Le Comité de l’ONU contre la torture s’oppose à un transfert Dublin vers l’Italie – Le temps des réfugiés

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  • Le Comité de l’ONU contre la torture s’oppose à un transfert Dublin vers l’Italie

    En vertu des accords de Dublin, la Suisse souhaitait renvoyer vers l’Italie un requérant d’asile érythréen victime de tortures dans son pays d’origine. Dans une décision récente le Comité des Nations unies contre la torture a demandé à la Suisse de ne pas renvoyer l’intéressé en Italie invoquant le respect de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984).
    A.N. victime de torture en Erythrée est venu en Suisse où vit son frère

    A.N. requérant d’asile érythréen, a fui son pays où il a été détenu durant cinq et régulièrement torturé. En 2015, il dépose une demande d’asile en Suisse où il reçoit rapidement des soins auprès de la Consultation pour victimes de torture et de guerre (HUG). Plusieurs rapports médicaux détaillés concernant les tortures subies sont soumises aux autorités suisses – Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) et Tribunal administratif fédéral (TAF). Mais elles le déboutent et il est transféré en Italie en octobre 2016. Là-bas il ne trouve aucun logement, rien pour se nourire, aucune aide. Après deux jours il décide de revenir en Suisse où il dépose une seconde demande d’asile. En Suisse il est accueilli par son frère et reçoit des soins médicaux réguliers. Les autorités d’asile le déboutent à nouveau et ordonnent son renvoi vers l’Italie ignorant complètement la situation médicale de l’intéressé et l’importance des soins dont il a besoin.

    Un renvoi vers l’Italie pourrait être fatal

    En avril 2016, A.N., le Centre suisse pour la défense des droits des migrants (CSDM) soumet une requête au Comité des Nations unies contre la torture (CAT) invoquant une violation des articles 3, 14 et 16 de la Convention contre la torture.

    En bref que disent ces dispositions ?

    L’article 3 stipule qu’ “aucun Etat partie n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture”,
    l’article 14 stipule que “tout Etat partie garantit, dans son système juridique, à la victime d’un acte de torture, le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisée équitablement et de manière adéquate, y compris les moyens nécessaires à sa réadaptation la plus complète possible” et
    l’article 16 stipule que “tout Etat partie s’engage à interdire dans tout territoire sous sa juridiction d’autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture telle qu’elle est définie à l’article premier lorsque de tels actes sont commis par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel, ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.”

    Contre l’avis des autorités suisses, le #Comité_contre_la_torture a rappelé que l’interdiction de refoulement doit être respectée aussi lorsqu’il existe des craintes avérées de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le pays de destination. En outre l’obligation de fournir réparation aux victimes de torture et des moyens de réadaptation, s’impose même lorsque les actes de tortures ont été commis dans un autre pays.

    Le Comité des Nations unies s’est rallié à la cause du requérant érythréen sur toute la ligne notant en passant qu’à aucun moment les autorités suisses n’ont vérifier avec leurs correspondants italiens si des soins seraient accessibles en Italie. Le Comité a tenu compte des nombreux rapports sur les structures d’accueils défaillantes en Italie et le manque d’accès aux soins médicaux spécialisés et psychiatriques pour les victimes de torture. En renvoyant de force l’intéressé vers l’Italie, la Suisse violerait son devoir de réhabilitation. Le Comité a souligné que dans le cas précis, les mauvais traitements auxquels l’intéressé serait exposé en Italie, conjugué avec l’absence d’un environnement social stable, entraînerait un risque sérieux de détérioration de son état dépressif pouvant mener au suicide. Dans ces circonstances, les mauvais traitements subis en Italie mèneraient à un niveau de souffrance grave, équivalent à de la torture.
    Une grande nouvelle

    Pour Boris Wijkstroem, Directeur du CSDM, cette nouvelle est particulièrement réjouissante car elle “ apporte des lignes directrices aux autorités étatiques sur la manière d’appliquer le règlement Dublin en conformité avec les droits fondamentaux des personnes concernée.” Dans son communiqué de presse, le CSDM demande au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) de “veiller à ce que toutes les décisions prononcées en application du Règlement Dublin relatives à des procédures pendantes ou futures concernant des demandeurs d’asile vulnérables, soient prononcées en conformité avec cette nouvelle jurisprudence”.

    Cette décision est une avancée dans la protection des droits fondamentaux des requérants d’asile, injustement bafoués par le système Dublin. Désormais les autorités suisses devront garantir aux victimes de torture leur droit individuel à la réadaptation conformément à l’article 14 de la Convention.

    Pour A.N. c’est une immense bonne nouvelle. Sa demande d’asile sera désormais traitée en Suisse.

    https://blogs.letemps.ch/jasmine-caye/2018/09/10/le-comite-de-lonu-contre-la-torture-soppose-a-un-transfert-dublin-vers
    #Dublin #renvoi_Dublin #asile #migrations #réfugiés #Suisse #Italie #torture

    Communiqué de presse du CSDM :
    https://blogs.letemps.ch/jasmine-caye/wp-content/uploads/sites/66/2018/09/Communique%CC%81-de-Presse-CSDM-10.09.2018-Franc%CC%A7ais.pdf

    cc @isskein

    • L’ONU bloque le renvoi d’une victime de torture vers l’Italie

      À l’avenir, en expulsant une victime de torture vers l’Italie, la Suisse violerait la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Amnesty International se réjouit de la décision du Comité des Nations unies contre la torture (#CAT) de fixer enfin des limites claires au rapatriement, sur la base du Règlement de Dublin, des demandeurs d’asile particulièrement vulnérables.

      « Le règlement de Dublin doit être appliqué conformément aux obligations de la Suisse en matière de droits humains. C’est ce qu’indique clairement cette décision du Comité contre la torture de l’ONU », a déclaré Muriel Trummer, experte en droit d’asile de la Section suisse d’Amnesty International. « Si, par exemple, une personne demandant l’asile est en mauvaise santé, a subi un grave traumatisme ou est très âgée, son expulsion en vertu du règlement de Dublin peut constituer un traitement inhumain et est donc interdite en droit international ».

      « À ce jour, les autorités suisses en matière d’asile n’ont pas pris les mesures nécessaires pour que le règlement de Dublin soit appliqué dans le respect des droits humains. Amnesty International connait de nombreux cas dramatiques, dans lesquels des expulsions ont été ordonnées, qui ont causé d’immenses souffrances » a déclaré Muriel Trummer.

      Expulsé malgré un grave traumatisme

      Le Comité contre la torture a rendu une décision de principe dans l’affaire d’un Érythréen qui avait demandé l’asile en Suisse (A.N. c. Suisse, communication no 742/2016). L’homme a été emprisonné chez lui pendant cinq ans - dont plusieurs années à l’isolement - pour des raisons politiques. Il a été torturé et maltraité de manière répétée. Après sa libération, il a été recruté de force dans le corps des gardes-frontières jusqu’à ce qu’il réussisse à fuir le pays.

      Lorsqu’il a demandé l’asile en Suisse en septembre 2015, il était gravement traumatisé et avait besoin d’un traitement médical urgent. Plusieurs rapports médicaux ont décrit en détail les lourdes conséquences physiques et psychiques des tortures subies et l’ont identifié sans doute possible comme victime de la torture. Les autorités suisses compétentes en matière d’asile ont malgré tout ordonné à plusieurs reprises son expulsion vers l’Italie sur la base du règlement de Dublin.

      La décision du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) a été confirmée à deux reprises par le Tribunal administratif fédéral. En avril 2016, l’organisation non gouvernementale CSDM (Centre Suisse pour la Défense des Droits des Migrants) a déposé une plainte auprès du CAT. L’un des motifs invoqués était qu’il se verrait refuser l’accès à un traitement médical adéquat en Italie, ce qui constituerait une violation du droit à la réhabilitation prévu à l’article 14 de la Convention.

      Dans sa décision, le CAT a noté que la Suisse n’avait pas suffisamment investigué la situation individuelle du demandeur d’asile en tant que victime de torture et n’avait pas clarifié les conséquences possibles d’un transfert forcé en Italie. De l’avis du CAT, il aurait dû être clair que le risque était important que le requérant d’asile n’ait pas accès au traitement médical nécessaire et soit contraint à vivre dans la rue, ce qui constitue une violation de l’article 14 de la Convention. L’expulsion signifierait, en plus, la séparation d’avec son frère vivant en Suisse et donc la perte d’un environnement stabilisateur.

      L’expulsion de cette personne gravement traumatisée vers l’Italie constitue un traitement inhumain et violerait les articles 3 et 16 de la Convention (violation du principe de non-refoulement), a déclaré le CAT. La demande d’asile de l’homme doit maintenant être examinée en Suisse.

      Amnesty International demande au SEM de changer sa manière de penser

      « À la lumière de cette nouvelle jurisprudence, Amnesty International demande au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) d’élaborer de nouvelles directives pour l’évaluation des demandeurs d’asile particulièrement vulnérables et, dans l’attente de leur mise en œuvre, de demander aux cantons de ne pas éliminer les cas définitifs ». « En outre, Amnesty International demande au SEM et au Tribunal administratif fédéral de statuer sur toutes les affaires pendantes et à venir concernant des demandeurs d’asile particulièrement vulnérables, en prenant en compte les considérations du CAT », a déclaré Muriel Trummer.

      En novembre 2017, Amnesty International, avec 200 autres organisations et 33 000 personnes, a soumis au Conseil fédéral un appel national muni de 33’000 signatures contre l’application trop stricte du règlement de Dublin. Elle appelle à une application plus humaine de ce règlement pour les personnes particulièrement vulnérables.

      https://www.amnesty.ch/fr/pays/europe-asie-centrale/suisse/docs/2018/onu-bloque-le-renvoi-dune-victime-de-torture