Burn-out climatique ou le blues de la rentrée

/burn-out-climatique-ou-le-blues-de-la-r

  • Burn-out climatique ou le blues de la rentrée
    https://abonnes.lemonde.fr/m-perso/article/2018/09/03/burn-out-climatique-ou-le-blues-de-la-rentree_5349365_4497916.html ?

    Exelent.

    Par Nicolas Santolaria

    Rentrer au bureau après une période de congés prolongés a toujours quelque chose de difficile. S’il est tout à fait naturel de regretter la plage et l’ambiance d’apéro perpétuel, force est de constater que, cette année, le blues postestival a profondément changé de nature.

    En effet, ce n’est pas tant la nostalgie d’un hédonisme de bord de mer qui nous chagrine (ça, on s’en remettra), que le sentiment d’avoir à embarquer de nouveau dans une machine folle qui fonce tout droit vers l’abîme. Et quand je parle de « machine folle », ce n’est pas pour qualifier la rédaction du Monde, mais la civilisation tout entière. En effet, il semble bien loin le temps où la principale info qu’on retenait de l’été, c’était les paroles de la Lambada. Désormais, les vacances sont marquées par la litanie des catastrophes écologiques qui se succèdent à un rythme aussi frénétique que les tournées de Ricard au camping des Flots Bleus.
    Constats alarmants

    Le 1er août, on apprenait par exemple que l’humanité avait déjà consommé plus de ressources (eau, arbres, poissons, etc.) que ce que la planète est susceptible de générer en une année. Je ne sais pas si les chipolatas sont intégrées aux calculs du Global Footprint Network qui publie cette estimation, mais ça met un coup au moral quand on a encore des projets de barbecue. Jadis synonyme d’insouciance, l’été est progressivement devenu tout l’inverse, une période d’angoisse où les problèmes climatiques se manifestent avec encore plus d’acuité.

    Vous avez beau vous être enivré à grand renfort de retsina, il ne vous aura pas échappé que la côte orientale d’Athènes s’est retrouvée ravagée par les incendies. Aux Etats-Unis, c’est l’ouest du pays qui a été dévasté par les flammes, attisées par une canicule record. En Pologne, plusieurs plages ont dû être fermées, la chaleur ayant entraîné le développement d’algues toxiques. Quant à moi, alors que je me baignais dans une piscine du nord de l’Espagne, j’ai pu constater que le thermomètre extérieur affichait 49 °C, sans vraiment réussir à y croire.
    Il nous faut forcer notre cerveau à considérer comme une priorité absolue le fait d’aller acheter des trombones chez Office Dépôt, quand l’incendie progresse dans les parties communes

    Face à cette multiplication des constats alarmants, difficile de retourner au travail l’esprit léger, et de se remettre à enquiller les réunions comme si de rien n’était. Depuis des décennies, le boulot repose en effet sur notre capacité à surinvestir des urgences artificielles en faisant semblant d’y croire (« On a absolument besoin du dossier pour demain matin, c’est une question de vie ou de mort ! »).

    Lire aussi : Les open spaces, si différents et si semblables

    Mais aujourd’hui, face à l’apparition d’une urgence globale bien réelle, cette mécanique psychique infantile ne fonctionne plus. Du point de vue de la rationalité, bosser est devenu tout simplement intenable. Pour éviter de sombrer dans un burn-out climatique, soudain anéanti par la réalité brûlante des enjeux, il nous faut biaiser notre propre échelle des urgences, et forcer notre cerveau à considérer comme une priorité absolue le fait d’aller acheter des trombones chez Office Dépôt, quand l’incendie progresse dans les parties communes. Si l’on y parvient, on réussira peut-être un jour à reformer l’orchestre du Titanic.

    #Climat #travail