Message pour celles et ceux qui, à gauche, se produisent régulièrement chez Bolloré, mais qui semblent soudain découvrir, parce qu’il vient de traiter un député d’« abruti » – rappelons au passage que les injures publiques sont passibles d’une amende de 12 000 euros –, qui (et ce que) sont vraiment Cyril Hanouna et son employeur.
Cela fait des années que la droite réactionnaire (pour le dire très posément) est comme chez elle chez ledit Bolloré. Cela fait des années qu’elle squatte ses chaînes dites d’« info » ou de « divertissement ». Mais cela fait des années que vous acceptez pourtant leurs invitations.
À un moment, on a cru que vous alliez enfin arrêter : vous avez promis, juré, craché, ptoui, ptoui, que vous n’iriez plus sur CNews tant que Zemmour y moulinerait jour après jour ses haines recuites. Mauvaise pioche : vous avez tenu quelques semaines, puis vous y êtes retourné·es.
Avec toujours, en substance, ce même argument – sous-tendu toujours par la suggestion quelque peu dérangeante que les petites gens seraient particulièrement vulnérables à ce battage : « Si nous n’y allions pas, nous abandonnerions ce terrain à l’extrême droite, nous devons plutôt faire entendre au peuple d’autres voix que les siennes. »
Mais de quoi parlez-vous, au juste, quand jamais – au grand jamais – vous n’avez remis en question les dispositifs propagandaires dans lesquels vous avez ainsi accepté de vous insérer, et auxquels vous avez donc pleinement adhéré ? À chaque fois que vous avez assumé d’aller bavarder avec cette droite, vous l’avez, de fait, légitimée.
Combien de temps encore allez-vous cautionner une réaction télévisée qui a beaucoup plus besoin de vous que vous n’avez besoin d’elle ?
Vous avez, de fait, validé ses obsessions. Vous l’avez, de fait, aidée, en lui signifiant qu’elles étaient dignes d’être discutées, à les inscrire dans le paysage. Vous avez, de fait, proclamé que tout pouvait être débattu – y compris et surtout ce qui ne devrait jamais l’être : le racisme et la xénophobie, par exemple. Vous avez, en somme, participé à la banalisation et à la normalisation de sa logorrhée.
Pour quel résultat (parce que, bien sûr, c’est le résultat qui compte, dès lors que vous avez toujours présenté cette pactisation comme une condition de votre efficacité politique) ? Voici : ce n’est pas votre candidat qui s’est hissé au second tour de l’élection présidentielle du printemps dernier. C’est une candidate d’extrême droite. Dont le parti a, juste après, envoyé, pour la première fois de sa déjà longue histoire, 89 députés à l’Assemblée nationale – excusez du peu.
Alors, bien sûr, vous pouvez vous détourner encore une fois de cette (le)pénible réalité pour réclamer plutôt, comme vous venez de le faire après que l’animateur qui jusque-là vous recevait à bras ouverts a insulté l’un des vôtres, une prompte enquête sur « la concentration dans les médias » – qui constitue un très réel problème.
Mais il va quand même falloir se décider à se poser la seule question qui vaille ici : maintenant que vous savez pour de bon qu’elle n’a pour vous que des insultes, combien de temps encore allez-vous cautionner une réaction télévisée qui a beaucoup plus besoin de vous que vous n’avez besoin d’elle ?