• Décès de Philippe Aigrain : une grande perte pour les libertés numériques

    Philippe Aigrain est inclassable. Randonneur émérite, il aimait tant arpenter les chemins des Pyrénées qu’il en avait fait son twitname (@balaitous). Pourtant une chute lors d’une sortie en montagne vient de lui être fatale. Une grande tristesse pour toutes celles et ceux qui l’ont croisé et accompagné dans ses multiples projets. Avec les quelques mots qui suivent, je voudrais adresser toute mon amitié à Mireille qui l’accompagnait depuis si longtemps, en souvenir d’une belle ballade tous les trois autour de leur maison.

    Philippe a été un inlassable défenseur des logiciels libres quand il œuvrait dans les bureaux de la Commission européenne. Partant ce ce mouvement, il a découvert très tôt l’enjeu des communs, notamment des communs numériques et de la connaissance. Avec son ouvrage Cause commune, l’information entre bien commun et propriété, il fut le premier à ré-introduire en France la notion de communs en relation avec le nouveau statut de la connaissance à l’ère des réseaux numériques. Un projet sans cesse à remettre sur le chantier, comme par exemple aujourd’hui autour de la question des brevets sur les vaccins contre le Covid.

    Je me souviens de la préparation de la conférence et du livre Pouvoir savoir, Le développement face aux biens communs de l’information et à la propriété intellectuelle , en 2005, sur la relation entre la connaissance et le développement. Alors qu’à la suite des débats de l’époque j’étais principalement focalisé sur le côté négatif, sur le poids que les extrémistes de la propriété intellectuelle faisaient peser sur le développement, Philippe a longuement insisté sur la nécessité de parler des biens communs comme de l’alternative adaptée à cette question. Il avait totalement raison.


    (Philippe Aigrain lors de la rencontre internationale des communs. Berlin, 2010.)

    Inlassable défenseur des libertés, Philippe a très tôt compris le risque que le numérique faisait peser sur les libertés individuelles. En créant en 2008 La Quadrature du Net avec Benjamin Sonntag et Jérémie Zimmermann, il a lancé un grand mouvement d’opinion et de plaidoyer. Les évolutions ultérieure de la technopolice partout dans le monde ont validé très largement son intuition. Les techniques de traçage et leur usage tant par les entreprises privées du numérique que par les États et les autres collectivités se renforcent chaque jour. Et c’est bien par une action juridique et politique déterminée que l’on pourra éviter la mise en place d’un nouveau régime de gouvernement appuyé sur une connaissance des activités et des affects de chaque individu.

    Mais Philippe Aigrain ne saurait se résumer à cet aspect de militant du numérique. Il est aussi un poète, tant par ses oeuvres que par l’appui qu’il a essayé de porter constamment à la poésie vivante. En 2014, il a repris le flambeau de Publie.net , la maison d’édition créée par François Bon. Il a ainsi participé à construire une indispensable maison d’édition de poésie et de littérature contemporaine française, présentant un modèle hybride de livres imprimé et numériques.

    Philippe, tes intuitions, tes saines colères, ta détermination et la clarté de tes positions vont nous manquer.

    #Philippe_Aigrain #Libertés_numériques #Communs #Tristesse

  • Du côté des communs

    Bonjour,

    Comme vous le savez si vous suivez depuis longtemps le travail de C&F éditions, la question des communs est un des fondamentaux de notre politique éditoriale.

    Le livre « Pouvoir Savoir » de 2005, est un des premiers à mentionner les communs dans leur relation à la propriété intellectuelle (https://cfeditions.com/pouvoirSavoir). Et en 2011, "Libres Savoirs : les communs de la connaissance "permettait de faire le point avec un regard mondial en convoquant des auteurs des cinq continents (https://cfeditions.com/libresSavoirs ). Les articles de ces deux ouvrages sont en accès libre sur le site de l’association Vecam qui nous a accompagné dans ce travail (https://vecam.org/-Publications-).

    J’ai moi-même commis un ouvrage qui est un recueil d’articles : « En communs : une introduction aux communs de la connaissance » (https://cfeditions.com/en-communs) dont il ne reste que quelques dizaines d’exemplaires (dépêchez-vous, comme il s’agit d’un recueil d’articles disponibles par ailleurs sur le web, il ne sera pas ré-imprimé).

    Depuis, le sujet a pris une grande ampleur, à la fois dans le discours politique public, et dans les recherches en sciences humaines et sociales. Nous avons donc d’autres livres en préparation sur ce sujet, dont un ouvrage traduit de l’espagnol « Des communs au municipalisme » à paraître début 2019. Les deux auteurs, César Rendueles et Joan Subirats, sont à la fois des chercheurs et des personnes engagées dans la gestion des « villes en communs », notamment Barcelone et Madrid.

    Mais nous ne sommes pas les seuls à publier en ce domaine, et heureusement. Aussi voici quelques pistes pour des livres et des revues récents qui vont compléter les travaux que nous avons engagé depuis les années 2000.

    Tout d’abord deux revues scientifiques en accès libre que j’ai eu le plaisir et l’honneur de coordonner :

    – Numéro spécial de la revue TIC & Société : « Communs numériques et communs de la connaissance »
    https://journals.openedition.org/ticetsociete/2347

    – Numéro spécial de la revue NETCOM : « Commns urbains et équipements numériques »
    https://journals.openedition.org/netcom/2593
    (en collaboration avec Philippe Vidal, géographe et aménageur qui va proposer bientôt un ouvrage sur « la convention internet » que nous publierons au printemps 2019).

    Puis un ouvrage essentiel pour celles et ceux qui s’intéressent aux communs, qui regroupe ce que l’on pourrait appeler « l’école française des communs » :
    – dictionnaire des biens communs, ous la direction de Marie Cornu, Fabienne Orsi et Judith Rochfeld, publié aux PUF.

    Enfin, le bilan d’un colloque de Cerisy « Vers une république des biens communs ? », dans lequel interviennent des auteurs avec lesquels nous avons aussi l’habitude de travailler (Frédéric Sultan, Valérie Peugeot,...) a été publié aux Éditions Les liens qui libèrent (qui fait aussi un gros travail sur les communs, en publiant notamment Benjamin Coriat ou Michel Bauwens).

    Amis des communs, vos lectures de rentrée sont avancées. Et pour les bibliothèques qui veulent constituer un fonds sur ce thème, voici une liste de départ, évidemment incomplète.

    Bonne lecture,

    Hervé Le Crosnier

    #Communs #C&Féditions #Vecam