• Rémi Brissiaud : Evaluations de CP-CE1 et dérives actuelles
    http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2018/10/19102018Article636755319854215458.aspx

    Rémi Brissiaud : Evaluations de CP-CE1 et dérives actuelles

    Où l’on apprend que les évaluations nationales, qui sont obligatoirement faites au CP et au CE1, comportent des questions à la pointe de la « didactique mathématiques » selon le ministre, qui se fondent sur un didacticien plutôt controversé et ne faisant pas consensus. Même plutôt l’inverse d’un consensus.

  • L’Éducation Nationale et l’“esprit Start-Up” : vers une nation de (micro-)entrepreneurs !

    Au niveau du Ministère
    Le Ministère a inauguré en juin dernier le 110 bis, le lab d’innovation de l’éducation nationale, un « programme d’innovation de l’éducation nationale ».

    Source : 110 bis : programme de l’inauguration du lab d’innovation de l’éducation nationale (Ministère de l’Éducation nationale)
    http://www.education.gouv.fr/110bislab/cid131006/110-bis-programme-de-l-inauguration-du-lab-d-innovation-de-l-educatio

    Dans sa description, par une sorte de retournement absurde du en même temps, le "lieu" se défend cependant d’être un simple incubateur de startups tout en avouant l’être quand même :

    Le 110 bis, c’est :
    – un « bis-lieu » : il fait partie intégrante du ministère de l’Éducation nationale mais on y fait autrement ;
    – un écosystème apprenant : les acteurs qui gravitent autour s’enrichissent mutuellement et nourrissent le 110 bis de leurs productions ;
    – un cadre neutre d’échanges horizontaux : les échanges se font dans un esprit d’ouverture et de bienveillance, toutes les idées peuvent y être exprimées ;
    – un commun : tous les usagers et partenaires du 110 bis sont à la fois dépositaires et bénéficiaires des ressources et des services du 110 bis.
    Le 110 bis, ce n’est pas :
    – un espace pour faire des réunions dans un cadre moderne mais un ensemble de ressources facilitant le travail collaboratif ;
    – une vitrine dédiée au numérique et aux nouvelles technologies : les innovations sociales, organisationnelles, de services, etc. y ont aussi toute leur place ;
    – un objet figé répondant à une description unique mais une gamme de ressources et services (compétences, équipements, financements, etc.) en constante évolution ;
    – un « fablab », un laboratoire de recherche, un incubateur, un accélérateur de startups, un espace de coworking, etc. mais sans doute un peu tout ça à la fois.
    Source : Bienvenue au 110 bis, le lab d’innovation de l’éducation nationale (Ministère de l’Éducation nationale)
    http://www.education.gouv.fr/110bislab/pid37871/bienvenue-au-110-bis-le-lab-d-innovation-de-l-education-nationale.htm

    Pour les enseignant·e·s
    Connaissiez-vous le site beta.gouv.fr ? Il a tout - jusqu’au nom - du canular, mais semble réel. Ce site porte start-ups et incubateurs, définis ainsi sous le vocable de produits :

    Le portefeuille de Startup d’État
    Une Startup d’État est un service public sans personnalité juridique propre, constituée d’une petite équipe totalement autonome.
    Elle est financée par une administration porteuse qui lui garantit un espace de liberté pour innover.
    Elle naît de l’identification d’un problème rencontré par les citoyens comme par les agents publics, qu’elle se donne pour objectif de résoudre grâce à un service numérique.
    66 Startups d’État incubées dans 6 incubateurs, 21 sorties d’incubation, dont 9 abandonnées.
    Source : https://beta.gouv.fr/startups

    Or, l’une des startups d’État concerne le dispositif des CP dédoublés, dispositif phare du Ministre et du gouvernement en terme d’éducation. Son objectif est de « Faciliter le passage en classe à 12 pour les enseignants et maximiser la valeur de ce dispositif pour les élèves ». A priori, il s’agit d’une banque de ressources pédagogiques, pour la plupart assez classiques sous forme de tutos vidéos produits par les enseignant·e·s eux·elles-mêmes, adossée à un compte Twitter (ou l’inverse ?).

    Source : Classes à 12 (Startup d’État)
    https://beta.gouv.fr/startup/classes12.html

    Et surtout… pour les élèves

    Des événements et des dispositifs doivent permettre aux enseignant·e·s de diffuser l’esprit Start’Up auprès des élèves du second degré. Ainsi l’opération “Option Startup” (octobre 2018) est présentée comme suit :

    Option Startup est l’événement de la rentrée à destination des collégiens et lycéens. […] [Il] permettra à plus de 15 000 jeunes partout en France de découvrir avec leurs enseignants des lieux d’innovation, des startups, des profils d’entrepreneurs et des métiers, peu, voire pas connus à fort potentiel de recrutement.
    Durant 4 jours, les classes sont invitées à se rendre avec leurs enseignants, dans l’un des 300 sites d’innovation et startups participants (incubateurs, startups, pépinières d’entreprises, accélérateurs, fablabs, espace de coworking, tiers lieux) pour vivre au travers de rencontres interactives, de démonstrations et d’ateliers pratiques, 600 programmes de découverte autour de 24 thématiques.
    Source : https://www.optionstartup.fr/presentation

    En suivant ces événements, le dispositif Start’up Lycée peut se déployer (cf. http://www.startuplycee.fr). L’équivalent pour les collégiens semblent avoir été envisagé (cf. http://cache.media.education.gouv.fr/file/Decouvrir_le_monde_socio_eco/05/2/Fiche_action_StartUp-College,_Startup-Lycee_Presentation_), mais ne semble pas encore exister concrètement.

    Dans le même esprit, il semblerait que les lycéen·ne·s, notamment des voies technologiques et professionnelles, soient engagé·e·s à donner à la vie lycéenne la forme de micro-entreprises, là où le modèle était jusqu’à maintenant celui du club ou de l’association. Des collègues en témoignent, quelques traces peuvent être trouvées sur des sites institutionnels locaux (établissements, académies), mais étonnamment je n’ai trouvé aucun document officiel cadrant ce volontarisme ministériel.
    Le plupart des créations de micro-entreprises lycéennes semblent être reliées au programme “Entreprendre pour apprendre (EPA France)”.
    Cf. http://www.entreprendre-pour-apprendre.fr

    Tout cela est à rapprocher de la montée en puissance depuis plus de 20 ans d’opérations, de fondations et d’initiatives ministérielles visant à “rapprocher l’école de l’entreprise”.
    Exemples :
    – un dispositif : « Faites de l’entreprise » proposé par une antenne régionale de la CGPME
    http://www.ac-lyon.fr/cid94555/-faites-de-l-entreprise-rapprocher-l-ecole-et-l-entreprise.html
    – des opérations de sensibilisation : “Semaine École-Entreprise” (novembre 2018)
    http://www.education.gouv.fr/cid56498/semaine-ecole-entreprise.html
    – des ressources ministérielles : “Éducation - Économie : rapprocher l’École et le monde économique”
    http://www.education.gouv.fr/pid30800/education-economie-rapprocher-ecole-monde-economique.html
    – la mise en place d’un conseil ad-hoc : “Le conseil national éducation-économie”
    http://www.cnee.fr
    – Un Centre d’Etudes et de Recherches sur les Partenariats avec les Entreprises et les Professions (Cerpep) proposant aux enseignant·e·s de courts stages en entreprise
    http://eduscol.education.fr/pid31533/le-cerpep-c%C5%93ur-relation-education-economie.html
    – Etc.

    Difficile de ne pas faire le lien avec les réformes en cours de l’enseignement des Sciences Économiques et Sociales :

    Adieu classes sociales et enjeux contemporains ! Reçue par le Conseil supérieur des programmes, l’Association des professeurs de SES (Apses) a du se contenter d’une présentation orale des futurs programmes. Les nouveaux programmes opèrent un net recadrage des contenus enseignés dans le sens d’un renforcement de la micro-économie et de la nette séparation entre économie et sociologie, bloquant tous débats de société.
    Source : Les nouveaux programmes aseptisés de SES dévoilés par l’Apses (Le Café Pédagogique)
    http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2018/10/09102018Article636746666141069559.aspx

    #éducation #économie #SES #entreprise #startup

  • La loi Blanquer pour réformer l’Ecole.
    http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2018/10/09102018Article636746666169351714.aspx

    « Il n’y aura pas de ’’loi Blanquer’’, et j’en serai fier », avait promis le 26 mai 2017 Jean-Michel Blanquer. Mais voilà : le gouvernement a entrepris une réforme de fond de l’Education nationale. Le premier ministre avait annoncé le 2 août 2018 qu’une « instance d’évaluation (de l’Ecole) sera créée par voie législative au 1er trimestre 2019 ». Et il faut aussi une loi pour modifier le Code de l’Education et instituer la scolarisation obligatoire à 3 ans.

    Début octobre encore, devant l’Assemblée nationale puis le Sénat, le ministre n’a rien dit du contenu de la loi. Le projet de loi vient d’en être présenté aux syndicats le 8 octobre. Sa première caractéristique est d’être un fourre tout comprenant même des mesures très locales à cote de sujets d’ampleur nationale.

    Un cadeau au privé

    Il s’ouvre sur « le lien de confiance » entre enseignants, parents ,élèves et institution scolaire, une mention sans doute chère au ministre.

    L’article 2 introduit la scolarité obligatoire à 3 ans et est suivi d’un article qui prévoit la compensation par l’Etat des dépenses des communes du fait de cette mesure au bénéfice des écoles privées. La mesure, voulue par E Macron, apparait donc comme une opportunité pour l’enseignement privé. « Il n’y a pas de changement en ce qui concerne le privé lié à cette évolution », nous avait pourtant dit le ministre le 27 mars 2018...❞

  • Octobre 2018 : La fin de l’état de grâce pour Jean-Michel Blanquer ?

    Comme je le disais à @monolecte, je ne finis pas d’être étonné de la réussite du ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer depuis l’élection d’Emmanuel Macron.
    – Il est plébiscité dans les sondages au point d’être pressenti comme un 1er ministre de rechange pour la fin du quinquennat ;
    – Il avance dans son agenda politique sans aucune résistance ;
    – Les camarades qui ont une conscience politique mais ne sont pas spécialistes de l’Éducation s’alarment de nombreuses réformes macroniennes, mais personne ne s’émeut de ce qui se passe dans le champ éducatif.

    Il a réussi cela :
    – en détricotant des réformes précédentes impopulaires ou mises en œuvre de manière contre-productive (réforme du collège, réforme des rythmes) ;
    – en faisant profil bas (lors de son arrivée au ministère, il a dit qu’il ne toucherait à rien) ;
    – en pratiquant néanmoins la stratégie du choc (une annonce de réforme par semaine, tous les sujets sur la table, des décisions prises rapidement ne permettant pas une réaction des opposant·e·s) ;
    – en tenant le discours du pragmatisme, de l’expertise et du scientisme.
    – en séduisant les réacs de tous bords de Marianne à Valeurs Actuelles et en se positionnant sur un discours très « républicaniste ».

    [NB : Accessoirement, il a réussi cela parce que les syndicats d’enseignants ont complètement merdé les 10 dernières années et sont condamnés à une impuissance frileuse, mais c’est un autre débat.]

    Pourtant c’est une personnalité controversée, une des plus à droite de ce gouvernement :
    – Il aurait pû être le Ministre de Fillon ;
    – Il est proche des milieux, associations et think tanks (très) réactionnaires ;
    – Ses décisions (sur la pédagogie) sont régulièrement soutenues et approuvées par le RN.

    De fait, il engage, rapidement et efficacement, depuis plus d’un an des réformes de fond, à haute teneur idéologique, en rupture profonde avec les 30 dernières années, et sur lesquelles il sera très très difficile de revenir.
    Et tout ça donc : sans résistances et dans une certaine indifférence médiatico-politique.

    Pourtant, en cette automne, ça commence un peu à se (sa)voir :

    Des démissions qui illustrent à la fois le sectarisme idéologique du ministre et ses méthodes autoritaires finissent par intéresser les médias

    Entretien exclusif : Marie Aleth Grard : On ne peut plus discuter au CSP (Le Café Pédagogique)
    http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2018/10/01102018Article636740069644434920.aspx

    Marie-Aleth Grard n’était pas venue par hasard au Conseil supérieur des programmes (CSP). Auteure d’un rapport remarqué sur l’Ecole et la grande pauvreté, elle portait l’espoir d’une école ouverte à tous, et en premier lieu aux plus démunis. Sa démission du CSP, la troisième en un an, marque plus que le changement de cap du Conseil supérieur des programmes. C’est aussi l’enterrement d’un espoir. Marie Aleth Grard s’en explique auprès des lecteurs du Café pédagogique.

    Nouvelle démission au sein du Conseil supérieur des programmes (Libération)
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/02/nouvelle-demission-au-sein-du-conseil-superieur-des-programmes_1682546

    Ses adversaires (chercheurs, experts, corps intermédiaires) commencent à prendre la parole

    – Prises de paroles de haut-fonctionnaires retraités qui témoignent qu’une partie des experts, scientifiques et de la hiérarchie intermédiaire refuse de cautionner ce tournant réactionnaire et en même temps ultra-libéral.
    Par exemple :
    Le Blog de Marc Bablet (Club Médiapart)
    https://blogs.mediapart.fr/marc-bablet/blog

    – Philippe Meirieu a écrit un livre !
    [NB : Ce dernier point risque d’être contre-productif, tant son auteur, au-delà de ses apports indéniables à la vie des idées éducatives ces 30 (40 ?) dernières années, a été la figure du socialisme libéral et pour de très nombreux enseignant·e·s le nom cité de manière récurrente par leur hiérarchie pour leur expliquer qu’ils allaient pouvoir se priver des moyens supprimés avec un peu plus de pédagogie. Mais c’est un autre débat.]
    Philippe Meirieu prend la défense de la pédagogie (LeMonde.fr)
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/09/11/philippe-meirieu-prend-la-defense-de-la-pedagogie_5353220_3232.html

    Le problème c’est que le temps que tout le monde se réveille et en prenne conscience, il sera trop tard pour revenir en arrière...

    #éducation #politique #réforme