UNE AFFAIRE DE VIOL ?
Lundi, 25 Mars, 1991
LA 63e cérémonie des Oscars aura lieu à Hollywood dans la nuit de lundi à mardi. D’ici là, la polémique sur « l’affaire Depardieu » ne sera sûrement pas éteinte, en tout cas pas de ce côté-ci de l’Atlantique, où elle prend désormais figure de cabale anti-française. Le ministre de la Culture, Jack Lang, est allé jusqu’à se déclarer « attristé, navré, étonné, un peu indigné par les méthodes utilisées et l’ampleur de la campagne, totalement disproportionnée », lancée aux USA contre l’interprète de « Cyrano de Bergerac », le film de Jean-Paul Rappeneau, déjà grand vainqueur des Césars, d’ores et déjà nommé cinq fois (meilleur acteur, meilleur film en langue étrangère, meilleurs décors, meilleurs costumes et meilleurs maquillages) pour la récompense la plus fameuse de l’industrie cinématographique.
A l’origine de l’histoire, il y a cette interview de Depardieu, publiée en 1978 dans le magazine « Film Comment », dans laquelle notre Cyrano aurait avoué avoir participé à un viol à l’âge de neuf ans. Et une journaliste de « Time », qui aurait levé le lièvre dans sa documentation, de lui demander : « Et après cela, il y a eu d’autres viols ? » « Oui », lui aurait-il été répondu, mais c’était absolument normal dans ces circonstances. Cela faisait partie de mon enfance. »
L’organisation de femmes américaines NOW (National Organisation of Women) est aussitôt montée au créneau (les statistiques accusent le chiffre effarant de 100 000 viols pour la seule année passée aux USA). « Cet homme est une insulte pour les femmes et les hommes qui ont le souci des femmes », s’est écriée leur présidente, qui va jusqu’a réclamer des dommages et intérêts pour les victimes de viols en général.
Depardieu, dans une interview au « Monde », s’est inscrit en faux contre les déclarations qu’on lui a prêtées, tandis que Rappeneau fait savoir que ses avocats américains ayant décrypté la bande magnétique incriminée, aucun des propos de l’acteur n’étayerait l’imputation de viol. Une action en justice va donc être intentée contre « Time » et « Washington Post » qui a repris l’information. Rappeneau estime que ces attaques délibérées ont à voir avec le fait que son film a connu du succès aux Etats-Unis, ce qui serait intolérable pour cette nation aux moeurs étroitement protectionnistes, en matière de cinéma comme d’eau gazeuse. Voir Perrier.
En tout cas, Depardieu, qui se défend comme un beau diable (« Je démens catégoriquement les propos que m’a attribués « Time magazine » à propos d’un « viol » que j’aurais commis à l’âge de neuf ans. C’est infâmant, à neuf ans comme à tout âge. Certes, on peut dire que j’ai eu des expériences sexuelles très jeune, mais un viol, jamais. Je respecte trop les femmes. ») ne se rendra vraisemblablement pas à Hollywood pour le grand tralala de la nuit prochaine. Il vient de commencer le tournage à l’île Maurice, sous la direction de Gérard Lauzier, d’un film intitulé « Mon père, ce héros ».