/revue-politix-2014-2-page-59.htm

  • « Messire Dieu, premier servi » | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-politix-2014-2-page-59.htm

    « La situation va mal. On va vers des heures plus sombres encore. On ne vous demande pas grand-chose. Pensez que vous n’êtes même pas capables de vous bouger alors que nos parents et grands-parents, et ceux avant eux, ont beaucoup plus encaissé. Le militant, je vous le dis, c’est le martyr des temps modernes ! Parce que vous savez quoi ? Les gauchistes qui tiennent les facs, ils donnent tout : leur temps et leur argent ! »
    (Alain Escada aux militants de Civitas, école Saint-Michel, Niherne, 20 février 2010)

    La Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX), branche « intégriste  [1]
    de l’Église romaine, schismatique depuis l’excommunication en 1988 de son créateur, Mgr Lefebvre, revendique trente-cinq mille fidèles français Parmi ceux-ci, une minorité ne se contente pas de suivre le rite tridentin à l’abri des regards et ose afficher ses convictions dans l’espace public en rejoignant l’Institut Civitas. Fondé en 1999, ce groupe « contre-révolutionnaire » se présente sur son site internet comme un mouvement politique « inspiré par le droit naturel et la doctrine sociale de l’Église et regroupant des laïcs catholiques engagés dans l’instauration de la Royauté sociale du Christ 
     ». Ses prises de position contre l’« homofolie », le « meurtre des enfants à naître », la « christianophobie » et l’« invasion de l’Occident » le situent résolument à l’extrême droite. Civitas sort de l’anonymat en avril 2011 lorsque ses imprécations contre l’exposition à Avignon du « Piss Christ » d’Andres Serrano sont reprises par l’archevêque de la cité des papes. Les militants de Civitas font surtout parler d’eux six mois plus tard, en perturbant des représentations théâtrales jugées blasphématoires 
    et, plus récemment, pour leur opposition radicale au projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes du même sexe.
    2

    Aussi remarqué qu’il ait été, cet engagement n’a, à notre connaissance, pas fait l’objet de publications en science politique ? 
    . Il n’y a pourtant rien d’évident à ce que les jeunes de Civitas, quand ils ne sont pas occupés à prier, passent leur temps libre à étudier la doctrine du Christ Roy et à s’entraîner au combat dans la forêt, avant d’aller manifester sous les quolibets des passants. En quoi sont-ils attirés par un engagement si total, qui implique un tel contrôle de soi et de son comportement ordinaire ? Comment parviennent-ils à maintenir une image positive d’eux-mêmes lorsque, en tant qu’adeptes d’une foi dissidente et porteurs d’un programme politique désavoué, ils empruntent une voie incertaine qui les prive du soutien attaché à ceux qui font corps avec la majorité ? Nous nous proposons d’analyser les conditions de possibilité de ce militantisme intégriste.