuckerberg est celle du tabac. Ces chiffres démontrent une véritable rupture entre le public et les Gafam, Facebook en particulier.

    “Je suis impressionnée par notre capacité collective à nous rassembler malgré l’isolement dans lequel nous sommes maintenus. C’est un premier pas et, désormais, il faut réussir à amener cette énergie dans l’arène politique.”

    Ce qui rend le moment aussi intéressant qu’incertain : sous le règne du capitalisme traditionnel, les classes populaires ont su s’unir pour défendre leurs droits en s’organisant en syndicats, en faisant grève, etc. Et face au capitalisme de surveillance ?
    Jusqu’à présent, nous n’étions que des utilisateurs, le terme dont nous affublent les plateformes. Une terminologie qui annonce notre anonymat interchangeable. En janvier 2019, j’ai quitté mon domicile pour trois semaines de tournée promotionnelle. Au bout du compte, j’ai voyagé pendant quatorze mois. Partout où je suis allée, aux États-Unis et en Europe, j’ai demandé aux gens de résumer en un seul mot pourquoi ils venaient à ma rencontre. En les compilant, j’ai réalisé qu’ils étaient récurrents et formaient un champ lexical parfaitement cohérent : liberté, anxiété, démocratie, manipulation, contrôle, résistance, colère, rébellion, action, invasion, peur, vie privée, vol, droits, autonomie, constitution, pouvoir, justice.

    Je suis impressionnée par notre capacité collective à nous rassembler malgré l’isolement dans lequel nous sommes maintenus. C’est un premier pas et, désormais, il faut réussir à amener cette énergie dans l’arène politique. Nous allons devoir inventer de nouveaux modes d’organisation, qui seront probablement différents des institutions du XXe siècle. Je pense par exemple au Real Facebook Oversight Board, lancé au mois de septembre et dans lequel je siège avec vingt-cinq autres membres de la société civile [ce collectif a été créé afin de surveiller l’Oversight Board officiel, « cour suprême » du réseau social chargée d’arbitrer les différends liés aux contenus, ndlr].

    Des armes anciennes pourraient toutefois être efficaces, comme les lois antitrust. Pensez-vous qu’il faille démanteler Facebook ou Google ?
    Ce n’est qu’une partie de la solution. Ces lois ont été conçues pour répondre à d’autres situations. Une entreprise comme Amazon était une impitoyable capitaliste avant de devenir une impitoyable capitaliste de surveillance. Autour de 2015, son patron, Jeff Bezos, a commencé à prendre conscience des incroyables revenus générés par les dividendes de la surveillance, et il s’est mis à réfléchir à un moyen d’embrasser ce modèle, en plus des pratiques dont il était déjà coutumier, qu’il s’agisse d’exploiter sa main-d’œuvre ou d’éliminer la concurrence.

    On pourrait dire la même chose de Facebook ou de Google. Il est vital que nous mesurions l’ampleur exacte du problème que nous tentons de résoudre. Quand les dirigeants de ces entreprises sont auditionnés au Congrès américain, il est surtout question d’invasion de la vie privée, de géolocalisation clandestine, du risque de désinformation. Ces interrogations montrent bien qu’il ne s’agit pas seulement de démanteler des monopoles. En Europe, le Règlement général sur la protection des données [entré en vigueur en mai 2018, ndlr] montre à la fois la voie et qu’il est bien trop tôt pour sabrer le champagne.

    Vous parlez d’un « capitalisme renégat » comme s’il était accidentel. Cela signifie-t-il qu’il peut être réformé ?
    Le capitalisme possède cette propriété que l’historien Fernand Braudel nommait « la longue durée ». Il faut l’analyser à travers ce prisme, en prenant en compte les spécificités de son époque, en l’occurrence le numérique. Je le nomme renégat car il renie certains aspects du capitalisme de longue durée, indispensables à sa durabilité, particulièrement l’idée d’offre et de demande. Même si Marx ou Schumpeter [le théoricien de la fameuse destruction créatrice, ndlr] ne partagent évidemment pas la même vision sur ses effets, le capitalisme, aussi violent et inégalitaire soit-il, a appris à améliorer les sociétés, en renforçant par exemple les classes moyennes.
    “Le capitalisme de surveillance ne s’intéresse ni à la réciprocité de l’offre et de la demande, ni à la résolution des problèmes que rencontrent les individus. Comme la financiarisation, c’est une forme entièrement parasite, et il n’y a rien à en sauver.”

    Le capitalisme de surveillance s’éloigne de ce modèle en ce sens qu’il détourne la technologie de notre époque à des seules fins d’accumulation. Il ne s’intéresse ni à la réciprocité de l’offre et de la demande, ni à la résolution des problèmes que rencontrent les individus. Comme la financiarisation, c’est une forme entièrement parasite, et il n’y a rien à en sauver. Je ne pense pas qu’on puisse dire la même chose du capitalisme industriel, qui a su en partie épouser les formes d’une société démocratique.

    Pour conclure sur une note plus personnelle et universelle, vous militez pour un droit au sanctuaire. Que répondez-vous à ceux, nombreux, qui prétendent qu’ils n’ont rien à cacher ?

    Si vous n’avez rien à cacher, vous n’existez pas. C’est une intoxication dangereuse. Cela revient à vous laisser détrousser de votre vie privée, à abandonner toute solitude et à ouvrir votre intimité à n’importe laquelle de ces entreprises. Dire que vous n’avez rien à cacher, c’est accepter votre condition d’utilisateur vide, uniquement défini par le rapport qu’il entretient avec les technologies qu’il utilise.

    #Alphabet #Google #DoD #NSA #CIA #algorithme #bénéfices #BigData #surveillance #microtargeting

  • Manuel Valls, en toute « complaisance » | Sébastien Fontenelle
    http://les-jours-heureux.nursit.com/spip.php?article8

    Après l’abominable meurtre, le vendredi 16 octobre 2020, d’un professeur d’histoire-géographie de Conflans-Sainte-Honorine, Manuel Valls, ex-premier ministre, a pointé ce qu’il appelle la « responsabilité » du journaliste Edwy Plenel - qu’il tient pour un « complice », parmi beaucoup d’autres, de « l’islamisme radical ». Source : Les Jours Heureux

  • Assassinat de Samuel Paty : “Il faut trouver un moyen de limiter les partages pulsionnels sur les réseaux sociaux” | Interview d’Olivier Ertzscheid
    https://www.telerama.fr/idees/assassinat-de-samuel-paty-il-faut-trouver-un-moyen-de-limiter-les-partages-

    Spécialiste en sciences de l’information et de la communication, Olivier Ertzscheid pointe l’incapacité politique à comprendre les enjeux des échanges numériques, et la propension structurelle des réseaux sociaux à diffuser la haine. Il appelle à une réflexion large, des concepteurs aux régulateurs et aux utilisateurs des outils de communication virtuels.

    Huit jours. C’est le temps qui s’est écoulé entre l’allumage de la mèche et l’explosion de la charge. Entre le virtuel et le réel. Entre la vidéo d’un parent d’élève prenant nommément à partie Samuel Paty, le professeur d’histoire-géo de sa fille, et l’assassinat barbare de celui-ci, décapité près de son collège de Conflans-Sainte-Honorine par un individu qui, il y a deux semaines encore, ignorait jusqu’à son existence.
    Abonné Assassinat de Samuel Paty : “Être musulman, c’est respecter l’autre dans sa dignité absolue” Youness Bousenna 8 minutes à lire

    Pendant ces huit jours, jusqu’à leur épouvantable culmination, l’enseignant a été la cible d’une campagne de dénigrement, à l’intensité centuplée par les réseaux sociaux, en public et en privé, en messages et en boucle. Avec l’aide de Facebook, WhatsApp ou Snapchat, la vindicte populaire a même franchi les frontières géographiques pour arriver jusqu’en Algérie. On n’en a rien su. Ou trop tard. Qu’aurait-il fallu faire pendant ces huit jours, aussi courts qu’interminables ?

    Dans cet embrasement, le problème n’est pas l’anonymat, déjà pris pour cible par certains responsables politiques désarmés, mais la foule et son viatique numérique. Comme un précipité des passions les plus tristes de l’époque, cet attentat vient rappeler que la raison voyage toujours moins vite que le bruit, et repose, dans les pires conditions possibles, cette question aussi vitale qu’indémêlable : comment rendre vivables nos conversations en ligne ? Comment faire pour que, a minima, on n’en meure pas ?

    Pour Olivier Ertzscheid, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université de Nantes, auteur du Monde selon Zuckerberg (éditions C&F, 2020), la solution s’écrit lentement : à l’urgence omnipotente des plateformes, il faut réussir à opposer un peu de friction et une certaine lenteur.

    En de pareilles circonstances, pourquoi accuse-t-on systématiquement les réseaux sociaux ?
    Il y a un effet de visibilité sur les réseaux sociaux, particulièrement dans la temporalité d’un attentat : ce que les gens disent de l’événement en ligne est immédiatement observable. Par un effet de raccourci intellectuel paresseux, il est facile de se raconter cette fable selon laquelle les réseaux sociaux seraient seuls responsables. C’est ainsi qu’on remobilise en catastrophe la loi Avia contre les discours de haine, alors qu’elle a été censurée par le Conseil constitutionnel et ferait plus de mal que de bien.
    Hommage à Samuel Paty : un pays sur une ligne de crête
    Valérie Lehoux 3 minutes à lire

    Quel regard portez-vous sur les déclarations de certains responsables politiques, notamment Xavier Bertrand, qui saisissent ce moment pour réclamer la fin de l’anonymat en ligne ?
    Il faut d’abord rappeler qu’il est totalement hors sujet de convoquer l’anonymat par rapport à ce qui s’est passé à Conflans-Sainte-Honorine. En dehors du compte Twitter qui a publié la photo de la tête décapitée de Samuel Paty, tous les acteurs de la chaîne sont identifiés. En vérité, ce réflexe pavlovien traduit deux choses : une incapacité politique à comprendre ce qui se joue sur les espaces numériques, et la tentation d’un discours liberticide, la volonté d’une prise de contrôle, d’une hyper-surveillance. À cet égard, certains de nos responsables politiques ne sont visiblement pas sortis du syndrome sarkozyste, qui décrivait Internet comme un « Far West » à civiliser.

    Difficile toutefois d’escamoter la part de responsabilité des réseaux sociaux. Le problème ne se situe-t-il pas dans leur architecture ?
    La finalité de ces espaces est de générer une rente attentionnelle, d’être un réceptacle publicitaire pour déclencher des actes d’achat, qu’il s’agisse de produits ou d’opinions. Je considère aujourd’hui les réseaux sociaux comme des espaces « publicidaires », c’est-à-dire qu’ils tuent toute possibilité d’un discours qui ne soit pas haineux. Tant qu’on ne changera pas ce modèle, économique et politique, on ne résoudra rien. Revenons vingt ans en arrière : quand Sergey Brin et Larry Page, les fondateurs de Google, ont créé PageRank, l’algorithme de leur moteur de recherche, ils ont expliqué leur démarche, en arguant que les autres moteurs – contrairement au leur – étaient biaisés et dangereux pour la démocratie. Regardons où ça nous a menés…
    “La vidéo du parent d’élève qui a déclenché cette spirale infernale a été partagée par de grands comptes, très suivis. Pas nécessairement parce qu’ils adhèrent au fond, mais parce que c’était facile.”

    Qu’aurait-il fallu faire pendant les huit jours qui ont séparé la mise en ligne de la première vidéo d’un parent d’élève et l’assassinat de Samuel Paty ?
    Dans un monde idéal, où les plateformes seraient soucieuses de produire des espaces de discours régulés, nous aurions pu mettre en place des mécanismes de friction afin de briser les chaînes de contamination. La vidéo du parent d’élève qui a déclenché cette spirale infernale a été partagée par de grands comptes, très suivis. Pas nécessairement parce qu’ils adhèrent au fond, mais parce que c’était facile. Ça ne coûte rien cognitivement et ça rapporte beaucoup socialement.

    Ces partages sont perdus dans un brouillard d’intentionnalité. Prenons l’exemple de la mosquée de Pantin : elle a d’abord diffusé la vidéo du père de famille puis, quelques heures après l’attentat, l’a finalement supprimée en exprimant ses regrets et en appelant aux rassemblements de soutien. Le temps de l’éditorialisation a complètement disparu, plus personne ne sait pourquoi tel ou tel contenu est relayé. Or les réseaux sociaux mettent en proximité des communautés qui ne s’entendent pas. Et parfois, ce mécanisme d’hystérisation déclenche chez quelqu’un une pulsion.
    “Dans une démocratie de deux milliards d’habitants comme Facebook, il n’est pas normal qu’il n’y ait pas de haltes, de ralentissements.”

    Faudrait-il renvoyer les discours de haine dans la sphère privée, au risque de favoriser un phénomène de balkanisation, de morcellement, qui nous empêcherait de repérer les départs d’incendie ?
    Facebook et consorts ont fait le choix de mettre en avant le partage privé dans ce qu’on appelle le « dark social » [c’est-à-dire le trafic de l’ombre, constitué d’informations échangées hors de la sphère publique, NDLR]. Il y a chez les plateformes une volonté de capter les moments d’agitation de surface pour alimenter des conversations privées.

    Il y a une clé pour comprendre le problème de la hiérarchisation entre espaces publics et interpersonnels : le design d’interface. Comme le formulait Lawrence Lessig [professeur de droit à Harvard et théoricien de l’Internet libre, NDLR] en 1999, « le code, c’est la loi », et ceux qui le fabriquent ne peuvent pas faire l’économie d’une profonde réflexion éthique. Ce n’est pas anodin de voir aujourd’hui un très grand nombre d’ingénieurs de la Silicon Valley regretter leurs créations, qu’il s’agisse du bouton j’aime ou du scrolling infini.

    On le voit, ce débat oppose l’urgence de la réaction à la lenteur, salutaire. Comment les réconcilier ?
    Dans une démocratie de deux milliards d’habitants comme Facebook, il n’est pas normal qu’il n’y ait pas de haltes, de ralentissements. Je ne dis pas qu’il faut rationner le nombre de contenus qu’on peut relayer quotidiennement sur les réseaux sociaux, ou qu’il faut instaurer un permis à points, mais il faut trouver un moyen de limiter les partages pulsionnels. Dans mes cours, j’oblige par exemple mes étudiants à recréer des liens hypertextes pour qu’ils produisent un effort intellectuel même minime avant de les envoyer. Pour autant, on ne peut pas uniquement blâmer l’utilisateur.

    Nous sommes dans un espace-temps qui nous sort de notre posture lucide, et personne ne se regarde en train d’utiliser les réseaux sociaux, pas plus qu’on ne s’observe en train de visionner un film au cinéma. Il faut travailler sur un cycle, qui va de la conception des plateformes – le premier levier – à l’éducation, en passant par la régulation. À condition de ne pas tout attendre du design (design utilisateur, ou UX design, ndlr), du politique ou de l’internaute, on peut y arriver.

    #Olivier_Ertzscheid #Samuel_Paty #Médias_sociaux

  • Élections américaines : entre Facebook et Trump, un mariage de réseau
    https://www.telerama.fr/idees/elections-americaines-entre-facebook-et-trump-un-mariage-de-reseau-6712640.

    Son patron, Mark Zuckerberg, a beau s’en défendre, Facebook est accusé de faire le lit du conspirationnisme et le jeu de Donald Trump, plus conciliant à son égard que le camp démocrate. Au point d’avoir scellé un pacte avec le président ? Octobre 2019 : alors qu’il est à Washington pour être cuisiné par le Congrès, Mark Zuckerberg reçoit une invitation informelle à dîner. Pas n’importe où : au 1600 Pennsylvania Avenue. À la Maison-Blanche. De cette réception en comité restreint, il ne filtrera rien, ni le (...)

    #CambridgeAnalytica/Emerdata #Facebook #manipulation #élections #extrême-droite

    ##CambridgeAnalytica/Emerdata

  • Les 15 (autres) plus beaux albums de rock cruellement sous-estimés par François Gorin et Hugo Cassaveti - telerama
    https://www.telerama.fr/musique/les-15-autres-plus-beaux-albums-de-rock-cruellement-sous-estimes-6701278.ph

    Toutes les semaines, dans la rubrique “Nos disques de chevet”, nos chroniqueurs reviennent sur l’histoire d’un disque culte, qui n’a pas eu la reconnaissance qu’il mérite. En voici une petite compilation totalement subjective...

    Jethro Tull n’aura définitivement jamais ma reconnaissance.
    #discothèque

  • Podcast : dans la police, le petit business de “l’outrage à agent”
    https://www.telerama.fr/radio/podcast-dans-la-police-le-petit-business-de-loutrage-a-agent-6699198.php

    Des policiers se font leur 13e mois avec les plaintes pour outrage et rébellion à agent. Un vrai business avec une augmentation de 25 % des condamnations en trois ans et des agents multirécidivistes qui prennent la justice pour un guichet de banque. Une enquête édifiante, signée Là-bas si j’y suis. Voilà qui ressemble à une fable : l’avocat, la juge et le flic. Sauf qu’elle est dépourvue de morale. Pas besoin d’aller au cinéma, ici la réalité a dépassé la fiction : des policiers saisissent la justice (...)

    #police #bénéfices

  • Quand l’Europe aide la Chine pour surveiller massivement ses concitoyens
    https://www.telerama.fr/idees/quand-leurope-aide-la-chine-pour-surveiller-massivement-ses-concitoyens-670

    Amnesty International publie un rapport qui montre que plusieurs entreprises européennes fournissent à Pékin des technologies de reconnaissance faciale. L’ONG pointe une faille majeure : aucun garde-fou européen ne limite l’exportation de ce type de technologies. On connaissait déjà la propension de la Chine à exporter son modèle numérique intrusif, des faubourgs de Quito aux rues de Valenciennes. L’itinéraire inverse est plus méconnu, et pourtant : ce lundi, en amont d’un trilogue européen – qui (...)

    #Nexa #AMESys #Ercom #Idemia #Morpho #Oberthur #algorithme #CCTV #Skynet #biométrie #émotions #facial #reconnaissance #vidéo-surveillance #surveillance (...)

    ##Wassenaar

  • « Made in France - Au service de la guerre », de Sophie Nivelle-Cardinale et Alice Odiot (Arte, 2020, 1 heure), en replay jusqu’au 21 octobre
    https://www.arte.tv/fr/videos/090021-000-A/made-in-france-au-service-de-la-guerre

    Un fabricant de matériel de guerre français est visé par une plainte pour complicité de crime de guerre après la mort de trois enfants palestiniens. Le récit d’un combat judiciaire sans précédent, depuis la bande de Gaza jusqu’au tribunal de Paris.

    Le 17 juillet 2014, pendant l’opération « Bordure protectrice » *, un drone israélien cible une maison dans un quartier populaire de Gaza. Wassim, Afnan et Jihad, trois enfants qui jouaient sur le toit, meurent, les corps criblés par les éclats d’un missile. Un enquêteur palestinien, Yamin al-Madhoun, chargé par l’ONG Al Mezan de récolter les preuves des crimes de guerre commis lors de l’offensive découvre un petit bout de métal parmi les débris. Il y est inscrit « Paris, France » et le nom d’une entreprise française. Pour la première fois, un lien juridique pourrait être établi entre un crime de guerre et un industriel français. Cette pièce à conviction permet le démarrage d’une procédure opposant les parents des enfants disparus à un fabricant de matériel de guerre. Fait inédit dans l’histoire de la jurisprudence française : un juge devra se prononcer sur la complicité d’une société privée à la participation d’un crime de guerre commis par une armée étrangère. La plainte est instruite depuis février 2018 par le pôle « Crimes contre l’humanité – crimes et délits de guerre » du tribunal judiciaire de Paris. L’affaire, en pleine instruction en 2020, était jusqu’ici restée confidentielle.

    « David contre Goliath »
    Les journalistes et documentaristes Sophie Nivelle-Cardinale (Prix Albert-Londres en 2016, pour le documentaire Disparus, la guerre invisible de Syrie) et Alice Odiot (lauréate du même prix en 2012 pour Zambie, à qui profite le cuivre ?) relatent l’affaire, des toits de Gaza jusqu’au cabinet parisien d’avocats qui juge le combat à venir comme celui de « David contre Goliath ». L’on suit le lent cheminement de la justice, en passant par le siège des Nations Unies ou par Tel Aviv, où les réalisatrices ont pu capter la parole de hauts dirigeants de l’armée israélienne. Outre les images glaçantes tournées par l’enquêteur au lendemain du bombardement, le documentaire s’attache aussi longuement aux survivants de la famille Shuheibar, leurs visages sonnés devant les enquêteurs et les avocats, ou leurs regards inquiets tournés vers le ciel. En dix ans, l’ONG Al Mezan a déposé 244 plaintes en Israël concernant plus de 500 civils tués ou blessés par les soldats israéliens dans la bande de Gaza. Aucune n’a abouti. Pour eux, le procès en France représente la seule réponse juridique aux crimes de guerre commis par Israël.

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    Crimes de guerre à Gaza : une société française visée par une enquête
    Luc Mathieu, Libération, le 22 septembre 2020
    https://www.liberation.fr/planete/2020/09/22/made-in-france-a-gaza-une-societe-poursuivie-pour-complicite-de-crimes-de

    Le père d’Afnan a gardé les débris du missile israélien qui a tué sa fille, âgée de 9 ans, le 17 juillet 2014 à Gaza. Il les a rangés dans des sacs en plastique. Dans l’un d’eux, une petite pièce qui ressemble à un fusible, sur laquelle on peut lire une inscription débutant par « Euro » et en dessous « France ».

    Ce débris est le point de départ de l’enquête des journalistes Sophie Nivelle-Cardinale et Alice Odiot. Il est aussi celui d’une procédure judiciaire en France, menée par le pôle crimes contre l’humanité et crimes et délits de guerre du tribunal de grande instance de Paris. Elle vise à déterminer la responsabilité de la société française Exxelia, qui a racheté Eurofarad, fabricant de composants utilisés dans l’industrie de l’armement. Celui retrouvé sur le toit est un capteur, qui sert à commander les ailettes d’un missile. Il n’est pas courant qu’une entreprise française soit poursuivie pour complicité de crimes de guerre. Trois enfants tués

    A Gaza, Yamin al-Mehdoun, enquêteur pour l’ONG Al Mezan, a retrouvé des missiles israéliens non explosés où est intégrée la même pièce. Il suit l’affaire depuis le début. Il était sur le toit de l’immeuble de la famille d’Afnan le 18 juillet 2014. La veille, vers 19 heures, un missile tiré par un drone israélien avait frappé la bâtisse. Trois enfants qui jouaient sont tués : Afnan, Wassim, 8 ans, et Jihad, 10 ans. L’armée israélienne avait lancé dix jours plus tôt l’opération « Bordure protectrice ». Elle s’achèvera fin août par un cessez-le-feu.

    La famille a porté plainte. Elle n’a eu aucun retour des autorités israéliennes. A Paris, leur avocat travaille à distance.. Gaza n’est pas un Etat, mais une enclave palestinienne où les entrées et les sorties sont contrôlées par Israël. Il n’a pas pu s’y rendre. Le juge d’instruction non plus. Lorsqu’il interroge les parents d’Afnan, c’est par vidéoconférence.

    Au cœur du film, qui passe de Gaza à Paris en passant par Genève, où siège la commission des droits de l’homme de l’ONU, la question revient : ceux qui fabriquent et vendent des armes sont-ils responsables des crimes commis par ceux qui les utilisent ? Le film n’y répond pas. C’est à la justice de le faire. L’instruction n’est pas achevée et pourrait durer encore des années. A Gaza, la mère d’Afnan se rappelle que sa fille est morte avec sa poupée préférée dans les bras. Le jouet, souillé de sang, est resté longtemps sur le toit de la maison.

    #Palestine #Gaza #France #Embargo #BDS #armement #Exxelia #Arte #Film #Documentaire

  • Avec la 5G, la France au bord de l’excès de vitesse ?
    https://www.telerama.fr/medias/avec-la-5g-la-france-au-bord-de-lexces-de-vitesse-6699762.php

    Progrès salutaire pour l’économie et les services selon ses partisans, comme Emmanuel Macron. Technologie potentiellement néfaste pour la santé et l’environnement pour ses détracteurs, dont de nombreux maires écologistes. Le débat sur le haut débit s’enflamme. Parfois, même les machines bien huilées se grippent. Elles tombent sur un grain de sable, calent, s’enrayent. Dans le sillage de ses voisins européens, la France a prévu d’embrasser la 5G qui, comme son sigle l’indique, désigne la cinquième (...)

    #ARCEP #Bouygues #Free #Orange #SFR #5G #technologisme

  • David Dufresne : “Face aux violences policières, la cécité est plus violente que les images”
    https://www.telerama.fr/cinema/david-dufresne-face-aux-violences-policieres-la-cecite-est-plus-violente-qu

    Dans son film “Un pays qui se tient sage”, en salles le 30 septembre, David Dufresne interroge le maintien de l’ordre en laissant parler les victimes de la répression policière qui ont émaillé le mouvement des Gilets jaunes. Entretien avec un ex-journaliste touche-à-tout à l’esprit punk, qui oppose au formatage des chaînes info la pluralité des voix et des images. Toujours en mouvement. Quand nous le rencontrons dans les bureaux parisiens de son producteur, David Dufresne est en plein tour de France (...)

    #documentaire #police #violence #lutte #surveillance

  • Livre pour enfants : “Nuit étoilée”, le chef-d’œuvre de l’année signé Jimmy Liao

    https://www.telerama.fr/enfants/livre-pour-enfants-nuit-etoilee-le-chef-doeuvre-de-lannee-signe-jimmy-liao-

    Une fillette solitaire laisse ses émotions enfouies prendre le gouvernail de sa vie. Alors jaillit la féerie, alors surgit un ami. Magnificence à fleur de pinceau, sensibilité à fleur de peau, un album hors du commun. À partir de 10 ans.

    Quelle splendeur ! La littérature jeunesse offre déjà chaque semaine son comptant de merveilles, mais une fois par an, un album se détache du lot, et s’envole très haut. Voici donc la pépite de cette année, venue de loin (Taïwan), après un long voyage (elle date de 2009), et méritant tous les égards dus aux grandes œuvres d’art. On tombe en arrêt devant chaque page, au point d’oublier de la tourner, ensorcelé par le mystère abyssal de ce que l’image est capable de raconter à elle seule. Le papier glacé dégage une odeur délicieuse, l’épaisseur de l’ouvrage promet de riches échanges, bref, tout est fait pour que ce livre devienne une pierre dans votre édifice personnel, même si vous croyez avoir passé l’âge. Noël n’est pas encore là, alors n’attendez pas. Faites-vous ce cadeau de la plus belle eau.

    #livre

  • #Podcasts pour enfants : sur RFI, des contes africains philosophiques et magiques
    https://www.telerama.fr/enfants/podcasts-pour-enfants-des-contes-africains-philosophiques-et-magiques-a-eco

    RFI a mis en son 55 contes narrés par la comédienne Éloïse Auria, à destination des enfants africains déscoralisés pendant le confinement. Une réussite qui, bonne nouvelle, va inciter la station à l’invention de nouveaux formats pour la jeunesse.

    #radio

  • Gary Peacock, esprit libre de la contrebasse, s’est envolé
    https://www.telerama.fr/musique/gary-peacock-esprit-libre-de-la-contrebasse-sest-envole-6694223.php


    https://www.francemusique.fr/jazz/gary-peacock-contrebassiste-de-jazz-est-mort-a-l-age-de-85-ans-87043

    Du jazz West Coast à la zénitude orientale, en passant par le free et des collaborations fructueuses avec Albert Ayler, Bill Evans ou Keith Jarrett, ce grand innovateur laisse une trace indélébile dans la musique du dernier demi-siècle. Il s’est éteint à l’âge de 85 ans.

    https://www.youtube.com/watch?time_continue=340&v=pZIlZ39OnSM&feature=emb_logo

    #gary_peacock #jazz #contrebassiste

  • La rentrée des chaînes info : Onfray, Raoult et racisme en majestés (1/2)
    https://www.telerama.fr/television/la-rentree-des-chaines-info-onfray-raoult-et-racisme-en-majestes-12-6686133

    « Le foot, c’est l’opium du peuple ? », demande Laurence Ferrari. Michel Onfray répond : « J’ai passé trois heures avec le professeur Raoult il y a quelques jours… » « Moi aussi ! », se vante la présentatrice, fière d’avoir servi la soupe au charlatan sur l’antenne de CNews. Le philosophe poursuit : « Et j’ai bien vu à Marseille… » Que Raoult était l’opium de Michel Onfray. En effet, interrogé sur la crise sanitaire, le philosophe prétend : « J’ai vu le professeur Raoult qui me disait que le masque, on n’était pas vraiment sûr que ce soit efficace. » Ce pourrait même être un vecteur de contamination. Seule solution : se gaver préventivement d’hydroxychloroquine. Laurence Ferrari salue son invité en citant son dernier opuscule : « La Vengeance du pangolin, chez Robert Laffont, il y a tout ce qu’il faut savoir sur l’épidémie. » Par le plus grand virologue de tous les temps.

  • Asmahan, la divine tragédie d’une diva orientale #paywall
    https://www.telerama.fr/musique/asmahan-la-divine-tragedie-dune-diva-orientale-6679068.php

    Oublier la violence de sa dernière dispute conjugale, et les coups de feu qui ont envoyé son mari du moment à l’hôpital. Oublier la concurrence des jeunes chanteuses célébrées par ceux-là mêmes qui l’ont portée, elle, la princesse druze de Syrie installée au Caire avec sa mère et ses frères depuis les années 1920. Oublier la colère des hommes du clan, furieux de la voir mener sa vie comme elle l’entend. Et ses tentatives de suicide, ses problèmes d’argent… Lorsque le réalisateur Youssef Wahbi suspend, en 1944, le tournage d’Amour et vengeance, la comédie musicale qu’Asmahan (1917-1944) tourne avec son frère Farid El Atrache – célèbre joueur d’oud –, elle en profite pour changer d’air. Cette grande voix du monde arabe, la seule alors à rivaliser avec l’indétrônable Oum Kalthoum (1898-1975), quitte la ville pour voir la mer. Qu’importe que son chauffeur habituel se soit fait porter pâle. Celui envoyé par le studio fera l’affaire. Ils roulent maintenant en direction de la Méditerranée. Mais sa Rolls, soudain, pique dans un canal.

  • C’était moche avant, c’est encore plus laid aujourd’hui
    https://seenthis.net/messages/197087

    Un hypermarché Leclerc s’installe au bout de la nouvelle voie express qui se cons­truit par tronçons entre Brest et Rennes. Puis viennent La Hutte, Conforama et les meubles Jean Richou... 300 hectares de terre fertile disparaissent sous le bitume des parkings et des rocades. Quelques maisons se retrouvent enclavées çà et là. La départementale devient une belle quatre-voies sur laquelle filent à vive allure R16, 504 et Ami 8. Un quartier chic voit le jour, toujours en pleine nature, qui porte un nom de rêve : la Vallée verte...


    €uropean Central Bank, Frankfurt

    /evilbuildingsblog.tumblr.com/

    #vilain

  • Amazon : du Gard à l’Inde, la fronde contre le géant s’organise
    https://www.telerama.fr/idees/amazon-du-gard-a-linde-la-fronde-contre-le-geant-sorganise-6668842.php

    Bataille judiciaire dans le Gard contre la construction d’un gigantesque entrepôt, manifs à New Delhi, révolte de salariés à Seattle… Ils sont de plus en plus nombreux à se rebeller contre Amazon, accusé de tout détruire sur son passage : petits commerces, emplois, paysages… Jusqu’à faire vaciller ce géant de l’e-commerce, à qui la crise sanitaire a globalement plutôt bien profité ? Les sandales de Patrick Genay font craquer les brindilles brûlées par le cagnard, sur les galets roulés caractéristiques des (...)

    #Ring #Amazon #AmazonWebServices-AWS #algorithme #Rekognition #sonnette #CCTV #consommation #domination #données #BigData #vidéo-surveillance #surveillance #militaire #urbanisme #COVID-19 #santé #GigEconomy (...)

    ##santé ##travail

  • Renault 12
    Réalisation : Mohamed El Khatib
    Année : 2017
    Disponible du 08/07/2020 au 12/09/2020
    https://www.arte.tv/fr/videos/075196-000-A/renault-12
    https://api-cdn.arte.tv/api/mami/v1/program/fr/075196-000-A/940x530

    Dans une épopée intime entre France et Maroc, rêverie et autodérision, le dramaturge Mohamed El Khatib interroge le deuil, l’identité et l’héritage. Un « road movie » documentaire en Renault 12...

    En février 2012, Mohamed El Khatib perd sa mère, Yamna, emportée par un cancer. Pendant des semaines, par le biais d’une petite caméra installée face à son lit d’hôpital, il a filmé leurs entretiens et leurs échanges. Dans les jours qui suivent, alors qu’avec son père et ses sœurs ils rapatrient le corps par avion d’Orléans à Tanger, puis retrouvent oncles, tantes et cousins à l’occasion des funérailles, le dramaturge capte aussi quelques images. Mêlés à d’autres matériaux documentaires, ces éclats d’amour et de deuil feront la texture d’un hommage scénique à la disparue (Finir en beauté, présenté en 2015 au Festival d’Avignon). Avec ce road movie dont il est le personnage principal, il en propose aujourd’hui une suite cinématographique.

    • Après les funérailles de sa mère, le dramaturge Mohamed El Khatib reçoit d’un oncle marocain un appel laconique, l’enjoignant d’acquérir une Renault 12 et de la descendre jusqu’au Rif, pour y toucher sa part d’un héritage qu’il ne soupçonnait pas. À travers une série de rencontres plus ou moins fortuites et de retrouvailles avec des proches de la défunte, cet étrange voyage lui permet d’évoquer l’absence et de comprendre mieux la femme qu’elle était, témoignant d’une pudeur et d’un humour constants qui donnent à ce documentaire — le premier qu’il réalise — une patte singulière. Mohamed El Khatib y jongle avec le réel et l’imaginaire, la temporalité et toutes sortes de fragments (prises de vues à l’hôpital, photos, notes personnelles, adresse à son enfant, interviews et péripéties plus ou moins véridiques…), conviant le spectateur à jouer avec lui tout au long de ce drôle de film exempt de mièvrerie. Un road-movie dans lequel l’émotion s’avère aussi légère que poignante, et qui n’esquive pas certaines dissonances, évoquant par exemple l’hostilité que sa démarche inspire à l’une de ses sœurs.

      Conçu à la suite d’un spectacle créé en 2015 au Festival d’Avignon (Finir en beauté : pièce en un acte de décès), Renault 12 signe l’acte de naissance d’un cinéaste d’une grande finesse et d’une grande fantaisie. Vivement le prochain film !

      https://www.telerama.fr/cinema/films/renault-12,n5790390.php

    • @vanderling : ce modèle de Renault a également eu un franc succès en Europe de l’Est avant la chute du bloc soviétique. Renault avait vendu ses chaînes de montage à la Roumanie communiste d’alors et la voiture était commercialisée sous le nom de ... Dacia. Elle ressemblait à s’y méprendre à l’original mais en version « low cost » et on n’en trouvait pas de ce côté-ci du rideau de fer. (Mais on s’égare un peu du sujet, là) ...

    • Un autre article sur le film :

      Du décès de sa mère, Mohamed El Khatib avait déjà tiré une pièce singulière, “Finir en beauté”. Avec “Renault 12”, il ravive son souvenir sous la forme d’une épopée intime entre la France et le Maroc. Un premier documentaire libre, à la fois tendre et grinçant.

      La mémoire retient durablement les traits de celles et ceux qu’on a aimés. Quand sa mère est tombée malade, le dramaturge Mohamed El Khatib n’a pas craint d’oublier son visage mais le grain de sa voix. C’est pourquoi il a pris soin d’enregistrer leurs conversations à l’hôpital. « Je me souviens m’être dit : “Si elle meurt, au moins ces traces resteront.” » Dans l’une d’elles, elle lui confie sentir sa fin imminente. « Je m’entends lui répondre : “Ne dis pas de bêtises”, puis embrayer sur tout autre chose. Pourquoi n’ai-je pas été capable de l’écouter et de lui demander ce qui lui ferait plaisir, qui elle aimerait voir ? Je regrette de n’avoir pas eu ce courage, d’avoir été dans le déni comme tout le monde, jusqu’aux médecins qui se gardaient de prononcer le mot “cancer”. »

      Préserver des moments et pointer les non-dits, quitte à « crever l’abcès » — deux préoccupations ancrées dans la vie de cet homme de théâtre, qui a grandi dans une famille où l’« on parlait très peu à table », et qui signe avec Renault 12 son tout premier documentaire. Il y évoque les péripéties consécutives aux obsèques de sa mère : la descente de son fils au Maroc, où l’attend un héritage dont la nature surprenante le cueillera au terme du voyage. Un retour à la mère envisagé après la création, en 2015, de Finir en beauté, pièce en un acte autour de sa maladie et de ses funérailles de part et d’autre de la Méditerranée. « J’ai joué ce spectacle plus de trois cents fois dans quatorze pays, au point que ma sœur me demande quand je vais arrêter de gagner ma vie sur le dos de la mort de maman. »

      On n’en a jamais fini avec sa mère. Après l’espace intime de la scène, Mohamed El Khatib redécouvre la femme qu’elle était dans ce road-movie original, facétieux et profond, comme certains films d’Alain Cavalier avec lesquels il entretient un étroit cousinage. Les deux hommes se connaissent d’ailleurs, et se livrent au théâtre, depuis un an et demi, à des conversations improvisées pour des publics restreints, presque en catimini.

      Comme son illustre aîné, Mohamed El Khatib filme ce qui l’entoure, retenant de son quotidien des images privées qu’il utilise parfois à l’intérieur de ses spectacles. « J’ai commencé avec un Caméscope acheté par mon père sur un marché. J’ai continué avec une caméra semblable à celle qu’Alain utilise dans Pater, dont la vision m’a convaincu que faire un film était un jeu d’enfant. »

      “Les contours de la réalité sont-ils si nets qu’il interdisent de cultiver l’ambiguïté, de flirter avec la fiction dans un documentaire ? ”

      Ludique, Renault 12 l’est de bout en bout, embarquant le spectateur dans une quête intime où l’humour et la désinvolture nimbent de pudeur la douleur de la perte et la force de l’amour filial. Qu’il suggère sa traversée de la France et de l’Espagne en déplaçant une miniature automobile sur une carte routière, ou singe Sancho Pança sur un âne dans le Rif après s’être attardé sur les terres du Quichotte, le novice s’octroie des libertés qui pourront agacer les ayatollahs du cinéma direct.

      Comme lorsqu’il fait passer pour sa sœur l’actrice algérienne Saadia Bentaïeb (120 Battements par minute), qui clame avec un naturel confondant son désaccord sur le projet du film. « Ç’aurait été dommage de me priver du point de vue de ma sœur pour la seule raison qu’elle ne voulait pas apparaître à l’écran », s’explique-t-il, un rien filou. Avant de se féliciter qu’un ami ait salué le talent de l’« acteur » interprétant son père — qui n’est autre que son père lui-même. « Les contours de la réalité sont-ils si nets qu’il interdisent de cultiver l’ambiguïté, de flirter avec la fiction dans un documentaire ? »

      À 40 ans, le fils de Yamna et Ahmed n’a pas fini de jouer comme un enfant. Comme Norah, sa fille de 3 ans dont il aurait aimé qu’elle connaisse sa grand-mère et à qui Renault 12 est dédié. « Je ne me lasse pas de la filmer au milieu de ses Lego. Sa capacité à s’amuser sérieusement en fait un modèle d’actrice », s’enthousiasme le fils devenu père, qui entend bien persévérer dans le cinéma du réel. Il s’apprête à tourner pour France 2 La Dispute, qui évoquera le divorce de quelques parents à travers le regard et les mots de leur progéniture. Et prépare avec l’historien Patrick Boucheron un duo théâtral autour des boules à neige. Encore un jeu d’enfant.

      François Ekchajzer

      https://www.telerama.fr/ecrans/renault-12-sur-arte-mohamed-el-khatib-sur-la-route-du-deuil-maternel-666270

  • Sur Doctolib, le secret médical est soigné avec beaucoup trop de légèreté
    https://www.telerama.fr/medias/sur-doctolib-le-secret-medical-est-soigne-avec-beaucoup-de-legerete-6665635

    Doctolib, leader européen de la santé en ligne, est utilisé par 38 millions de patients en France. Alors que la start-up convoite le marché américain, est-elle en mesure d’assurer la confidentialité de nos données personnelles de santé ? En période de crise sanitaire, la question est encore plus sensible et de nombreuses voix s’en inquiètent. Enquête. 3 avril 2019 : fraîchement nommé au secrétariat d’État chargé du Numérique, Cédric O effectue sa première visite officielle chez le joyau de la « start-up (...)

    #ANSSI #Microsoft #Amazon #Doctolib #[fr]Règlement_Général_sur_la_Protection_des_Données_(RGPD)[en]General_Data_Protection_Regulation_(GDPR)[nl]General_Data_Protection_Regulation_(GDPR) #données #BigData #CloudAct #CloudComputing #hacking #santé #CNIL (...)

    ##[fr]Règlement_Général_sur_la_Protection_des_Données__RGPD_[en]General_Data_Protection_Regulation__GDPR_[nl]General_Data_Protection_Regulation__GDPR_ ##santé ##AmazonWebServices-AWS

  • “Grande-Bretagne : Global Assange” sur Arte, l’aventure informatique la plus fascinante du XXIe siècle
    https://www.telerama.fr/television/grande-bretagne-global-assange-sur-arte-laventure-informatique-la-plus-fasc

    Disponible en replay sur Arte.tv, le documentaire revient sur les faits d’armes du fondateur de WikiLeaks puis se focalise sur une affaire dans l’affaire : l’opération Hotel. Ou comment Assange a été espionné par une officine espagnole pour les services secrets américains lors de son asile à Londres… Enfermé depuis avril 2019 dans la prison de Belmarsh, un pénitencier londonien d’ordinaire réservé aux suspects dans des affaires de terrorisme, Julian Assange risque 175 ans de prison. Le fondateur (...)

    #activisme #militaire #hacking #surveillance #Wikileaks