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  • Dans la peau d’un forçat d’Amazon - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/05/dans-la-peau-d-un-forcat-d-amazon_1683525

    Début septembre, on a candidaté à une dizaine d’offres d’emploi pour un poste de #chauffeur-livreur en CDI. Il a suffi d’une recherche sur la plateforme le Bon Coin pour en trouver. On a, bien entendu, sciemment oublié de mentionner notre activité de journaliste. Deux jours plus tard, le téléphone sonne. Au bout du fil, un homme nous tutoie d’emblée : « J’ai vu ton CV, t’es toujours intéressé ? » Nous acquiesçons.

    « Un peu dans le même sac »
    Il décline les conditions : « C’est pour un CDI, payé 1 300 euros net. Après, ça peut évoluer si tu livres beaucoup de colis, je ne suis pas fermé à ça. » Seule condition à l’embauche : réaliser une formation de trois jours avec des chauffeurs déjà en poste. Première surprise : elle est non rémunérée et aucun contrat n’est signé. Il faut en revanche transmettre par mail une carte d’identité et un permis valide. Si les deux parties s’entendent à la fin de la « formation », un premier CDD de trois mois sera signé. Puis un CDI.

    L’homme au bout du fil, Christophe (1), se justifie de procéder ainsi : « Tu sais, je vais te dire honnêtement, on est un peu dans le même sac. Moi, je ne suis qu’un sous-traitant de sous-traitant. En gros, Amazon sous-traite son activité de livraison à des dizaines de grosses entreprises. Elles ont des filiales dédiées qui, elles aussi, sous-traitent à des centaines de petites entreprises, donc nous. Et c’est là qu’on t’embauche. Donc je préfère faire ça, parce que livreur Amazon, ce n’est pas aussi simple que ça en a l’air. »

    Rendez-vous est pris quatre jours plus tard pour entamer notre formation. Le soleil vient tout juste de se lever sur la zone commerciale de Vélizy-Villacoublay (Yvelines), peu après 7 heures. Entre deux entreprises à l’architecture moderne, des dizaines de camions forment un étrange ballet. Certains chauffeurs en gilet jaune entrent sur un parking. Ils sont guidés par d’autres salariés en gilet orange qui beuglent des informations inintelligibles au mégaphone. Les chauffeurs ressortent quelques minutes plus tard, le coffre rempli de dizaines de colis Amazon pour faire la place à d’autres camionnettes. Garé quelques mètres plus loin en double file, Christophe nous invite à le rejoindre dans son véhicule. Sans badge, impossible pour nous d’entrer dans le dépôt.

    Le briefing de notre formation illégale aura donc lieu dans sa voiture, entre dix coups de téléphone de « ses » livreurs. Il pointe du doigt les dizaines d’utilitaires au loin. « Si tu t’en sors bien, t’en auras un pour toi. » Une chose nous étonne néanmoins : elles ont toutes un immense logo Europcar ou Rent A Car accolé sur le flanc. Christophe, bas de jogging et baskets, précise : « Comme je t’ai dit, on est des sous-traitants au dernier échelon. Donc on n’a pas vraiment l’argent pour investir dans un parc d’utilitaires. On loue des véhicules à des entreprises de location, on a des forfaits moins chers. » On apprend dans la foulée que notre employeur a fondé sa société avec des amis. Ils travaillent à 100 % pour l’entreprise de livraison nationale Easy2Go, ou plutôt l’une de ses filiales, nommée Flash. Dont le plus gros client est Amazon, assure Christophe.

    Pour nous mettre dans le bain, le jeune chef d’entreprise joue la carte de l’honnêteté : « Amazon nous met la pression. Si un chauffeur ne fait pas l’affaire, n’est pas efficace, ils nous appellent et ils nous disent : "Ton gars, là, il ne rentre plus chez nous." Et ils retirent son badge. Ce ne sont pas eux qui embauchent, donc ils s’en foutent, ils ne licencient pas. Mais nous, derrière, on n’a pas le choix… Donc si tu bosses bien, c’est donnant-donnant pour toi comme pour nous. » En attendant que ses chauffeurs sortent du dépôt, on se gare près d’une station-service et d’un parking Norauto. Un homme en chemise, pantalon de costard et ordinateur sous le bras, débarque à toute allure. Il scrute les camions de location, a l’air de prendre des notes sur son carnet. « Le patron de Norauto a appelé Amazon pour se plaindre que les chauffeurs stationnent là en attendant de récupérer leurs colis. Alors il a interdit de se garer là. Il est en train de prendre le nom de ceux qui le font quand même, pour les sanctionner », éclaire Christophe. Sur la sanction, il précise : « Il va leur retirer leur badge quoi, leur interdire d’entrer. » Comprenez, en langage de sous-traitant : les licencier.

    « Comme de l’intérim »
    Pour se défendre de créer une économie précaire, Amazon avance être à l’origine de milliers de CDI faciles d’accès. Ceux-là mêmes qui attendraient que l’on « traverse la rue ». Rien que pour le dépôt de Vélizy-Villacoublay, ouvert depuis le 3 septembre dans d’anciens entrepôts Peugeot de 13 000 m2, près de 580 chauffeurs sont employés, indique Christophe. L’immense majorité en CDI. On a également pu lire dans les médias mi-septembre que « 80 nouveaux » CDI seraient créés sur ce dépôt « d’ici 2020 » afin de « dispatcher » les colis avec, pour finalité, d’irriguer le sud de la région Ile-de-France. Pour la multinationale, la dureté de la tâche serait donc compensée par l’assurance d’avoir un emploi stable. Sur ce point, notre employeur sous-traitant tient à ce que l’on ne se fasse pas d’illusions : « Oui, c’est un CDI. Mais le dépôt est ici en phase de test. Si ça ne fonctionne pas, en décembre ils le ferment. » Quid des CDI créés donc ? Silence gêné de notre interlocuteur. « Au mieux, ils les dispatchent sur d’autres dépôts. Au pire… »

    Grégoire (1), chef de dépôt dans une grande ville française, confirme : « Ce métier, c’est comme de l’intérim. Car ta boîte peut fermer du jour au lendemain. » Lui en sait quelque chose, l’entreprise qui l’employait avec trois autres chauffeurs a mis la clé sous la porte. La société de transport donneuse d’ordre, Easy2Go (la même qui pourrait nous employer à Vélizy-Villacoublay), a perdu l’appel d’offres avec Amazon aux dépens d’une autre. Résultat, les myriades d’entreprises dans son giron dédiées à la livraison Amazon ont dû fermer en moins de dix jours. La société titulaire du nouveau marché en a bien repris quelques-unes, dont celle de Grégoire. Mais pas suffisamment pour éviter à des dizaines de livreurs en CDI de perdre leur emploi, plaide le chef de dépôt. Contacté, Easy2Go n’a pas souhaité répondre à nos questions et a transféré notre demande directement à Amazon.

  • Pédophilie dans l’Eglise : « Toute ma hiérarchie savait » - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/30/pedophilie-dans-l-eglise-toute-ma-hierarchie-savait_1688944

    Le procureur d’Orléans a requis mardi soir trente mois ferme contre l’abbé Pierre de Castelet, accusé d’agressions sur mineurs, et un an ferme à l’encontre de l’ex-évêque du diocèse poursuivi pour non-dénonciation.

    Le procureur Nicolas Bessone ne cache pas son agacement, voire sa colère, et laisse tomber un mot : « Lâcheté. » Sans appel possible. « J’ai pensé envoyer un médecin. Je le faisais avec des mafieux marseillais mais je ne le fais pas pour un évêque », dit-il.

    « Affection »

    Poursuivi pour avoir omis de signaler à la justice des attouchements sur des mineurs, André Fort, l’ancien évêque du diocèse d’Orléans, s’est mis mardi aux abonnés absents alors qu’il devait comparaître devant le tribunal correctionnel d’Orléans. Il souffre, selon un certificat médical produit au dernier moment et glissé dans la soirée de lundi sous la porte du bureau de la présidente du tribunal, des suites d’une intervention chirurgicale. « Il ne vient pas quand même de Rio de Janeiro ou de Rome », insiste le procureur, mentionnant qu’André Fort habite à seulement deux heures et demie d’Orléans. « Son absence dit autant de choses que sa présence : son incapacité à assumer les faits », tacle pour sa part Edmond-Claude Fréty, l’avocat des trois parties civiles.

    Devant le tribunal, il n’y a donc que Pierre de Coye de Castelet, un prêtre catholique de 69 ans poursuivi pour des attouchements sexuels sur mineurs. Les faits - que l’ecclésiastique a reconnus pendant l’enquête - ont eu lieu lors d’un camp du Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ) dans les Pyrénées, à Arthez-d’Asson, en juillet 1993. Prétextant des visites médicales, Coye de Castelet a abusé à l’époque d’une dizaine de garçons, pratiquant des attouchements sur leurs parties génitales. Trois seulement ont porté plainte : Olivier Savignac, Philippe Cottin et Paul-Benoît Wendling. « Dès que je me suis retrouvé sur ce lit, mon enfance s’est arrêtée, raconte Olivier Savignac, l’un de ceux qui ont bataillé de longues années, alertant sans succès la hiérarchie. J’ai tout voulu enterrer mais cela revient chaque jour. J’ai toujours été l’enfant abandonné sur ce lit. Ce qui s’est passé en juillet 1993, cela a été la déconstruction de tous les repères dans mon âme, dans mon corps, dans ma foi. J’ai subi aussi là un abus spirituel. J’en ai gardé la méfiance vis-à-vis de ces hommes et vis-à-vis de l’Eglise. »

    Au premier rang de la salle d’audience, les trois victimes se tiennent silencieusement derrière le prêtre tandis qu’il est longuement interrogé par la présidente, Gaëlle Reverter, aussi pugnace que le procureur. Plutôt empoté, d’allure insignifiante, Coye de Castelet, décrit par l’expert psychiatrique comme hyper-émotif et doté « d’une fragilité structurelle », reconnaît ses fautes de l’époque, « l’attirance » qu’il avait pour les jeunes garçons, sa recherche « d’intimité » mais sans comprendre, plaide-t-il, que « cela leur faisait du mal ». « J’étais en demande d’affection, poursuit le prêtre âgé de 45 ans au moment des faits. Je venais de passer des années difficiles en paroisse. »

    Pressé de questions, il assure qu’il n’y a pas eu d’actes répréhensibles ni avant ni après l’été fatidique de 1993, qu’il a réussi à combattre ses pulsions. A entendre le procureur et la présidente, il ne convainc guère. Cela demeure un mystère. Quand il est interrogé sur l’absence de son ancien évêque dans la salle d’audience, le prêtre lâche : « Je me sens seul ici. Mais je ne commenterai pas là le comportement de quelqu’un. »

    Blessure

    Ce procès d’Orléans n’est pas un procès ordinaire. Il est autant - et peut-être plus encore - celui de l’Eglise catholique et de sa gestion des cas de pédophilie que celui du prêtre abuseur. « Toute ma hiérarchie savait », dit à plusieurs reprises Coye de Castelet. Depuis 1993, quatre évêques se sont succédé à la tête du diocèse d’Orléans. Dès l’été des faits, René-Lucien Picandet est déjà alerté par un courrier de l’aumônier national du MEJ, François-Xavier Boca, de ce qui s’est passé à Arthez-d’Asson. Il n’y a pas eu de sanction, une simple interdiction signifiée au prêtre de participer au MEJ. Et encore moins de signalement à la justice. Depuis, Picandet est mort.

    Le procureur ironise sur le fait que la prescription protège celui qui lui a succédé, Gérard Daucourt, de toute poursuite. C’est aussi le cas pour l’aumônier du MEJ, le jésuite François-Xavier Boca qui avait mené une mission d’inspection, cet été-là, à Arthez-d’Asson, déplaçant le prêtre vers un autre camp après avoir interrogé les victimes. Entendu comme témoin, mal à l’aise, son attitude d’alors est le vrai symptôme d’une époque. Boca assure qu’il n’y a pas eu de volonté de soustraire Coye de Castelet à la justice. Il lâche finalement une phrase terrible : « On pensait à l’époque que ces actes-là n’étaient pas si graves. » Pour les plaignants, c’est bien de cela dont il s’agit. « Ce que j’attends de ce procès, c’est la reconnaissance de notre statut de victimes », vient dire à la barre Olivier Savignac. La blessure, c’est celle aussi de l’abandon d’enfants par des adultes, notamment des évêques, qui n’ont pas pris ou osé prendre leurs responsabilités. « Je n’ai pas de jugement à porter au sujet de Coye de Castelet, assure, pour sa part, Philippe Cottin. Mais ce que je vois, c’est la responsabilité des cadres de l’époque. » Le procureur a requis mardi soir un an de prison ferme à l’encontre l’ex-évêque absent à l’audience et trente mois ferme à l’encontre Pierre de Castelet.
    Bernadette Sauvaget envoyée spéciale à Orléans. Photo Stéphane Lagoutte. Myop

    #pédocriminalité #église_catholique #de_Castelet #Fort #impunité

  • Face à la pénurie, l’école parfois contrainte d’embaucher n’importe qui (Marie Piquemal, Libération)
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/29/face-a-la-penurie-l-ecole-parfois-contrainte-d-embaucher-n-importe-qui_16

    Recrutés à la va-vite pour boucher les trous, les contractuels sont désormais utilisés largement par l’éducation nationale. Peu ou pas formés, certains s’en sortent. D’autres sombrent mais sont reconduits, pour ne pas laisser les classes sans enseignant.
    […]
    « C’est violent pour tout le monde. Pour eux. Pour nous, enseignants. Comme si notre métier, au fond, tout le monde pouvait le faire. Comme si la mission de l’éducation nationale c’était de mettre un adulte devant les gosses. Point à la ligne. Mais le pire, c’est pour ces parents et ces élèves qui font confiance à l’école et à qui on ment. »

    #éducation #remplacements #précarité #vacataire #formation #pénurie

  • Inégalités sociales et territoriales et éducation prioritaire (Revue de presse)

    Le CNESCO (Conseil National d’Évaluation du Système Scolaire) a publié une étude détaillée intitulée “Panorama des inégalités scolaires d’origine territoriale en France” dont les principaux enseignements ont été repris dans les médias :

    - La composition sociale des collèges reflète globalement celle des territoires sur lesquels ils sont localisés.
    – Les ressources humaines de l’Éducation nationale sont inégalement réparties en Île-de-France.
    – Les résultats aux épreuves écrites du diplôme national du brevet (DNB) révèlent des inégalités territoriales de réussite importantes.
    – Les territoires défavorisés concentrent les taux les plus élevés d’enseignants de moins de 30 ans et de non-titulaires.
    – Les ressources scolaires sont inégalement réparties sur le territoire français : le cas des langues vivantes.
    – Des inégalités dans la réussite aux examens.
    Source : http://www.cnesco.fr/fr/panorama-des-inegalites-scolaires-dorigine-territoriale-en-france

    Quelques reprises dans les médias :
    – L’Education nationale donne t-elle vraiment plus aux élèves défavorisés ? (Marie Piquemal, Libération)
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/24/l-education-nationale-donne-t-elle-vraiment-plus-aux-eleves-defavorises_1
    – En Ile-de-France, une école pauvre pour les quartiers pauvres (Mattea Battaglia, Le Monde)
    https://www.lemonde.fr/education/article/2018/10/24/en-ile-de-france-une-ecole-pauvre-pour-les-quartiers-pauvres_5373799_1473685

    Ô surprise, il s’agissait du dernier rapport de cette institution indépendante, que le Ministre, J.-M. Blanquer a décidé de supprimer :
    – Education : le ministre Blanquer n’aime pas les instances indépendantes (Faïza Zerouala, Médiapart)
    https://www.mediapart.fr/journal/france/221018/education-le-ministre-blanquer-n-aime-pas-les-instances-independantes
    – Le putsch de Blanquer : quand le ministre évaluateur se soustrait aux évaluations (Gurvan Le Guellec, L’Obs)
    https://www.nouvelobs.com/education/20181012.OBS3883/le-putsch-de-blanquer-quand-le-ministre-evaluateur-se-soustrait-aux-evalu

    Pendant ce temps-là (et en même temps), la Cour des Comptes a publié un rapport éponyme sur “L’éducation prioritaire”. Elle y fait 17 recommandations réparties en 6 grandes orientations :

    Orientation n°1 : fortifier l’autonomie, la responsabilité et l’évaluation des réseaux de l’éducation prioritaire renforcée
    1. Renforcer le pilotage académique en intégrant au projet stratégique un volet « éducation prioritaire », en exigeant des bilans annuels de sa mise en œuvre et l’élaboration d’un référentiel académique de l’éducation prioritaire ;
    2. Expérimenter la constitution d’établissements publics de réseau ; établir des contrats permettant de leur allouer des moyens conditionnés à la mise en œuvre d’actions et attribuer au chef d’établissement, responsable du réseau, les marges de manœuvre nécessaires à la bonne utilisation de ces moyens.
    Orientation n°2 : doter l’éducation prioritaire d’outils d’évaluation plus performants
    3. Systématiser les évaluations des élèves du socle commun de connaissance, de compétences et de culture (au début et à la fin des trois cycles, puis à l’entrée et à la sortie de chaque année) par des tests standardisés dématérialisés ;
    4. Alimenter des bases de données exhaustives sur les élèves, les écoles et les établissements et produire des indicateurs de valeur ajoutée des collèges et des réseaux ;
    5. Utiliser ces données pour conduire de manière systématique des analyses de la performance des dispositifs mis en œuvre en éducation prioritaire.
    Orientation n°3 : concentrer l’action publique sur le premier degré en mobilisant les leviers à fort rendement
    6. Cibler les moyens enseignants sur le premier degré ;
    7. Étendre le dédoublement des classes à l’ensemble du cycle des apprentissages fondamentaux (grande section de l’école maternelle et deux premières années de l’école élémentaire) ou à l’ensemble des classes du cycle 2 dans les écoles qui concentrent de manière aiguë les difficultés sociales et scolaires (équivalent REP+) ; mettre en œuvre une réduction de moindre intensité dans les autres classes (équivalent REP).
    Orientation n°4 : ajuster la gestion des enseignants aux besoins de l’éducation prioritaire
    8. N’affecter en éducation prioritaire que les enseignants disposant d’au moins deux ans d’ancienneté ;
    9. Élargir la capacité des chefs d’établissement à recruter sur profils pour les postes d’enseignant situés en éducation prioritaire ;
    10. Ouvrir la possibilité d’une affectation temporaire d’une durée de trois à cinq ans sur les postes en éducation prioritaire assortie de la garantie de retour à l’affectation d’origine ;
    11. Améliorer le régime indemnitaire des enseignants en éducation prioritaire en introduisant des éléments variables d’une part liés à l’investissement individuel et à l’implication au sein des équipes pédagogiques, d’autre part modulés en fonction de l’attractivité de l’académie ;
    12. Renforcer la place de l’éducation prioritaire dans la formation initiale des enseignants et accentuer l’effort de formation continue des enseignants affectés en éducation prioritaire ;
    13. Faciliter le remplacement dans les établissements et les écoles qui
    concentrent les difficultés en leur donnant une priorité et en privilégiant le recours aux titulaires remplaçants.
    Orientation n°5 : revoir le processus d’identification des bénéficiaires et réviser les mécanismes d’allocation des ressources
    14. Répartir l’ensemble des établissements (et des écoles lorsque les données le permettront) en plusieurs catégories homogènes, définies en fonction d’un indice synthétique de difficulté tenant compte de leurs caractéristiques propres ;
    15. Utiliser ces catégories pour allouer les moyens spécifiques de l’éducation prioritaire et distribuer les moyens non spécifiques à l’ensemble des écoles et des établissements en tenant compte du profil des élèves scolarisés, afin d’introduire un continuum dans le dispositif d’allocation et réduire les effets de seuil des mécanismes actuels.
    Orientation n°6 : favoriser la mixité scolaire en renouvelant
    les mécanismes d’affectation des élèves

    16. En partenariat avec les collectivités territoriales, faire évoluer la carte scolaire et les modalités d’affectation des élèves afin de favoriser la mixité et créer un observatoire de la mixité auprès du recteur chargé de rédiger un rapport sur la mixité dans l’académie tous les deux ans ;
    17. Associer les établissements privés sous contrat concernés aux processus d’évolution de la carte scolaire et inciter à scolariser des élèves qui reflètent mieux les caractéristiques sociales et scolaires de la population de la zone de recrutement.
    Source : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/leducation-prioritaire

    De fait la plupart de ces recommandations valident les premières décisions de "l’ère Blanquer” ou prépare la réforme annoncée (pour dans quelques mois) de l’éducation prioritaire, pour le reste ces orientations collent comme d’habitude à l’agenda néolibéral sur l’éducation.

    Ce rapport a eu aussi quelques échos médiatiques :
    – Education prioritaire : la Cour des comptes propose d’en finir avec l’étiquette REP ou REP+ (Marie Piquemal, Libération)
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/17/education-prioritaire-la-cour-des-comptes-propose-d-en-finir-avec-l-etiqu
    – La Cour des comptes signe l’aveu d’échec des politiques d’éducation prioritaire (Violaine Morin, Le Monde)
    – La Cour des Comptes pointe l’échec criant de l’éducation prioritaire (Alice Mérieux, Challenges)
    https://www.challenges.fr/politique/la-cour-des-comptes-tacle-l-education-prioritaire_619935

    La remise à plat de l’éducation prioritaire par le ministère Banquer pourra donc s’appuyer sur deux faits répétés à l’envi dans les médias :
    – Les politiques d’éducation prioritaire sont un échec
    – Les élèves défavorisés sont majoritairement hors dispositif éducation prioritaire (cf. https://seenthis.net/messages/637255)
    Ces deux faits sont exacts, reste qu’ils serviront sans doute à justifier le démantèlement de dispositifs imparfaits au profit de l’idéologie portée par le libéralisme : la responsabilité individuelle dans les parcours de chacun. Il y a fort à parier que la prochaine réforme enterrera les analyses sociologiques pour allouer quelques moyens aux "individus qui s’en donnent la peine".

    Pour faire fonctionner un système éducatif moins inégalitaire, ce sont d’autres analyses et d’autres orientations qu’il faudrait convoquer.
    Outre les pistes ouvertes par les analyses du CNESCO mettant en lumière des mécanismes institutionnels inégalitaires dans l’allocation des moyens allant à l’encontre de la discrimination positive censée profiter aux quartiers prioritaires, un point, par exemple, soulevé dans le rapport de cette même cour des comptes en 2012, aurait mérité d’être mentionné et commenté : le fait que les "crédits spécifiques" viennent se substituer aux "crédits de droit commun" au lieu de s’y ajouter :

    Dans ces conclusions, la Cours des comptes rejoint les avis de nombreux experts ou d’associations : alors que les crédits spécifiques sont censés venir en renfort des crédits de droit commun pour jouer un effet de levier, il apparait dans certains cas, et particulièrement dans les domaines prioritaires de l’emploi et l’éducation, qu’ils se substituent à ces derniers, sans être alors suffisants pour financer des actions qui relèvent normalement des politiques de chaque ministère concerné.
    Source : http://centre-alain-savary.ens-lyon.fr/CAS/education-prioritaire/actualites-de-leducation-prioritaire-1/cour-des-comptes-urgence-coordonination

    Ici comme ailleurs, faute de s’être réellement donné les moyens des ambitions affichées, on décide d’y renoncer…

    #éducation #éducation_prioritaire #inégalités

  • Le pire, ce n’est pas cet élève qui braque son enseignante : c’est l’indifférence (Louise Tourret, Slate.fr)
    http://www.slate.fr/story/168896/eleve-braque-enseignante-lycee-creteil-pas-de-vague-fait-divers-violence-ecole

    Et c’est bien la perversité d’un système qui juge, compare, veut évaluer sur des résultats tangibles. Selon la logique de ce système, les directions doivent faire en sorte que les résultats de leurs établissements ne soient pas trop mauvais. S’occupent-elles vraiment des problèmes, de ce qu’il y a derrière les chiffres ? C’est la plus grande question qu’on peut se poser concernant l’Éducation nationale.
    […]
    Mais que nous apprennent les décisions prises depuis la rentrée ? Ces arbitrages qui viennent du gouvernement et ces économies sur le nombre de fonctionnaires ? Qu’on est en train de supprimer des postes –1.800– alors que le nombre d’élèves augmente. Que les surveillants pourront remplacer les enseignants absents. Or on manque de surveillants. Et de professeurs.
    […]
    Pour contredire une formule bien connue, le fait divers ne fait pas diversion, il nous fait voir ce que nous (trop de gens) ne voulons pas regarder et dont il faut de toute urgence s’occuper plus largement. Ça commence par s’écouter et ne pas remettre en cause la parole de celles et ceux qui témoignent, ne pas nier les incidents individuels, entendre et respecter les collectifs qui se mobilisent et sont en première ligne pour défendre les élèves. Des élèves, car c’est bien ce qui compte, pour qui une scolarité dans un cadre normal est tout simplement un droit.

    #éducation #violence #moyens

    Autres articles autour de #PasDeVagues :
    – Violences scolaires : « Le sentiment d’abandon est totalement justifié » (Eric Debarbieux, Libération)
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/26/violences-scolaires-le-sentiment-d-abandon-est-totalement-justifie_168814
    – Professeur braqué à Créteil : méritocratie républicaine, avis de décès (Rodrigo Arenas, Hélène Rouch, Edouard Gaudot, Libération)
    https://www.liberation.fr/debats/2018/10/26/professeur-braque-a-creteil-meritocratie-republicaine-avis-de-deces_16880
    – Braquage(s) et effet d’aubaine... (Philippe Watrelot, Blog)
    https://philippe-watrelot.blogspot.com/2018/10/braquages-et-effet-daubaine.html

    À noter : certains commentateurs en viennent à critiquer l’usage de ce hashtag en raison du noyautage de celui-ci par la fachosphère et de sa récupération par des forces politiques réactionnaires de droite. Voir par exemple les billets de blog de B. Girard :
    https://blogs.mediapart.fr/b-girard/blog/221018/pasdevague-1-ces-profs-qui-detestent-les-eleves
    https://blogs.mediapart.fr/b-girard/blog/231018/pasdevague-2-autour-du-respect-amalgames-en-tout-genre
    https://blogs.mediapart.fr/b-girard/blog/251018/pasdevague-3-un-hashtag-au-peril-du-debat-politique
    Ou encore :
    https://twitter.com/peabodyjoshua/status/1054417877275688963

  • https://www.liberation.fr/france/2018/10/22/aux-lentilleres-le-paradis-altermondialiste-menace-par-l-ecoquartier_1684

    Défrichées en 2010, d’anciennes terres maraîchères du sud de Dijon accueillent jardins partagés et squatteurs désireux de vivre en marge de la société. Un laboratoire alternatif à ciel ouvert que la mairie souhaiterait raser pour construire logements, bureaux et commerces.

    Depuis huit ans, une centaine de personnes vivent en permanence sur cette ZAD urbaine. Ils se nourrissent en grande partie des légumes qu’ils récoltent. Les surplus sont vendus sur place, le jeudi, à l’occasion d’un marché où les prix sont libres.

    #alternative #anarchisme #écologie #squatt #urbanisme #collectif

  • « Dans la grande histoire du Sial, jamais le végétal n’avait fait l’objet d’une telle frénésie d’innovation », proclament les organisateurs. Le Manager de l’alimentaire, bimensuel réservé aux professionnels, va dans le même sens : « Naturalité, "bien manger" Le tempo s’accélère. »
    (...)
    Mais la naturalité pourrait n’être qu’un leurre. L’usage et la transformation du végétal ne suffisent pas à répondre aux autres préoccupations éthiques : agriculture bio et de proximité, juste rétribution des producteurs, limitation des emballages…
    (...)
    Et puis, au-delà des nouveautés phares du Sial 2018, les concepteurs de la bouffe mondiale continuent de miser très majoritairement sur la viande.

    https://www.liberation.fr/france/2018/10/23/salon-de-l-alimentation-fixee-pour-des-tas-d-annees-la-naturalite_1687366
    #alimentation #vegetarisme #viande #agrobusiness

  • Emmanuelle Wargon, l’ex-lobbyiste en chef de Danone à la Transition écologique - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/16/emmanuelle-wargon-l-ex-lobbyiste-en-chef-de-danone-a-la-transition-ecolog

    Cette énarque de 47 ans, ancienne camarade de promotion d’Edouard Philippe, a été nommée secrétaire d’Etat auprès de François de Rugy. Une nouvelle illustration du « rétro-pantouflage », ou quand un haut-fonctionnaire passé au privé revient exercer des fonctions importantes au cœur de l’Etat.

    « Qui a le pouvoir ? Qui gouverne ? » Fin août, pour justifier sa démission spectaculaire, Nicolas Hulot avait dénoncé « la présence des #lobbys dans les cercles du pouvoir », estimant que cela pose « un problème de démocratie ». L’ex-ministre de la Transition écologique et solidaire ne croyait pas si bien dire… Moins de deux mois plus tard, voici qu’arrive dans son ancien ministère, comme secrétaire d’Etat, Emmanuelle Wargon, rien moins que la directrice des affaires publiques et de la communication de Danone.

    Lobbying et pollution

    Soit la lobbyiste en chef du groupe alimentaire… l’un des plus gros pollueurs de la planète, en termes de plastique. La semaine dernière, Break Free From Plastic, une coalition de 1 300 organisations du monde entier, révélait que sur les 180 000 déchets plastiques ramassés dans l’environnement dans 42 pays en juin et septembre, ceux produits par Danone figuraient en quatrième position, après ceux provenant de Coca-Cola, de Pepsi et de Nestlé. Danone fait aussi partie des 25 entreprises françaises qui épuisent le plus les écosystèmes de la planète, pointait l’ONG WWF en 2016.

    Emmanuelle Wargon, 47 ans, rejoint au gouvernement l’ancienne directrice des ressources humaines de Danone, Muriel Pénicaud, devenue ministre du Travail. Au ministère de la Transition énergétique, où elle remplace Sébastien Lecornu – qui au sein du ministère s’était vu confier les dossiers « énergie », dont plusieurs dossiers brûlants, de Fessenheim à Bure –, elle rejoindra une autre secrétaire d’Etat venue d’un géant du privé : Brune Poirson, ancienne cadre de Veolia. Et Wargon, la fille unique de Lionel Stoléru, ancien ministre de Valéry Giscard d’Estaing et de François Mitterrand, est issue de la même promotion de l’ENA que le Premier ministre Edouard Philippe, lui-même ancien lobbyiste en chef du groupe nucléaire Areva (devenu Orano).

    « Rétro-pantouflage »

    Comme ce dernier, Emmanuelle Wargon, qui a aussi fait Sciences-Po et HEC, illustre parfaitement une pratique de plus en plus répandue : le « rétro-pantouflage », soit un cadre dirigeant du privé, souvent issu des grandes écoles (ENA, Polytechnique), qui revient exercer des fonctions importantes au sommet de l’Etat après avoir « pantouflé » en quittant la haute fonction publique pour un poste bien payé dans le privé. De quoi faire réagir mardi sur Twitter le secrétaire d’EE-LV David Cormand : « Avec Macron, l’écologie, c’est jamais sans les lobbys. »

    Décrite comme pugnace et opiniâtre, Emmanuelle Wargon a commencé sa carrière en 1997 comme auditrice à la Cour des comptes. En 2001, elle est devenue conseillère technique auprès du ministre délégué à la Santé Bernard Kouchner, dans le gouvernement Jospin. De 2007 à 2010, sous le gouvernement Fillon, elle a dirigé le cabinet du Haut-Commissaire aux solidarités actives Martin Hirsch, où elle a géré entre autres le dossier RSA, mis en œuvre sous Nicolas Sarkozy en 2008. Elle a aussi été adjointe au directeur général de l’Afssaps (aujourd’hui ANSM), l’agence de sécurité des produits de santé.

    Puis, avant Danone et après un passage au ministère des Affaires sociales, elle a été pendant trois ans déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle au ministère du Travail, un poste clé, pilotant notamment la réforme de la formation professionnelle ou encore la gestion des crédits de la politique de l’emploi. Pas grand-chose à voir, donc, avec l’écologie ou l’énergie. Même si son ancien patron, le PDG de Danone Emmanuel Faber, a twitté mardi que « pendant trois ans, Emmanuelle Wargon a coordonné les engagements de Danone en matière de santé, d’environnement et d’inclusion ». Lui souhaitant « une pleine réussite au service de l’enjeu majeur qu’est la transition écologique et solidaire ».
    Coralie Schaub

    De mieux en mieux ici…

    #Wargon #Danone #écologie #lobbying #agro-industrie #agro-alimentaire

  • Jean-Michel Blanquer adore les évaluations… mais pas pour lui - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/12/jean-michel-blanquer-adore-les-evaluations-mais-pas-pour-lui_1684926

    Un projet de loi, qui sera soumis lundi au Conseil supérieur de l’Education, supprime le Conseil national d’évaluation des politiques scolaires (Cnesco) dans sa forme actuelle.

    Le ministre de l’Education croit beaucoup en l’évaluation, « un levier de progrès incontestable ». D’ailleurs, à la rentrée, Jean-Michel Blanquer a décidé que tous les élèves de CP, CE1, sixièmes et secondes passeraient fissa des tests nationaux pour évaluer leur niveau. Et ainsi, dit-il, aider enseignants à adapter leurs pratiques pédagogiques.

    Aux inquiets et suspicieux, le ministre rétorque : « On doit aborder ces évaluations de façon décontractée. N’essayons pas de créer des peurs, elles ne sont pas anxiogènes mais rassurantes. » Sur le plateau de France 2, il a même dit : « Vous savez c’est très agréable, tout le monde le fait, même pendant les vacances sur la plage. Vous n’arrêtez pas de vous tester dans les magazines et à la fin vous êtes contents parce que vous avez votre portrait. C’est un peu la même idée… On vous dit qui vous êtes. »

    Mais, alors, si les évaluations sont un progrès, qui plus est « agréable », pourquoi vouloir supprimer le Conseil national d’évaluation du système scolaire (#Cnesco) dont la mission est d’évaluer l’efficacité des politiques éducatives ? Le ministre craindrait-il que sa propre action soit évaluée ?

    Une instance à part

    S’il est peu connu du grand public, le Cnesco produit des études intéressantes et utiles au débat public. On lui doit la grande enquête sur la mixité sociale qui a permis de mettre des chiffres sur une réalité vécue par des milliers d’élèves et enseignants. Ou encore le travail de fond sur l’enseignement professionnel, mettant au jour le décalage entre les politiques qui répètent à l’envi que la voie professionnelle est primordiale, tout en laissant ouvertes des filières dont on sait les débouchés d’insertion maigres ou inexistants… Les rapports du Cnesco, nourris par le travail de recherche scientifique, ont aussi le mérite de mettre en lumière des sujets pas forcément dans l’agenda des politiques.

    Terminé les folies et l’indépendance ! Dans un projet de loi en préparation, que les syndicats ont découvert cette semaine, figure la transformation du Cnesco en « Conseil de l’évaluation de l’école ». Sur le papier, la mission semble la même : « Le conseil, placé auprès du ministre chargé de l’éducation nationale, est chargé d’évaluer en toute indépendance l’organisation et les résultats de l’enseignement scolaire. » Les ressemblances s’arrêtent là.

    Une instance pour évaluer les établissements ?

    Le Cnesco pouvait s’autosaisir. Pas le nouveau conseil. La composition n’a plus rien à voir. Créé par la loi de 2013, le Cnesco consistait en un attelage à part. Pour garantir son indépendance, il comptait obligatoirement deux députés et deux sénateurs, de bords politiques différents. Désormais, ce sera un député et un sénateur choisi par les présidents des deux chambres, autant dire de la majorité. Et pour le reste… Le nouveau conseil comptera quatre « personnalités choisies par le ministre pour leur compétence dans le domaine éducatif » et « quatre représentants du ministre ». Il n’y aurait plus de représentants du Conseil économique, social et environnemental (Cese) comme aujourd’hui.

    Le travail des membres sera un poil moins excitant. Dans l’état actuel du projet de loi, le conseil sera chargé d’« établir une synthèse des différents travaux d’évaluation sur le système éducatif ». Une agence à produire des résumés de rapports produits par les services de l’Education nationale ? Merci l’utilité… En réalité, le conseil aura une autre mission, qui intéresse bien plus le ministre : il sera chargé d’évaluer les établissements scolaires. « La France est en effet l’un des derniers grands pays à n’avoir pas développé une politique nationale d’évaluation de ses établissements scolaires », justifie le ministère dans l’exposé des motifs du projet de loi. Jean-Michel Blanquer croit beaucoup dans les bienfaits de l’évaluation, pour « avancer ». Sauf pour lui.
    Marie Piquemal

    #évaluation #éducation_nationale #blanquer

  • #Food-business : « Rendre joli un produit qui est en réalité tout pourri » - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/13/food-business-rendre-joli-un-produit-qui-est-en-realite-tout-pourri_16848

    J’ai vu beaucoup d’exemples où on produisait de la nourriture que je n’aurais jamais voulu consommer. J’ai vu comment étaient fabriqués les jambons, gonflés à l’eau. C’est aussi le cas pour les poissons, les coquilles Saint-Jacques, les crustacés, les crabes, crevettes. L’ajout d’additifs aide à garder le liquide. Ce sont des produits chers donc si vous pouvez vendre de l’eau au prix du crabe c’est très tentant. J’ai aussi visité les usines pour les escargots, j’ai vu comment étaient faits les coulis, comment on importait les champignons véreux… On n’imagine pas à quel point ces process sont soit polluants, peu respectueux des gens ou bien avec des qualités très inférieures. Regardez les céréales petit-déjeuner, les poudres cacaotées dans lesquelles vous avez jusqu’à 80% de sucre. On habitue les enfants à manger des choses extrêmement sucrées. Beaucoup de produits sont des assemblages d’ingrédients basiques et pas chers. Ces produits ultra-transformés sont pauvres, déséquilibrés. On bourre d’additifs, d’arômes, de sel, de colorants pour rendre joli un produit qui est en réalité tout pourri.

  • Etablissements scolaires, refuges de l’amiante ? - Journal de l’environnement
    http://www.journaldelenvironnement.net/article/etablissements-scolaires-refuges-de-l-amiante,94171?xtor=RS

    Interdit en France en 1997, l’amiante n’en a pas fini de compter ses victimes, d’autant qu’il est encore bien présent dans le parc immobilier construit avant cette date. Notamment dans les établissements scolaires, comme le dénonce vendredi après-midi l’Andeva, lors d’une manifestation parisienne partie à 14h de la gare Montparnasse.


    L’amiante, isolant star des années 1960-1970
    DR
    #amiante #écoles

  • Amiante : un lycée mobilisé contre le déni - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/11/amiante-un-lycee-mobilise-contre-le-deni_1684755

    Au groupe Georges-Brassens, en banlieue parisienne, les professeurs exercent leur droit de retrait depuis une semaine. Une manifestation nationale est prévue ce vendredi.

    En temps normal, il est discret. « Une petite souris », disent les collègues. Consciencieux comme les scientifiques de son espèce (prof de physique-chimie) et réservé comme tout fonctionnaire dès qu’il s’agit de mettre en cause sa hiérarchie. Pas du style à s’enflammer devant un journaliste. Mercredi, à 8 heures, nous avons vu tout l’inverse. Cédric (1) s’est avancé, la colère contenue mais glacée : « La circulaire de juillet 2018 prévoit un droit d’alerte pour les fonctionnaires en cas de danger grave et imminent et de risque irréversible. Je considère que c’est le cas, la santé de mes élèves est menacée. » Ses mains tremblent, il parle fort. Il faut dire aussi que toutes les deux minutes, un avion passe si bas qu’il faut élever la voix pour s’entendre. La route qui borde l’établissement n’arrange rien.

    Bienvenue dans la cité scolaire Georges-Brassens, à Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne). Le cadre est idyllique : dans un couloir aérien d’Orly, l’établissement jouxte une déchetterie et une zone industrielle très fréquentée par les camions. Dans les parages, il y a aussi un dépôt pétrolier, classé Seveso. Les bâtiments ont été construits dans les années 60, sur une sablière… un sol instable, qui s’affaisse par endroits. « Nous avons toujours eu des problèmes de toutes sortes ici, l’histoire de l’amiante est venue s’y ajouter », résume Laurence, prof de SVT à Brassens depuis vingt-neuf ans.

    Preuves à revendre

    L’émotion est forte. Quasiment toute la salle des profs est devant les grilles du lycée, refusant en bloc de rejoindre les classes. Ils exercent leur droit de retrait depuis une semaine, estimant que leur santé et celle de leurs élèves étaient menacées par la présence d’amiante dans les plafonds de l’établissement « en mauvais état et encore plus fragilisé depuis l’incendie et l’inondation du 29 septembre », poursuit Cédric. Le matin de notre venue, l’équipe avait reçu une injonction du recteur pour qu’ils rejoignent fissa leurs postes. « Au vu des dernières analyses qui nous sont parvenues par la région - qui a la charge des bâtiments, j’insiste -, il n’y a pas de danger imminent. Donc le droit de retrait n’est pas valable », justifie l’académie de Créteil. Sauf que les 70 enseignants ont l’intime conviction du contraire. Et des preuves à revendre.

    « Nous ne prétendons pas que l’amiante tombe en permanence du plafond, encore heureux ! Mais, avec le vieillissement du bâti, elle peut tomber n’importe quand. Et il suffit d’une fois, on sait que l’amiante peut contaminer quelle que soit la durée d’exposition », déplore un ancien professeur qui a quitté l’établissement l’an dernier « sur les rotules ».

    Alain Bobbio, secrétaire général de l’Association nationale des victimes de l’amiante (Andeva), acquiesce. Il est de plus en plus sollicité par des professeurs et parents d’élèves : « Il y a un vrai problème d’amiante dans les écoles de ce pays, largement sous-estimé et méconnu. Le danger n’est pas derrière nous. Bien au contraire. Il s’aggrave avec le temps, à mesure que les bâtiments vieillissent. »

    L’Andeva organise une manifestation nationale ce vendredi pour alerter l’opinion sur la présence d’amiante dans les écoles, et « qu’enfin, les responsables agissent ». Trop souvent, dit Alain Bobbio, les autorités sont dans le déni. A commencer par les collectivités territoriales qui ont la charge de la construction et l’entretien des établissements scolaires. A l’écouter, elles préfèrent parfois fermer les yeux comme si le problème n’existait pas car, vu son ampleur, elles ne savent comment s’y atteler. Le cas du lycée Brassens à Villeneuve-le-Roi en est, pour lui, la parfaite illustration.

    Devant les grilles, les profs empilent les épisodes dans le désordre, alignent les termes techniques. On cause « flocages », « score », « fibres », « cancérogénicité sans seuil »… « Nous n’avons pas eu d’autres choix que de devenir des experts scientifiques en amiante, justifie Cyril, jeune professeur de lettres. C’est compliqué pour nous de remettre en cause notre hiérarchie, mais à partir du moment où le doute s’installe… » Cécile, prof de lettres, le coupe. « Il ne s’agit pas d’un combat politique ou syndical. Là, il est question de santé publique. Je ne ferais pas entrer mes filles dans ce bâtiment, donc je ne fais pas entrer les élèves. C’est aussi simple que ça. » Tous parlent de « responsabilité morale ». Et ce sentiment d’être abandonnés par leur institution, comme si elle ne prenait pas la mesure de ce qui est en train de se jouer.

    Mousse blanche

    Leur combat remonte au 23 novembre 2017. Ce jour-là, une collègue découvre dans sa classe une sorte de mousse blanche au sol, visiblement tombée du plafond. Elle a le réflexe d’avertir sa proviseure, et un professeur en lutte à l’époque contre la ventilation défectueuse. Lui comprend tout de suite. Il suspecte la présence d’amiante, cette fibre 400 fois plus fine qu’un cheveu et très cancérogène. Ce matériau isolant, interdit dans les constructions depuis 1997, était largement utilisé avant cette date. La proviseure enclenche la procédure de mise en sécurité, les autorités sont prévenues, la salle fermée par précaution. Le 1er décembre, un employé de la société Innax, envoyé par la région Ile-de-France, pénètre dans la salle pour effectuer des prélèvements de flocages et constate « un taux de 11,4 fibres d’amiante par litre d’air, très supérieur à la norme de 5 fibres par litre d’air ». Les jours passent. L’équipe continue de faire cours dans les salles d’à côté, les agents d’entretien lavent les sols. « Le 15 décembre, notre proviseure reçoit un coup de fil : une équipe spécialisée dans le désamiantage est dépêchée pour enlever les ordinateurs de la salle, car ils sont contaminés… voilà comment on a appris officiellement la présence d’amiante », raconte un enseignant.

    Les professeurs entrent alors dans une lutte ouverte. Ils perdent confiance dans les autorités et entreprennent de farfouiller dans les caves du lycée, à la recherche des archives. Bingo ! La présence d’amiante apparaît dans des documents écrits dès 1987, dans une lettre d’une association de parents : « Le danger augmente à mesure que les plafonds se dégradent. Faudra-t-il alerter la presse et organiser une journée portes ouvertes ? » Cette lettre figure dans l’enquête du CHSCT académique transmise à la région et à l’éducation nationale, et que Libération a pu consulter. A l’époque, face à la mobilisation des parents, les plafonds avaient été recouverts d’une couche pour isoler l’amiante - « Les remplacer coûtait plus cher… le problème, c’est qu’avec le temps, cette deuxième couche s’est à son tour détériorée », précise l’association Andeva qui aide les enseignants dans leur lutte. Sylvette, professeure d’arts plastiques au lycée depuis 1991 : « Pendant des années, à chaque fois qu’on posait la question, les autorités nous répondaient dans les yeux : "Non, il n’y a pas d’amiante". Ils nous soutenaient que c’était une légende urbaine ! Mes élèves manipulaient les dalles du plafond pour y suspendre leurs travaux… je le porte sur la conscience, je ne leur pardonnerai jamais. »

    Contre-expertises

    Dans toute cette histoire, le décalage est saisissant entre l’angoisse et la colère du corps enseignant et le discours calme et rassurant des autorités, pourtant adeptes du principe de précaution, a fortiori quand il est question de santé et d’enfants. Après l’épisode du 23 novembre 2017 et les six semaines de droit de retrait exercé par les professeurs, la région a diligenté des expertises et contre-expertises, par plusieurs sociétés. « Toutes les analyses montrent que la qualité de l’air est normale. Il n’y a pas de dissimulation, d’aucune façon », insiste encore aujourd’hui la région, ne niant pas la présence d’amiante dans les plafonds. Et celle réalisée par Innax, avec un taux deux fois supérieur ? « Cela reste un mystère », admet-on du côté de l’académie. La salle où les taux ont été mesurés est néanmoins toujours fermée. « Nous avons mis en place le protocole requis », reprend la région. Un technicien vient chaque semaine avec des « pompes à air » (pour prélever des échantillons en vue d’analyses) dans certaines classes. Et la région de tacler les anciens élus d’Ile-de-France : « Le lycée Brassens est symptomatique de l’état dans lequel l’ancienne majorité a laissé les lycées franciliens. Un tiers d’entre eux sont vétustes. Nous avons engagé un plan exceptionnel de 5 milliards d’euros entre 2017 et 2027. » Les travaux de reconstruction de Brassens, promis depuis des lustres, doivent débuter prochainement. Des préfabriqués sont en train d’être installés à l’arrière du lycée, le déménagement est prévu début novembre. « Il n’y aura plus de problème, il va être démoli et reconstruit. »

    Braham, jeune prof de philo, parle bas. Son père a un cancer à cause de l’amiante. Pour lui, « jamais une telle situation ne se serait passée dans une banlieue chic. Ils auraient agi. »

    (1) Nous avons choisi de ne pas mentionner le nom de famille des professeurs.
    Marie Piquemal Photos Stéphane Remael

    #amiante #quartiers_populaires #discriminations #santé #droit_de_retrait #école #éducation

  • Faut-il compter les #pauvres autrement ? - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/11/faut-il-compter-les-pauvres-autrement_1684746

    « La pauvreté est une chose, la misère en est une autre », écrit l’Observatoire des inégalités dans son rapport, constatant qu’« en France, 2,1 millions de personnes vivent avec au mieux 684 euros par mois pour une personne seule ». Il est alors souvent difficile de parvenir à se loger dignement sans l’aide de tiers. Pas moins de 800 000 n’ont pas de domicile personnel : 650 000 sont hébergées par de la famille ou des amis et 150 000 sont sans domicile fixe. La hausse continuelle des loyers a « massivement affecté les plus pauvres ». Ainsi la part des dépenses contraintes est passée de 24 % à 48 % de leurs budgets, selon une étude du Crédoc, citée dans le rapport. Toujours selon le centre de recherche, il ne reste plus que 80 euros par mois aux ménages les plus pauvres une fois qu’ils ont réglé leurs dépenses contraintes et incontournables. Et dans le sixième pays le plus riche du monde, l’insécurité alimentaire est encore une réalité. Le rapport cite une étude (1) menée entre 2005 et 2007 par l’Agence française de la sécurité alimentaire. Elle révèle que « 0,9 % de la population française indique ne pas avoir assez à manger, souvent ou parfois ». Ce qui représente 600 000 personnes confrontées à la faim. Cette pauvreté absolue se mesure aussi à l’ampleur des privations que déclarent les personnes concernées dans les enquêtes portant sur leurs conditions de vie menées par l’Insee. En 2016, 3,5 % signalaient une « absence de repas au moins une journée les deux dernières semaines », 5,7 % déclaraient avoir des difficultés « à maintenir leur logement à la bonne température », 9 % ne pas pouvoir offrir de cadeaux.

  • Essonne : « A la mairie, ils disent qu’on n’a pas le droit d’aller à l’école » (Libération)
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/04/essonne-a-la-mairie-ils-disent-qu-on-n-a-pas-le-droit-d-aller-a-l-ecole_1

    A Chilly-Mazarin, dans l’Essonne, des enfants hébergés par le Samu social se sont vu refuser une inscription dans les établissements de la ville. Depuis la rentrée, les familles se battent pour leur scolarisation.
    […]
    Comme la cantine, facturée au tarif extérieur, parce que « résident à l’hôtel » ne veut pas dire « domicilié » à Chilly-Mazarin. Pour ces familles, sans le sou par définition, le repas du midi est facturé 7 euros par enfant (c’est 5,80 euros fourchette haute pour les Chiroquois).
    […]
    Encouragés par l’association et ragaillardis, Joseph et Makanda tentent un coup. C’était il y a quinze jours. Un matin, ils déposent leurs enfants devant les grilles de l’école Pasteur à Chilly-Mazarin, près de leur hôtel. « Ils étaient là, avec leurs cartables, prêts à apprendre. Ils ont bien parlé à la directrice », raconte Joseph, esquissant un sourire de fierté. La directrice : « J’ai fait ce que je devais faire. J’ai procédé à l’admission provisoire, je les ai répartis dans les classes. Puis j’ai prévenu la hiérarchie, ainsi que la mairie. » La suite de l’histoire est à peine croyable. L’inspectrice a déboulé dans l’école « demandant de lui montrer les enfants du doigt. J’ai évidemment refusé, ils n’ont pas à être mêlés à ces histoires d’adultes », confiait-elle un peu sonnée au lendemain de l’affaire, et insistant pour que l’on précise qu’elle a de très bons rapports avec la direction académique de l’Essonne. « Elle m’a demandé de faire une information préoccupante [procédure pour les enfants en danger, ndlr] et d’appeler le commissariat afin que la police vienne sortir les enfants de l’école. J’ai refusé. »

    #éducation #école #pauvreté #inégalités #France2018 #délation #LR

  • La hausse de la prime d’activité en octobre n’est finalement que de 8 euros - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/05/la-hausse-de-la-prime-d-activite-en-octobre-n-est-finalement-que-de-8-eur

    Si ce décret confirme la « revalorisation exceptionnelle de vingt euros du montant forfaitaire de la prime d’activité », il procède au passage à une toute petite modification dans le calcul de cette prestation. « Le taux : "62 %" est remplacé par le taux : "61 %" », est-il écrit dans ce même décret signé par Edouard Philippe, Agnès Buzyn (ministre des Solidarités et Santé) et Gérald Darmanin (ministre de l’Action et des Comptes publics). Résultat de cette toute petite baisse d’un taux appliqué au salaire perçu par le bénéficiaire pour calculer le montant auquel il a droit chaque mois : cet automne, la prime d’activité d’un salarié au Smic augmentera en réalité de… huit euros. Et non de vingt comme les responsables de la majorité risquent de continuer à le clamer pour défendre la politique sociale du gouvernement.

    Nouveau tour de passe-passe
    « C’est quand même des enfoirés, peste un député de l’opposition. Il faudrait demander à Buzyn s’il est prévu de procéder à la même baisse du taux de cumul lors des prochaines hausses de 20 euros de la prime promise aux smicards. Ils vont commencer à déformer le barême pour se rapprocher d’un dispositif capable de s’intégrer dans le revenu universel d’existence », la future prestation sociale quasi unique annoncée par Emmanuel Macron en septembre lors de la présentation de son plan pauvreté.

    Ce nouveau tour de passe-passe vient après ceux, repérés par Libération, nichés dans le projet de loi de finances pour 2019. Que ce soit sur la prime d’activité ou l’allocation adultes handicapés, le gouvernement inscrit bien, comme annoncé, des « revalorisations exceptionnelles » (20 euros pour la première, 40 euros pour la seconde) mais, pour faire des économies, supprime l’indexation de ces prestations sur l’évolution des prix – alors que l’inflation devrait frôler les 2 % fin 2018 selon l’Insee – et, surtout, décale en fin d’année ces coups de pouce quand ils étaient prévus traditionnellement au printemps. Le débat budgétaire qui débute lundi en commission des finances de l’Assemblée promet une belle bataille de chiffres entre une majorité qui tient à prouver qu’elle agit pour les plus modestes et l’opposition de gauche, dont les députés dénonceront à coup sûr ces coups de rabots.

    #prime_d’activité #précarité #revenu #chômeurs_en_activité_à_temps_réduit

  • Essonne : « A la mairie, ils disent qu’on n’a pas le droit d’aller à l’école » - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/04/essonne-a-la-mairie-ils-disent-qu-on-n-a-pas-le-droit-d-aller-a-l-ecole_1

    A Chilly-Mazarin, dans l’Essonne, des enfants hébergés par le Samu social se sont vu refuser une inscription dans les établissements de la ville. Depuis la rentrée, les familles se battent pour leur scolarisation.

    Il a retrouvé de l’assurance. « En France, les enfants vont à l’école. Chilly-Mazarin, c’est la France ou c’est pas la France ? » Joseph, 45 ans, se tient droit, les bras croisés. Il a fui son pays - il était membre actif de l’opposition politique en république démocratique du Congo et électricien de métier. Demandeur d’asile, il est logé dans une chambre d’hôtel prise en charge par le Samu social dans l’Essonne, à Chilly-Mazarin. Il dort avec ses trois enfants : Herik, 10 ans, Souverain, 9 ans et Angélique, 7 ans. « Je suis papa et maman à la fois », résume-t-il.

    Cet été, il se rend à la mairie avec son attestation de logement pour inscrire ses enfants à l’école. Et s’entend répondre : « Il n’y a pas de place pour les enfants de l’hôtel ici, on va transmettre votre dossier. Une école d’une ville voisine vous recontactera. » Les semaines passent. « Les baskets, le cartable, j’ai tout acheté comme il faut. » La rentrée des classes arrive, mais toujours pas de réponse. Douze millions d’élèves reprennent le chemin de l’école, eux passent leurs journées à l’hôtel, trépignent et questionnent. « Tous les jours, ils me demandaient. Ils me lâchaient pas. "Pourquoi on n’y va pas ? Pourquoi papa ?" » Le père ne répond pas. « Pour leur dire quoi ? Qu’on ne veut pas d’eux parce qu’on vit ici, à l’hôtel ? Ce n’est pas intéressant de leur dire. » Il retourne faire la queue à la mairie. « Votre dossier est toujours en attente. Patientez. »

    Dans la chambre voisine, Makanda est aussi dans la panade avec son fils Patrice, 7 ans, qui tourne en rond. Elle avait quand même réussi par avoir le nom d’une école à Ballainvilliers, à « 55 minutes de bus ». Quand elle arrive dans le bureau de la directrice pour son inscription, celle-ci demande : « Mais comment vous allez faire pour l’amener et le chercher, avec tout ce trajet ? » Makanda raconte cela, assise sur le lit superposé de l’hôtel, son bébé de 5 mois assoupi à ses côtés. Elle fait non de la tête. « Tout cette route, avec le bébé. En hiver, c’est sûr, je vais pas tenir. »

    Bras de fer

    Laurent Ott, d’Intermèdes Robinson, une association qui aide les personnes en grande difficulté, enrage : « A Chilly-Mazarin, on a malheureusement l’habitude. Chaque année, on doit se battre pour que les enfants soient inscrits à l’école, la mairie invente tout un tas de choses pour les en empêcher. » Comme la cantine, facturée au tarif extérieur, parce que « résident à l’hôtel » ne veut pas dire « domicilié » à Chilly-Mazarin. Pour ces familles, sans le sou par définition, le repas du midi est facturé 7 euros par enfant (c’est 5,80 euros fourchette haute pour les Chiroquois). Le maire LR, Jean-Paul Beneytou, justifie : « C’est comme ça depuis toujours pour tous les enfants venant de l’extérieur de la ville. Pourquoi leur appliquerait-on une règle différente ? Il n’y a pas de raison. De toute façon, très peu d’entre eux mangent à la cantine. » Le plus souvent, les parents viennent en effet les chercher le temps du repas, et les font manger comme ils peuvent, les hôtels étant rarement équipés de cuisine.

    Autre coup classique, selon l’association : les refus de scolarisation en maternelle, au motif que l’école n’est obligatoire qu’à partir de 6 ans. « A chaque fois, on se bat. Parfois, il faut en appeler au Défenseur des droits. Il faut recommencer sans cesse », témoigne Béatrice Michel, membre de l’association.

    Cette rentrée, le bras de fer a pris une autre tournure. Au printemps, le maire de Chilly-Mazarin a alerté la préfecture. « Nos écoles sont saturées, nous n’avons déjà quasi plus de place pour les enfants des Chiroquois. C’est bien de vouloir accueillir tous ces gens en difficulté mais les villes se retrouvent à gérer seules. Cette situation, on ne l’a pas voulue. » L’édile explique qu’au début de son mandat, en 2014, il y avait trois enfants scolarisés venant des hôtels. « Puis les demandes n’ont cessé d’augmenter, on s’est retrouvé avec 37 enfants, vous imaginez ? » Il marque un temps, puis ajoute : « C’est facile de montrer du doigt en disant "le vilain maire". Mais l’État devrait aller au bout de sa démarche. » A l’issue d’une réunion tripartite (académie, préfecture, mairie), il est décidé de « répartir les enfants » dans les communes voisines, sans que la question de la prise en charge des tickets de transport ou des frais de cantine ne semble avoir été évoquée. En fin de semaine dernière, 16 dossiers (donc 16 enfants) étaient toujours en attente. Sans proposition de scolarisation donc, reconnaissait la mairie. « C’est une façon de décourager les familles, comment voulez-vous qu’ils fassent ? » s’indigne Laurent Ott.

    « Histoires d’adultes »

    Encouragés par l’association et ragaillardis, Joseph et Makanda tentent un coup. C’était il y a quinze jours. Un matin, ils déposent leurs enfants devant les grilles de l’école Pasteur à Chilly-Mazarin, près de leur hôtel. « Ils étaient là, avec leurs cartables, prêts à apprendre. Ils ont bien parlé à la directrice », raconte Joseph, esquissant un sourire de fierté. La directrice : « J’ai fait ce que je devais faire. J’ai procédé à l’admission provisoire, je les ai répartis dans les classes. Puis j’ai prévenu la hiérarchie, ainsi que la mairie. » La suite de l’histoire est à peine croyable. L’inspectrice a déboulé dans l’école « demandant de lui montrer les enfants du doigt. J’ai évidemment refusé, ils n’ont pas à être mêlés à ces histoires d’adultes », confiait-elle un peu sonnée au lendemain de l’affaire, et insistant pour que l’on précise qu’elle a de très bons rapports avec la direction académique de l’Essonne. « Elle m’a demandé de faire une information préoccupante [procédure pour les enfants en danger, ndlr] et d’appeler le commissariat afin que la police vienne sortir les enfants de l’école. J’ai refusé. »

    Sollicité à plusieurs reprises, le #rectorat apporte, mardi, quelques précisions, par communiqué : « Selon notre conseil, l’inspection s’est rendue dans l’école pour tenter de connaître l’identité des responsables légaux et de les contacter. » Joseph raconte avoir été reçu par l’inspectrice. « Elle m’a dit avoir trouvé une école pour eux à Massy [une ville voisine]. Qu’ils ne pouvaient pas rester là, car c’était la loi à Chilly-Mazarin. Comment payer les cartes de transport ? Pas de réponse. »

    Moquette et dorures

    En attendant, ses enfants et le fils de la voisine continuent d’aller à l’école Pasteur. On les rencontre dans leur chambre, à l’hôtel, le 26 septembre. Le bâtiment, avec ses colonnes grecques, a un drôle de look. Il est situé à la sortie de la ville, sur le parking de deux boîtes de nuit. A l’intérieur, moquette bleue à fleurs et dorures sur les rampes d’escalier. Herik, le fils aîné de Joseph, dit qu’ici, c’est « un palace ». Il n’y a que des familles hébergées par le 115 dans cet hôtel d’une centaine de chambres. Cet après-midi, Intermèdes Robinsontoque à toutes les portes, un atelier jeux est organisé au rez-de-chaussée. Des enfants sortent de toutes les chambres, joyeusement. Combien sont-ils à aller à l’école ? Difficile de savoir. « Quand tu demandes aux parents, souvent ils répondent que oui, pour ne pas perdre la face, explique Abdelnasser Pochet, éducateur spécialisé dans l’association depuis dix ans. Souvent, ils vont dans des écoles loin d’ici. Les parents tiennent bon, puis finissent par abandonner. Parfois aussi, ils demandent aux grands de garder les petits pendant qu’ils font des petits boulots. Le problème de la #non-scolarisation est beaucoup plus étendu que ce qu’on imagine et que l’on veut bien voir. » Le 17 septembre, dans les colonnes de Libération, un collectif d’associations en appelait solennellement au président de la République pour « combler le fossé entre les textes [qui garantissent le droit à la scolarisation de tout enfant] et leur application effective ». Il demandait la mise en place d’un observatoire pour « mettre des chiffres et des visages sur cette réalité méconnue ».

    Dans la salle de jeux éphémère, Herik parle de son maître génial qui fait des blagues du type : « Ça va, beau gosse ? » L’enfant s’esclaffe. Il veut être footballeur professionnel, « c’est pour ça que je dois absolument aller à l’école ». Pour info, son frère Souverain, plus intimidé, sera aussi footballeur. Et Angélique, danseuse. Elle nous regarde dans les yeux et sans sourire : « A la mairie, ils disent qu’on n’a pas le droit d’aller à l’école parce qu’on vient de l’hôtel. Mais tous les enfants doivent y aller, pas vrai papa ? » Un peu plus tôt, leur père avait fait sonner son téléphone, pour qu’on écoute sa nouvelle sonnerie : « Papa, je t’aime. T’es le meilleur papa du monde. » Un enregistrement de la petite fait au pied levé, le soir de la première journée de classe.
    Marie Piquemal , Corentin Fohlen Divergence
    [photos dans l’article]

    Non mais c’est quoi ce pays ? Le rectorat qui envoie ses chiens de garde parce qu’une directrice a eu l’outrecuidance d’inscrire des enfants dans une école. Je suis profondément choquée ! Les délinquants ne sont décidément pas là où on croit.

    #école #éducation_nationale #racisme #Chilly-Mazarin

  • Essonne : « A la mairie, ils disent qu’on n’a pas le droit d’aller à l’école »
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/04/essonne-a-la-mairie-ils-disent-qu-on-n-a-pas-le-droit-d-aller-a-l-ecole_1

    Il a retrouvé de l’assurance. « En France, les enfants vont à l’école. Chilly-Mazarin, c’est la France ou c’est pas la France ? » Joseph, 45 ans, se tient droit, les bras croisés. Il a fui son pays - il était membre actif de l’opposition politique en république démocratique du Congo et électricien de métier.


    Demandeur d’asile, il est logé dans une chambre d’hôtel prise en charge par le Samu social dans l’Essonne, à Chilly-Mazarin. Il dort avec ses trois enfants : Herik, 10 ans, Souverain, 9 ans et Angélique, 7 ans. « Je suis papa et maman à la fois », résume-t-il.

    Encouragés par l’association et ragaillardis, Joseph et Makanda tentent un coup. C’était il y a quinze jours. Un matin, ils déposent leurs enfants devant les grilles de l’école Pasteur à Chilly-Mazarin, près de leur hôtel. « Ils étaient là, avec leurs cartables, prêts à apprendre. Ils ont bien parlé à la directrice », raconte Joseph, esquissant un sourire de fierté. La directrice : « J’ai fait ce que je devais faire. J’ai procédé à l’admission provisoire, je les ai répartis dans les classes. Puis j’ai prévenu la hiérarchie, ainsi que la mairie. »

    La suite de l’histoire est à peine croyable. L’inspectrice a déboulé dans l’école « demandant de lui montrer les enfants du doigt. J’ai évidemment refusé, ils n’ont pas à être mêlés à ces histoires d’adultes », confiait-elle un peu sonnée au lendemain de l’affaire, et insistant pour que l’on précise qu’elle a de très bons rapports avec la direction académique de l’Essonne. « Elle m’a demandé de faire une information préoccupante [procédure pour les enfants en danger, ndlr] et d’appeler le commissariat afin que la police vienne sortir les enfants de l’école. J’ai refusé. »

  • Octobre 2018 : La fin de l’état de grâce pour Jean-Michel Blanquer ?

    Comme je le disais à @monolecte, je ne finis pas d’être étonné de la réussite du ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer depuis l’élection d’Emmanuel Macron.
    – Il est plébiscité dans les sondages au point d’être pressenti comme un 1er ministre de rechange pour la fin du quinquennat ;
    – Il avance dans son agenda politique sans aucune résistance ;
    – Les camarades qui ont une conscience politique mais ne sont pas spécialistes de l’Éducation s’alarment de nombreuses réformes macroniennes, mais personne ne s’émeut de ce qui se passe dans le champ éducatif.

    Il a réussi cela :
    – en détricotant des réformes précédentes impopulaires ou mises en œuvre de manière contre-productive (réforme du collège, réforme des rythmes) ;
    – en faisant profil bas (lors de son arrivée au ministère, il a dit qu’il ne toucherait à rien) ;
    – en pratiquant néanmoins la stratégie du choc (une annonce de réforme par semaine, tous les sujets sur la table, des décisions prises rapidement ne permettant pas une réaction des opposant·e·s) ;
    – en tenant le discours du pragmatisme, de l’expertise et du scientisme.
    – en séduisant les réacs de tous bords de Marianne à Valeurs Actuelles et en se positionnant sur un discours très « républicaniste ».

    [NB : Accessoirement, il a réussi cela parce que les syndicats d’enseignants ont complètement merdé les 10 dernières années et sont condamnés à une impuissance frileuse, mais c’est un autre débat.]

    Pourtant c’est une personnalité controversée, une des plus à droite de ce gouvernement :
    – Il aurait pû être le Ministre de Fillon ;
    – Il est proche des milieux, associations et think tanks (très) réactionnaires ;
    – Ses décisions (sur la pédagogie) sont régulièrement soutenues et approuvées par le RN.

    De fait, il engage, rapidement et efficacement, depuis plus d’un an des réformes de fond, à haute teneur idéologique, en rupture profonde avec les 30 dernières années, et sur lesquelles il sera très très difficile de revenir.
    Et tout ça donc : sans résistances et dans une certaine indifférence médiatico-politique.

    Pourtant, en cette automne, ça commence un peu à se (sa)voir :

    Des démissions qui illustrent à la fois le sectarisme idéologique du ministre et ses méthodes autoritaires finissent par intéresser les médias

    Entretien exclusif : Marie Aleth Grard : On ne peut plus discuter au CSP (Le Café Pédagogique)
    http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2018/10/01102018Article636740069644434920.aspx

    Marie-Aleth Grard n’était pas venue par hasard au Conseil supérieur des programmes (CSP). Auteure d’un rapport remarqué sur l’Ecole et la grande pauvreté, elle portait l’espoir d’une école ouverte à tous, et en premier lieu aux plus démunis. Sa démission du CSP, la troisième en un an, marque plus que le changement de cap du Conseil supérieur des programmes. C’est aussi l’enterrement d’un espoir. Marie Aleth Grard s’en explique auprès des lecteurs du Café pédagogique.

    Nouvelle démission au sein du Conseil supérieur des programmes (Libération)
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/02/nouvelle-demission-au-sein-du-conseil-superieur-des-programmes_1682546

    Ses adversaires (chercheurs, experts, corps intermédiaires) commencent à prendre la parole

    – Prises de paroles de haut-fonctionnaires retraités qui témoignent qu’une partie des experts, scientifiques et de la hiérarchie intermédiaire refuse de cautionner ce tournant réactionnaire et en même temps ultra-libéral.
    Par exemple :
    Le Blog de Marc Bablet (Club Médiapart)
    https://blogs.mediapart.fr/marc-bablet/blog

    – Philippe Meirieu a écrit un livre !
    [NB : Ce dernier point risque d’être contre-productif, tant son auteur, au-delà de ses apports indéniables à la vie des idées éducatives ces 30 (40 ?) dernières années, a été la figure du socialisme libéral et pour de très nombreux enseignant·e·s le nom cité de manière récurrente par leur hiérarchie pour leur expliquer qu’ils allaient pouvoir se priver des moyens supprimés avec un peu plus de pédagogie. Mais c’est un autre débat.]
    Philippe Meirieu prend la défense de la pédagogie (LeMonde.fr)
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/09/11/philippe-meirieu-prend-la-defense-de-la-pedagogie_5353220_3232.html

    Le problème c’est que le temps que tout le monde se réveille et en prenne conscience, il sera trop tard pour revenir en arrière...

    #éducation #politique #réforme

    • #politologue et ami de François Bayrou selon Libération
      https://www.liberation.fr/france/2018/10/01/mort-du-politologue-antoine-sfeir-specialiste-du-monde-arabe_1682343
      René Pétillon, aussi, est mort
      https://next.liberation.fr/culture/2006/02/06/rene-petillon-dieu-est-humour_28894
      et là, je suis sûr de ne pas me tromper. Il était dessinateur et humoriste.


      Rares sont les dessinateurs qui excellent à la fois dans la caricature politique et la B.D. PETILLON est de ceux-là, notamment avec LOUP, CABU et Claire BRETECHER."PETILLON pétille"… Certes, le jeu de mots est sans doute un peu facile, mais il résume bien l’admiration portée au créateur de « L’Inspecteur Jack Palmer », sa plus célèbre série de Bandes Dessinées.
      Né en 1945 à Lesneven (Finistère), #René_PETILLON a publié ses premiers dessins d’humour, en 1967, dans « Planète ». Le succès fut immédiat et il dut très vite partager son talent entre les nombreuses revues qui le réclamaient : « Plexus », « Penthouse », « Glamour », « Le Point », « Elle », « A Suivre », « Fluide Glacial », « Métal Hurlant », « Télérama », « L’Echo des Savanes », etc…

      En 1972, il avait publié sa première B.D. dans le fameux « Pilote » de Goscinny, le créateur d’Astérix, qui avait bien raison de lui prédire un brillant avenir dans la Bande Dessinée : en un quart de siècle, PETILLON a publié 25 albums ! Un chaque année, sans compter les recueils de dessins
      humoristiques. Le Salon International de la Bande Dessinée d’Angoulême en 1989, lui décerna son Grand Prix.
      Rien ne manquait à sa gloire... Mais il manquait à celle du « Canard ». A l’Automne 1993, le « Canard Enchaîné », qui cherchait une nouvelle plume, proposa à PETILLON de rejoindre l’équipe. Avant d’accepter, il réfléchit longuement et faillit même refuser. Sa rigueur professionnelle et son honnêteté intellectuelle le conduisaient à se demander s’il était mûr pour se lancer, à presque 50 ans, dans
      l’inconfort d’une nouvelle carrière !
      Pourtant, il avait déjà une certaine expérience du dessin politique puisqu’il avait, en mai 1968, participé avec SINE au lancement de « L’Enragé » et que, en 1976, il avait crée, avec Yves GOT, les aventures du « Baron Noir ». Mais seuls les grands sont capables de remettre en question leur propre valeur…

      Sa première parution dans le « Canard » date de février 1994. Depuis, il a publié chaque semaine, entre cinq et huit dessins dont un strip qui ouvrent souvent la « Une ».

      http://lecanardenchaine.free.fr/equipe.html

  • L’écotartuffe du mois, par Nicolas Casaux
    https://www.facebook.com/nicolas.casaux/posts/10155970187972523?__tn__=K-R

    Voudriez-vous voir se former un mouvement de résistance sérieux contre le capitalisme ? Si oui, oubliez Aurélien Barrau.

    Cet astrophysicien a récemment acquis une certaine notoriété à cause de sa perspective écologiste : il a récemment publié un appel signé par plein d’idiots utiles de l’industrie du divertissement (d’Alain Delon à Muriel Robin) demandant la restriction de certaines libertés individuelles afin de sauver la planète. Que ceux qui ont le plus profité des conforts et des luxes de la civilisation industrielle, qui sont parmi les plus privilégiés des privilégiés, se permettent de demander aux autorités qu’elles restreignent les libertés du peuple, tout de même, il fallait oser — même si l’expression "libertés individuelles" est une triste blague dans le cadre de la société technocapitaliste, bien entendu, mais c’est une autre histoire. Ainsi, cet appel est une sorte de plaidoyer en faveur de l’écofascisme prédit par Bernard Charbonneau il y a plusieurs décennies :

    « L’écofascisme a l’avenir pour lui, et il pourrait être aussi bien le fait d’un régime totalitaire de gauche que de droite sous la pression de la nécessité. En effet, les gouvernements seront de plus en plus contraints d’agir pour gérer des ressources et un espace qui se raréfient. [...] Si la crise énergétique se développe, la pénurie peut paradoxalement pousser au développement. Le pétrole manque ? Il faut multiplier les forages. La terre s’épuise ? Colonisons les mers. L’auto n’a plus d’avenir ? Misons sur l’électronique qui fera faire au peuple des voyages imaginaires. Mais on ne peut reculer indéfiniment pour mieux sauter. Un beau jour, le pouvoir sera bien contraint d’adopter une façon de faire plus radicale. Une prospective sans illusion peut mener à penser que le virage écologique ne sera pas le fait d’une opposition dépourvue de moyens, mais de la bourgeoisie dirigeante, le jour où elle ne pourra plus faire autrement. Ce seront les divers responsables de la ruine de la terre qui organiseront le sauvetage du peu qui en restera, et qui après l’abondance géreront la pénurie et la survie. Car ceux-là n’ont aucun préjugé, ils ne croient pas plus au développement qu’à l’écologie : ils ne croient qu’au pouvoir. »

    Ecofascisme qui ne résoudrait bien évidemment rien du tout, puisqu’il n’implique aucun changement fondamental.

    Aucune critique du capitalisme et de ses implications économiques mondialisées (il reconnait, certes, que le capitalisme pose quelques problèmes mais trouve qu’il a aussi des vertus), de l’idéologie qui l’anime, aucune critique du pouvoir, aucune critique des mécanismes de coercition sur lesquels il repose (il ne blâme pas plus les dirigeants que tout le peuple, nous sommes responsables, nous avons les dirigeants que nous méritons, etc., il ne comprend manifestement pas comment le pouvoir s’est organisé et se maintient), aucune critique de l’imposture démocratique, espoir placé en des actions potentielles que nos dirigeants pourraient prendre, croyance en une civilisation industrielle rendue verte grâce aux EnR, le cocktail habituel des vendeurs d’illusions de l’écocapitalisme.

    Mais pourquoi ? Pourquoi demander leur avis à des astrophysiciens ? Pourquoi demander leur avis à des gens — à des gens de la haute — qui passent leur existence à travailler sur des sujets aussi éloignés du quotidien de toutes les espèces vivantes et des réalités du monde, du monde à la mesure de l’être humain ? Bref, on a trouvé celui qui succèdera à Hubert Reeves dans le rôle de caution d’autorité astrale de l’écocapitalisme.

    (C’est une question rhétorique, bien évidemment. Le fait de demander son avis à un astrophysicien n’est qu’une incarnation de la domination de l’autorité Science, de l’expertocratie, et de l’idéologie progressiste, fascinée par l’univers et sa conquête. L’astrophysicien, qui connait (?) les trous noirs, ces choses incroyablement complexes qui nous dépassent, nous, simples mortels, doit forcément connaître la situation socioécologique terrestre. C’est une illustration parfaite de ce que c’est qu’un argument d’autorité. C’est un grand scientifique, il doit savoir. Malheureusement pas, (ultra-)spécialisation oblige. L’appel d’Aurélien Barrau et son plaidoyer pour plus encore d’embrigadement étatique sont également très bien anticipés, parfaitement même, dans le livre "Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable" de René Riesel et Jaime Semprun.)