• Ca a l’air intéressant, je lirai ca plus tard...

    Procrastination : c’est la taille (de l’amygdale) qui compte
    Pierre Ropert, France Culture, le 29 aout 2018
    https://www.franceculture.fr/sciences/procrastination-cest-la-taille-de-lamygdale-qui-compte

    Selon des chercheurs allemands, notre capacité à la procrastination dépend beaucoup de la taille de l’amygdale, une zone du cerveau impliquée dans notre capacité à la prise de décision.

    Non, les plus procrastinateurs d’entre nous ne sont pas ceux qui ont le plus gros poil dans la main, mais la plus grosse amygdale dans le cerveau, à en croire une équipe de chercheurs allemands. Dans une étude publiée dans la revue Psychological Science, intitulée The Structural and Functional Signature of Action Control, les scientifiques racontent comment ils ont cherché à comprendre si la procrastination peut trouver une explication anatomique, et non pas uniquement psychologique.

    Pour ce faire, les chercheurs ont soumis 264 volontaires à une IRM, après leur avoir fait remplir un questionnaire sur leur tendance à remettre ou non les choses au lendemain. Les scientifiques se sont attardés sur l’amygdale et le cortex cingulaire, deux zones du cerveaux liées à la prise de décision. Ils ont ainsi constaté que non seulement l’amygdale était plus grosse chez les personnes les plus "paresseuses", mais également que, chez elles, les connexions entre les deux zones étaient moins importantes.

    Or l’amygdale a pour rôle de nous prévenir des conséquences négatives de nos actions, quand le cortex cingulaire, lui, utilise les données envoyées par l’amygdale pour choisir les actions à accomplir. Il "priorise" ainsi certaines actions sur les autres, ainsi que les émotions ressenties. En d’autres termes : si certaines personnes ont tendance à procrastiner, c’est parce que leur amygdale, plus développée, leur fait voir avant tout les conséquences négatives de leurs actions. Et si la connexion entre le cortex cingulaire et l’amygdale est plus faible, alors il devient plus difficile de choisir quelles actions réaliser.

    Heureusement, si avoir une amygdale plus importante ou un cortex cingulaire un peu moins connecté tiennent du péché capital, la paresse n’est plus si mal vue. Ainsi, une étude de la Florida Gulf Coast University stipule que les personnes ayant un QI élevé sont plus paresseuses que les autres, alors qu’une autre étude menée par le professeur Eisuke Hasegawa montrait que les éléments considérés comme paresseux sont nécessaires à la société.

    En février 2018, l’émission "Une histoire particulière" consacrait deux documentaires à la procrastination. Dans l’épisode "Cherchons F/H paresseux pour un poste de directeur", la psychologue Gwenaëlle Hamelin, spécialiste du stress au travail et du burn out, expliquait ainsi que "faire moins est une stratégie gagnante". Et Bill Gates l’affirmait lui-même : "Je choisis une personne paresseuse pour un travail difficile, car une personne paresseuse va trouver un moyen facile de le faire."

    Déjà en 2012, dans l’émission La Grande Table, il était question de l’ouvrage du philosophe américain John Perry, La Procrastination : l’art de reporter au lendemain, où il développait un plaidoyer en faveur de la procrastination structurée, un "défaut" susceptible de transformer son récipiendaire en foudre de guerre. Le philosophe Mathieu Potte-Bonneville voyait dans ce livre "une tentative de déculpabilisation de la procrastination" : "John Perry se prétend procrastinateur, et essaie de voir comment il est possible de s’en servir. Il explique qu’explorer sa propre procrastination lui a permis de retrouver l’estime de lui-même et l’estime des autres. La procrastination, c’est aussi une expérience profondément désespérante, un dégoût de soi, un revers noir de la satisfaction du travail bien fait, et le livre constitue à cet égard une tentative de déculpabilisation. Il s’agit de montrer que le procrastinateur est extraordinairement actif contrairement à ce qu’il croit, car pour ne pas faire ce qu’il a à faire, eh bien il fait tout un ensemble d’autres choses. John Perry produit une méthode de procrastination structurée, qui permet de classer les corvées par ordre d’importance, et de se consacrer aux tâches les moins importantes pour éviter de s’occuper des plus urgentes. Ce livre ne se veut pas profond, il n’est pas question d’une recherche des causes. On l’affirme comme un fait, un peu comme la différence entre gaucher et droitier. Le moralisme se pose une question que résume Ovide : « Je vois le meilleur, je l’approuve, et je fais le pire ». Le procrastinateur est celui qui sait que ça n’est pas bien de procrastiner, d’ailleurs il n’en est pas heureux, mais il n’arrive pas à faire autrement. On peut l’expliquer par l’environnement dans lequel nous sommes pris et qui nous dit qu’il faut impérativement se réaliser et prendre des initiatives. Aujourd’hui, on a une épidémie de dépressions liée à ce que l’injonction dans le monde du travail est : soyez proactif. Plutôt que de sombrer dans la dépression, on développe une activité frénétique, dont on peut se demander si elle est du côté de la productivité ou de l’improductivité. Plus que l’absentéisme, le présentéisme en entreprise est un gros problème car les gens sont là mais font autre chose que ce qu’ils devraient faire. Si la philosophie permet d’échapper à la procrastination, la littérature permet d’en explorer les affres et l’expérience. C’est Marcel Proust qui en parle le premier : La recherche du temps perdu, qu’est-ce que c’est sinon l’immense odyssée de quelqu’un qui n’a pas vécu ce qu’il avait à vivre, et qui ne peut le vivre qu’en décidant de l’écrire ?"

    Articles cités:

    The physical sacrifice of thinking: Investigating the relationship between thinking and physical activity in everyday life
    Todd McElroy, David L Dickinson, Nathan Stroh, and Christopher A Dickinson
    Journal of Health Psychology 21:1750-1757 (2015)
    http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1359105314565827

    Lazy workers are necessary for long-term sustainability in insect societies
    Eisuke Hasegawa, Yasunori Ishii, Koichiro Tada, Kazuya Kobayashi & Jin Yoshimura
    Scientific Reports 6:20846 (2016)
    https://www.nature.com/articles/srep20846

    The Structural and Functional Signature of Action Control
    Caroline Schlüter, Christoph Fraenz, Marlies Pinnow, Patrick Friedrich, Onur Güntürkün, and Erhan Genç
    Psychological Science, in press (2018)
    http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0956797618779380

    #Procrastination #Paresse #Science #Psychologie vs. #Anatomie #Amygdale