• Pan M 360, ou le bonheur des niches
    Philippe Papineau, Le Devoir, le 29 février 2020
    https://www.ledevoir.com/culture/musique/573886/pan-m-360-ou-le-bonheur-des-niches

    Afin de sortir les mélomanes de « l’archipel de certitudes » que proposent les algorithmes des plateformes numériques et d’offrir du journalisme musical éloigné de ce qui peuple les palmarès, le critique Alain Brunet a décidé de lancer un nouveau site, Pan M 360. Un média qui fait le pari de l’information musicale payante.

    Ancien journaliste à La Presse — où il a passé 35 ans — et collaborateur régulier de Radio-Canada, Alain Brunet revêt aujourd’hui un nouvel habit, celui d’entrepreneur. Depuis plusieurs mois, il travaille sur la plateforme Pan M 360, une entreprise d’économie sociale déjà active mais qui prendra bientôt sa vitesse de croisière, notamment lors de la publication dès le 2 mars de ses premières critiques de disque.

    Pan M 360 est en quelque sorte la conséquence de l’essai La misère des niches, que Brunet a fait paraître en 2018 chez XYZ, où il expliquait notamment que « la culture est une immense bête en mutation, dont la queue a pris une ampleur disproportionnée par rapport à la tête et au tronc », qui seraient des productions de masse.

    Son nouveau média fera justement son bonheur avec les niches musicales, très nombreuses mais très mal desservies par des médias traditionnels qui doivent se serrer la ceinture, estime-t-il.

    « Ce n’est pas rentable pour de grosses organisations, ça rejoint des publics trop restreints. Mais pour nous, un public restreint ce n’est pas du tout la même notion que pour La Presse, Radio-Canada, ou Le Journal de Montréal. Et moi je pense qu’on a affaire à un marché considérable. »

    Brunet, 62 ans, fonde beaucoup d’espoir sur son forfait à petit prix. Il en coûtera 3,60 $ par mois pour accéder au contenu du site prônant « l’éclectisme extrême », d’où le 360 du nom. L’accès payant sera activé le 9 mars, mais permettra cinq contenus gratuits par mois.

    Le site propose un calendrier à deux vitesses — un volet gratuit côtoie la version payante et commentée —, des critiques de disques et aussi, dans quelques semaines, des entrevues. Le critique qui visite encore abondamment les salles de spectacle vise les niches, mais une large palette d’entre elles. Pan M 360, dont les contenus seront disponibles à la fois en français et en anglais, ne sera pas Pitchfork, ou Resident Advisor, ni Le Devoir.

    « Le 360 degrés qu’on propose est unique au monde, lance Brunet, loquace. Ç’a l’air prétentieux de dire ça, mais on s’intéresse à la musique classique, à la musique indienne, on s’intéresse aux musiques chinoises, thaïlandaises, , africaines, antillaises, moyen-orientales… On ratisse large. On adore aussi les musiques dites sérieuses, contemporaines, les musiques complexes, et aussi les musiques de souches populaires de grande qualité. Et on n’offre pas un point de vue occidentalo-centriste, on ne s’intéresse pas strictement à la musique blanche nord-américaine. »

    20 000 abonnés

    Pan M 360, installé à la Société des arts technologiques, compte en ce moment six employés dont Brunet, qui ne se paie pas encore. Emploi-Québec a donné un coup de pouce, et la plateforme a quelques contrats publicitaires et « une bonne marge de crédit à la Caisse de la Culture ». Le principal pilier restera toutefois les abonnements, précise Brunet.

    À ce sujet, il estime qu’au moins 100 000 personnes pourraient adhérer à terme aux valeurs de Pan M 360. Il inclut dans le lot les purs mélomanes — « dont plusieurs qui visitaient mon ancien blogue à La Presse » —, mais aussi les membres de l’industrie musicale et tous ceux qui étudient ou enseignent la musique, par exemple. « Il y a plus de gens que jamais qui écoutent de la bonne musique, qui sont éduqués et qui s’intéressent aux choses plus raffinées, plus complexes. »

    Mais de manière plus réaliste, Alain Brunet croit que la plateforme pourrait intéresser entre 10 000 et 20 000 abonnés d’ici deux ans. « Ce qui est le fun c’est que ça ne prend pas grand-chose pour qu’on atteigne le seuil de rentabilité. Avec le budget d’un gros gros dépanneur, on va pouvoir bien vivre. Et faire vivre une dizaine de personnes à temps complet et une cohorte de pigistes, et les payer décemment. »

    Pour l’instant, « on fonctionne comme des gauchistes nouveau genre », rigole Brunet. Ceux qui sont moins bien nantis reçoivent plus, les autres attendront un peu. « Notre but, c’est de faire quand même de l’argent, on veut être rentable, on n’est pas dans le misérabilisme communautaire, on ne veut pas se marginaliser, on veut être gros, avoir des parts de marché », tranche-t-il.

    L’expertise en valeur

    Environ 35 pigistes collaboreront avec Alain Brunet au contenu rédactionnel de Pan M 360, que celui-ci veut abondant, rigoureux et indépendant. Certains des journalistes ont déjà beaucoup de métier comme reporter musical, comme Patrick Baillargeon, Rupert Bottenberg, Christine Fortier, Jean-François Cyr, Ralph Boncy et Réjean Beaucage. « Pour moi et pour eux, c’est un enjeu de relancer cette profession-là, c’est extrêmement important, note Brunet. On voit qu’il y a eu un rejet populiste de l’expertise, qui a fait des dommages jusque dans les médias traditionnels, c’est clair. »

    Ce que ne veut toutefois pas Alain Brunet, c’est un travail journalistique qui mise sur « le développement des personnalités », avec des critiques qui sont des « noms ». « Moi-même je fais partie de ces snobs-là. Mais je ne suis pas un modèle d’avenir, s’amuse le vétéran qui se décrit comme un vieux meuble. Le modèle d’avenir que je veux c’est plus sur l’humilité et l’expertise réelle. Et la bienveillance. Ça ne veut pas dire que t’es pas sévère, mais les coups d’éclat, la condescendance, le ton dur, le ton méprisant, c’est terminé. On réprouve ça. »

    À la niche, les molosses.

    #Musique #Média #Internet #niche

  • Une poignée de dollars pour un million de clics sur les plateformes numériques Guillaume Bourgault-Côté - 29 octobre 2019 - Le devoir
    https://www.ledevoir.com/culture/musique/565800/deux-mille-ecoutes-pour-un-dollar

    L’une des ovations les plus nourries du gala de l’ADISQ présenté dimanche n’a pas salué une performance artistique, mais plutôt une série de constats brutaux énoncés par Pierre Lapointe. Au nombre d’entre eux : « Pour un million d’écoutes de ma chanson Je déteste ma vie sur l’application Spotify — j’ai écrit les paroles et la musique —, j’ai touché 500 $. »

    Au lendemain de son coup d’éclat, Pierre Lapointe précisait au Devoir qu’en additionnant les droits d’auteur-compositeur touchés pour la même chanson grâce à la diffusion sur YouTube et Apple Music, il arrive à une somme d’environ 2000 $. Ce qui ne change pas le portrait global dénoncé lundi par l’auteur-compositeur-interprète : « On se fait voler ! », avait-il dénoncé au milieu d’une charge contre les plateformes numériques étrangères de diffusion de la musique et les gouvernements.

    « Le milieu a été le premier à crier haut et fort il y a 20 ans que l’arrivée d’Internet allait tous nous foutre dans la merde, a-t-il dit. Rien ou presque n’a été fait […] et ça y est, on est tous dans la merde. »

    Présent dans la foule, l’actuel ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez, acquiesçait de la tête. Une partie des critiques de Pierre Lapointe s’adressaient pourtant directement au premier gouvernement Trudeau (les multinationales exemptées d’impôts, notamment), mais la position des libéraux sur ces enjeux a évolué dans les derniers mois.

    « Nos artistes et créateurs méritent d’être payés justement pour leurs oeuvres et ils ont raison de se lever pour le réclamer, a écrit M. Rodriguez au Devoir lundi. Tout le monde, et ça inclut les géants du Web, va devoir contribuer à la création de contenu d’ici, l’offrir sur ses plateformes et le promouvoir », a-t-il dit.

    Solange Drouin, directrice générale de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ), se réjouissait lundi de la sortie de Pierre Lapointe. Celle qui, avec d’autres, sonne l’alarme depuis des années sur cet enjeu estime qu’un tel « appel à la mobilisation des artistes » ne peut avoir que du bon dans le contexte où le nouveau gouvernement Trudeau aura des décisions cruciales à prendre dans les prochains mois — le rôle de Québec est plus limité sur ces questions.

    Au premier rang des décisions à venir : la révision annoncée des primordiales lois sur la radiodiffusion, les télécommunications et le droit d’auteur. Trois chantiers lancés par le précédent gouvernement, et qui se trouvent à différents degrés d’avancement. Dans tous les cas, les libéraux entendent aller de l’avant — et trouveront des alliés chez les néodémocrates et les bloquistes.

    « Les principales lois qui régissent notre culture et nos communications datent d’avant Internet, fait valoir Pablo Rodriguez. Cette situation nuit à notre économie, à nos emplois et à notre culture. »

    Pour Geneviève Côté, cheffe des affaires du Québec à la SOCAN (Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), « le problème de fond, c’est qu’il faut faire en sorte que les plateformes redonnent à l’écosystème, comme les radios le font, dit-elle. Si tu veux une radio qui émet vers les citoyens, ça te prend une licence qui vient avec des obligations, dont celle de financer la culture. C’est l’absence de ce bout-là qui nous fait le plus mal, à tous ».

    Au-delà de cela, à qui — ou à quoi — s’adressait Pierre Lapointe dimanche ? Le gouvernement est-il le seul responsable de la situation ? Réponse courte : non.

    La fin des ventes. Le phénomène est connu, et va croissant. Au Québec comme ailleurs, la consommation de la musique se fait de moins en moins par l’entremise de l’achat, et de plus en plus par le principe de location à travers des plateformes de diffusion comme Spotify, Tidal ou Apple Music.

    Dans un bulletin produit en juin dernier, l’Observatoire de la culture et des communications illustrait l’ampleur du recul des ventes depuis dix ans : il s’est vendu en 2018 trois fois moins de disques physiques (CD ou vinyles) au Québec qu’en 2008, alors que les ventes d’albums numériques ont diminué de moitié en cinq ans — soit depuis l’arrivée des principaux services de diffusion en continu.

    Ces mouvements ne s’accompagnent pas d’une ruée vers les spectacles qui compenserait le manque à gagner. L’Observatoire fait plutôt état d’un recul de 12 % des revenus de billetterie pour les spectacles de chansons au Québec entre 2013 et 2018.

    Faibles redevances. Que vaut une écoute en ligne pour les artistes ? Difficile à établir précisément… mais tous s’entendent pour dire que c’est fort peu. Et cela ne relève pas directement du gouvernement. « Les redevances pour le streaming, c’est compliqué », reconnaît Geneviève Côté. Dans les faits, une multitude de tarifs s’appliquent et s’additionnent.

    Les redevances varient selon le type de services et sont partagées entre six types de droits ou d’ayants droit. Des droits sont payés selon le nombre d’écoutes, et d’autres selon le pourcentage des revenus d’abonnements ou de publicités.

    « Il y a essentiellement deux droits en cause, résume Solange Drouin : un droit de reproduction pour que Spotify puisse mettre un album dans sa liste de lecture. Pour ça, c’est une négociation entre eux et les ayants droit. Mais pour le droit de communication au public par télécommunications, c’est la Commission du droit d’auteur [CDA] qui fixe un tarif. »

    Tarif à revoir. À cet égard, Mme Drouin rappelle que la CDA n’a pas ajusté son tarif versé aux interprètes et aux producteurs depuis… 2012. À l’époque, elle l’avait fixé à 10,2 cents par tranche de 1000 écoutes en continu (donc une centaine de dollars pour un million d’écoutes), ce qui représente l’équivalent du tarif de la radio commerciale. Le tarif est en cours de révision depuis plusieurs mois — l’ajustement sera rétroactif : aux États-Unis, il est environ 20 fois supérieur.

    Les géants. Outre la révision des lois évoquée plus haut, le gouvernement Trudeau a promis qu’il imposerait dès ce printemps à hauteur de 3 % les recettes que les géants du Web génèrent au Canada. Les libéraux ont aussi l’intention de les forcer à percevoir la TPS. Ottawa « devrait remettre une partie de l’argent prélevé au milieu culturel et aux médias », pense Geneviève Côté.

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  • Cette année, c’est les 50 ans du label mythique Trojan Records. Un film sort pour l’occasion sur la relation entre la jeunesse jamaicaine et anglaise, mélangeant docu et fiction.
    RUDEBOY : The Story of Trojan Records
    https://www.youtube.com/watch?v=gEQdklk3LvE

    A film about the love affair between Jamaican and British Youth culture told through the prism of one the most iconic record labels in history, TROJAN RECORDS.

    Combining archive footage, interview and drama - RUDEBOY tells the story of Trojan Records by placing it at the heart of a cultural revolution that unfolded in the council estates and dancefloors of late 60’s and early 70’ Britain and how that period of immigration and innovation transformed popular music and culture. Told by a cast of legendary artists including Lee ‘Scratch’ Perry, Toots Hibbert, Ken Boothe, Neville Staple, Marcia Griffiths, Dave Barker, Dandy Livingstone, Lloyd Coxsone, Pauline Black, Derrick Morgan and more.

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