• Superbe retournement de citation opéré par Le Figaro et/ou Marc Fromager, directeur de l’association Aide à l’Église en Détresse lors de la présentation de son Rapport 2012 sur la liberté religieuse dans le monde.
    http://www.lefigaro.fr/international/2012/10/17/01003-20121017ARTFIG00726-dans-le-monde-les-chretiens-sont-les-plus-discrim

    Et de citer le juriste tunisien Yadh Ben Achour : « Les Tunisiens vivent aujourd’hui l’islam comme un cancer qui dévore le corps social tout entier. »

    C’est la dernière phrase de l’article.

    L’original vient d’un entretien de Y. Ben Achour à La Presse (de Tunisie), le 31 août 2012 :
    http://www.lapresse.tn/31082012/54651/nous-risquons-une-dictature-pire-que-celle-de-ben-ali.html

    La religion a investi massivement le champ du débat social et politique, à tel point qu’on commence à en avoir une sorte d’indigestion. Il n’y a plus que cela, et les véritables problèmes du pays sont laissés de côté ou remis aux calendes grecques. Et, contrairement à ce que l’on dit, la religion n’est pas en train de gagner des adeptes, au contraire, elle est en train d’en perdre. Un certain nombre de croyants qui allaient pacifiquement faire leurs prières à la mosquée n’y vont plus, tellement ce lieu est devenu, non pas comme il devrait l’être, à savoir le symbole de la douceur, de la sérénité et de la contemplation, mais l’expression du militantisme politique le plus virulent, de la violence, de la haine, et de la laideur. Tout ce que le parti au pouvoir a réussi à faire, c’est de transformer notre religion en une véritable maladie sociale. Les Tunisiens ont vécu la religion comme un élément de libération, de cohésion sociale, de spiritualité. Ils la vivent aujourd’hui comme un cancer qui dévore le corps social tout entier et qui risque de le jeter dans le sous-développement et la régression généralisée. Si cela continue, la Tunisie ne sera pas simplement déclassée par les agences de notation, le bon Dieu lui-même n’en voudra plus.

    Qui n’est donc pas une attaque ad religionem de l’islam, mais bien une revendication forte de laïcité…

  • La Presse de Tunisie - nous-risquons-une-dictature-pire-que-celle-de-ben-ali | 54651 | 31082012
    http://www.lapresse.tn/31082012/54651/nous-risquons-une-dictature-pire-que-celle-de-ben-ali.html
    Yadh Ben Achour, l’ancien président de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution (Hiror), juge durement la transition démocratique de la Tunisie, notamment depuis l’accès au pouvoir du parti islamiste Ennahdha.

    Vous avez attiré l’attention sur certains passages de l’avant-projet de la Constitution qui ouvriraient la voie à une dictature théocratique...
    Depuis les premières réunions de l’Assemblée constituante, il ne se passe plus un seul jour sans que l’on soit assailli par les évènements ou les thématiques religieuses. Un jour ce sont les propos de certains constituants revendiquant l’application des peines coraniques, comme l’amputation ou la crucifixion, un autre jour ce sont les munaqibat qui investissent La Manouba, un autre jour encore les agressions terroristes indûment appelées «  salafistes » contre les artistes, les intellectuels, dont l’affaire de la Abdelliya représente le point culminant, puis des disputes parfois violentes au sein des mosquées, le lendemain des proclamations fracassantes et des appels au meurtre de la part d’un certain nombre d’imams-voyous, le surlendemain des violences à l’égard d’un groupe chiite, la veille, un procès inique contre de jeunes caricaturistes, l’avant-veille, un procès moyenâgeux contre la diffusion de Persepolis , sans compter les débats incessants autour de la charia, de l’adoption, du Code du statut personnel, de la polygamie, du niqab, et des muqaddassat.
    La religion a investi massivement le champ du débat social et politique, à tel point qu’on commence à en avoir une sorte d’indigestion. Il n’y a plus que cela, et les véritables problèmes du pays sont laissés de côté ou remis aux calendes grecques. Et, contrairement à ce que l’on dit, la religion n’est pas en train de gagner des adeptes, au contraire, elle est en train d’en perdre. Un certain nombre de croyants qui allaient pacifiquement faire leurs prières à la mosquée n’y vont plus, tellement ce lieu est devenu, non pas comme il devrait l’être, à savoir le symbole de la douceur, de la sérénité et de la contemplation, mais l’expression du militantisme politique le plus virulent, de la violence, de la haine, et de la laideur. Tout ce que le parti au pouvoir a réussi à faire, c’est de transformer notre religion en une véritable maladie sociale. Les Tunisiens ont vécu la religion comme un élément de libération, de cohésion sociale, de spiritualité. Ils la vivent aujourd’hui comme un cancer qui dévore le corps social tout entier et qui risque de le jeter dans le sous-développement et la régression généralisée. Si cela continue, la Tunisie ne sera pas simplement déclassée par les agences de notation, le bon Dieu lui-même n’en voudra plus.
    C’est dans ce contexte que, à propos des débats sur le projet de Constitution organisés par l’Association tunisienne de droit constitutionnel, j’ai effectivement affirmé que ce projet nous préparait une dictature théocratique et qu’il allait sanctionner la mort de la liberté d’expression que nous avons acquise grâce à la révolution. Les commissions constitutionnelles qui travaillent malheureusement sans aucune méthode, sans aucune véritable expertise, dans la dispersion, ont produit un projet qui est bien plus qu’un brouillon. Ils ne se sont pas contentés de la référence aux « nobles valeurs de l’Islam  » dans le préambule, ni de l’article premier de la Constitution sur lequel tout le monde est pratiquement d’accord. Ils se sont permis à deux reprises, dans deux articles différents de leur brouillon, d’insister lourdement pour rappeler que l’État est le protecteur de la religion et en particulier des «  valeurs sacrées », ce qui ouvre la voie à tous les risques possibles, en ajoutant, dans un autre article inclus dans le chapitre sur les droits et libertés fondamentaux, que l’État garantit la liberté de croyance et d’exercice des cultes et « criminalise toute atteinte aux valeurs sacrées ».