• Protéger la victime et l’institution. UUn moment charnière de la lutte contre les violences de genre dans l’enseignement supérieur | Jennifer Simoes
    https://pantherepremiere.org/texte/proteger-la-victime-et-linstitution

    Depuis des années, des associations d’étudiantes et de personnels luttent contre les discriminations et le harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur. Mises à l’agenda politique, ces violences sexistes et sexuelles font désormais l’objet d’un plan national et de dispositions législatives, obligeant notamment chaque établissement public à mettre en place une cellule d’écoute et de signalement. Enquête auprès de personnes qui animent ces dispositifs, ainsi que de représentant·es étudiant·es et du personnel, sur les difficultés qu’iels rencontrent. Source : Panthère Première

  • Panthère Première » Autonomie électrique, le rêve d’une reconnexion
    https://pantherepremiere.org/texte/autonomie-electrique-le-reve-dune-reconnexion

    Alors que les réseaux électriques qui structurent le monde sont largement invisibles, la chercheuse Fanny Lopez nous invite à plonger dans l’histoire de l’« ordre électrique », centralisé et uniformisé à l’extrême, pour envisager une pluralité de modèles et inverser la perspective : partir du bas, maîtriser la technique, repenser le politique via la réappropriation de la ressource énergétique.

    Enseignante-chercheuse dont les travaux se situent au croisement de l’histoire de l’architecture et de l’urbanisme, des techniques et de l’environnement, Fanny Lopez est l’autrice de deux ouvrages consacrés à l’autonomie énergétique. Dans Le Rêve d’une déconnexion, de la maison autonome à la cité auto-énergétique (éditions de la Villette, 2014), elle dresse la généalogie des projets architecturaux qui, au cours de l’histoire, ont intégré cette dimension autonomiste alors que la connexion aux grands réseaux électriques faisait (et fait) œuvre de modèle. Puis elle retrace, dans L’ordre électrique : infrastructures énergétiques et territoires (MétisPresses, 2019), l’histoire matérielle de l’électrification des territoires tout en s’intéressant, grâce à de nombreux exemples puisés en Europe et aux États-Unis, aux enjeux de la relocalisation des ressources en énergie. Traversant son travail de bout en bout, une question : comment les projets locaux d’autonomie énergétique peuvent-ils s’articuler avec des revendications d’autonomie politique ? Discussion.

    PS : En septembre 2022, Fanny Lopez a sorti un nouveau livre, À bout de flux, chez Divergences, qui explore la matérialité de la machine et des câbles du numérique et des objets connectés. Et on adore !

    #électricité #énergie #gestion_des_flux #Fanny_Lopez #Panthère_Première

    • Depuis une quinzaine d’années, la coopérative est devenue une forme privilégiée et leur nombre a explosé en zone rurale, urbaine ou périphérique notamment en Europe mais aussi aux États-Unis. Pour la ville, on pourrait citer l’exemple de Co-op City dans le Bronx, un quartier du nord-est de la ville de New York. Co-op City, c’est une coopérative d’habitant·es qui gère, en lien avec le bailleur et soutenue par des financements publics, l’un des plus grands micro-réseaux à usage résidentiel au monde. Les deux turbines à gaz de l’installation électrique, qui produisent 38 MW, permettent de produire de l’électricité à moindre coût pour les résident·es (dont les factures ont baissé) et de vendre de l’électricité excédentaire au grand réseau électrique, même si c’est un bras de fer avec l’opérateur historique5. Les fonds générés par la vente d’électricité permettent de rembourser les prêts liés à la réalisation du projet et d’investir dans d’autres projets collectifs dans le quartier. L’autonomie électrique de Co-op City avoisine aujourd’hui les 90 %. La coopérative prévoit d’ajouter 5 MW de capacité solaire photovoltaïque et une station d’épuration pour convertir les eaux usées en eaux grises. Il y a aussi l’idée de méthaniser une partie des déchets fermentescibles pour transformer la centrale de cogénération gaz en centrale biomasse6. Ici, l’exemple est intéressant parce que c’est une communauté d’habitant·es qui s’est structurée en coopérative pour récupérer la plus-value financière : les bénéfices vont à la communauté. Car relocaliser l’énergie, c’est aussi relocaliser des flux économiques.

      #coopérative #micro-centrale #relocalisation #décentralisation

    • La notion de technologie accessible renvoie à celle de technologie démocratique dont on parlait avec Mumford. Dans mes deux ouvrages, une bonne partie des exemples passe par des « technologies » manipulables, maîtrisables, conviviales. Sous-entendu, si le micro-éolien tombe en panne, la coopérative sait le réparer. En fonction de l’échelle ou de la technologie, soit la tendance est low-tech15, et les solutions techniques sont facilement appropriables, soit la communauté s’appuie sur une société de gestion énergétique (comme Coop-city) qui emploie des gens dont la maintenance et la réparation sont le métier. Dans son anthropologie des projets d’autonomie énergétique, Laure Dobigny montre que quand les habitant·es se sentent copropriétaires et responsables d’une partie de l’infrastructure énergétique qu’ils et elles utilisent, mais aussi des espaces communs collectivement investis, des changements de comportement et d’usages sont observés, au premier rang desquels une baisse de la consommation.

      #autonomie #low-tech #décroissance #Lewis_Mumford #Ivan_Illich #convivialité #outil_convivial

  • Féministes au travail | Sara Ahmed
    https://pantherepremiere.org/texte/feministes-au-travail

    Dans ce texte, qu’elle dédie aux « rabat-joie, inadapté·es, fauteur·ses de trouble ; aux fortes têtes qui ne tiennent pas en place et aux combattant·es lamentables », Sara Ahmed s’interroge sur la puissance des plaintes collectives auprès des institutions afin de rappeler que ces actions ont vocation à construire « un lieu où être comme nous le voulons », parce que « nous voulons un lieu où nous n’aurions pas besoin de nous battre pour être ». Un avant-goût vous en a été proposé dans la revue papier, voici le texte dans son intégralité. Source : Panthère Première

  • Ne pas en avoir | Claire Feasson
    https://pantherepremiere.org/texte/ne-pas-en-avoir

    De l’impossibilité médicale de procréer au désir de conserver une certaine liberté, il existe mille et une raisons de ne pas avoir d’enfants. Or l’injonction sociale à la maternité est encore très lourde, et le regard porté sur les femmes sans enfants d’autant plus suspicieux. Entretien croisé avec plusieurs d’entre elles. Source : Panthère Première, été-automne 2019

  • Panthère Première » If you love this planet
    https://pantherepremiere.org/texte/if-you-love-this-planet

    Comment construire une position antinucléaire à partir des questionnements féministes ? Dans les années 1970, elles furent peu nombreuses à chercher cette articulation et leurs efforts ont été largement oubliés. Pourtant, ces positions méconnues et ces combats constituent aujourd’hui un héritage à réinvestir...

    #Histoire #luttes #nucléaire #anti-nucléaire #féminisme #années_70

  • Quand les fleuves ne répondent plus | Nathalia Kloos
    https://pantherepremiere.org/texte/quand-les-fleuves-ne-repondent-plus

    Au Brésil, le film « Arpilleras : en brodant la résistance » donne la parole aux femmes du Mouvement des personnes atteintes par les barrages. Celles-ci s’emparent de la broderie pour raconter les destructions qu’elles ont subies et réaffirmer leurs manières de vivre après la catastrophe. Source : Panthère Première

  • Mer du destin : Mercè Rodoreda - Ép. 10/10 - Les Romans de la grande bleue
    https://www.franceculture.fr/emissions/la-culture-change-le-monde/mer-du-destin-merce-rodoreda

    Dixième et dernière étape, la Catalogne, à travers le roman de Mercè Rodoreda (1908-1983) « La Place du Diamant » qui dresse le portrait d’une jeune fille pleine de candeur, Natalia, et à travers celui-ci, explore la société catalane pendant la guerre civile espagnole.

    (pas mal la série sur des auteurices méditerranéennes)
    #livre

  • Sylvia Leigh, la peinture après la fin de la peinture | Annabela Tournon
    https://pantherepremiere.org/texte/la-peinture-apres-la-fin-de-la-peinture

    Il aura fallu attendre la deuxième vague du mouvement féministe dans les années 1960 et 1970 pour qu’un travail de déconstruction du « grand récit » de la peinture et de son histoire soit entrepris, et avec lui, que soient interrogés les soubassements sexistes de la figure de l’artiste, du modèle, du regardeur, du collectionneur, et du monde de l’art en général. Source : Panthère Première

  • « Ma nounou est une fée » | Nathalia Kloos
    https://pantherepremiere.org/texte/ma-nounou-est-une-fee

    Au cinéma et dans les romans, les nounous apparaissent souvent sous les traits de femmes aussi fascinantes qu’inquiétantes, régnant sur des foyers qui ne sont pas les leurs et qui, d’un coup de baguette magique, peuvent transformer la boue en or. Mais dans la vraie vie, qui sont-elles, ces nounous et autres employées domestiques dont l’existence permet à nombre de systèmes inégalitaires de se perpétuer ? Source : Panthère Première

  • (S’)en faire trop : la malédiction des classes ouvrières, par David Graeber
    https://pantherepremiere.org/texte/sen-faire-trop-la-malediction-des-classes-ouvrieres

    C’est une bonne question. On pourrait penser qu’un gouvernement qui a fait à ce point souffrir celles et ceux qui ont le moins de ressources pour lui résister, sans même redresser l’économie, risquait le suicide politique. Mais, au lieu de ça, tout le monde ou presque a accepté la logique élémentaire de l’austérité. Pourquoi ? Pourquoi des politicien·nes promettant des souffrances perpétuelles remportent-ils·elles l’approbation, voire le soutien, des classes ouvrières ?

    #David_Graeber #classe_ouvrière #soin #care #solidarité #travail traduction @panthere

  • « Être adopté·e est une identité à part entière » | Norah Benarrosh-Orsoni
    https://pantherepremiere.org/texte/etre-adopte%C2%B7e-est-une-identite-a-part-entiere

    Après le documentaire « Ouvrir la voix », la réalisatrice Amandine Gay prépare un film sur l’adoption internationale à partir du point de vue, très rarement exposé, des personnes adoptées. À cette occasion, elle revient sur une histoire scandaleuse et méconnue, et met en avant les pistes dégagées par les adopté·es pour réformer les manières, souvent normatives, de penser la famille. Source : Panthère Première

  • Pas d’internet féministe sans serveurs féministes | Claire Richard
    https://pantherepremiere.org/texte/pas-dinternet-feministe-sans-serveurs-feministes

    Internet n’est pas un « cyberespace » désincarné, mais un réseau de câbles, de serveurs et de centres de stockage des données, soit une infrastructure modelée par des jeux de pouvoir économiques et géopolitiques. Puisque l’histoire du féminisme est indissociable de celle de la création d’espaces gérés par et pour les femmes, qu’en est-il de la toile ? Source : Panthère Première

  • Sortir au jour | Elvina Le Poul
    https://pantherepremiere.org/texte/sortir-au-jour

    n 1936, la poétesse Muriel Rukeyser se rend à Gauley Bridge, en Virginie-Occidentale (États-Unis), où 764 ouvriers viennent de mourir de la silicose lors d’un chantier hydroélectrique. Mêlant la poésie au témoignages, aux archives et aux notes de terrain, elle propose un singulier « Livre des morts » en hommage aux victimes. Traduit en 2017 en français aux Éditions Isabelle Sauvage, ce texte dresse la cartographie mémorielle, sensible et politique d’un désastre industriel et de la lutte pour sa reconnaissance. Source : Panthère Première

  • « C’était le système qui nous rendait malades ». Politique et pratiques de santé radicale chez les Young Lords | Claire Richard
    https://pantherepremiere.org/texte/cetait-le-systeme-qui-nous-rendait-malade

    Dans les années 1970 aux États-Unis, le mouvement révolutionnaire des Young Lords investit le champ de la santé, révélateur par excellence des inégalités sociales et raciales. De dépistage sauvage en occupations de services hospitaliers, cet équivalent latino des Black Panthers développe une conception communautaire du soin tout en faisant fléchir les politiques publiques. Source : Panthère Première

  • Le travail domestique est la matrice pour penser le travail gratuit. Réflexions sur les frontières du travail avec Maud Simonet

    par Julia Burtin Zortea et Lucie Gerber

    https://pantherepremiere.org/texte/le-travail-domestique-est-la-matrice-pour-penser-le-travail-gratui

    "Alors que la gestion de la pandémie de COVID-19 accélère les dynamiques de mise au travail de certaines catégories de population par l’État sans contrepartie financière (ou si peu), nous vous proposons la lecture de cet entretien avec la sociologue Maud Simonet publié dans le dernier numéro de Panthère Première (printemps-été 2020), paru juste avant le confinement.

    Justifié par les rhétoriques du « sacrifice national », du « civisme » et de l’ « altruisme », le recours au travail gratuit (ou quasi gratuit) des étudiant·es infirmier·es, des réfugié·es et des milliers de femmes qui cousent des masques à domicile met en lumière un phénomène structurel. Pour comprendre les logiques à l’œuvre, la sociologue Maud Simonet, auteure de l’ouvrage Travail gratuit : la nouvelle exploitation ? (Éditions Textuel, 2018) propose de revenir à la critique féministe du travail domestique."

    #travail_gratuit #travail_domestique #état #maud_simonet

  • La légende de Caedmon (Records)
    Quand les oeuvres littéraires entraient dans les foyers

    par Fanny Quément

    https://pantherepremiere.org/texte/le-legende-de-caedmon-records

    "Fondé à New York en 1952 par Barbara Holdridge et Marianne Mantell, le label tire son nom de cette figure, emblématique aussi bien de l’inspiration poétique que du passage problématique de l’oral à l’écrit : les disques Caedmon, appelés « disques de diction » ou de « spoken word », proposaient d’écouter des voix nues, souvent celles de grands noms de la littérature dont on pouvait ainsi découvrir le timbre, les cadences et les inflexions. Plus particulièrement, le catalogue des premières décennies fait la part belle à la poésie avec Dylan Thomas, Gertrude Stein, Robert Frost, Marianne Moore, E. E. Cummings et bien d’autres. Ces disques rencontrèrent un véritable succès chez les anglophones, auprès d’un public socialement varié, en particulier dans les années 1960 et 1970. Pour celles et ceux qui connurent ces décennies, le nom de Caedmon peut évoquer des souvenirs intimes – quelques disques sur une étagère, des moments d’écoute marquants, « Dylan à fond et plus une goutte de Bushmills », écrit Seamus Heaney. En 2002, le cinquantième anniversaire du label donna lieu à de nombreux articles de presse qui commémoraient la « légende » de Caedmon, la success story de deux femmes émancipées dont l’esprit entrepreneurial servait la démocratisation de la littérature. La réalité était plus complexe."

    #son #littérature #spoken_word #label #féminisme #poésie

  • A lire sur Panthère Première :

    À quatre pattes sous les mobil-homes
    Usure et aplomb au camping

    par Xavier Bonnefond

    https://pantherepremiere.org/texte/a-quatre-pattes-sous-les-mobil-homes

    "Responsable technique, Francis raconte ses années passées à faire tourner un camping devenu « village vacances ». À mesure que le management s’immisce dans les « infrastructures de tourisme », le corps de Francis s’use et refuse."

    #management #travail #maladie_professionnelle #camping

  • Sexisme réaliste
    Cours de gériatrie (rééd. 2018), 4ème année de médecine, France. Pour déterminer le degré de dépendance sénile des gens, les hommes ne sont pas testés sur la façon dont ils se débrouillent en cuisine-ménage-linge, les femmes oui. Ce qui est très réaliste, nos pères et grands-pères ayant généralement été très mal élevés et maintenus dans l’ignorance toute leur vie. Mais qu’advient-il de la grand-mère rebelle, qui n’a jamais voulu apprendre à faire la cuisine, se complait dans le capharnaüm de son appartement et ne lave pas sa culotte à la main ? Elle gagnera quelques points-sénilité...

    #vieillesse #sexisme #médecine

    • Sur un thème proche...

      Panthère Première » Vouloir durer, c’est apprendre à mourir
      https://pantherepremiere.org/texte/vouloir-durer-cest-apprendre-a-mourir-2

      Pour être jugée crédible pendant la consultation mémoire, la personne doit bien sûr faire preuve de cohérence dans son discours, mais elle doit aussi réussir des exercices standardisés qui, en s’appuyant sur des valeurs productivistes (rapidité, agilité, réactivité) défavorisent de fait les personnes âgées. De surcroît, Baptiste Brossard montre que l’évaluation de la crédibilité repose sur des critères implicites qui se sont pas strictement médicaux. Par exemple, les personnes âgées qui n’ont pas acquis, durant leur vie, le niveau de langage et le socle de connaissances implicitement requis pour réaliser les épreuves de la consultation ont plus de chance d’être jugées non crédibles (donc divagantes, voire délirantes). Autre exemple, le comportement de la personne est considéré crédible si elle se conforme aux attentes sociales projetées sur l’« être vieux » pendant la consultation.

    • J’avais comme voisin Victor, un très gentil papy, un peu bourru parfois, qui était très reconnaissant à sa deuxième compagne (la première était morte prématurément) de lui avoir appris à faire le ménage, la cuisine, la lessive et le repassage. Veuf pour la seconde fois, il se débrouillait très bien jusqu’à l’âge de 92 ou 93 ans quand la mort l’a fauché à son tour, et malgré des difficultés pour se déplacer.

  • Panthère Première » L’horizon sans les hommes

    Et si la lutte contre les inégalités entre hommes et femmes passait non pas par une redistribution des ressources, mais par une remise en question directe des fondements socio-culturels de la masculinité et de la féminité ?

    par #Mélusine

    "Je ne crois pas en l’égalité entre les hommes et les femmes. Dans le discours autorisé, la revendication d’égalité tient aujourd’hui lieu d’abrégé consensuel des luttes féministes, devenue à la fois l’objectif institutionnel des politiques publiques et le slogan résumant — et limitant — les exigences émancipatrices des femmes. Elle a cela de confortable qu’elle paraît seulement exiger la réalisation effective d’un principe politique et philosophique dont la légitimité est depuis longtemps reconnue, inscrite aux frontons des codes et des bâtiments. Toute la radicalité potentielle d’une telle exigence, jamais nulle part réalisée, s’éteint pourtant dans ce vocable figé. Que voudraient donc les femmes ? L’égalité avec les hommes : rien de trop, rien de plus qu’avoir ce qu’ils ont, rien de plus que faire ce qu’ils font. Cette revendication n’est pas seulement timide, elle n’a aucun sens : elle contient une impossibilité logique qui se révèle lorsqu’on se demande sérieusement ce que recouvre chacune des deux catégories qu’on prétend faire s’équivaloir, celle des hommes et celle des femmes. En effet, toute l’énergie performative du monde ne permettrait pas d’inscrire un signe égal entre des valeurs intrinsèquement dissemblables. L’égalité hommes-femmes est une contradiction, un oxymore qui n’a aucun espoir de réalisation : parce qu’il ne peut exister ce qu’on appelle aujourd’hui « des hommes », et qu’ils soient les égaux de celles qu’on appelle « des femmes »."

    https://pantherepremiere.org/texte/lhorizon-sans-les-hommes

    #féminisme #inégalités #masculinité #genre

    • Marc, effaré : alors à travail égal salaire égal on devrait s’en foutre ? Allez racontez çà à la caissière du supermarché à temps partiel qui se tape 4 heures de RER tous les jours pour venir vous servir à Paname et élever toute seule ses deux gosses au fond du 93 !

    • À propos de la notion de privilège, au moment où elle sert de support à des actes de contrition publique aux USA suite au meurtre de George Floyd par la police.

      Partager ou abolir, il faut choisir

      Cet horizon trompeur nous amène à croire que c’est par le partage qu’on pourra parvenir à cette égalité fantasmée. Partage de leurs privilèges et partage de nos fardeaux, grande redistribution générale entre hommes et femmes où, chacun·e faisant et recevant autant que l’autre, tou·tes pourraient vivre enfin en bonne intelligence. Cette idée paraît sensée lorsqu’on énumère les choses en quantité limitée qu’ils possèdent en surnombre parce qu’à nos dépens : salaires et patrimoine3, opportunités d’emploi et postes à responsabilité4, exposition médiatique et mandats publics5, mais également temps de loisir et liberté d’esprit6.

      S’il est possible de vouloir partager avec eux ces avantages, il est moins évident d’imaginer partager nos servitudes. L’exemple du travail domestique est éclairant. Christine Delphy, théoricienne de l’exploitation économique des femmes, définit le travail domestique comme un travail réalisé pour autrui (et surtout, pour son conjoint) de manière gratuite : peut-on dès lors souhaiter son partage ? Souhaiter mieux partager le joug pour amoindrir son poids ? Delphy propose une solution plus radicale : elle refuse de considérer les tâches ménagères comme le lot commun du couple qu’il s’agirait de partager plus ou moins équitablement entre les partenaires. Elle propose au contraire de rétablir l’autonomie de ces dernier·es afin que, chacun·e prenant en charge ses besoins, aucun·e ne travaille plus pour l’autre. Dès lors, le partage dans le couple n’a de sens que pour l’entretien nécessaire des éventuels enfantset des personnes dépendantes : il ne concerne jamais le couple cohabitant sans personne à charge. Du travail domestique (pour, ou plutôt à la place d’autrui), elle dit : « ce n’est pas son partage que l’on doit viser, mais son abolition7 », et de ces mots on pourrait plus largement s’inspirer : non pas tenter de répartir les poids et les gains inhérents au système patriarcal, mais s’attaquer à la balance.

      Or, que l’on parle de genre, de classe ou de race, on envisage aujourd’hui principalement le rapport de domination comme une répartition inégale de biens, de capitaux, de statuts, de dispositions — des ressources donc, que chacun·e posséderait à parts inégales et qu’il serait possible de distribuer autrement. À ces ressources, nous avons donné un nom, devenu commun dans le langage militant, celui de « privilèges ». Il permet de désigner l’ensemble des bénéfices dont les membres du groupe dominant sont susceptibles de profiter : gagner plus d’argent, ne pas se faire agresser, avoir confiance en soi, être considéré·e comme un·e individu·e, obtenir du respect ou un emploi, jouir de droits fondamentaux, etc. — autrement dit, « un paquet invisible d’avantages immérités8 », dont l’expérience est quotidienne et bien souvent inconsciente. C’est un terme utile, en ce qu’il étend le champ du dicible, incluant des bénéfices de toute nature et traquant la domination jusque dans les espaces les plus intimes. Il a, par ailleurs, une force évocatoire certaine : les privilèges sont toujours injustes, et c’est bien pour ça qu’on les abolit. Enfin, cette notion permet une approche parallèle du fonctionnement des systèmes de domination : il y a des privilèges masculins, des privilèges blancs, des privilèges hétérosexuels, etc., détenus par des groupes dominants, aux dépens de groupes dominés.

       

      Être et avoir

      Pourtant, la notion de privilèges porte les mêmes obstacles que celle d’égalité hommes-femmes : toutes deux reposent sur l’idée qu’il y aurait des ressources (matérielles, symboliques, affectives, etc.) qui pourraient être mieux réparties. Autrement dit, qu’il pourrait exister, hors du rapport de domination dans lequel ils sont pris, un groupe « hommes » et un groupe « femmes » (des « blanc·hes » et des « racisé·es », des « bourgeois·es » et des « prolétaires », etc.), qui auraient pu — et pourraient donc — vivre en égaux, mais qu’un processus socio-historique contingent et malheureux aurait rendus inégaux. Parler de privilèges implique de penser le sujet — dominant ou dominé — comme précédant l’exercice de la domination, de supposer l’existence d’un être masculin préexistant à la minoration des femmes9 : qu’il y ait donc eu des hommes et, indépendamment, qu’ils aient eu des privilèges. Peut-être la naturalisation des différences entre les sexes est-elle si résistante qu’elle empêche de saisir immédiatement la difficulté. Elle apparaît plus claire, transposée au système raciste : l’idée que les privilèges seraient simplement détenus, et non incarnés, laisse entendre que le groupe blanc et les groupes racisés auraient une existence autonome, qu’ils ne seraient pas seulement le produit de processus d’altérisation et de racisation, mais leur préexisteraient et pourraient continuer à exister indépendamment d’eux, indépendamment du racisme. Que le sujet dominé ne serait finalement pas le produit d’un processus de domination (de classe, de race, de genre), mais qu’il aurait une essence particulière, en dehors de l’histoire de sa minoration et de son exploitation.

      Parler des choses qu’on a, et non des choses qu’on est, empêche donc de remettre en question l’existence même des catégories. Pourtant, comment pourrait-on imaginer l’existence d’hommes sans privilèges ? Comment pourrait-il y avoir des hommes sans que n’existent la virilité, la paternité, la valorisation de la puissance et de la force, la violence physique, l’hétérosexualité et le foyer ? Qu’est-ce qui ferait la spécificité des hommes s’ils n’étaient pas censés être plus forts, plus grands, plus intelligents, plus indépendants, plus inventifs, plus égoïstes, moins tendres, moins coquets, moins bons cuisiniers, plus employables, plus responsables, mieux payés, plus aptes au commandement et au combat que les femmes ? En réalité, il ne reste rien de la masculinité, une fois évacué ce qu’elle nous enlève et nous prend, ce dont elle nous exclut et à quoi elle nous force. Par masculinité, j’entends non pas la « nature masculine » — ce que seraient les hommes par nature et de tout temps —, non pas la « virilité » — l’expression dominatrice et violente de ce que devrait être un homme —, mais bien l’ensemble des principes, valeurs, pratiques, représentations, manières d’être, de penser, de bouger et de faire, associées aux hom­mes. Cette masculinité a évidemment des expressions plurielles, elle est toujours médiée par les autres dimensions de la position sociale des individus. Toutes les manières d’être homme ne se valent pas, mais même celles qui font l’objet d’une sanction sociale participent à l’asymétrie du système patriarcal en ce qu’elles tracent la ligne de ce qui devrait être à eux et ne pourrait vraiment être à nous. Ceux qui ne sont pas de « vrais hommes » jouent en quelque sorte le rôle de frontière vivante de leur classe : parce qu’ils sont punis d’adopter des pratiques jugées inadaptées à leur sexe, ils ne sont pas hors des grilles du genre mais participent, à corps défendant, à sa structuration.

      En finir avec la masculinité, ce n’est pas refuser aux femmes de s’approprier des traits jugés masculins, mais au contraire brûler les étiquettes. C’est pourquoi on ne pourrait se contenter d’une simple réforme : les hommes peuvent bien développer leur sensibilité, mais tant que cette disposition sera « féminine », elle n’aura pas de valeur. Elle sera à la fois le signe et la justification d’une minoration des femmes qui en font preuve et sont bien comme on dit qu’elles sont, des femmes qui n’en font pas preuve et à qui il manque quelque chose, des hommes qui en font preuve et qui, se féminisant, avilissent un peu leur classe. Si les comportements de genre alternatifs ou subversifs sont une pratique politique émancipatrice et l’une des voies vers la destruction des groupes de sexe, c’est bien celle-ci qui doit servir d’horizon : la fin du système cohérent du genre qui, en classant des attributs, classe les individus.

      En réaffirmant une approche fondamentalement constructiviste du genre10, on s’oblige donc à réévaluer à la hausse les objectifs de la lutte féministe. Comme il n’est plus question de ressources — qu’il serait possible de distribuer équitablement entre des groupes —, mais bien de l’existence de groupes dont la spécificité même repose sur leur accès inégal aux ressources, c’est aux catégories qu’il faut s’en prendre et au principe qui les produit. De la même manière qu’on ne pourrait songer à former le projet politique d’une « égalité bourgeois·es-prolétaires », de même, racisée, je ne peux pas souhaiter être l’égale des blanc·hes : je veux que soit détruit le principe de distinction qui nous sépare et me minore. Je veux que les catégories raciales perdent tout sens et toute réalité, qu’elles ne disent plus rien des individu·es qu’elles prétendent contenir, définir et enfermer : ni de ce qu’elles sont ou de ce qu’ils devraient être, ni de leurs conditions matérielles d’existence, ni de leurs expériences sociales et intimes. Féministe, que pourrais-je donc souhaiter d’autre qu’un horizon sans hommes ? Car tant qu’il y aura des hommes, il y aura des femmes : des mortes, des exploitées, des humiliées.

       

      L’impossible déconstruction personnelle

      L’autre écueil de la notion de privilège réside dans les pratiques militantes qu’elle encourage. Prendre conscience que l’on appartient à un groupe dominant, c’est-à-dire que l’on aurait des privilèges, est aujourd’hui souvent considéré comme un jalon nécessaire à la démarche militante, en particulier féministe et antiraciste. Le propre de ces privilèges étant qu’ils sont pour la plupart inconscients — avantages ignorés dont jouissent les gens normaux et qu’ils et elles n’imaginent même pas usurper à d’autres —, les mettre en lumière permet en effet de dénaturaliser la position de neutralité propre au groupe dominant, en comprenant que, pour que certain·es soient discriminé·es, il en faut d’autres qui en tirent avantage.

      Mais après ce premier pas, on est souvent tenté d’en faire un second : affliction face à une position imméritée, volonté de rendre des privilèges indus et conviction qu’il est possible, à force d’efforts, de déconstruire son appartenance au groupe dominant11. Or, nous l’avons vu, la domination n’est pas affaire de privilèges dont on pourrait se séparer, mais d’une position de pouvoir qu’on incarne dans son être et jusque dans sa chair. On ne peut cesser d’en être, même avec toute la bonne volonté du monde. Dominant, on est aussi coincé que le sont les dominées : comme on ne peut s’enfuir d’être une femme — c’est-à-dire d’être assignée à un rôle et réduite à des conditions d’existence matérielles spécifiques, desquelles on ne peut que se débattre12 —, on n’abandonne pas ses privilèges d’homme en prétendant demeurer homme. Ces derniers relèvent en effet bien peu de la volonté individuelle, en ce qu’ils déterminent notre position sociale, l’ensemble des interactions quotidiennes, des trajectoires et des capitaux auxquels on peut prétendre et des dispositions qui sont les nôtres. Et il n’existe aucune île sanctuaire dans l’océan patriarcal, ni celle du couple, ni celle du for intérieur, jamais imperméable au monde social et façonnée jusque dans ses replis les plus intimes par l’assignation du genre. Indignation, honte et dégoût ne pourraient rien y faire : la poursuite d’une rédemption morale personnelle est vouée à l’échec. J’oserais même dire qu’elle témoigne d’une préoccupation nombriliste — un nouveau privilège, peut-être, à inscrire à la liste.

       

      Pour une théorie du genre et de son abolition

      Hommes et femmes — et quand je dis « hommes », quand je dis « femmes », je parle de tout ce que charrient ces mots, des robes à rubans jusqu’au chef de famille, de l’instinct maternel à l’odeur du musc — ne sont pas des catégories innées et nécessaires. Mais elles n’ont rien, non plus, de catégories fictives, qu’une simple volonté personnelle suffirait à dissiper. Masculinité et féminité ne sont que des constructions, mais leur réalité sociale est puissante et tenace : « Cela n’existe pas. Cela pourtant produit des morts13 ». Dépasser l’objectif insensé d’une possible égalité entre hommes et femmes, c’est donc prendre au sérieux la réalité matérielle du genre, définitivement et violemment binaire, c’est prendre toute la mesure de l’emprise qu’il exerce sur les individu·es qu’il distingue et hiérarchise. C’est comprendre qu’il n’est pas un principe distributeur de ressources et de privilèges, mais un principe producteur de distinction d’êtres. Et c’est pour cela que le féminisme ne peut se réduire ni à une politique publique d’égalité, ni à une démarche personnelle de déconstruction, puisqu’il s’agit bien de collectivement transformer les modes d’existence.

      On voit mal dès lors comment concevoir la fin du patriarcat sans la disparition des hommes — et donc celle des femmes. L’ambition paraît folle, elle consiste en la destruction systématique de l’ensemble des distinctions sociales qui font le genre. Celles des inégalités matérielles de droit et de ressources, qui font les femmes mineures et dépendantes. Celles des rôles assignés et obligés ; des dispositions de corps, qui enferment les femmes et les font petites ; et d’esprit, qui les font pratiques et conciliantes. Celles du rapport au pouvoir, à la violence, à l’autre et à son intégrité, qui fait les mortes, les battues et les violées, les tueurs, les cogneurs et les violeurs. Celles des images, des mots, des évidences, de toutes les choses qui font les hommes hommes et les femmes autres. Le féminisme ne pourrait se contenter de slogans consensuels ; ce n’est pas dans le consensus qu’on met à bas des civilisations. Car c’est bien après l’éducation, les arts, le marché, le langage, les institutions politiques et sociales, la famille, le droit, l’amour et la vie quotidienne que nous en avons. ✺

      #privilège