• La désillusion, la dissipation du mirage, peut inciter les peuples à chercher des figures autoritaires, c’est aussi mon expérience de psychanalyste qui me l’apprend. Face à la nudité du père, on la recouvre du manteau de Noé du despotisme.

      Car nous vivons une période propice au dévoilement du mirage, nous sommes plus prêts que jamais à dire que l’Empereur est nu ; mais parallèlement, ce choix n’a jamais été aussi angoissant. Reconnaître que la place est vide est devenu d’autant plus difficile que nous avons coupé avec la tradition, et ne savons plus à quoi nous raccrocher. C’est le défi de la modernité que cette discordance des temps entre passé, présent et avenir. Comment entrer dans un avenir en intégrant le présent, quand nous n’avons plus de lien avec le passé, pas un passé momifié, empaillé, mais un passé raconté, un passé qui fait histoire ?

    • Je pense qu’il y a un équilibre à retrouver au sein de nos démocraties entre égalité et liberté, surtout lorsque la liberté n’est plus celle des Lumières mais celle de l’économisme. Le moyen de réconcilier ces deux notions n’est autre que la fraternité. Cette pensée est celle de Bergson, pour qui la fraternité doit être le fondement de la démocratie, justement parce qu’elle est, dit-il, la valeur républicaine qui « réconcilie ces deux sœurs ennemies » que sont la liberté et l’égalité. Nous sommes je crois à un carrefour de notre histoire : les humains ont besoin de justice et non de charité, qui est une forme d’oppression sociale disait Jaurès. Comment y parvenir ? Emmanuel Macron est prisonnier d’une vision saint-simonienne de l’histoire et du politique pour laquelle la société n’est rien d’autre qu’une société de production, pour laquelle le progrès social dérive du progrès technique, et pour laquelle la justice sociale n’est que le résidu de la réussite économique. Or, la mondialisation prouve qu’il n’en est rien, que les dictatures s’accommodent fort bien des économies de marché financiarisées. Emmanuel Macron s’est fait l’apôtre d’une théologie entrepreneuriale qui a déjà un peu partout dans le monde démontré ses limites. C’est celle des nouvelles élites coupées de la Démocratie et du peuple, cultivant un narcissisme de masse, peut-être aussi parce que la Démocratie s’est séparée d’elle-même.