A qui profite le sale ?

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    Alors que la France a célébré la victoire de son équipe de football, supposée représenter son ouverture et sa diversité, les débats entre ceux qui revendiquent la dimension cathartique de la vulgarité des slogans dans les stades et ceux qui déplorent cette culture de masse comme étant avilissante, ont fait rage. Sauf qu’au-delà du bien-fondé ou non de l’amour du football, n’est-ce pas surtout la question de la bienséance qui s’y niche ? Ce fameux « bon goût à la française » si précieux à « notre » culture, mais que personne ne saurait finalement définir ? Ce qui est sûr, c’est que le mauvais goût, le vulgaire, le sale doivent être bannis de ce qui « représente la France », en tout cas en surface.

    L’image donnée au monde se veut lisse, diverse, ouverte, politiquement correcte. Mais entre les relents racistes qui entourent les institutions qui mènent le jeu footballistique et les révélations d’agressions sexuelles dans les fans zones, difficile de faire la part des choses entre ce qui est sale et ce qui ne l’est pas. Les affres des supporters peinent à être mis en exergue afin de ne pas gâcher la fête. L’image de cohésion et d’amour collectif que l’on cherche à traduire et la question des origines des joueurs restent tabous. Bref, le vulgaire, le sale, le mauvais goût semblent plus facile à dénoncer quand ils ne touchent pas à la grandeur de la France.

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    Souvent, voire systématiquement, pointée du doigt dans le rap français, la vulgarité semble se cantonner à ce domaine. Quand Médine souhaite faire le Bataclan, l’insurrection vient des défenseurs de l’ordre moral qui y voient blasphème républicain et mauvais goût. Quand il est question que Damso chante l’hymne des Diables Rouges, le peuple se soulève contre cette « erreur de casting » vu la vulgarité du bonhomme. Pourtant, l’hymne de l’union Belge a été confiée à Grand Jojo, comme le précise Mekolo Biligui, blogueuse et journaliste rap pour le magazine iHH, chroniqueuse radio dans le VRF Show sur Radio Campus Paris, dans le Toho-Bohu sur Radio VL, qui dit dans Tiens c’est la belle vie « ma nourrice était négresse, c’était une noire avec des tresses quand je prenais le sein j’aimais ça, ça goûtait le chocolat ». A croire que le racisme ouvertement exprimé vaut mieux que la régression au stade anal et que l’humour à caractère sexuel ne vaut qu’à condition d’être cantonné au sport. Dans le cadre de cette communion nationale, les dérives sont socialement acceptables (tant racistes que sexistes), mais dans le rap tout est suspect. L’un et l’autre relève pourtant des mêmes mécanismes : la catharsis, la sublimation, le dépassement de soi pour rejoindre le collectif, le sentiment d’appartenance.

    Un texte en fait très puritain qui valide l’équation sexe = saleté et vulgarité. Il réussit aussi le tour de force de faire passé les agressions sexuelles infligées aux femmes pour un simple problème d’hygiène. L’activation de l’argument de la « catharsis » ou « la sublimation » est unilatérale comme d’habitude, puisque on ne catharsis que les machos porteurs de couilles. C’est un peu comme de mettre en valeur l’aspect cathartique pour les blancs racistes de chants qui légitimeraient et inciterait au lynchage des noirs.

    #misogynie #hygiène #puritanisme #catharsis #sexisme #rap #foot #virilité #culture_du_viol