Du « grand tour » à Sciences Po, le voyage des élites, par Bertrand Réau (Le Monde diplomatique, juillet 2012)

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  • @raspa :

    Pour qui aspire aux positions sociales les plus élevées, apprendre à être à l’aise dans des contextes sociaux et culturels divers représente un atout majeur. Au XVIIe siècle déjà, le « grand tour » parachevait l’éducation des jeunes aristocrates. Ce voyage de plusieurs mois les amenait non seulement à rencontrer des savants et à se mêler à leurs pairs d’autres pays, mais aussi à s’encanailler en vivant dans des conditions matérielles moins confortables qu’à l’accoutumée.

    Le « grand tour » n’a pas disparu. Des écoles prestigieuses ont même intégré ce type de séjour à leur cursus : « Dans un monde aux frontières de plus en plus ouvertes, la formation se doit d’être internationale », peut-on ainsi lire sur le site Internet de Sciences Po. C’est que, comme l’explique le sociologue Norbert Elias, à mesure que la violence physique recule dans la vie sociale, la distinction se met à reposer sur des pratiques pacifiées : il ne s’agit plus de montrer sa force, mais ses qualités culturelles, son adresse, son prestige, sa capacité à alimenter les conversations mondaines (1). Autant d’aptitudes que les voyages aident à développer.

    sur les voyages qui forment ou pas la jeunesse, sur les pioupious vs les migrants du même âge, sur la circulation des élites hier et aujourd’hui : un excellent article du Monde Diplo : https://www.monde-diplomatique.fr/2012/07/REAU/47948

    Tout voyage à l’étranger ne constitue donc pas un capital. La valorisation de l’« international » comme ressource ne s’opère que sous certaines conditions, celles-là mêmes qui contribuent à la reproduction de l’ordre social national (9).

    Ça me fait réaliser que de ce que j’observe les jeunes de classes populaires et classes rurales qui partent sur des projets solidaires font ça relativement jeunes (15-18 ans, 20 ans max), et de façon encadrée (avec des animateurs jeunesse qui accompagnent avant et pendant, dans le cadre d’un jumelage des communes/collectivités le plus souvent), alors que les jeunes des classes aisées sur ces mêmes projets solidaires partent un peu plus tard (18-25 ans), et de façon « spontanée », sans accompagnateur ni incitation directe par une institution.
    Et je ne suis pas sûre que ça se valorise pareil dans un parcours pro après (sur les fameux soft skills et sur la capacité à monter des projets en autonomie. Autonomie à questionner d’ailleurs : dans un cas, les « coups de pouce » (financiers, réseaux...) sont très visibles parce qu’au premier plan en raison de leur caractère institutionnel. Dans l’autre, ils sont, je pense, pas tellement moins présents (don financier de la grand-mère, contact associatif « là-bas » du meilleur ami du père...), mais bien plus cachés, donnant l’illusion que les jeunes ont fait leur projet « tout seul ». C’est de la sociologie à la sauvage, mais je pense qu’il y a un truc à creuser).

    • Pour de la sociologie de basement, c’est très intéressant. Existe-t-il un barème pour évaluer la qualité missionariale des jeunes (et des moins jeunes) ?

      Sinon, gardez les yeux ouverts, avec une formulation logique de même, ça va entrer dans les algorithmes de sélection sous peu, et fissa, le jeune actif 3.0 est né.
      Il faut quand même spécifier que le fait que « la violence recule dans la vie social », est une formulation relativement douteuse. La violence ne recule devant rien. Parler de paix sociale pour définir notre époque est un orientalisme brutal. Ce ne serait pas plutôt la systématisation de l’appropriation culturelle comme vecteur de bonne conscience ?

      C’est le terme de « sauvage » qui me fait réagir, pardon.

  • Dossier : Tourisme, l’industrie de l’évasion (Le Monde diplomatique, #2012/07)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2012/07/A/47982

    Jusqu’au début du XXe siècle, seules certaines franges de la haute société pouvaient partir à la découverte du monde. Si le séjour à l’étranger n’a pas perdu sa vocation distinctive (lire « Du “grand tour” à Sciences Po, le voyage des élites »), le tourisme a cessé d’être l’apanage des plus riches. Il alimente une nouvelle industrie qui conduit à des déplacements massifs de population, comme en Chine (lire « Quand les Chinois découvrent les joies de la villégiature »). Mais la conquête du temps libre a-t-elle pour autant tenu ses promesses d’émancipation (lire « Oisiveté bien encadrée ») ? Contrairement à un mythe tenace, les vacances des Occidentaux — en quête d’une illusoire authenticité compatible avec leur confort (lire « Dans la jungle de Bornéo, des visiteurs en quête d’authenticité ») — ne participent pas toujours au développement des pays du Sud (lire « A qui profitent les vacances ? ») ni à l’épanouissement des saisonniers sur le marché du travail (lire « Gentils organisateurs en colère »).
    http://www.monde-diplomatique.fr/2012/07/REAU/47948
    http://www.monde-diplomatique.fr/2012/07/NYIRI/47939
    http://www.monde-diplomatique.fr/2012/07/BOURDEAU/47937
    http://www.monde-diplomatique.fr/2012/07/LUQUIAU/47947
    http://www.monde-diplomatique.fr/2012/07/CAIRE/47938
    http://www.monde-diplomatique.fr/2012/07/BOURDEAU/47942

    #Loisirs #Travail #Tourisme #Industrie #Société #Marketing #Entreprise #Inégalités #Environnement #Développement #Relations_Nord-Sud #Chine #Europe #France #Malaisie

    En #chiffres
    http://www.monde-diplomatique.fr/2012/07/A/47941

    Qui voyage ?

    Population mondiale bénéficiant de congés payés : 4 milliards.

    Nombre de personnes effectuant au moins un voyage touristique international dans l’année :

    • 200 à 250 millions, soit 1 habitant de la planète sur 30.

    • 26 % des habitants de l’Union européenne.

    • Entre 50 et 60 % des Danois, des Néerlandais, des Norvégiens et des Autrichiens.

    • Plus de 40 % des Allemands, des Belges et des Britanniques.

    • Moins de 20 % des Français, des Italiens et des Espagnols.

    En France, les cadres supérieurs et professions libérales effectuent 22 % des séjours à l’étranger, alors qu’ils ne représentent que 7 % de la population.

    Sources : Bureau international du travail ; Organisation mondiale du tourisme ; Eurostat 2008 ; direction du tourisme (2005).

    L’une des plus grandes industries du monde
    (exportations, montants en milliards de dollars)

    • Energie : 1 800.

    • Produits chimiques : 1 450.

    • Equipements professionnels et télécommunications : 1 300.

    • Produits agricoles : 1 150.

    • Tourisme : 1 032 (dépenses touristiques internationales incluant les voyages).

    • Industrie automobile : 850.

    • Industrie textile : 530.

    Au total, le tourisme intérieur et international participe directement ou indirectement à la formation de 9 % du produit intérieur brut (PIB) mondial et à l’emploi de 250 millions de personnes dans le monde.

    Source : World Travel & Tourism Council (WTTC).